G Model ARTICLE IN PRESS ENCEP-1591; No. of Pages 14 L’Encéphale xxx (xxxx) xxx–xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Revue de la littérature Guide de prescription psychiatrique pendant la grossesse, le postpartum et l’allaitement A guide to psychiatric prescribing in pregnancy, postpartum and breastfeeding H. Bottemanne a,∗,b,c , L. Joly b,d , H. Javelot e , F. Ferreri b,d,1 , P. Fossati a,b,1 a Department of psychiatry, Pitié-Salpêtrière hospital, DMU Neuroscience, Sorbonne university, Assistance Publique–hôpitaux de Paris (AP–HP), Paris, France b Paris Brain Institute – institut du Cerveau, Inserm, CNRS, Sorbonne university, Paris, France c Sorbonne university, department of philosophy, SND Research Unit, UMR 8011, CNRS, Paris, France d Department of psychiatry, Saint-Antoine hospital, DMU neuroscience, Sorbonne university, Assistance Publique–hôpitaux de Paris (AP–HP), Paris, France e CREPP (Centre de Ressources et d’Expertise en PsychoPharmacologie), établissement public de santé Alsace Nord, Brumath, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Reçu le 8 juillet 2022 Accepté le 16 août 2022 Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Psychopharmacologie Périnatal Grossesse Allaitement Néonatologie Post-partum r é s u m é La psychopharmacologie périnatale est une spécialité émergente se développant progressivement aux côtés de la psychiatrie périnatale. La prise en charge des troubles psychiatriques pendant la période périnatale est un défi pour les praticiens de la périnatalité en raison des multiples changements survenant pendant cette période cruciale. La méconnaissance des données de la psychopharmacologie périnatale peut favoriser un défaut de soins psychiques périnataux par crainte d’effets indésirables des traitements psychotropes sur la mère et le nourrisson pendant la grossesse et le postpartum. Pourtant, les risques liés à une prise en charge insuffisante de la santé psychique sont majeurs, impactant à la fois la santé psychique et physique de la mère et du nourrisson. Dans cet article, nous proposons un guide de prescription de psychopharmacologie périnatale à l’usage des cliniciens de la périnatalité, fondé sur les preuves scientifiques disponibles et les recommandations internationales et nationales. Nous y proposons un processus de prise de décision formalisé sur des heuristiques simples afin d’aider le clinicien à prescrire les psychotropes pendant la période périnatale. © 2022 L’Encéphale, Paris. a b s t r a c t Keywords: Psychopharmacology Perinatal Pregnancy Breastfeeding Neonatology Post-partum Perinatal psychopharmacology is an emerging specialty that is gradually developing alongside perinatal psychiatry. The management of psychiatric disorders during the perinatal period is a challenge for perinatal practitioners due to the multiple changes occurring during this crucial period. This little-known specialty still suffers from inappropriate considerations on the impact of psychotropic treatments on the mother and the infant during pregnancy and postpartum, which can promote a deficiency in perinatal psychic care. However, the risks associated with insufficient management of mental health are major, impacting both the mental and physical health of the mother and the infant. In this paper, we propose a perinatal psychopharmacology prescription guide based on available scientific evidence and international and national recommendations. We thus propose a decision-making process formalized on simple heuristics in order to help the clinician to prescribe psychotropic drugs during the perinatal period. © 2022 L’Encéphale, Paris. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. Bottemanne). 1 Co-last authorship. https://doi.org/10.1016/j.encep.2022.08.017 0013-7006/© 2022 L’Encéphale, Paris. Pour citer cet article : Bottemanne H, et al, Guide de prescription psychiatrique pendant la grossesse, le postpartum et l’allaitement, Encéphale, https://doi.org/10.1016/j.encep.2022.08.017 G Model ENCEP-1591; No. of Pages 14 ARTICLE IN PRESS H. Bottemanne et al. L’Encéphale xxx (xxxx) xxx–xxx Introduction paramètres obstétricaux avec des risques majorés de prématurité, de retard de croissance intra-utérin et des poids de naissance inférieurs. Une décompensation psychiatrique du postpartum fait courir des risques considérables de troubles des interactions précoces provoqués par les troubles du comportement maternel, pouvant aller de la négligence à la maltraitance voir au néonaticide. Les enfants exposés ont plus de risque de présenter des retards de développement moteur et neurocognitif, en particulier dans la communication non verbale et la motricité fine. Malgré ces risques, la psychopharmacologie périnatale est encore un domaine majoritairement inexploité. Pourtant, des recommandations de bonne pratique de prescription existent, fondées sur une approche rationnelle et appuyées sur des