Le marché militaire américain Par Axel Hermesse Sommaire 1. Introduction 1 2. Le marché de l’armement militaire 2 2.1. Spécificités 2 2.2. Un marché difficile 3 3. Complexité du marché militaire américain 5 3.1. Introduction 5 3.2. Le lobbying 5 4. Un regard sur l’histoire des États-Unis 6 5. Le complexe militaro-industriel 7 5.1. Introduction 7 5.2. Définition 8 5.3. L’avènement du complexe militaro-industriel 8 6. Les États-Unis: le gendarme du monde 10 7. Le Pentagone 11 8. Le système du « bottom-up » 12 9. Les différents corps de l’armée des États-Unis 12 10. Hystérie sécuritaire 13 11. Conclusion 17 Bibliographie 18 Bibliographie commentée 19 1. Introduction Trois boys scouts rapportent à leur chef de troupe que leur bonne action de la journée fut d’aider une vieille dame à traverser la rue. « C’est très bien, dit le chef, mais pourquoi vous y être mis à trois ? - Eh bien, c’est qu’elle ne voulait pas traverser1. » Cette petite histoire, racontée par un sénateur américain, illustre une caractéristique prépondérante de la politique extérieure des États-Unis: le militarisme missionnaire. C’est là un des nombreux aspects d’une nation née par les armes que nous aborderons dans le cadre de cet article, dont le but est d’offrir une meilleure connaissance du marché américain de l’armement militaire. Ainsi, des héros de guerre devenus présidents aux mécanismes du complexe militaro-industriel, en passant par l’entretien de la peur par les autorités, de l’isolationnisme devenu interventionnisme, nous tenterons d’éclairer le regard du lecteur sur la première puissance militaire au monde. En effet, toute société désirant se positionner sur un marché (pays) étranger doit au préalable recueillir des informations pertinentes sur les caractéristiques nationales. Le secteur de l’armement militaire est un domaine à haute confidentialité. Nous n’avons pas pour ambition de pénétrer dans ses mécanismes les plus secrets. Notre objectif est de développer certaines caractéristiques essentielles du marché militaire américain, utiles à toute société d’armement européenne désireuse d’y tenter sa chance. 1 Sénateur J. William Fulbright cité par MOISY Claude. L’Amérique sous les armes. Paris : Editions du Seuil, 1971, 287 p., p.7 (L’histoire immédiate). 1 2. Le marché de l’armement militaire 2.1. Spécificités En raison de la nature particulière de leur production, les entreprises d’armement ne peuvent s’adresser qu’à des clients officiels tels des gouvernements ou des forces armées. Et parmi ce panel limité de clients potentiels, une entreprise d’armement militaire étrangère pourra difficilement s’imposer sur un marché disposant d’une industrie militaire locale, logiquement protégée par le gouvernement. Cet aspect de l’armement militaire en réduit fortement la taille du marché. L’activité militaire est une « industrie hétérogène, à destination unique »2. Car elle réunit de nombreuses activités traditionnelles (métallurgie, mécanique, chimie,…) et de hautes technologies (informatique, électronique, aéronautique). Cette caractéristique ajoutée au fait d’un seul destinataire, un seul type de client, le gouvernement d’un pays, font que l’industrie de l’armement et ses partenaires sont soumis aux dures lois d’un désarmement et d’une réduction budgétaire des armées. Ces transformations du paysage ont engendré la chute de nombreuses entreprises d’armement militaire. Les spécialistes estiment qu’il ne restera d’ici 2010 qu’un nombre restreint d’entreprises militaires. Quant au thème de la reconversion souvent abordé pour les entreprises d’armement, il est délicat. Car passer d’une production militaire à une production civile n’est pas aisé, au vu des spécificités des produits militaires (faiblesse des séries, très grande fiabilité des produits, …) et de leurs exigences (modes de conception, savoir-faire,…). Il y a opposition entre les données d’une production militaire et celles d’une production civile. La Russie, en se lançant dans une politique de reconversion, a débouché sur des déconvenues considérables, en ayant sous-estimé cette question. Plus proche de nous, la Fabrique Nationale d’armes de guerre de Herstal (FN HERSTAL) s’est diversifiée à de nombreuses reprises et souvent avec succès. Citons le célèbre vélo acatène, les nombreux records remportés par les « demoiselles de Herstal », ces motos performantes de la première moitié du vingtième siècle. Pourtant, malgré ces succès, la FN s’est finalement recentrée sur son métier initial, celui qui l’a vue naître : l’armement militaire. 2 CARROUE Laurent. Les industries européennes d’armement. Paris : Masson, 1993, 237 p., p.3 (Collection Réalités CEE). 2 La nature du client, un État, et les montants importants en jeu ont tendance à faire oublier aux entreprises d’armement militaire certaines notions élémentaires de suivi des coûts de production. En outre, les prix de l’armement militaire varient fortement selon la nature du client, les quantités commandées, les accessoires accompagnant le produit ou les modifications apportées au produit pour le client. Bref, le client finance généralement les largesses de son fournisseur. En considérant cela, il apparaîtrait trop risqué pour une entreprise de passer d’une activité militaire à une activité civile, car cela impliquerait une transformation trop radicale de son fonctionnement. 