Annexe 4_POS_GB (06-02-2014)

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Procédure SIOS 2 Grands Brûlés
ANNEXE 4 : Indications et modalités des thérapies décompressives
chez le patient brûlé
(DR Goffinet L ; d’après les recommandations de l’American Burn Association (ABA),
DJ Orgill, N Piccolo, J Burn Care Res 2009; 30:759-768)
Ce document est destiné aux chirurgiens préférentiellement plasticiens ou traumatologues, en charge
de patients grands brûlés en milieu hospitalier, travaillant concomitamment avec un anesthésisteréanimateur assurant la réanimation initiale du patient avant leur transfert en Centre de Traitement
des Brûlés.
1. DÉFINITIONS
1.1.
Thérapies décompressives (decompressives therapies) :
C’est l’ensemble des gestes techniques chirurgicaux destinés à éviter une défaillance
tissulaire ou d’organe(s) en lien avec une augmentation de pression dans l’espace
anatomique le(s) contenant. Cet espace anatomique peut être un membre, une loge
aponévrotique ou un compartiment anatomique fonctionnel (thorax, abdomen, cou,
orbite). L’augmentation de pression peut-être multifactorielle : perte de l’élasticité
tégumentaire directement en lien avec la brûlure profonde, lésion entraînant un œdème
lésionnel au sein d’une loge inextensible (passage d’un courrant à haut voltage au sein
d’une loge musculaire) ou consécutive d’une augmentation de volume des secteurs
liquidiens extra-cellulaires (sur remplissage, défaillance d’organe avec insuffisance
rénale anurique).
Ces gestes chirurgicaux sont : les escarrotomies, les aponévrotomies, les
décompressions nerveuses, la décompression orbitaire et les laparotomies
décompressives.
1.2.
Escarrotomie (escharotomy) :
Technique chirurgicale sectionnant le tégument brûlé (2éme degré profond et troisième
degré) depuis l’épiderme jusqu’au fascia superficialis compris mais respectant les
aponévroses profondes depuis la berge péri-lésionnelle saine jusqu’à l’autre berge
péri-lésionnelle saine et traversant l’escarre de brûlure perpendiculairement à l’axe de
compression de celui-ci sur les tissus sous-jacents.
1.3.
Aponévrotomie (fasciotomies) :
Technique chirurgicale sectionnant les aponévroses des loges anatomiques dans leur
grand axe pour permettre à leur contenu une augmentation de volume.
1.4.
Décompression nerveuse (nerve release) :
Technique chirurgicale libérant un nerf présentant des signes cliniques de souffrance.
ANNEXE 4 : Indications et modalités des thérapies décompressives chez le patient brûlé - MAJ Janvier 2014
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Laparotomies décompressives (decompressive laparotomies) :
Techniques chirurgicales permettant de diminuer la pression intra-abdominale : elles
comprennent les techniques ouvertes de laparotomies médianes (Hershenberger, J
Burn care research 2007) et les thérapies moins invasives comme la pose de drain de
paracentèse (Latenser, J burn care rehab 2002).
2. RECOMMANDATIONS DE L’ABA :
2.1.
Les extrémités ou la paroi thoracique antérieure présentant des lésions de
brûlures profondes circulaires ou proches de la circularité peuvent conduire à une
ischémie par augmentation de pression concomitant de la réanimation hydroélectrolytique. Ces lésions doivent donc bénéficier d’escarrotomies par incision de la
peau brûlée libérant le tissu sous-cutané. Grade B
2.2.
La disparition des pouls distaux des membres au doppler est une indication
indépendante d’escarrotomies. Mais la présence d’un pouls au doppler n’est pas
garante d’une bonne perfusion tissulaire. Grade B
2.3.
La mesure des pressions intra-compartimentales peut être réalisée : une pression
supérieure à 40 mmHg est une indication indépendante d’escarrotomie. Toute
pression supérieure à 25 mmHg doit faire rechercher d’autres signes d’ischémie et
conduire à une surveillance rapprochée, au moindre doute, les incisions seront
réalisées. Grade B
2.4.
