L’ESPRIT UNIVERSEL N’EST PAS UN FLOU INFINI DR LARRY DOSSEY Chapitre extrait de ‘’One Mind – How our individual mind is part of a greater Consciousness and why it matters’’ Le Dr Larry Dossey est un pionnier au niveau de l'apport de la compréhension scientifique dans le domaine de la spiritualité. Chirurgien militaire au Vietnam et ancien chef du personnel de l'hôpital de Dallas au Texas, il vit aujourd'hui à Santa Fe, au Nouveau-Mexique, avec son épouse infirmière, Barbara. Il donne des conférences dans le monde entier, et notamment dans des hôpitaux et dans des universités de médecine. Auteur d’une douzaine de livres, qui ont figuré sur la liste des best-sellers du New York Times, il a reçu de nombreuses récompenses pour ses travaux et il est régulièrement invité sur les plateaux de télévision et à la radio. Il est également rédacteur en chef de la revue Explore : The Journal of Science & Healing. Si tous les esprits individuels font partie d'un Esprit plus global, qu'est-ce qui empêche toute l'activité mentale de se fondre dans une sorte de confusion sans caractéristiques au sein de l'Esprit universel ? Qu’est-ce qui explique la spécificité et l'individualité que nous constatons dans des expériences de l'Esprit universel, au-delà du corps ? Comment une mère inquiète, qui sent que son enfant est en grande difficulté dans une ville lointaine, peut-elle savoir que c'est son enfant qui est concerné et non un autre enfant quelque part ailleurs dans le monde ? LA SÉLECTIVITÉ ET LA PRÉCISION DE L’ESPRIT UNIVERSEL Le psychologue Joseph Chilton Pearce, que je cite souvent dans ce livre, a réfléchi profondément à la question de la spécificité. Il s'oppose fermement aux théories New Age qui sont proposées comme explications. "Supposer que toutes nos pensées ne font réellement qu'une, que notre séparation n'est qu'une illusion est un non-sens", écrit-il. "Il y a des niveaux où les pensées peuvent, dans des conditions très particulières, s'échanger, et il y a des niveaux où elles ne le peuvent pas." Ce qui est heureux, car cela nous évite d'être submergés par un flot continu de pensées provenant de nos sept milliards de colocataires terriens. Etablissant un parallèle avec la découverte d'états intriqués entre des particules subatomiques ayant été en contact - où un changement dans une particule est associé à un changement égal et instantané dans une particule distante, quelle que soit la distance - Pearce observa qu'il existe des règles régissant ces connexions, sans quoi le monde serait dans le chaos. "Les particules ne sont pas toutes liées, ce qui serait un chaos aussi grand que si aucune particule n'était liée.1…Notre intuition d'une globalité sous-jacente ne devrait pas impliquer la fusion en une masse homogène."2 Parce que nos esprits ne se dissolvent pas dans l’uniformité, les événements spécifiques et individualisés relevant de l'Esprit universel sont préservés. L'Esprit universel est sélectif. Une mère alarmée peut se connecter avec son enfant, mais pas avec tous les enfants. Certains esprits peuvent affecter des gadgets électroniques spécifiques, mais pas tous les systèmes électroniques. Des visionneurs à distance peuvent se connecter à des scènes spécifiques, mais pas à la totalité du paysage planétaire. Que nous appelions l'Esprit universel la Source, le Tout, le Grand Tout, l'Absolu, l'Univers, l'Être pur, Dieu, Allah, etc., il ne s'agit pas d'un flou infini et sans caractéristiques. Il se manifeste dans nos vies de manière unique. Comment est-ce possible ? Une image utile est que l'Esprit universel est comparable aux cellules souches de notre corps. Les cellules souches sont pluripotentes, ce qui signifie qu'elles peuvent se transformer en tout type de cellule spécialisée du corps. Mais les cellules souches ne se développent pas toutes seules, en se transformant au hasard en n'importe quel type de cellule. Elles sont en attente. Quand elles sont sollicitées, ces cellules indifférenciées non dévolues se transforment en un type de cellule spécifique (cardiaque, cutanée, intestinale, sanguine, etc.) en fonction