2.2. Un marché difficile Avec un déploiement d’armes et d’équipement équivalent à 750 millions d’euros3, la Guerre du Golfe a fait illusion quant à la santé et aux perspectives de croissance des industries d’armements en Europe et dans le monde. Pourtant, le début des années 1990 marque la fin d’un paysage mondial figé depuis le Seconde Guerre Mondiale. L’effondrement du Pacte de Varsovie et du COMECOM4, la réunification de l’Allemagne, l’éclatement de la Yougoslavie et l’implosion de l’URSS, deuxième puissance mondiale, ont transformé les données stratégiques. Quarante-cinq ans de Guerre Froide ont modelé les esprits et favorisé l’industrie de l’armement au travers d’une course folle. Toutes les idéologies, toutes les certitudes acquises pendant cette période allaient brutalement être remises en cause. Les États-Unis et l’URSS vont même jusqu’à entamer des négociations non pas pour limiter mais pour réduire les armements accumulés. En 1991, le budget russe de la défense baisse de 20%. Il baissera ensuite de 30% en 19925. Cette baisse des dépenses militaires mondiales va persister pour atteindre en 1998 un minimum de 690 milliards de dollars. La période 1993-2002 enregistre d’importantes variations selon les pays, dominées cependant par une tendance générale à un nouvel accroissement des dépenses militaires dans la plupart des régions du monde depuis 1998. L’ensemble des pays européens a connu une diminution de 8% des dépenses militaires, principalement causée par la très forte réduction des dépenses russes du début des années 1990. En Europe occidentale, la baisse des dépenses militaires est de 6% et de 2% pour l’Union Européenne. La tendance se poursuit en Amérique du Nord avec une diminution de 6% également. 3 ibid., p.3. Conseil d’Assistance Economique Mutuelle. 5 CARROUE, Laurent, op. cit., p.17. 4 3 Cependant, les nombreuses hausses budgétaires importantes sollicitées par l’administration Bush pour la guerre en Irak (les « supplementals6 »), qui n’étaient pas inscrites dans le budget initial, devraient inverser sensiblement cette tendance. En 2002, les dépenses militaires mondiales se sont élevées à 784 milliards de dollars, dont celles des États-Unis pour 336 milliards de dollars. Il apparaît clairement que la période de déclin important des dépenses militaires qui a surgi au début des années 1990, après la fin de la guerre froide, semble révolue. L’importante concentration des dépenses militaires nous éclaire sur l’importance des États-Unis sur ce marché. En effet, ces derniers représentent à eux seuls 42,8% du total mondial. Ils sont suivis du Japon (6% du total), du Royaume-Uni (4,6%), de la France (4,3%) et de la Chine (4%). Ces cinq premiers pays totalisent ensemble 62% du total mondial. Les 15 pays de l’Union Européenne (en 2002) représentent 19,5% des dépenses militaires mondiales. Graphique : Les parts de marché, 1987-2002 (en milliards de dollars, aux prix de 2002, source : CRS) Source : Richard F. Grimmet, Conventional Arms Transfers to Developing Nations, CRS (Congressional Research Service) Report for the Congress, Washington, éditions successives. 6 MAMPAEY Luc. Dépenses militaires et transferts d’armes internationaux : quelques chiffres pour clarifier les idées, Note d’Analyse du GRIP, Bruxelles, 10 février 2004. Disponible sur : http://www.grip.org/bdg/g1012.html 4 3. Complexité du marché militaire américain 3.1. Introduction Le marché militaire est un marché en perte de vitesse où la sélection des entreprises survivantes se fera au prix d’une lutte acharnée. En plus de ces difficultés, l’obtention d’un marché pour une entreprise se fait au travers d’un lourd processus au sein de l’ État client. Un budget doit avoir été prévu à cet effet. Ce budget est voté par le Sénat et il ne fait malheureusement pas toujours partie des priorités du pays. En outre, il faut convaincre le client des qualités du produit. 3.2. Le lobbying Le lobbying est un moyen de convaincre une personne de la pertinence d’un choix qu’on veut lui imposer. On parle généralement de groupes de pression aux États-Unis. Dans la plupart des cas, et spécifiquement sur le marché militaire américain, il s’agit d’une personne, le lobbyist, travaillant en networking, c’est-à-dire au travers d’un réseau de connaissances qui lui permet de rencontrer, d’atteindre la personne de son choix. Les couloirs du Capitole grouillent de ces chasseurs de contacts, qui vont jusqu’à lier des liens avec le réceptionniste pour obtenir de précieux renseignements. Le but de ce lobbyist, une fois qu’il a atteint le sénateur visé, est de le convaincre que les intérêts de la société vont dans ceux de sa région, par exemple. Dans le cas d’un contrat de ventes d’armes de FN HERSTAL à l’armée américaine, il s’agira de démontrer au sénateur de la Caroline du Sud que si le budget pour ce contrat est débloqué, il offrira de l’emploi aux travailleurs de FNMI7. Parallèlement aux efforts du sénateur, l’entreprise pourra démarrer une campagne publicitaire dans la presse régionale afin de sensibiliser la population au produit pour lequel leur sénateur tente d’obtenir des crédits. Le complexe militaro-industriel, que nous aborderons plus loin, n’est que le reflet d’un vaste lobbying, au travers « d’une imbrication d’intérêts convergents réunissant militaires des États Majors, ingénieurs de l’armement, groupes industriels et cercles étroits du pouvoir politique »8. 7 FNMI : FN Manufacturing Incorporated, filiale américaine de FN HERSTAL, est une usine de production d’armement militaire implantée en Caroline du Sud. 8 CARROUE Laurent. op. cit., p.5. 