Le tracé des escarrotomies est longitudinal à travers la peau brûlée et évite les
pédicules vasculo-nerveux sous-jacents. Si la vascularisation tégumentaire n’est pas
restaurée, il convient de procéder à une deuxième incision longitudinale
controlatérale à la première sur la section anatomique considérée. Grade B
2.5.
Les brûlures associées à d’autres traumatismes comme les électrisations à haut
voltage et les syndromes d’écrasement requièrent d’autres thérapies
décompressives comme les aponévrotomies et les décompressions nerveuses.
Mais il est inhabituel d’avoir recours à des aponévrotomies dans le cadre de brûlures
thermiques simples. Grade B
2.6.
Les escarrotomies thoraciques peuvent améliorer la fonction respiratoire et les
fonctions hémodynamiques du patient. Grade B
2.7.
L’hypertension intra-abdominale peut conduire à un syndrome compartimental
abdominal, que ce soit dans le cadre d’une brûlure profonde étendue de l’abdomen ou
d’un excès liquidien concomitant de la réanimation indépendamment de lésions
abdominales. Celle-ci doit être traitée par décompression par cathéter intra péritonéal
ou par laparotomie décompressive. Grade C
2.8.
La mesure des pressions intraoculaires doit être réalisée pour les lésions profondes de
la région orbito-palpébrale ou en cas d’œdème majeur concomitant de la réanimation
hydro électrolytique. Une décompression orbitaire par incluant une escarrotomie avec
canthotomie latérale doit être considéré en cas de nécessité. Grade C
(En pratique les équipes pratiquant ces incisions les réalisent pour une pression
moyenne intra-oculaire de 59 mmHg, Singh et al. Oph PRS, 2008).
ANNEXE 4 : Indications et modalités des thérapies décompressives chez le patient brûlé - MAJ Janvier 2014
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3. OPTIONS PROPOSEES PAR L’ABA :
3.1.
Il est conseillé de prendre contact avec le centre référent de brûlés si une
indication se présente ou au mieux de transférer si possible le malade.
3.2.
Idéalement les chirurgiens doivent être entraînés. À défaut, la connaissance de
l’anatomie (nerf, vaisseaux, organes et tendons) de la région concernée doit être
connue de l’opérateur.
Il peut donc être utile d’avoir recours à l’aide spécialisée d’un confrère pour certaines
régions anatomiques (ophtalmologistes pour la région orbito-palpébrale, ORL ou
Maxillo pour la région cervicale, orthopédiste pour les membres). Le plasticien doit
normalement pouvoir prendre en charge l’ensemble des indications d’un patient en
dehors des thérapies décompressives abdominales, qui devra être pris en charge par
une équipe de chirurgiens viscéraux.
3.3.
Les méthodes non invasives comme le doppler ou l’oxymétrie de pouls peuvent
être utiles mais des valeurs normales n’excluent pas un syndrome
compartimental.
En pratique des recommandations sont différentes pour le seuil de sensibilité de
l’oxymétrie de pouls à l’ischémie selon les auteurs : certaines retiennent une indication
de l’escarrotomie pour toute diminution en-dessous de 95%, d’autres 90%. Au mieux
une différence supérieure ou égale à 6% entre le membre atteint et le membre
controlatéral (s’il est sain) est une bonne indication de la nécessité d’escarrotomie.
3.4.
Les incisions prophylactiques des brûlures circulaires profondes sont justifiées
avant tout signe d’ischémie.
3.5.
Les indications d’escarrotomies thoraciques et de décompressions abdominales
doivent être envisagées pour les patients brûlés avec dysfonction pulmonaire ou
hémodynamique.
3.6.
Les thérapies décompressives nerveuses doivent être envisagées devant tout
signe de compression nerveuse : paresthésies, hypoesthésies, parésies et
paralysies.