des besoins de l'organisme. A l’image des cellules souches, l'Esprit universel, la Source, attend des instructions et des sollicitations. C'est pourquoi les informations qui en émanent peuvent être très individualisées et non aléatoires. Par conséquent, les motifs, les spécificités et l'individualité caractérisent la manière dont l'Esprit universel se manifeste dans nos vies. Il répond aux besoins, aux souhaits, aux désirs et aux intentions des individus et des situations. L'Esprit universel peut faire éclore les pensées et les connaissances d'un savant, d'un Léonard ou d'un Einstein. Il peut permettre la découverte du feu ou l'invention de la roue. Il peut révéler la composition de la Joconde, le tableau périodique des éléments ou le secret du vol plus lourd que l'air. Ses possibilités créatives sont infinies. L'Esprit universel a par ailleurs une fonction préventive. Il peut se manifester par le biais d'un rêve prémonitoire qui annonce une catastrophe naturelle ou une maladie qui menace. Ces révélations inspirées par le besoin sont assez courantes. Elles jaillissent, comme à partir d'un cadre de connaissance plus vaste. L'auteur David Grann relatait un exemple dans son livre palpitant, La Cité perdue de Z, qui retrace en détail les aventures du légendaire explorateur britannique, Percy Fawcett, dans la jungle amazonienne, au début du 20ème siècle. Les possibilités de périr dans un tel environnement sont nombreuses : infections mortelles, prédateurs divers, famine, accidents, folie, massacre par des tribus hostiles… - et pourtant, Fawcett avait la capacité étonnante de les déjouer presque toutes. Sa capacité à éviter les prédateurs était étonnante. Un jour, après avoir bondi par-dessus une vipère, il écrivit dans son journal : "Ce qui m'a le plus frappé, c'est l'avertissement de mon subconscient et la réaction musculaire instantanée… Je ne l'avais pas vue avant qu'elle ne file entre mes jambes, mais l' "homme intérieur" - si on peut l'appeler ainsi – l’a non seulement vue à temps, mais a estimé exactement sa taille et sa distance de frappe, et il a donné des ordres au corps en conséquence !"3 On qualifie souvent ce type de connaissance de "sixième sens" ou de "double vue", mais cataloguer quelque chose ne suffit pas à l'expliquer. L'esprit non local ou la conscience illimitée et non locale, qui entraîne la prémisse de l'Esprit universel, est un autre point de vue. Il est déraisonnable d'essayer de séparer les cellules souches du corps. Leur comportement et leur destin sont si intimement intégrés au corps qu'elles sont le corps. Similairement, il est déraisonnable de séparer la conscience humaine de la source d'information qu'est l'Esprit universel. Il n'y a pas de source séparée. Nous sommes Lui, et Il est nous. Ensemble, nous occupons une dimension en dehors du temps et de l'espace. Dans l'Esprit universel, toutes les possibilités, toutes les configurations d'informations, paraissent exister potentiellement, ‘’superposées’’ les unes aux autres, dans l'attente d'un signal pour se transformer en une réalité dans notre monde d'expérience. C'est une image que les physiciens reconnaîtraient immédiatement, car c'est celle qu'ils utilisent en physique quantique. La plupart des physiciens pensent qu'avant qu'une mesure soit effectuée au niveau quantique, une particule existe dans tous ses états théoriquement possibles. Il n'y a pas d'entités réelles à ce stade, seulement un ensemble de potentiels qui coexistent en une ‘’superposition’’ de tous les états possibles. Lors d'une mesure ou d'une observation, ces potentiels enregistrent un "effondrement de la fonction d'onde", qui est une description mathématique, et ils se manifestent comme une seule des nombreuses configurations possibles, comme le fameux chat dans la célèbre expérience de pensée de Schrödinger. La mesure ou l'observation rend réels les potentiels virtuels. (Il existe d'autres interprétations en physique. Certains physiciens pensent qu'à la suite d'une observation au niveau quantique, toutes les possibilités se réalisent, et que nous ne sommes conscients