5 4. Un regard sur l’histoire des États-Unis Le marché militaire américain est un marché de référence. Pourquoi ? Nous allons essayer de le comprendre au travers d’une analyse sommaire de son histoire. Nous comprendrons notamment pourquoi ce pays porte également le nom de « pays des armes ». Pour mieux comprendre le marché militaire américain, nous pensons qu’il est nécessaire de s’attarder sur un point de l’histoire des Etats-Unis qui a un poids certain sur la culture américaine telle que nous la connaissons actuellement : sept présidents des ÉtatsUnis ont été des héros de guerre avant leur élection. « En période d’incertitude, la République se tourne volontiers vers le héros providentiel. Ou plutôt, les partis politiques, à court de candidat convaincant pour une élection présidentielle, savent qu’un brave général est toujours un bon placement.»9 Ce fut le cas pour Georges Washington, l’un des « Founding Fathers »10, qui a commandé les armées de l’Union et mené le pays à l’Indépendance. Ensuite, William Henry Harrison qui, grâce à sa victoire sur une coalition de tribus indiennes à Tippecanoe en 1811, trouvera lui aussi le chemin de la présidence des Etats-Unis quelques années plus tard. Andrew Jackson se verra également porté vers la présidence par la gloire militaire après sa victoire sur les Anglais à La Nouvelle-Orléans en 1815. En 1846, le général Zachary Taylor mit 20 000 Mexicains en déroute à Buena Vista. Celui que l’on appelait « Old Rough and Ready »11 allait alors entrer deux ans plus tard à la Maison Blanche. Pendant la guerre de Sécession, le héros fut Ulysses Grant, chef victorieux des armées nordistes. Bien que sans expérience politique et administrative, il fut choisi par le parti républicain comme candidat à la présidence après la guerre et laissa le souvenir du plus mauvais président que les États-Unis aient connu. Le seul des sept héros de guerre devenus présidents sans avoir été au préalable général des Forces Armées fut Théodore Roosevelt. En 1898, le président McKinley déclare la guerre à l’Espagne, pour la conquête de Cuba et des Philippines. Théodore Roosevelt, alors secrétaire adjoint à la Marine, démissionna pour former avec des volontaires le premier régiment de cavalerie de l’armée américaine. 9 MOISY Claude. L’Amérique sous les armes. Paris : Editions du Seuil, 1971, 287 p., p.11. (L’histoire immédiate). 10 Littéralement « Pères Fondateurs ». 11 Que l’on peut traduire par « Vieux dur à cuire ». 6 Sa victoire lors de la charge de la colline de San Juan le conduisit d’abord à la viceprésidence, puis à la présidence à quarante-deux ans. Un record que John F. Kennedy ne battra pas. Le dernier général en date à avoir atteint la présidence fut Dwight Eisenhower après avoir également été un héros lors de la Seconde Guerre Mondiale. Pour chacun d’eux, ce fut leur auréole de soldat victorieux qui les mena à la présidence des États-Unis d’Amérique. 5. Le complexe militaro-industriel 5.1. Introduction Avant d’aborder le thème du complexe militaro-industriel américain, nous aimerions évoquer le discours d’adieux du président Dwight Eisenhower à la nation, le 17 janvier 1961. Dans les extraits de son discours, le président dénonce les aspects périlleux d’un phénomène dont il était, après tout, le produit. « La conjonction d’un immense établissement militaire et d’une vaste industrie d’armement est nouvelle dans l’expérience américaine. Son influence, économique, politique et même spirituelle, est ressentie dans chaque ville, au siège du gouvernement de chaque État, dans chaque bureau du gouvernement fédéral. Nous comprenons l’impérieuse nécessité d’un tel développement, mais nous ne devons pas ignorer ses graves implications. Notre travail, nos ressources et notre expérience sont en jeu, comme l’est la structure même de notre société. Dans les conseils du gouvernement, nous devons nous tenir en garde contre l’acquisition de l’influence injustifiée prise par le complexe militaro-industriel, qu’elle soit recherchée ou non. La possibilité d’un désastreux transfert du pouvoir existe et demeurera. Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos institutions démocratiques. Nous ne devons rien tenir pour assuré. Seuls des citoyens vigilants et informés peuvent imposer l’adaptation désirable de l’énorme machinerie industrielle et militaire de la défense nationale à nos méthodes et à nos objectifs pacifiques, de telle sorte que la sécurité et la liberté puissent prospérer ensemble. À travers toute l’aventure vécue par l’Amérique librement gouvernée, nos objectifs de base ont été de maintenir la paix, de favoriser le progrès dans les relations humaines et de promouvoir la liberté, la dignité et l’intégrité parmi les peuples et parmi les nations. Lutter pour moins que cela serait indigne d’un peuple religieux et libre…La marche vers ces nobles buts est constamment entravée par le conflit dans lequel le monde est maintenant plongé. 7 Un élément vital dans le maintien de la paix est notre établissement militaire. Nos armes doivent être puissantes, prêtes à l’action immédiate, afin qu’aucun agresseur éventuel ne soit tenté de risquer sa propre destruction.»12 Ce discours d’adieux est capital et plein d’enseignements. Car il exprime à la fois les deux grandes tendances de la pensée politique américaine : « le pacifisme démocratique et le militarisme missionnaire »13. 