preuves scientifiques et des considérations éthiques, intégrant conjointement le bien-être maternel, fœtal et néonatal [7]. Ces recommandations sont encore partielles, et souvent basées sur des études avec un niveau de preuve faible à modéré en raison des difficultés méthodologiques inhérentes à la recherche en périnatalité. Mais la recherche liée aux psychotropes pendant la grossesse et le postpartum évolue constamment, et se nourrit de travaux issus de l’embryogenèse, des neurosciences périnatales, de pharmacoépidémiologie, et de la psychopharmacologie. Dans cet article, nous proposons un guide de prescription de psychopharmacologie périnatale à l’usage des cliniciens et professionnels de la périnatalité, fondé sur les recommandations internationales et nationales. Nous proposons également un processus formalisé de prise de décision édifié sur des heuristiques simples afin d’aider le clinicien à prescrire les psychotropes pendant la période périnatale. Pour ce guide de prescription, nous n’avons pas intégré la nomenclature NBN (neuroscience-based nomenclature) fondée sur les mécanismes d’action pharmacologique, mais nous avons conservé une classification traditionnelle des psychotropes différenciant des molécules antidépressives, anxiolytiques, antipsychotiques, et thymorégulatrices. Cet article ne s’intéressera pas aux traitements du trouble déficitaire d’attention avec hyperactivité (TDAH), dont les psychostimulants, et aux traitements des addictions. L’ensemble des éléments que nous proposons constitue une trame pour améliorer la prise en charge des troubles psychiques pendant la période périnatale. Ils sont toutefois susceptibles d’évoluer au fur et à mesure des nouvelles connaissances acquises en psychopharmacologie périnatale, et devront être adaptés aux évolutions scientifiques futures. La psychopharmacologie périnatale est une spécialité en essor, se développant progressivement aux cotés de la psychiatrie périnatale. La prise en charge des troubles psychiatriques pendant la période périnatale, définie comme la période allant de la conception à un an après l’accouchement, constitue un défi pour les praticiens de la périnatalité, englobant des considérations cliniques, scientifiques, et éthiques transversales [1]. La période périnatale constitue une phase de transition majeure entrainant de multiples changements morphologiques, hormonaux, familiaux et psychique Ces changements participent à fragiliser la santé mentale pendant cette période cruciale, et compliquent la prise en charge pharmacologique des troubles psychiatriques périnataux. Par ailleurs, les changements physiologiques et pharmacocinétiques pendant la grossesse et le postpartum entrainent des changements dans le métabolisme des psychotropes, si bien que les patientes qui étaient auparavant stabilisées présentent un risque accru de décompensation pendant la période périnatale. À ces difficultés, s’ajoutent des a priori sur les psychotropes, un déficit de connaissances et de formation des professionnels de la périnatalité en psychopharmacologie périnatale. Certains cliniciens pensent par exemple que les psychotropes doivent être systématiquement interrompus pendant la grossesse, ou qu’ils sont contre-indiqués avec l’allaitement [2]. Ces croyances médicales inadaptées peuvent limiter l’accès aux soins et la bonne conduite d’un traitement psychotrope chez des patientes qui en nécessiteraient. Elles participent à une prise en charge déficiente des troubles psychiques pendant la période périnatale et provoquent des phénomènes ambigus de discrimination, notamment concernant l’accès à l’allaitement. On estime ainsi qu’environ 85 % des femmes enceintes souffrant de trouble psychique ne reçoivent pas les soins adéquats pour leur pathologie durant la période périnatale [1,3]. La question de l’allaitement est particulièrement au cœur des considérations éthiques pour la prise en charge des troubles psychiques périnataux : l’allaitement est parfois contre indiqué par des équipes, ou formellement déconseillé, chez des patientes prenant des psychotropes compatibles avec l’allaitement, malgré des recommandations rassurantes émises par les institutions scientifiques internationales ou nationale française comme le CRAT (centre de référence sur les agents tératogènes) ou la Société Marcé [4]. Dans ces situations, le risque de stigmatisation peut amener certaines femmes souffrant de troubles psychiques à dissimuler leurs symptômes auprès des professionnels de la périnatalité, au risque de se mettre en difficulté. Pourtant, la santé mentale maternelle est une priorité absolue de santé publique. En France, le suicide maternel est la première cause de mortalité maternelle à partir du 43e jour du postpartum, et la deuxième cause du 1er au 43e jour du postpartum [5]. Cette prévalence est à peu près comparable dans les nations à revenu élevé, estimé aux alentours de 5 à 20 % des décès