que d'une seule d'entre elles - l'interprétation dite des mondes multiples ou des univers parallèles de la théorie de la mesure quantique). Mais dans l'Esprit universel, ce n'est pas la mesure qui produit la transformation du potentiel en réel, mais le besoin. INTRICATION ET NON-LOCALITÉ Une autre image prometteuse qui a vu le jour pour expliquer nos liens intimes est l'intrication, un concept également tiré du monde de la physique quantique.4 On dit d'un objet qu'il est intriqué, s’il ne peut pas être entièrement décrit sans tenir compte d'un ou de plusieurs autres objets ; c'est comme si les entités séparées et distantes constituaient un seul système. L'intrication a été vérifiée expérimentalement à de nombreuses reprises au cours des trois dernières décennies, et elle est acceptée par la majorité des physiciens comme une caractéristique fondamentale de la nature.5 La non-localité est considérée comme le mécanisme qui sous-tend les effets de l'intrication. Comme le souligne le physicien Nick Herbert, "une connexion non-locale relie un endroit à un autre sans traverser l'espace, sans s'affaiblir et sans délai." D’après Nick Herbert, ces connexions présentent trois caractéristiques distinctives. Elles sont directes (aucun signal de connexion n'est impliqué), totales (la force des corrélations ne décline pas avec l'augmentation de la distance) et immédiates (elles sont instantanées).6 Les implications de l'intrication et de la non-localité sont sidérantes, tellement sidérantes que certains physiciens ont eu beaucoup de mal à y croire. Ce qui est le cas d'Einstein, qui tourna en ridicule les connexions non locales en les qualifiant d' "actions fantomatiques à distance."7 Einstein s'est toutefois trompé dans ses objections, et l'incroyable est advenu. Comme le dirent le physicien, Menas Kafatos, et l'historien des sciences, Robert Nadeau, dans leur livre, The Conscious Universe : Parts and Wholes in Physical Reality, "L'univers, à un niveau très élémentaire, pourrait être un vaste réseau de particules qui restent en contact les unes avec les autres sur n'importe quelle distance et en un rien de temps, en l'absence de transfert d'énergie ou d'information."8 Pour que des particules distantes démontrent des connexions non locales et une intrication, elles doivent avoir été en contact à un moment donné. D’après la théorie du Big Bang, toute la matière de l'univers était à l'origine en contact, concentrée dans un "point très chaud" de matière-énergie qui explosa, il y a environ 14 milliards et demi d'années, en donnant naissance à l'univers que nous voyons.9 Donc, si la théorie du Big Bang est valable, la condition pour des connexions non locales d'un contact initial a été remplie très tôt. Il y a peu de temps encore, les scientifiques pensaient que l'intrication se limitait au micromonde des atomes et des particules subatomiques, mais aujourd'hui, il est prouvé que l'intrication est une caractéristique de la biologie des créatures vivantes, nous y compris apparemment, comme nous le verrons plus loin dans cette première partie.10 L'intrication peut-elle expliquer la connectivité que l’on observe dans l'Esprit universel ? Le chercheur Dean Radin, un spécialiste de la conscience, pense que c'est possible. Dans son livre éclairant, Entangled Minds, il montre comment l'intrication peut s'appliquer au niveau mental et expliquer les diverses expériences de l'Esprit universel au-delà du cerveau, que nous examinons dans ce livre. HOLOGRAMMES L'hologramme est une autre métaphore qui permet d'illustrer la relation entre les esprits individuels et l'Esprit universel. Dans les années 1980, l'éminent physicien David Bohm, professeur de physique théorique au Birkbeck College de Londres, développa son concept d' "ordre implicite" dans son livre de référence, La plénitude de l'univers. Bohm proposait l'ordre implicite comme explication de la cohérence universelle. Les caractéristiques essentielles de cet ordre sont que l'univers entier est d'une certaine manière contenu dans chaque partie, et que chaque partie est intégrée dans