5.2. Définition Le complexe militaro-industriel peut être défini comme un réseau serré de complicités entre les chefs militaires, les hauts fonctionnaires civils du département de la Défense, les dirigeants des industries d’armement et les parlementaires des états où elles sont concentrées. Son plus important caractère est qu’il y a un seul client, le Pentagone, achetant des produits fabriqués spécialement pour lui par un petit nombre d’entreprises géantes américaines. 5.3. L’avènement du complexe militaro-industriel Nous tenterons dans ce chapitre de comprendre comment un tel complexe a pu ainsi voir le jour aux États-Unis. Au début du vingtième siècle, les États-Unis ont une armée régulière de 133.000 hommes et une garde nationale de 67.000 hommes14. Ce nombre limité de militaires illustre parfaitement la doctrine isolationniste établie par George Washington et appliquée jusqu’au début de ce siècle, qui énonce que la vraie politique des États-Unis est de demeurer à l’écart d’alliances permanentes avec aucune partie du monde étranger. Les États-Unis n’ont besoin à l’époque que d’une armée assurant leur propre protection. Ensuite, au travers des deux guerres mondiales de 1914 et de 1940, et sous l’influence des présidents américains de l’époque, l’effort de guerre s’est développé intensivement. C’est principalement sous l’administration Roosevelt, au cours de la Première Guerre Mondiale, que l’ère de l’engagement des États-Unis va commencer. Survient alors, pendant la Seconde Guerre Mondiale, le coup de tonnerre de Pearl Harbor15 qui fera taire les isolationnistes. Les États-Unis vont alors consacrer tous leurs efforts à édifier leur puissant arsenal. 12 Cité par MOISY Claude. op. cit., p.7-9. MOISY Claude. op. cit., p.9. 14 Ibid., p.14. 15 En 1941, une attaque surprise de bombardiers japonais détruisit la base armée américaine de Pearl Harbor. 13 8 Cette dépense énorme d’énergie et de ressources aura des conséquences inattendues. À mesure que les dépenses militaires augmentent, le chômage diminue. La guerre aura permis de ramener le plein emploi. Qui plus est, cette guerre est une guerre noble et vertueuse, celle contre un ennemi hideux s’appelant nazisme. Qui aurait alors osé s’opposer à cet effort, créé pour défendre une noble cause et offrant de l’emploi à chaque Américain ? Il n’en fallut pas plus pour aider à la naissance du complexe militaro-industriel. Précédemment les États-Unis avaient pour habitude de démobiliser fortement après chaque conflit. Mais après cette expérience, les Américains se sont mis à rêver d’un système qui maintiendrait un haut niveau de dépenses militaires, indépendamment de la guerre. Ainsi, la bonne santé économique et la prospérité du pays étaient assurées. Ils en ont d’ailleurs fait l’expérience dans l’après-guerre, fin des années 1940. Car avec la démobilisation et la reconversion des industries d’armement, le budget de la défense régresse lourdement. La conséquence est immédiate : le chômage aux États-Unis atteint à nouveau près de 6% en 1948. Il faudra attendre la guerre de Corée en 1950 pour retrouver le merveilleux phénomène de la Seconde Guerre Mondiale et sortir le pays de la dépression. Le complexe militaro-industriel va alors pouvoir se développer. Pour assurer la commande de leurs produits en priorité, les grandes entreprises d’armement américaines vont engager des militaires à la retraite. En 1969, les 100 plus gros fournisseurs du Pentagone employaient 2.072 retraités à partir du grade de colonel16. Grâce à leurs contacts au sein du Pentagone, ces retraités de l’armée serviront de lobbyists de luxe à leur nouvel employeur. Le transfert s’effectue également dans l’autre sens. La règle demeure que le chef du Pentagone et ses adjoints soient des civils, afin d’éviter l’influence abusive des chefs d’étatmajor. La loi de 1947, qui créa le département centralisé de la Défense, interdit qu’un officier de carrière en prenne la tête, sauf s’il est à la retraite depuis plus de 10 ans. Ce qui était conçu à l’origine comme une clause de sauvegarde contre l’influence abusive des chefs d’état-major est devenu rapidement un des facteurs d’éclosion du complexe militaroindustriel. Ainsi, J.F. Kennedy demanda à Robert McNamara, président de Ford, de devenir secrétaire à la Défense. À l’époque, en plus d’être le n°2 de l’automobile, Ford était fabricant de camions militaires, de fusées et d’équipements de télécommunications. Robert McNamara succéda ainsi à Charles Wilson, président de General Motors, installé par le président Eisenhower en 1953 à la tête du Pentagone. 16 MOISY Claude. op. cit., p.63. 9 Au sein de ce complexe, une grande partie de l’activité est absorbée par la répartition des crédits entre les différents corps de l’armée. Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la priorité est donnée à l’Aviation, puis à la Marine et aux Marines, et enfin l’Armée de terre. La tendance est en effet à la réduction des forces conventionnelles dont on ne considère plus avoir tellement besoin. Les guerres nouvelles se mèneront à distance. L’objectif de chaque état-major est donc de modifier cette répartition budgétaire à son avantage. Cela implique une lutte sourde et acharnée pour orienter la stratégie dans le sens de l’utilisation optimum de son corps d’armée. 