maternels, et autour de 1 à 5 % dans les pays à revenu faible et intermédiaire en raison de la prévalence plus élevée des autres causes de mortalité [6]. Ces suicides interviennent majoritairement dans des contextes de dépression du postpartum non diagnostiquées et insuffisamment prises en charge, ainsi que lors de décompensation de troubles de l’humeur ou de troubles psychotiques déjà connus. En dehors de ces risques dramatiques pour la mère, la déficience de prise en charge des troubles psychiques entraine des conséquences fœtales et néonatales. En cas de décompensation maternelle, l’apparition de conduites à risque chez la mère peut par exemple entrainer une exposition du fœtus à certains toxiques. Par ailleurs, les troubles psychiatriques périnataux modifient significativement l’activité des principaux axes endocriniens impliqués dans la grossesse. En particulier, l’exposition à des taux élevés de cortisol pendant la grossesse a des effets délétères sur les différents Recommandations générales de bonne pratique Prise de décision en psychopharmacologie périnatale L’introduction, la poursuite, ou l’arrêt d’un traitement psychotrope pendant la période périnatale est une décision complexe. Des arbres décisionnels formalisés peuvent être proposés au clinicien afin de guider son choix, fondé sur des heuristiques simples de bonne pratique en psychopharmacologie périnatale. Chaque décision doit être individualisée en fonction des caractéristiques cliniques et des attentes de la patiente. Les recommandations peuvent par ailleurs évoluer au gré des données scientifiques disponibles. Pour guider la décision psychopharmacologique périnatale, le choix dépend avant tout d’une balance bénéfice-risque opposant les risques associés à la pathologie psychiatrique non traitée aux effets indésirables du traitement. Cette balance oppose les : • risques de type 1 associés au trouble psychiatrique sur la mère, le fœtus, et le nourrisson ; 2 G Model ARTICLE IN PRESS ENCEP-1591; No. of Pages 14 H. Bottemanne et al. L’Encéphale xxx (xxxx) xxx–xxx Tableau 1 Synthèse des paramètres impliqués dans l’algorithme de décision en psychopharmacologie périnatale. Paramètres impliqués dans le risque Risques de type 1 Variables à évaluer pour la décision Maternels Fœtaux Néonataux Risques de type 2 Maternels Fœtaux Néonataux Décompensation psychiatrique Risque suicidaire Complications obstétricales Déficience fonctionnelle Rupture socioprofessionnelle Prématurité Petit poids de naissance Trouble du développement Mauvaise adaptation néonatale Retard des acquisitions Risque de négligence maternelle Mauvaise tolérance générale Interaction médicamenteuses Incompatibilité de l’allaitement Tératogénicité Trouble du développement Prématurité Imprégnation néonatale Sevrage néonatal Séquelles neurocognitives • risques de type 2 associés au traitement du trouble sur la mère, le fœtus, et le nourrisson. Étape 1 : Évaluer les risques associés au trouble psychiatrique pour poser l’indication du traitement psychotrope. Diagnostic psychiatrique, sévérité des symptômes aiguë, instabilité du trouble, antécédent d’hospitalisation, antécédent de tentative de suicide, psychotraumatisme, toxicomanie, précarité sociale, isolement social, minorité, violence familiale, terme de la grossesse, grossesse à haut risque Étape 2 : Évaluer les données disponibles sur l’innocuité des traitements psychotrope considérés pour l’indication. Base de données du CRAT, InfantRisk Center, Center for Women’s Mental Health at Massachusetts General Hospital (MGH), LactMed, MotherToBaby, Motherisk, ou les recommandations de bonnes pratiques NICE, Reprotox, PERISCOPE, Postpartum Support International recommandations générales en pharmacologie et plus largement en médecine, avec des visées d’autonomisation et de responsabilisation du patient. Un entretien pré-thérapeutique est systématique avant toute administration de psychotrope permettant d’exposer clairement les risques de type 1 et de type 2 motivant la décision thérapeutique. Cet entretien peut explorer les croyances du patient en termes de santé et apporter des éléments de psychoéducation préliminaires. Les principes de l’entretien motivationnel peuvent être mobilisés lorsque des facteurs émotionnels intrinsèques sont détectés, et impactent les décisions du patient. La prescription peut par ailleurs être repoussée à une consultation ultérieure afin de laisser un temps de réflexion et d’élaboration. La consultation préconceptionnelle ou prénatale précoce est à ce titre une priorité de santé publique pour la psychiatrie périnatale. Les patientes ayant des troubles psychiatriques préexistants à la grossesse devraient systématiquement pouvoir bénéficier d’une consultation de ce type avec un psychiatre spécialiste de la périnatalité de préférence trois mois avant le début d’une grossesse programmée (et de manière obligatoire si un traitement contre-indiqué avec la