la totalité. Bohm suggérait l'hologramme comme "un moyen qui peut aider à donner un certain aperçu perceptuel immédiat de ce que peut signifier la totalité indivise…"11 Hologramme est dérivé de termes grecs signifiant "écrire le tout". Chaque partie d'un hologramme contient suffisamment d'informations pour reconstituer l'hologramme entier – ‘’écrire le tout", en somme. L'hologramme est remarquablement similaire à la métaphore du filet d'Indra, élaborée au 3ème siècle par l'école bouddhiste du Mahayana. Lorsqu’Indra a façonné le monde, il l'a fait sous la forme d'un filet ou d'une toile, dans lequel/laquelle il y avait un joyau chatoyant à chaque nœud. Le filet est d’une dimension infinie ; les joyaux sont donc en nombre infini. Dans la surface scintillante de chaque joyau se reflète l'image de tous les autres joyaux du filet - un processus réfléchissant/miroitant infini, qui symbolise l'interpénétration, l'interconnexion et l'identité mutuelle simultanée de tous les phénomènes de l'univers.12 LE RECOUVREMENT Outre l'hologramme, Bohm utilise un exemple plus simple pour illustrer le recouvrement des parties et des ensembles. Considérons un récipient transparent rempli d'un fluide très visqueux et qui comporte un rotateur mécanique capable de remuer le fluide très lentement. Si l'on ajoute au fluide une gouttelette d'encre noire insoluble et si l’on fait tourner le rotateur, l'encre se transforme lentement en un fil qui s'étend dans tout le fluide, et elle finit par apparaître comme si elle était répartie uniformément dans tout le fluide sous la forme d'une nuance de gris. Mais si l'on inverse le mouvement de rotation de l’appareil, la transformation s'inverse et la gouttelette d'encre noire réapparaît soudainement, reconstituée. La gouttelette d'encre a conservé son individualité, même si elle paraissait répartie uniformément.13 Similairement, les esprits individuels conservent leur individualité, même s'ils sont contenus dans l'Esprit universel. David Bohm était l'un des physiciens les plus éminents du 20ème siècle. Il était connu pour avoir défié hardiment l'orthodoxie scientifique, et ses intérêts s'étendaient à de nombreux domaines, tels que la philosophie, la psychologie, la religion, la biologie et la nature de la conscience. Il arriva à ses idées sur la Conscience unitaire par la voie rigoureuse de la physique moderne et par ses expériences personnelles. Ses dialogues avec le maître spirituel, Jiddu Krishnamurti, inspirèrent des milliers de personnes et sont toujours disponibles.14 Bohm et moi, nous avons appris à nous connaître un peu et échangé des idées sur le rôle du sens et de l'esprit dans la guérison. Un jour, dans une conversation de couloir au cours d'une petite réunion intime, je lui demandai son avis sur l'avenir de l'humanité. "Croyez-vous que nous nous en sortirons ?" Il marqua une pause, réfléchit intensément et dit : "Oui. Mais tout juste !" CHAOS ET FRACTALES Plus il y a d'alternatives, et plus le résultat est incertain. Plus grande est l'incertitude, et plus le potentiel de transmission de l'information est vaste. - Roy Lachman et coll.15 Un modèle expliquant comment les esprits individuels pourraient participer à l'Esprit universel a vu le jour à partir d'une source surprenante - un domaine des mathématiques appelé théorie du chaos et des fractales. En 1975, le mathématicien Benoit Mandelbrot inventa le terme fractal à partir d’un terme latin signifiant "brisé", duquel est issu le mot fracture. Dans une structure fractale, des motifs similaires se reproduisent à des échelles de plus en plus petites. On se sert des fractales pour décrire des phénomènes partiellement aléatoires ou chaotiques, comme la formation des cristaux, la turbulence des fluides et la formation des galaxies. On retrouve des modèles fractals à tous les niveaux de la nature : dans les nuages, les lignes côtières, les flocons de neige, les cristaux, les réseaux de vaisseaux sanguins, les vagues océaniques, l'ADN, les fréquences cardiaques, divers légumes, comme le chou-fleur et le brocoli, les chaînes de montagnes, les