6. Les États-Unis : le gendarme du monde Après la seconde guerre mondiale, les États-Unis seront élevés au rang de super- puissance, avec pour seul rival l’Union soviétique. Ce statut, ajouté au contexte de la Guerre Froide, a conféré aux États-Unis un rôle de gardien de la paix mondiale. Finies les théories isolationnistes des Pères Fondateurs, le pays va maintenant s’impliquer dans chaque conflit et aura pour mission de défendre chaque peuple contre l’ennemi. Le conseiller du président Nixon, Henry A. Kissinger, décrit fort bien ce phénomène : « Le folklore américain est plein d’idées préconçues : d’après lui les autres nations ont des intérêts, mais nous avons des responsabilités ; elles recherchent l’équilibre des forces, et nous les exigences juridiques de la paix »17. Cet esprit missionnaire se retrouve chez beaucoup de hauts fonctionnaires américains, notamment chez le secrétaire d’ État de l’époque, Dean Rusk : « Nous n’avons pas de querelles avec les communistes ; toutes nos querelles sont celles des autres »18. D’où le militarisme missionnaire dont nous parle Claude Moisy. S’équiper de l’armée la plus forte et la plus puissante pour d’abord dissuader l’ennemi, et le terrasser s’il résiste. Cette théorie de la dissuasion se retrouve également dans les paroles du même Henry A. Kissinger, qu’il décrit comme « cette politique qui consiste à prévenir l’action de l’adversaire en lui exposant les risques qu’il ne peut vouloir prendre »19. Et les États-Unis sont passés maîtres dans cet art. Avant la guerre du Vietnam, et la faible remise en question du complexe militaro-industriel, l’armée américaine comptait plus de 3.500.000 hommes en uniforme, plus de 1.000.000 d’hommes répartis dans 400 bases et installations secondaires hors du territoire américain, un arsenal de plus de 15.000 avions, de 863 navires et 2.300 engins nucléaires ! Ajoutés aux 1.250.000 employés civils, ils font du Pentagone le plus gros employeur au monde. 17 KISSINGER Henry A. Pour une nouvelle politique étrangère américaine. Paris : Fayard, 1970, 150 p., p.101. (Le monde sans frontières). 18 Ibid., p.102. 19 Ibid. p.19. 10 7. Le Pentagone Le Pentagone, département de la Défense, fut construit en 1941 sur ordre de Roosevelt. Il avait pour fonction de regrouper à Arlington, Washington DC, tous les services de la Défense nationale. Actuellement il abrite à peine un tiers du personnel administratif. Le Pentagone, organisme central autour duquel s’articule le complexe militaroindustriel, est comme nous l’avons vu le plus gros employeur au monde. Mais ce n’est pas sa seule caractéristique, il multiplie les superlatifs. Les données suivantes datent de 1970. Quelle que soit leur évolution depuis lors, elles restent le reflet de la démesure du système militaire américain. Le Pentagone est le plus gros propriétaire avec 13 millions d’hectares de bases, d’installations et de terrains de manœuvres aux États-Unis et à l’étranger. Il est la plus riche entreprise avec 200 milliards d’actifs sous forme de propriétés et d’équipement. C’est le plus gros acheteur. Rien que pour l’année 1969, il a passé 200.000 contrats de fournitures pour une valeur de 40 milliards de dollars à 100.000 fournisseurs principaux20. C’est le plus grand réseau de radio et télévision du monde avec D.O.D. (Department of Defense) : 350 stations dont 35 stations de télévision dans une trentaine de pays étrangers. Le plus gros éditeur, toujours avec D.O.D. : plus de 1450 journaux, hebdomadaires, revues, distribués dans le monde entier. Le Pentagone est également le plus gros producteur de courts métrages, la plus grande firme de relations publiques et de publicité… Tout cela rassemblé dans le plus grand bâtiment au monde : le Pentagone. Nous l’avons vu précédemment, le marché militaire est caractérisé par l’unicité des clients. Aux États-Unis, le client unique, celui qu’il faut séduire, c’est le Pentagone. D’où l’intérêt de le connaître, lui et son histoire, afin d’adapter au mieux les messages de sa communication. 20 MOISY Claude. op. cit., p.25. 11 8. Le système du ‘bottom up’ Le complexe militaro-industriel nous a appris comment les contrats se négociaient dans les hautes sphères du Pentagone et de l’industrie militaire. Seulement, dans un pays où l’arme en général a une telle importance, la décision ne dépend pas que des hauts gradés. Elle est fortement influencée par les troupes, qui sont les utilisateurs finaux du produit. Le système que nous appellerons « bottom up » explique comment une décision peut être influencée par le bas de la pyramide, c’est-à-dire les troupes. Bien que le soldat n’ait aucun pouvoir de décision réel, il peut arrêter un projet d’achat si l’arme ne rencontre pas ses exigences. Il a dans ce cas tous les pouvoirs, car son supérieur ne l’obligera jamais à défendre son pays avec une arme inefficace. Cependant, dans le cas inverse, le soldat peut suggérer l’achat d’une arme qui l’a convaincu, mais il aura moins d’influence sur la décision finale ou sur l’obtention du budget. Dans ce cas, le projet est initié en bas et implémenté en haut. Contrairement au système européen, le « top dow », où la décision est prise uniquement par les hautes instances de l’état-major. Ce système met en évidence le fait qu’il est important d’orienter sa communication vers l’utilisateur final, tout en faisant pression au niveau de l’état-major et les responsables politiques. Car si leur pouvoir d’initiative est restreint, leur pouvoir d’arrêt d’un projet est considérable. 