grossesse est prescrit) ou dès les premières semaines d’aménorrhée afin d’adapter la prise en charge pharmacologique, et de profiter des conseils appropriés. Cette consultation est en mesure de tempérer les arrêts inadaptés de traitements psychotropes qui surviennent parfois en amont d’une grossesse, notamment en raison d’une mauvaise évaluation de la balance entre les risques de type 1 et 2. Chez ces patientes qui arrêtent les médicaments avant la grossesse ou au début de la grossesse, la recrudescence symptomatique est généralement plus difficile à contrôler et le risque de décompensation est majoré. Malgré ces recommandations générales de bonne pratique, il est crucial d’adapter le degré de décision partagée à la clinique : certains symptômes aigus retrouvés dans les troubles psychotiques ou de l’humeur brouillent les capacités maternelles de jugement, et rendent plus difficile l’obtention d’un consentement éclairé pour l’introduction d’un traitement. Par ailleurs, les patientes souffrant de trouble anxieux peuvent préférer s’en remettre complètement au clinicien pour la décision thérapeutique, en évitant de s’exposer à l’incertitude épistémique inhérente au concept de balance bénéfice-risque. Il importe ainsi au praticien d’équilibrer le processus de décision partagée à la situation clinique à laquelle il fait face. Les risques associés au trouble psychiatrique sont à évaluer en priorité chez la mère : décompensation du trouble, risque auto ou hétéro-agressif, rupture sociale et professionnelle, mais également chez le fœtus : prématurité, retard de développement, complications de la grossesse, troubles du neurodéveloppement. Les risques associés au traitement peuvent comprendre essentiellement : la tératogénicité, les complications néonatales, les troubles du neurodéveloppement. Les recommandations actuelles conseillent de limiter au maximum le risque de type 1 pendant la période périnatale, notamment lorsque les données scientifiques sont rassurantes pour les risques de type 2 (Voir le Tableau 1 pour un résumé des risques). Lorsque plusieurs traitements équivalents sont disponibles, l’algorithme pourra faire intervenir des variables psychopharmacologiques comme l’antériorité d’efficacité de traitement spécifique pour la patiente, et la connaissance sur le profil de tolérance générale du traitement, en privilégiant celui qui sera présumé le mieux toléré à la fois par la mère et par le fœtus. L’algorithme de traitement consiste ainsi : • étape 1 : évaluer les risques associés au trouble psychiatrique afin de poser l’indication d’un traitement psychotrope ; • étape 2 : évaluer les données disponibles concernant l’innocuité des différents traitements psychotropes considérés pour l’indication ; • étape 3 : Opter pour le traitement psychotrope avec le meilleur profil de tolérance materno-fœtal et d’efficacité pendant la période périnatale. Ce processus de décision thérapeutique est avant tout un processus de décision partagée : la femme est pleinement actrice de la décision psychopharmacologique, et doit être impliquée à toutes les étapes du processus de décision. Cette nécessité est double : non seulement elle participe à rassurer la patiente sur les effets indésirables potentiels induits par le traitement, mais elle renforce l’adhésion au traitement, limitant le risque de mauvaise observance, de mésusage ou d’arrêt inopiné. Le ou la conjoint(e) de la femme enceinte doit également être intégré dans ce processus de décision, et des consultations de couple sont recommandées. Ce processus de décision partagée est aujourd’hui au cœur des 3 G Model ENCEP-1591; No. of Pages 14 ARTICLE IN PRESS H. Bottemanne et al. L’Encéphale xxx (xxxx) xxx–xxx Modulation de la posologie pendant la période périnatale sérotoninergiques à visée anxiolytique, en évitant d’y associer une benzodiazépine d’appoint. La première règle de la prescription psychopharmacologique pendant la période périnatale consiste à ne pas sous-doser les traitements. Le biais de prescription de traitement à des posologies sous-thérapeutiques est particulièrement fort pendant cette période, principalement en raison de la crainte d’effets indésirables des traitements sur la grossesse ou le fœtus associé à la persistance de croyances médicales inadaptées des praticiens en périnatalité. Mais il existe aussi pendant la grossesse des modifications physiologiques intrinsèques modifiant la biodisponibilité du traitement [8]. Ces changements indirects du métabolisme et de la disponibilité du traitement impacte la stabilité des troubles psychiatriques pendant la grossesse, et pourrait constituer l’un des facteurs de décompensation. Ces modifications périnatales de la biodisponibilité du traitement sont notamment provoquées par les modifications pharmacocinétiques (absorption, distribution, métabolisme, élimination) périnatales : Intégration de l’allaitement dans le processus de décision La