réseaux fluviaux et les lignes de faille. L'art fractal est maintenant très répandu, grâce à des modèles d'une beauté stupéfiante générés sur ordinateur par des mathématiciens et des artistes fractalistes. Le mathématicien Ralph Abraham, de l'Université de Californie, à Santa Cruz, est un expert de la théorie du chaos, qui traite des systèmes dynamiques extrêmement sensibles aux conditions initiales. Cela signifie que les prédictions à long terme sur le comportement de ces systèmes sont généralement impossibles. L'exemple le plus connu est celui de la météo et de "l'effet papillon", selon lequel le battement d'aile d'un papillon en Chine peut déclencher une tornade quelque part aux États-Unis. Les fractales constituent "une vaste zone d’effervescence et de frémissement" où des éléments différents se rassemblent, explique Abraham.16 Il utilise l'exemple d'une plage de sable pour illustrer comment les fractales se manifestent dans la nature. Sur une carte, un littoral apparaît nettement distinct. Mais lorsque nous observons de près la limite entre la terre et l'eau, ces distinctions nettes disparaissent. Sur la plage, il y a de l'eau dans le sable et du sable dans l'eau. "La transition entre la terre et la mer est une fractale", explique Abraham. "Elle est spatialement chaotique. C'est naturel. La Voie lactée est une plage de sable céleste. C'est également naturel. La nature nous enseigne la géométrie fractale et la théorie du chaos." Abraham pense qu'il existe des "fractales dans l’esprit" et des "fractales dans l'âme du monde". Il suggère que dans une psyché normale, les limites entre composantes de l'esprit, tels que la conscience de veille et l'inconscient, sont "des fractales denses, qui permettent une sorte de porosité entre ces composantes de la psyché, et donc, l'intégration" - le modèle de la "plage de sable" du fonctionnement psychologique sain, pour reprendre ses termes. Dans un esprit malsain, ces "limites peuvent ressembler à des murs de béton ou à des rideaux de fer." Lorsque cela se produit, les composantes isolés de l'esprit ne peuvent pas communiquer entre elles. Il peut en résulter un trouble de la personnalité multiple, avec séparation et isolement de domaines mentaux. Les termes utilisés par Abraham pour définir une telle situation sont le ‘’dischaos’’ de la personnalité multiple, un syndrome de dysfonctionnement chaotique. Ce dysfonctionnement chaotique - le dischaos - peut également se produire à un niveau sociétal et mondial, suggère Abraham. Cela peut provoquer des troubles au niveau "du conscient et de l'inconscient collectif de notre société… Ainsi, des frontières trop fermes — les rideaux de fer — peuvent contribuer aux problèmes mondiaux." Abraham soutient que des frontières / limites fractales consistantes sont une "condition préalable à la stabilité et à la longévité d'une culture, ou à la santé d'un individu". Elles sont nécessaires pour permettre l'interconnectivité, la communication et l'intégration à la fois dans l'esprit des individus et entre les sept milliards d'esprits individuels sur la terre. L'alternative est celle de frontières / limites rigides qui interdisent la communication fluide, la tolérance et la compréhension, avec pour conséquence la désintégration des personnalités individuelles et de la société globale. Malheureusement, il semble que nous soyons en train de défractaliser notre société en établissant / instaurant des frontières / limites / barrières de plus en plus imperméables. Comme le note Abraham, "notre culture a consacré une attention excessive à la forteresse fortifiée... murs de béton autour de la ville, serrures sur les portes et les maisons, détecteurs de mouvement électroniques, caméras vidéo aux distributeurs automatiques de billets, et ainsi de suite." Des communautés murées nous séparent mutuellement au nom de la sécurité. Les armes à feu sont presque aussi nombreuses en Amérique que les Américains. Les manifestants qui occupent...Wall Street… et les 99 % se sentent de plus en plus en marge avec les 1 %. La courtoisie a pratiquement disparu des salles