9. Les différents corps de l’armée des États-Unis L’armée des États-Unis est constituée de quatre grands corps : Army, Navy, Air Force et U.S. Marines Corps. Les trois premiers sont l’équivalent de la Force Terrestre, la Marine et la Force Aérienne belges. U.S. Marines Corps est un corps unique, que l’on ne trouve pas dans une autre armée. • Army est donc l’Armée de Terre. Elle est composée de divisions, elles-mêmes constituées de brigades, ces dernières regroupant les régiments. Les grandes divisions de l’Armée de Terre sont les blindées, l’infanterie, l’artillerie, la reconnaissance, les transmissions, le génie, la logistique et les divisions anti-chars et anti-aériennes. 12 • Navy est la Marine. Elle est constituée d’une flotte de bateaux de type cuirassier, porte-avions,… Elle dispose de sa propre logistique, de son propre service de transmission. Comme Army, elle possède également ses propres Forces Spéciales (Seals)21. • Air Force est la Force Aérienne. Elle comprend des avions destinés au bombardement, à la chasse, et au transport. Elle dispose de ses propres troupes au sol, assurant notamment le soutien technique et la protection d’aérodromes. Elle peut également compter sur l’appui de Forces Spéciales. • U.S. Marines Corps est un corps à part dans l’armée américaine. Il est une armée dans l’armée. Le corps des fusiliers marins est devenu une force de déploiement rapide, disposant de ses avions et hélicoptères de combat ou de transport, de ses troupes d’infanterie, de parachutistes,… Une des grandes forces de l’armée américaine est sa logistique. C’est principalement sa puissance qui assure le succès de l’armée américaine dans ses missions. 10. Hystérie sécuritaire L’esprit missionnaire présent dans l’inconscient collectif américain est une des caractéristiques du marché militaire américain. Elle participe à la compréhension des mécanismes qui animent entre autres le complexe militaro-industriel. L’hystérie sécuritaire est un terme certes sans équivoque. Pourtant, il apparaît approprié pour cerner encore mieux le marché américain. Avant le drame de Pearl Harbor en 1941, avant donc que le nazisme ne touche concrètement les Américains, l’isolationnisme était la politique en Amérique du Nord. Ne pas conclure d’alliance avec d’autres pays, se tenir à l’écart des conflits qui n’étaient pas les leurs… Tout concourrait à la quiétude du peuple américain. Pourtant, après leur victoire contre l’Allemagne et leur avènement comme l’une des premières puissances militaires au monde (avec l’URSS), les États-Unis se sentiront alors pousser des ailes. Ils venaient de découvrir qu’un haut niveau de dépenses militaires maintenait un taux de chômage bas. Ils rêvent alors d’un système qui maintiendrait ces dépenses élevées. 21 Pour Sea Air Land. 13 Qu’y a-t-il de mieux pour maintenir un haut niveau de dépenses militaires qu’un ennemi menaçant sa propre sécurité ? La guerre de Corée sera le déclencheur de la guerre froide. Pendant 45 ans, à renfort d’espionnage, d’opérations secrètes et d’intimidation nucléaire, ces deux puissances militaires vont s’affronter. Le peuple américain fait alors connaissance avec l’ennemi communiste, qui légitimera à ses yeux l’effort militaire déployé. Citons pour exemple Claude Moisy en 1971 : « Il est clair que, dans une démocratie, on ne saurait consacrer la moitié des ressources de l’État à une activité qui ne soit pas approuvée par la majorité des citoyens. Il n’a été possible de faire avaler par les Américains ces milliers de missiles stratégiques, ces super bombardiers et ces sous-marins nucléaires que parce que l’électeur a toujours été convaincu de leur nécessité. L’Établissement militaire n’a pu croître et multiplier à l’intérieur comme en dehors des frontières que parce que l’électeur a toujours été persuadé qu’une armée forte et en état d’alerte constante aux quatre coins du monde était le meilleur gage de sa sécurité. Des notions aussi profitables s’entretiennent soigneusement. Et l’on comprend que les étatsmajors et leurs alliés des industries d’armement attachent une grande importance au « front de l’intérieur » où le combat consiste à entretenir le citoyen dans la crainte de l’Apocalypse rouge. 22» Et pour mener efficacement ce front de l’intérieur, l’Armée est impliquée dans l’éducation du public. Ce rôle a été officiellement consacré en mai 1958 sous la présidence du général Eisenhower, par une décision du Conseil national de sécurité autorisant les officiers des Forces armées à organiser ou à participer à des colloques, des séminaires ou des conférences publiques sur les problèmes intéressant la Défense nationale. À l’origine, le but de cette décision était d’éveiller la conscience collective aux dangers du communisme. Le but est certes louable, mais cette mesure va permettre d’entretenir la crainte chez les citoyens. En outre, partant du principe que tout ce qui est bon pour les Forces armées est bon pour la nation, ces militaires missionnaires vont devenir les avocats permanents du complexe militaro-industriel. 22 MOISY Claude. L’Amérique sous les armes. Paris : Editions du Seuil, 1971, 287 p. (L’histoire immédiate). 