question de l’allaitement maternel est une dimension majeure de la psychopharmacologie périnatale, malheureusement souvent délaissée au profit des dimensions de tératogénicité. Contrairement à la dimension irréparable de la tératogénèse, la dimension facultative de l’allaitement maternel participe à son rang inférieur dans le processus médical de décision psychopharmacologique. D’autant plus que la recherche sur l’impact des psychotropes sur le nourrisson via l’allaitement est encore plus limitée que celle des traitements pendant la grossesse [10]. Ces phénomènes participent parfois à réduire injustement les possibilités d’allaitement dans la prise en charge psychiatrique périnatale. Pourtant, des données rassurantes sont aujourd’hui disponibles sur plusieurs traitements psychotropes, considérant à la fois la balance des risques de type 1 et 2 que nous avons détaillé précédemment, et les bénéfices reconnus de l’allaitement pour la parentalité et le développement néonatal. Des données claires et accessibles sur la compatibilité d’un traitement avec l’allaitement peuvent être trouvées en France sur le site du CRAT, et à l’international sur les bases de données MotherToBaby, LactMed, ReproTox, ou InfantRisk Center. Certaines équipes commencent à proposer un dosage des psychotropes dans le lait maternel pour affiner les recommandations sur l’allaitement maternel avec psychotropes [11]. Il existe ainsi de plus en plus de recommandations visant à soutenir l’allaitement maternel avec l’utilisation de psychotropes adaptés à l’allaitement, chez les patientes qui souhaitent allaiter [10]. Ces recommandations doivent être considérées individuellement en fonction de la situation clinique, et ne pas mener à des injonctions normatives sur l’allaitement. La décision de l’allaitement dans les conditions cliniques n’impliquant pas de contre-indications formalisées n’est pas une décision partagée : c’est une décision maternelle, éclairée par les conseils des professionnels de la périnatalité. Cette exigence est importante à la fois pour les professionnels tentés par des injonctions pour ou contre l’allaitement trop appuyées. Ces précautions sont d’autant plus importantes qu’il existe une grande variabilité interindividuelle, et intertemporelle chez un même individu, du taux d’excrétion des traitements psychotropes dans le lait maternel. La composition du lait maternel change progressivement au cours du postpartum, et les caractéristiques métaboliques des nourrissons se transforment également au cours de leur croissance. Les facteurs pharmacocinétiques qui impactent le taux d’excrétion des traitements psychotropes dans le lait maternel comprennent [12,13] : • les modifications de l’absorption avec la diminution de l’acidité gastrique, de la vidange gastro-intestinale ; • l’augmentation du volume de distribution provoquée par l’augmentation du volume sanguin circulant ; • la diminution de la concentration plasmatique d’albumine à 70–80 % des valeurs normales ; • l’augmentation du taux de filtration glomérulaire d’environ 50 % dès le 1er trimestre avec diminution au cours des 3 dernières semaines et retour à la norme juste après l’accouchement. • les modifications de voies enzymatiques impliquées dans le métabolisme hépatique, notamment une diminution de l’activité du CYP1A2 et du CYP2C19, une augmentation de l’activité du CYP2C9, du CYP2D6 et du CYP3A4 ainsi que de l’UGT1A4 et de l’UGT2B7 ; • l’augmentation du taux de filtration glomérulaire ; • les changements hormonaux périnataux ; En lien notamment avec l’augmentation du volume de distribution, il peut ainsi être nécessaire d’augmenter les posologies pendant la période périnatale, afin de maintenir une concentration plasmatique dans l’index thérapeutique. La surveillance des taux circulants des traitements avec une marge thérapeutique étroite comme le Lithium (Téralithe® ) ou les thymorégulateurs antiépileptiques comme la Lamotrigine (Lamictal® ) est importante. Des dosages réguliers, mensuels ou trimestriels, peuvent être proposés pour suivre les profils pharmacocinétiques de ces traitements pendant la grossesse. S’il n’existe pas de recommandations systématisées de dosage (ou Suivi Pharmacologique Théraptique, STP), une pratique croissante retenue dans certaines consultations préconceptionnelles consiste à proposer un contrôle avant la grossesse, afin de connaître la/les concentration(s) plasmatique(s) des psychotropes stabilisantes chez la patiente en pré-partum, et de réaliser des contrôles une fois par trimestre et face à toute déstabilisation thymique durant la grossesse. Ces dosages s’avèrent particulièrement indiqués pour les psychotropes bénéficiant du meilleur niveau de preuve sur la pertinence de leur dosage dans la littérature [9]. Il sera également préférable d’utiliser une monothérapie psychotrope en évitant les combinaisons de stratégies thérapeutiques, quitte encore une fois à augmenter