En pratique, les brûlures électriques même de bas voltage (<1000 V) peuvent entraîner
un syndrome de compression nerveuse. La physiopathologie suit la loi physique U=R*I
concomitamment à la règle biologique du tissu le plus conducteur : le courrant passe
préférentiellement par les tissus chargés ioniquement (nerfs et vaisseaux) et dégage
un effet thermique lié à l’effet joule quand la résistance est la plus importante (section la
plus étroite avec le moins de tissus conducteurs, comme, par exemple, au coude). Les
lésions sont donc des lésions thermiques nerveuses indépendantes de lésions
cutanées. Les lésions nerveuses sont à rechercher préférentiellement à la section de
chaque articulation d’un membre (poignet, coude…). Trois types de lésions sont à
craindre : la neurapraxie (immédiate), l’axonotmésis (immédiate) et la brûlure des
gaines nerveuses avec développement secondaire de fibrose compressive
responsable de neuropathies à distance (7% dans la série de Smith, PRS 2002,
réversibles par neurolyse chirurgicale). La neurapraxie et l’axonomtesis peuvent être
secondaire à l’œdème nerveux au sein d’un canal inextensible en lien précisément
avec un syndrome compartimental localisé. L’examen clinique minutieux rapporte
précisément l’atteinte neurologique périphérique. Il convient de libérer le nerf dès
l’apparition de signes neurologiques : l’abord chirurgical permettra cette libération ainsi
que le bilan lésionnel et les réparations nécessaires.
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3.7.
Si une escarrotomie abdominale a été réalisée et que le malade présente des signes
de syndrome compartimental abdominal (oligo-anurie, instabilité hémodynamique,
difficulté de ventilation), la mesure de la pression abdominale est indiquée. Pour
toute mesure supérieure à 25 mmHg, une laparotomie décompressive ou le
placement d’un cathéter intrapéritonéal de dérivation liquidienne est nécessaire.
4. MODALITES DE REALISATION DES THERAPIES DECOMPRESSIVES :
4.1.
Principes généraux :
Les thérapies décompressives sont réalisées chez un malade conditionné
(VVP*2 ou VVC), monitoré (TA, Pulsation, FR, T°, diurèse) et stabilisé sur le plan
réanimatoire, en présence d’un réanimateur. Les anomalies d’hémostases
(congénitales ou acquises sur anticoagulant ou aspirine) doivent être connues et prises
en charge parallèlement à la réalisation de cette chirurgie.
Il est habituellement rapporté dans la littérature française que les incisions de décharge
peuvent être réalisées chez un malade conscient, en dehors de l’anesthésie générale.
En réalité une bonne escarrotomie doit aller de la peau saine à la peau saine et le tissu
sous-cutané fascia superficialis compris est habituellement encore vivant dans les
brûlures thermiques. Elles sont donc douloureuses si bien faites. De plus, elles doivent
épargner les structures anatomiques nobles sous-jacentes. Il est donc important de les
réaliser dans le cadre d’une sédation correcte ou au mieux sous anesthésie générale.
Chez le malade polytraumatisé, la prise en charge chirurgicale de la brûlure
passe après la stabilisation des autres lésions vitales (urgence
neurochirurgicale, hémo/pneumothorax compressif, lésion instable du rachis,
urgence abdominale vitale).
4.2.
Installation du patient :
Au bloc opératoire
Les escarrotomies peuvent toutes être réalisées en décubitus dorsal.
10 à 15° de proclive pour les incisions cervico-fac iales et de Trendelenburg sont
recommandés pour limiter le saignement dans les limites de l’état hémodynamique du
malade.
Le patient est placé sur champs stériles (2). Le premier champ sera retiré après
déballage éventuel des premiers pansements réalisés et savonnage au digluconate de
chlorhexidine 4% aqueux (Type Hibiscrub®), rinçage et application local de
chlorexidine (préférentiellement de première intention chez l’enfant) ou protocole 3
temps Bétadine®.