14 En plus de ces militaires conférenciers, le Pentagone a adopté une stratégie de promotion quasi commerciale, dont le produit phare est la sécurité nationale. Paradoxe de la manœuvre, celui qui finance la publicité est celui qui paye la marchandise : le contribuable. Chaque état-major a son propre programme de relations publiques, axé naturellement vers l’acquisition de matériel nécessaire à l’accomplissement de ses missions. Après la chute du mur de Berlin en 1989, symbolisant la fin de la guerre froide, les États-Unis se retrouvent sans ennemi juré. Très vite pourtant, se présente un danger. L’Irak menace l’équilibre mondial en envahissant le Koweït. Une coalition mondiale rétablit alors immédiatement l’ordre, sans pour autant renverser le dictateur. Les années qui suivirent connaîtront le déclin éphémère des dépenses militaires mondiales. Puis survint le choc des attentats du World Trade Center, le 11 septembre 2001. Le terrorisme islamiste déclare la guerre aux États-Unis, qui se découvrent vulnérables. Pour la première fois, et sans déclaration préalable, une attaque était portée sur le territoire continental américain. À un moment où les Américains se sentaient à l’abri de toute menace, cet acte terroriste a paru d’autant plus inadmissible23. Le président Bush va alors décréter l’état de guerre et, en réponse, renversera le régime des Talibans en Afghanistan, considéré comme le vivier des têtes pensantes des attentats du World Trade Center. La Global War On Terrorism (GWOT24) était née. Les États-Unis ont trouvé un ennemi à combattre, un ennemi qui justifiera le déploiement de troupes américaines dans le monde et l’augmentation du budget consacré à la défense. Depuis les attentats du WTC, l’hystérie sécuritaire est présente chez les Américains, et elle est entretenue par les autorités. Car une fois revenu le calme, la peur tend à disparaître si la crainte de nouveaux dangers ne se fait pas sentir. Dans sa note d’analyse du 10 février 2004, Luc Mampaey, attaché de recherche au GRIP (Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité) met en lumière une information importante, emblématique d’une dérive sécuritaire que rien ne semble pouvoir enrayer aux États-Unis : l’armement des flottes de l’aviation commerciale n’est plus qu’une question de mois25. L’objectif poursuivi par une telle mesure est la protection des vols commerciaux des attaques de missiles sol-air portatifs, les MANPADS (MAN Portable Air Defense Systems). 23 PORTES Jacques. Les États-Unis aujourd’hui, les maîtres du monde ? Paris : Larousse, 2003, 127p., p.19 (Petite encyclopédie). 24 BEAUFAYS Jean. La démocratie après le 11 septembre. Liège : Les Editions de l’Université de Liège, 2003, 261 p., p.103 (Sociopolis). 25 MAMPAEY Luc. L’hystérie sécuritaire, moteur de la relance américaine : l’exemple du programme « Manpads », Note d’Analyse du GRIP, Bruxelles, 10 février 2004. Disponible sur :http://www.grip.org/bdg/g1011.html 15 La menace semble bien réelle. Les Nations Unies estiment que quelques 500.000 Manpads seraient actuellement disponibles sur le marché noir, pour un prix oscillant entre 500 et 250.000 dollars. Mais si ces mesures de lutte contre la prolifération des Manpads à travers le monde sont les bienvenues, l’empressement américain, assez inhabituel, cache aussi des enjeux économiques importants. En octobre 2003, le DHS (Department of Homeland Security26) lançait un appel à proposition aux entreprises afin d’adapter aux besoins de l’aviation civile des technologies déjà opérationnelles sur les avions militaires. Les sociétés retenues recevront $2 millions pour un contrat de six mois au cours desquels elles devront conformer les systèmes militaires de défense anti-missile aux contraintes commerciales (sécurité des populations, maîtrise des coûts de production, …). L’enjeu pour ces sociétés est énorme. En effet, rien qu’aux États-Unis, 6.800 avions devront être équipés de ces systèmes de défense. À raison de $1,5 à $3 millions par avion, cela représente une manne de $10 à $20 milliards pour l’ensemble de la flotte27. En outre, cette mesure s’étendra visiblement en dehors des ÉtatsUnis. British Airways a annoncé être en pourparler avec Boeing et Airbus pour l’intégration d’un système anti-missile sur ses avions. Néanmoins, l’efficacité de cette mesure semble relative. Car le temps nécessaire à l’armement de la flotte civile pourrait rendre le système obsolète avant sa mise en place complète. Certains experts estiment qu’il faudra environ six années de travail pour équiper 3.000 avions. La grande majorité des avions commerciaux restera donc vulnérable pour de longues années. Et lorsque les derniers avions seront équipés, l’évolution des Manpads rendra le système obsolète. Il ne restera plus alors au DHS qu’à lancer un nouveau programme. L’industrie y trouvera son compte. La motivation réelle d’un tel programme s’avère donc être l’alimentation des dépenses publiques en se focalisant sur des domaines chers à l’électorat conservateur et aux industries de l’armement. Le complexe militaro-industriel subsiste bel et bien. Les dépenses militaires semblent désormais le principal instrument des néo-conservateurs pour relancer la croissance, au prix d’un déficit budgétaire grandissant (4,5 % du PIB). Du point de vue des capitalistes, la défense est le meilleur investissement pour la bonne raison qu’il est celui qui contribue le moins au renforcement de la classe ouvrière et des syndicats. « Même si, pour justifier une telle diversion des fonds publics, il faut un certain degré de répression politique que l’on parvient très bien à imposer en faisant appel au patriotisme et en alimentant la crainte d’une menace extérieure – puis inexorablement en faisant la 26 27 Le DHS a été crée au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. MAMPAEY Luc, op. cit. 16 guerre28 ». 