la posologie d’un traitement, en restant dans les doses de l’AMM (autorisation de mise sur le marche) et à arrêter les autres lorsqu’ils appartiennent à la même classe thérapeutique ou sont prescrits dans la même indication. Dans la dépression avec caractéristiques anxieuses, par exemple, on privilégiera une posologie adaptée d’antidépresseurs • • • • • la biodisponibilité du traitement chez la mère ; la demi-vie du traitement ; la taille moléculaire du traitement ; la solubilité lipidique du traitement ; le taux de liaison aux protéines plasmatiques. Comme pour l’algorithme de prescription pendant la grossesse, l’allaitement maternel en présence d’un traitement psychotrope doit mettre en balance les risques de type 1 et de type 2, avec un accent particulier sur le désir maternel d’allaitement qui doit être respecté dès lors qu’il n’existe pas de contre-indications claires. Le praticien pourra ainsi rechercher les informations validant l’innocuité, ou alertant sur les dangers, liés à l’allaitement sous traitement avec le psychotrope considéré. Il est crucial de considérer que l’innocuité d’un traitement pendant la grossesse ne garantit par son innocuité pour l’allaitement maternel : dans les synthèses de 4 G Model ENCEP-1591; No. of Pages 14 ARTICLE IN PRESS H. Bottemanne et al. L’Encéphale xxx (xxxx) xxx–xxx Tableau 2 Synthèse des grands principes de prescription en psychiatrie périnatale. L’indication principale est représentée par la dépression maternelle, l’un des fléaux de la période périnatale avec une prévalence estimée entre 10 à 20 % sur la période allant de la grossesse au postpartum. La dépression du postpartum est la forme la plus problématique de dépression maternelle, en partie en raison de la déficience du dépistage pendant cette période où les soins médicaux s’amenuisent. Que ce soit en prénatal ou en postpartum, les stratégies thérapeutiques de la dépression maternelle sont majoritairement équivalentes, à l’exception de l’utilisation possible des traitements antidépresseurs d’action rapide comme la Kétamine ou les neurostéroides (Brexanolone) dans le postpartum. On prescrira en première intention la Sertraline (Zoloft® ) ou la Paroxétine (Deroxat® ) [15], mais des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline comme la Venlafaxine (Effexor® ) pourront aussi être utilisés parmi les alternatives, notamment en cas de résistance aux ISRS de première ligne. Les troubles anxieux pendant la période périnatale peuvent également faire l’objet d’une prescription d’un antidépresseur sérotoninergique ou sérotoninergique et noradrénergique, notamment lorsqu’ils entrainent des troubles fonctionnels ou instinctuels comme l’insomnie, la fatigue, l’agitation maternelle ou encore des ruminations prospectives invalidantes. La persistance de symptômes anxieux non traités pendant la grossesse constitue un facteur de risque majeur de développer une dépression maternelle, notamment dans la période du postpartum. À ce titre, les symptômes anxieux périnataux ne doivent pas être banalisés, et sont une indication claire à un traitement sérotoninergique comme la Sertraline ou la Paroxétine en première intention [15]. Environ 10 % des femmes enceintes et en post-partum présentent également des symptômes de stress aigu ou de trouble de stress post-traumatique (SSPT) [16]. Une partie de ces symptômes sont notamment associés aux soins ou événements de la grossesse, notamment au choc de l’accouchement prématuré et de la césarienne en urgence, ou à des troubles obstétricaux comme la prééclampsie, l’hyperémèse gravidique, ou l’hémorragie de la délivrance. Par ailleurs, les souvenirs traumatiques associés aux antécédents de psychotraumatismes, d’abus sexuels et de violences peuvent être réactivés pendant la période. Les symptômes de stress aigu et post-traumatique, qu’ils soient liés ou non à la période périnatale, peuvent aussi faire l’objet d’une prescription d’antidépresseurs sérotoninergiques, en privilégiant la Sertraline et la Paroxétine [15]. Enfin, le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) constitue la quatrième grande catégorie indiquant la prescription d’antidépresseurs sérotoninergiques. Les symptômes de TOC sont fréquents pendant la période périnatale, estimés aux alentours de 5 à 10 %, même chez les femmes n’ayant jamais eu de symptomatologie antérieure. L’un des symptômes les plus fréquents est la phobie d’impulsion avec pensées intrusives hétéro-agressives focalisées sur le nourrisson. Chez les patientes souffrant déjà d’un TOC antérieur, le trouble est fréquemment décompensé pendant la grossesse, et peut nécessiter l’augmentation de posologie du traitement. On favorisera en première intention un traitement sérotoninergique comme la Sertraline ou la Paroxétine, encore une fois, en visant idéalement la posologie maximale de l’AMM pour optimiser les chances de réussite du traitement (ou à défaut la posologie