du Congrès. Les barrières imperméables et non poreuses n'ont jamais semblé aussi généralisées. Pourtant, il y a ceux qui, comme Abraham, voient des moyens de nous relier dans la Grande Connexion. Frederick Turner, professeur d'arts et de sciences humaines à l'université du Texas, à Dallas, voit dans la science fractale une voie par laquelle les esprits individuels peuvent s'unir en un seul Esprit universel. Dans son livre, Natural Religion, il suggère qu'une expérience visuelle qui nous remplit momentanément d'un sentiment d'émerveillement - par exemple, une magnifique œuvre d'art ou un coucher de soleil éblouissant - "sidère l'esprit’’. D’après Turner, une "syntonisation ou un ajustement délicat" peut s'opérer dans le cerveau, grâce à laquelle "l'attrait étrange de l'Esprit divin" influence l'esprit individuel pour qu'il devienne "une miniature fractale de l'Esprit universel."17 Il existe une infinité de voies pour "sidérer l'esprit’’. Nous examinerons ultérieurement comment des personnes très créatives ont surmonté les effets ‘’dischaotiques’’, ‘’défractalisants’’ et abrutissants des habitudes, des carcans et des routines qui empêchent notre éveil à l'Esprit universel transcendant. LE ROUGE À LÈVRES DE BERGEN-BELSEN Lorsque les troupes britanniques libérèrent le camp de concentration de BergenBelsen, en Allemagne, le 15 avril 1945, elles y découvrirent 40 000 prisonniers répartis dans 200 baraquements. Elles tombèrent également sur 10 000 cadavres. La plupart des prisonniers étaient morts du typhus ou de faim. Par peur d'être infectés, les gardes allemands avaient refusé de les enterrer, et les prisonniers squelettiques restants n'avaient plus la force de le faire ; les cadavres avaient donc été jetés en tas tout autour du camp et laissés à pourrir. Les soldats britanniques étaient profondément choqués. Ils se mirent à vomir, lorsqu'ils atteignirent les barbelés, submergés par la puanteur de la mort. Ces troupes endurcies, qui avaient combattu les nazis dans toute l'Europe, pleuraient comme des bébés. Mais elles se mirent au travail et ensevelirent les cadavres au bulldozer dans une fosse commune. Quelque part parmi eux se trouvait la jeune Anne Frank, qui avait noté dans son journal à Amsterdam, dès 1942, que des Juifs étaient enlevés et gazés. Le 28 avril, ils avaient tous été enterrés. Même si 500 détenus continuaient à mourir chaque jour, au moins il n'y avait plus de cadavres qui traînaient, ce qui remontait le moral. Il y avait de la nourriture, et presque tous les détenus avaient été désinfectés avec de la poudre de DDT. Leurs vêtements avaient été fumigés et leurs corps lavés. Les baraquements infectés furent brûlés au lance-flammes. Nicholas Best, qui fournit cette description dans son livre Five Days That Shocked the World, décrivit ainsi ce qui arriva ensuite : Un génie avait introduit du rouge à lèvres à l'intérieur du camp. Une importante livraison venait d'arriver, suffisamment pour que chaque femme de Belsen puisse se maquiller, si elle le souhaitait. Un très grand nombre d'entre elles le firent, en se souvenant avec bonheur qu'elles avaient été féminines et qu'elles pourraient l'être à nouveau un jour. Le rouge à lèvres se révéla être un stimulant énorme pour le moral et fit toute la différence entre la vie et la mort pour certaines femmes du camp.18 Le lieutenant-colonel britannique, Mervin W. Gonin, commandant de la 11th Light Field Ambulance, R.A.M.C., fut parmi les premiers soldats britanniques à libérer Bergen-Belsen en 1945. Dans son journal, il fournit une description plus graphique de l'effet du rouge à lèvres : C'est peu après l'arrivée de la Croix-Rouge britannique — bien que cela n'ait peut-être aucun rapport — qu'une très grande quantité de rouge à lèvres est arrivée. Ce n'était pas du tout ce que nous, les hommes, voulions. Nous réclamions des centaines et des milliers d'autres choses, et j'ignore qui a demandé du rouge à lèvres. J'aimerais tant pouvoir découvrir qui l'a fait. C’était une action de génie, du pur et simple génie. Je crois que rien n'a fait plus pour ces détenues