10. Conclusion L’histoire des États-Unis d’Amérique est parsemée de conflits armés et de présidents anciens héros de guerre. Lorsque ces derniers ont compris qu’un haut niveau de dépenses militaires aidait à maintenir un taux de chômage bas et une croissance importante (au détriment du déficit budgétaire tout de même), les États-Unis ont abandonné leur politique isolationniste pour s’inscrire dans tous les conflits où ils avaient un quelconque intérêt. En outre, l’opinion publique est intimement persuadée de la nécessité d’une armée forte présente aux quatre coins du monde pour la protection du peuple américain. Les forces mises en place par le complexe militaro-industriel ont été efficaces à ce niveau. Ce militarisme missionnaire, combiné au pacifisme démocratique, ou l’exportation forcée des bonnes valeurs démocratiques américaines, participe aux dépenses militaires gigantesques que consentent les États-Unis. Et avec l’entretien de l’hystérie collective, la crainte de l’ennemi, par les autorités, l’opinion publique ne risque pas de changer d’avis. Ces multiples aspects des États-Unis en font un marché porteur et prometteur pour toute entreprise d’armement militaire qui déciderait de s’y développer. Mais pour parvenir à ses fins, elle devra maîtriser le fonctionnement du complexe militaro-industriel, son lobbying, ses États majors, ses troupes, afin de tirer profit du système américain. 28 GUMBEL Andrew. How the war is driving the US economy. The Independent, 6 janvier 2004. 17 Bibliographie Ouvrages • BEAUFAYS Jean. La démocratie après le 11 septembre. Liège : Les Éditions de l’Université de Liège, 2003, 261 p. (Sociopolis). ISBN 2-930322-68-3 • CARROUE Laurent. Les industries européennes d’armement. Paris : Masson, 1993, 237 p. (Collection Réalités CEE). ISBN 2-225-83925-5 • CORDELLIER Serge. Le nouvel état du monde : les 80 idées-forces pour rentrer dans le 21è siècle. Paris : Éditions La Découverte & Syros, 1999, 263 p. ISBN 2-7071-3090-7 • MOISY Claude. L’Amérique sous les armes. Paris : Éditions du Seuil, 1971, 287 p. (L’histoire immédiate). • KASPI André. L’indépendance américaine. Paris : Éditions Gallimard / Julliard, 1976, 249 p. (Collection Archives). • KISSINGER Henry A. Pour une nouvelle politique étrangère américaine. Paris : Fayard, 1970, 150 p. (Le monde sans frontières). • PORTES Jacques. Les États-Unis aujourd’hui, les maîtres du monde ? Paris : Larousse, 2003, 127p. (Petite encyclopédie). ISBN 2-03-575122-5 Articles électroniques • MAMPAEY Luc. Dépenses militaires et transferts d’armes internationaux : quelques chiffres pour clarifier les idées. Note d’Analyse du GRIP, Bruxelles, 10 février 2004. Disponible sur : http://www.grip.org/bdg/g1012.html • MAMPAEY Luc. L’hystérie sécuritaire, moteur de la relance américaine : l’exemple du programme « Manpads ». Note d’Analyse du GRIP, Bruxelles, 10 février 2004. Disponible sur : http://www.grip.org/bdg/g1011.html Article de presse • GUMBEL Andrew. How the war is driving the US economy. The Independent, 6 janvier 2004. 18 Bibliographie commentée ARON Raymond. République impériale. Les Dans la première partie de l’ouvrage, les États-Unis dans le monde. 1945-1972. Paris : chapitres un et deux exposent le contexte entre la Calmann-Lévy, 1973, 337 p. fin de la Seconde Guerre Mondiale et le début de la guerre froide. Le chapitre quatre de la seconde partie dépeint les effets de l’impérialisme américain sur la politique, la population et le militaire. BERNHEIM Nicole. Les années Reagan. Paris : Le chapitre intitulé « Quatre ans d’euphorie » Stock, 1984, 234 p. donne une image intéressante du contexte de l’époque (guerre tiède, isolationnisme américain). BERTRAND Claude-Jean. Les États-Unis. Le chapitre « Post World War Two » renseigne Histoire et civilisation. Nancy : Presses sur le contexte politico-économique des États- Universitaires de Nancy, 1991, 402 p. Unis d’après guerre et sur le complexe militaro- ISSN 2-86480-567-7 industriel. CORDELLIER Serge. Le nouvel état du monde : La lecture de la seconde partie de l’ouvrage est les 80 idées-forces pour rentrer dans le 21è conseillée pour une bonne compréhension de la siècle. Paris : Éditions La Découverte & Syros, géopolitique et des relations internationales qui 1999, 263 p. prévalaient à l’aube du XXIe siècle. ISBN 2-7071-3090-7 HEFFER Jean. Les États-Unis de Truman à La lecture du chapitre premier de l’ouvrage nous Bush. Paris : Armand Colin, 1990, 190 p. renseigne sur l’histoire des États-Unis de 1945 à (Collection Cursus). 1989. Le chapitre six traite de la superpuissance ISBN 2-200-33074-X américaine et des moyens mis en œuvre pour atteindre ses fins. MAILER Norman. Pourquoi sommes-nous en Essai intéressant de la part du célèbre écrivain guerre ? Paris : Editions Denoël, 2003, 109 p. américain, en ce sens qu’il traduit fidèlement ISBN 2-207-25512-3 dans sa première partie (XI/IX) l’incompréhension d’un peuple touché sur son sol, et la naissance 19 de l’hystérie sécuritaire qui s’en suivra. NEVINS Allan, STEELE COMMAGER Henry. Les derniers chapitres (à partir de « Franklin D. Histoire des États-Unis. 8e édition. Paris : Roosevelt et le New Deal) traitent de l’évolution Economica, 1989, 1036 p. de la politique américaine, de l’isolationnisme à l’interventionnisme de nos jours. REMOND René. Histoire des États-Unis. 15e L’ouvrage comporte un chapitre intéressant édition. Paris : Presses Universitaires de France, intitulé « Isolationnisme et impérialisme » 1990, 127 p. (Que sais-je ?). (chapitre sept). ISBN 2-13-042895-9 20