Le réchauffement du malade est assuré parallèlement par tous les moyens utiles
(couverture chauffante sur les segments épargnés, rampe chauffante). Au besoin les
solutés de lavage pour le pansement peuvent être réchauffés en étuve à 37°.
4.3.
Personnels nécessaires :
-
1 anesthésiste-réanimateur
1 chirurgien
1 infirmière panseuse habillée
1 infirmière circulante
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4.4.
Matériels nécessaires :
-
-
4.5.
Un bistouri électrique (+/_ une pince bipolaire)
Une boîte de petite chirurgie (2 à 4 pinces d’Hadson ou équivalent, une pince de
Barraya si possible, deux manches de bistouri froid de 23 (membres, thorax) et 15
(face et cou), 2 à 4 pinces de Kelly pour ligature vasculaire, des ciseaux de
Metzenbaum, de Mayo et un porte-aiguille).
Fils pour ligature vasculaire
Compresses
Sérum de lavage (+/_ réchauffé)
+/_ aspiration de secours
Matériels pansements (confère infra)
Principes de réalisation :
Tous les principes généraux de la chirurgie s’appliquent au patient grand brûlé.
-
Aseptie
Épargne sanguine.
Hémostase.
Plus spécifiquement le chirurgien doit veiller à :
-
4.6.
Évaluation de l’efficacité immédiate (peau saine à peau saine, élargissement des
berges, réapparition d’un pouls, oxymétrie distale supérieur à 95%),
Réévaluation quotidienne jusqu’à stabilisation du malade (ce qui peut prendre
plusieurs jours au prorata des difficultés de la réanimation (hydroélectrolytique :
surcharges hydriques), surveillance de l’absence d’augmentation des pressions
ventilatoires sur SDRA lésionnel pour le thorax)).
Pansements :
Les escarrotomies doivent être protégées des topiques à base de sulfadiazine
argentique (Flammazine®, Sicazine®, Laluset Plus®….) par une interface neutre
comme un tulle vaseliné (Jelonet®) ou un alginate à visée hémostatique (Algostéril®
qui est le seul du marché avec l’AMM pour l’insertion sous-fascial). Ces pansements
peuvent être agrafés de manière lâche pour garantir une certaine étanchéité. Le risque
de survenue d’une méthémoglobulinémie sur passage hypodermique est en effet
majoré en leur absence.
Les pansements à base d’argent sont contre-indiqués en cas de réalisation d’IRM.
Les interfaces vaselinées ne doivent pas être en contact avec l’oxygène.
Les pansements doivent être relativement lâches pour être tolérant à l’œdème.
Le topique appliqué initialement sur les escarres de brûlures peut varier selon les
disponibilités sur place (sulfadiazine argentique, tulle vaseliné ou tulle bétadiné avec les
précautions rapportées ci-dessus).
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4.7.
Traitement par localisation :
Le principe général du tracé d’une escarrotomie est de passer dans une zone
anatomique de moindre tension cutanée, d’éviter de ponter la face de flexion
d’une articulation en respectant les structures anatomiques sous-jacentes.
L’ensemble des escarrotomies sera colonisé par des myofibroblastes qui engendreront
des zones à haut risque de brides avec des encrages très profonds de ces dernières.
Par exemple, une incision pontant la face antérieure d’un coude engendrera une bride
en flexion très difficilement traitable du fait de la compromission de l’hypoderme sousjacent par cette prolifération. Son traitement à titre de séquelles requiert un parage
carcinologique de la bride allant le plus souvent à l’aponévrose : tout resurfaçage dans
ce contexte, même avec l’usage de derme équivalent, est de moins bonne qualité
qu’une prise en charge initiale respectant cette zone anatomique.
4.7.1. Escarrotomies cervicales :
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4.7.2. Escarrotomies thoraciques :
4.7.3. Escarrotomies du membre supérieur :
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4.7.4. Voies d’abord d’aponévrotomies et de libérations nerveuses du membre
supérieur (électrisation) :
4.7.5. Escarrotomies de la main et des doigts :
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4.7.6. Escarrotomies du membre inférieur :
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