maximale tolérée) [15]. Pour l’ensemble des troubles détaillés, les molécules antidépressives recommandées en première intention sont la Sertraline et la Paroxétine [15]. Ces deux molécules ont un profil d’efficacité et de tolérance adapté pendant la grossesse et le postpartum, avec l’avantage de pouvoir être utilisée sans danger pendant l’allaitement en raison d’un faible passage dans le lait maternel. Environ 30 % des nouveau-nés présentent des signes mineurs de mauvaise adaptation néonatale qui sont en général spontanément réversibles et ne nécessitent ainsi pas de surveillance Principes de prescription en psychiatrie périnatale Adaptation du traitement pour toutes les grossesses Privilégier monothérapie, posologie minimale efficace Associer la patiente et le conjoint à la décision Adapter la posologie (fin de grossesse, Postpartum) Doser les traitements lorsque c’est possible En cas de découverte de grossesse sous traitement Ne pas arrêter brutalement le traitement Dater la grossesse Faire le lien avec l’obstétricien En cas d’arrêt du traitement pendant la grossesse Poursuivre un suivi psychiatrique Proposer des consultations régulières Assurer une prise en charge pluridisciplinaire Choix du traitement en prenant en compte Réponse antérieure Souhait d’allaiter Terme de la grossesse Données de la littérature sur l’innocuité Risque de symptômes en néonatal (sevrage, demie vie) recommandations de prescription que nous avons éditées dans les chapitres suivants, nous distinguons ainsi les différentes périodes (trimestres 1, 2, 3, et allaitement) (Tableau 2). Les éléments présentés dans les chapitres suivants, s’appuient, lorsqu’ils ne sont pas indexés directement à une référence, sur un croisement des données fournies par : l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), la FDA (Food and Drug Administration), le CRAT (centre de reference sur les agents teratogènes) et la base LactMed, principalement. Ces éléments conduisent à un classement des différents psychotropes (Figs. 1–4) qui prend en compte, au-delà du risque individuel du traitement, la possibilité de réorienter vers un médicament mieux toléré ou mieux évalué dans la même indication. Ces données peuvent être considérées comme valides à la date de publication de l’article, mais doivent impérativement faire l’objet d’une mise en perspective avec les nouvelles données de la littérature et les informations réglementaires fournies par les agences et les sites de références, pour une utilisation ultérieure. Antidépresseurs L’utilisation des molécules antidépressives sérotoninergiques ou monoaminergiques pendant la période périnatale est transdiagnostique, en partie en raison de la large cible d’action de ces traitements. Chacune des indications est associée à des posologies d’administration différentes, qui peuvent également varier selon les patientes. Parmi les traitements monoaminergiques, on retrouve principalement les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa), les imipraminiques (majoritairement tricycliques), les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), les antidépresseurs noradrénergiques et sérotoninergiques spécifiques (ANaSS ; Mirtazapine et Miansérine) et les modulateurs et stimulateurs de la sérotonine (MSS ou nouveaux agents multimodaux, comme la Vortioxétine). Des traitements non monoaminergiques de nouvelle génération comme la Kétamine (Spravato® ) ou la Brexanolone (non commercialisé en France, mais disponible aux USA sous le nom de Zulresso® ) sont également disponibles, et souvent qualifiés de « traitements d’action rapide » [14]. Les traitements monoaminergiques les plus classiques sont majoritairement prescrit dans les contextes de : • dépression prénatale ou du postpartum ; • troubles anxieux et de stress post-traumatique ; • troubles obsessionnels-compulsifs périnataux. 5 G Model ENCEP-1591; No. of Pages 14 ARTICLE IN PRESS H. Bottemanne et al. L’Encéphale xxx (xxxx) xxx–xxx Fig. 1. Recommandations d’utilisation des antidépresseurs pendant les trois trimestres de grossesse et pour l’allaitement – Résumé des recommandations d’utilisation des antidépresseurs monoaminergiques et d’action rapide pendant les trois trimestres de la grossesse (T1, T2 et T3) et pendant l’allaitement (A). Vert : Utilisation recommandée en cas de rapport bénéfice sur risque favorable ; Orange : Utilisation non recommandée, mais absence de contre-indication, manque de données, à évaluer en fonction du contexte clinique et du rapport bénéfice/risque ; Rouge : Utilisation non recommandée, possible contre-indication et/ou manque/absence de données. ISRS : Inhibiteur sélectif de recapture de la sérotonine ; IRSNa : inhibiteur de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline ; ANaSS : antidépresseurs noradrénergiques et sérotoninergiques spécifiques ; IMAO : inhibiteur de la monoamine oxydase. * Médicaments disponibles en France uniquement en