que le rouge à lèvres. Des femmes étaient couchées sur leur lit, sans draps ni chemise de nuit, mais avec des lèvres rouge écarlate. Vous les voyiez se promener avec rien d'autre qu'une couverture sur les épaules, mais avec des lèvres rouge écarlate. J'ai vu une femme morte sur la table d'autopsie. Elle serrait dans sa main un bâton de rouge à lèvres. Finalement, quelqu'un avait fait quelque chose afin qu'elles redeviennent des personnes. Elles étaient des personnes, et plus seulement un numéro tatoué sur leurs bras. Au moins, elles pouvaient s'intéresser à leur apparence. Ce rouge à lèvres a contribué à leur rendre leur humanité.19 Comment quelqu'un a-t-il su que le rouge à lèvres leur redonnerait la volonté de vivre et sauverait ainsi des vies ? Un individu anonyme a été capable de s'identifier si intimement à l'esprit de ces prisonnières affamées, souffrantes et mourantes qu'il ou elle a pu voir au-delà de l'évidence. Je suggère qu'il s'agissait là d'une manifestation de l'Esprit universel de tout premier ordre. L'horreur de Bergen-Belsen résulte de la rupture des relations entre des humains, et du fait que "l'autre" en est arrivé à être considéré comme moins qu'humain. L'épisode du rouge à lèvres est le genre de révélation qui peut se produire, lorsque des esprits s'unifient dans la Grande Connexion. De tels épisodes extrêmes sont des miroirs qui montrent à la fois le pire et le meilleur de ce dont les humains sont capables – la bestialité et l’angélisme. Ils soulignent le fait que l'unité, la communauté et la conscience de l'Esprit universel ne sont pas des subtilités philosophiques, mais des nécessités qui empêchent notre déchéance dans la dépravation. Ce sont des miroirs que l’on ne devrait jamais décrocher du mur. QUI EST AUX COMMANDES ? Qui ou qu'est-ce qui contrôle l'Esprit universel ? Qui ouvre et ferme le robinet de l'information ? Pour les chrétiens, c'est Dieu qui crée l'ordre et la forme à partir du vide indifférencié. Pour les hindous, ce sera l'interaction entre Shakti et Shiva qui déclenche le processus créatif de l'univers. Pour le physicien David Bohm, il s’agit d’ordres invisibles, "implicite" et "super-implicite", qui se déploient dans l'ordre visible "explicite" que nous voyons, touchons, entendons et sentons.20 Dans notre ère d'enchantement quantique, c'est l'interaction des fonctions d'onde et des observateurs qui produit le monde visible des choses. AU-DELÀ DES MOTS Dans notre marché moderne des idées, il existe de nombreux modèles parmi lesquels choisir pour décrire les opérations de la conscience. Tout le monde semble vanter son candidat préféré. À un moment donné, cependant, toute discussion sur les mécanismes - qu'il s'agisse d'émergence, d'intrication, de non-localité, d'hologrammes, d'ordres implicites ou de tout autre processus - devient sans objet. Les sages, qui représentent le côté ésotérique des grandes traditions de sagesse, soutiennent unanimement qu'au fur et à mesure que la compréhension grandit, toutes les descriptions de l'absolu finissent par être transcendées. Le nom et la forme, qui sont les principales caractéristiques de notre existence quotidienne, deviennent obstructifs et n'ont plus guère d'importance. C'est ainsi que Maître Eckhart, un grand mystique chrétien allemand du 14ème siècle, a pu proclamer : "Rien n'est aussi semblable à Dieu que le silence."21 Le père Thomas Keating se fit l'écho d'Eckhart : "Le silence est le premier langage de Dieu ; tout le reste n'est qu'une mauvaise traduction."22 Dans la tradition hindoue, Swami Vivekananda déclara : "Le silence du chercheur est la forme de prière la plus éloquente."23 Et dans le bouddhisme zen, on a cet aphorisme : "Celui qui parle ne sait pas, et celui qui sait ne parle pas." Mais le silence ne signifie pas simplement se taire ; cela, une pierre peut le faire. Le silence signifie qu’un lieu s’est créé, où une forme supérieure de la connaissance peut entrer. Les mystiques considèrent ce passage au silence comme une condition préalable à l'union divine : l'absorption totale dans l'Esprit Universel, le Tout, l'Absolu, la Source. À ce stade, le langage est tout simplement dépassé, remplacé par l'Être. Quand le neurochirurgien, Eben Alexander accéda à cet état au cours d’une expérience de mort imminente due à une méningite presque mortelle, il se contenta de dire : "C'est indescriptible."24 Les merveilles qui se sont produites et la sagesse qui lui fut accordée se révélèrent sans mots ; le langage ordinaire était inutile. Ou, comme le dit Maître Eckhart : "Il est dans la nature de Dieu d'être sans nature."25 Aucune description n'est possible. Aucune description n'est nécessaire. RÉFÉRENCES Pearce, Joseph Chilton. Evolution’s End. San Francisco: HarperSanFrancisco: 1993: 30. Ibid., 95. 3 Grann, David. The Lost City of Z. New York: Vintage; 2010: 122–23. 4 Walach, Harald, and Rainer Schneider. Rainer Schneider and Ronald A. Chez (eds.). Generalized Entanglement From a Multidisciplinary Perspective. Proceedings of a conference in Freiberg, Germany, October 2003. Washington, DC: Samueli Institute; 2003. 5 Nadeau, R., and M. Kafatos. The Non-Local Universe: The New Physics and Matters of the Mind. New York: Oxford University Press; 1999: 65–82. 6 Herbert, Nick, Quantum Reality. Garden City, NY: Anchor/Doubleday; 1987: 214. 7 Einstein, Albert, Boris Podolsky, and Nathan Rosen. “Can Quantum-Mechanical Description of Physical Reality Be Considered Complete?” Physical Review. 1935;47 (10): 777–80. 1 2 8 Kafatos, Menas and Robert Nadeau. The Conscious Universe: Parts and Wholes in Physical Reality. New York: Springer; 1991: 71. 9 “How old is the universe?” Universe 101. https://www.youtube.com/watch?v=HdPzOWlLrbE 10 Vedral, Vlatko. “Living in a Quantum World.” Scientific American. 2011; 304(6): 38– 43; Thaheld, Fred H. “Biological Nonlocality and the Mind-Brain Interaction Problem: Comments on a New Empirical Approach.” BioSystems. 2003; 70: 35–41; ———. “A Method to Explore the Possibility of Nonlocal Correlations Between Brain Electrical Activities of Two Spatially Separated Animal Subjects.” BioSystems. 2004; 73: 205–16. 11 Bohm, David. Wholeness and the Implicate Order. London: Routledge and Kegan Paul; 1980: 145. 12 Cook, Francis H. Hua-Yen Buddhism: The Jewel Net of Indra. University Park, PA: Penn State University Press; 1977: 2 13 Bohm, David. Wholeness and the Implicate Order. London: Routledge and Kegan Paul; 1980: 149. 14 Bohm, David and Jiddu Krishnamurti. The Limits of Thought: Discussions between J. Krishnamurti and David Bohm. London: Routledge; 1999. 15 Lachman, Roy, Janet L. Lachman, and Earl C. Butterfield. Cognitive Psychology and Information Processing: An Introduction. Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum Associates; 1979: 137. 16 Sheldrake, Rupert, Terence McKenna, and Ralph Abraham. The Evolutionary Mind:Trialogues at the Edge of the Unthinkable. Santa Cruz, CA: Trialogue Press; 1998: 109–21 17 Turner, Frederick. Natural Religion. New Brunswick, NJ: Transaction Publishers; 2006: 213. 18 Best, Nicholas. Five Days That Shocked the World. New York: Thomas Dunne Books; 2011: 79. 19 Gonin, Mervin Willett. “Extract from the Diary of Lieutenant Colonel Mervin Willett Gonin.” Gonin (bergenbelsen.co.uk) 20 Bohm, David. Wholeness and the Implicate Order. London: Routledge and Kegan Paul; 1980. Eckhart, “Spiritual Practices: Silence.” www.spiritualityandpractice.com/practices/practices.php?id=28&g=1. Accessed January 7, 2012. 22 Keating, “Spiritual Practices: Silence.” www.spiritualityandpractice.com/practices/practices.php?id=28&g=1. Accessed January 7, 2012. 23 Vivekananda, “Spiritual Practices: Silence.” www.spiritualityandpractice.com/practices/practices.php?id=28&g=1. Accessed January 7, 2012. 24 Alexander, Eben. “Neurosurgeon Eben Alexander’s Near-Death Experience Defies Medical Model of Consciousness.” Interview by Alex Tsakaris. Skeptiko.com. www.skeptiko.com/154-neurosurgeon-dr-eben-alexander-near-death-experience/. Accessed December 2, 2011. 25 Eckhart, Meister. Raymond B. Blakney (trans.). Meister Eckhart: A Modern Translation. New York: Harper & Row; 1941: 243. 21 Partage-pdf.webnode.fr