Autorisation d’Accès Compassionnel (AAC). ** Médicament en situation rupture très prolongée en France, orientant vers les traitements en AAC* pour les IMAO non sélectifs. *** Usage hors AMM dans son utilisation dans la dépression en France. # Traitements non commercialisés en France à la date de rédaction de l’article (rapport bénéfice/risque dans la grossesse et l’allaitement susceptible d’être réévalué). Classement obtenu par croisements des données fournies par : l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), la FDA (Food and Drug Administration), le CRAT (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes) et LactMed et par discussion entre les auteurs sur les situations non consensuelles. Ce classement prend en compte, au-delà du risque individuel du traitement, la possibilité de réorienter vers un traitement mieux toléré et/ou mieux évalué dans la même indication. néonatale particulière aux posologies usuelles. Bien que ces molécules entrainent peu d’effet d’imprégnation et de sevrage sur le nourrisson, il est difficile d’anticiper cette symptomatologie qui n’est pas nécessairement dose-dépendante. La posologie minimale efficace sera ainsi recherchée, sans sous-doser. Les stratégies d’augmentation ne devront pas être retardées, notamment dans les contextes de trouble nécessitant des posologies modérées à hautes comme la dépression maternelle sévère ou le trouble obsessionnelcompulsif. Il convient également de rappeler que la grossesse peut rendre nécessaire une augmentation des doses pour maintenir l’efficacité du traitement antidépresseur et éviter l’émergence d’un syndrome d’arrêt ; ce que le STP préconceptionnel puis au cours de la grossesse permet d’objectiver ou d’anticiper. Ainsi, les concentrations plasmatiques de Paroxétine et de Sertraline – antidépresseurs 6 G Model ENCEP-1591; No. of Pages 14 ARTICLE IN PRESS H. Bottemanne et al. L’Encéphale xxx (xxxx) xxx–xxx Fig. 2. Recommandations d’utilisation des anxiolytiques et hypnotiques pendant les trois trimestres de grossesse et pour l’allaitement – Résumé des recommandations d’utilisation des anxiolytiques et hypnotiques pendant les trois trimestres de la grossesse (T1, T2 et T3) et pendant l’allaitement (A). Vert : Utilisation recommandée en cas de rapport bénéfice sur risque favorable ; Orange : Utilisation non recommandée, mais absence de contre-indication, manque de données, à évaluer en fonction du contexte clinique et du rapport bénéfice/risque ; Rouge : Utilisation non recommandée, possible contre-indication et/ou manque/absence de données. Classement obtenu par croisements des données fournies par : l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), la FDA (Food and Drug Administration), le CRAT (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes) et LactMed et par discussion entre les auteurs sur les situations non consensuelles. Ce classement prend en compte, au-delà du risque individuel du traitement, la possibilité de réorienter vers un traitement mieux toléré et/ou mieux évalué dans la même indication. de première intention pendant la grossesse –, mais également la Fluoxétine, le Citalopram et l’Escitalopram, diminuent au cours de la grossesse et il peut s’avérer nécessaire d’augmenter les doses de ces traitements particulièrement au cours des deuxièmes et troisièmes trimestres [17,18]. Des données détaillées et rassurantes existent également pour la Fluoxétine pendant la grossesse, mais sa demi-vie longue et son taux de passage dans le lait maternel constituent des freins à sa recommandation pour l’allaitement. D’autres molécules antidépressives plus anciennes comme la Clomipramine (Anafranil® ) et l’Amitryptiline (Laroxyl® ) peuvent être utilisées pendant l’allaitement, mais sont souvent moins bien tolérées sur le plan végétatif et cardiovasculaire par les femmes pendant la grossesse et le postpartum. En raison de leurs effets anticholinergiques ils peuvent également être à l’origine de signes d’imprégnation atropiniques chez le nouveau-né. Le Bupropion (Zyban® ), n’ayant pas d’AMM dans la dépression en France, a fait l’objet de quelques études préliminaires et pourrait avoir un profil de risque similaire aux autres antidépresseurs [19], mais n’est pas recommandé pendant la période périnatale. La Mirtazapine (Norset® ) n’a pas montré de risque accru de malformations congénitales, mais n’est pas recommandé pendant l’allaitement. Les traitements antidépresseurs monoaminergiques sont largement utilisés pour une variété d’indications, et constituent l’une des classes de médicaments les plus étudiées pendant la grossesse, notamment la Sertraline (qui se voit régulièrement préférée à la paroxétine en raison des risques accrus d’effets secondaires et de syndrome d’arrêt avec la paroxétine) [15,18,20]. L’augmentation du risque de malformation cardiaque congénitale sous ISRS et IRNa ne peut être occulté et peut être présenté en terme de rapport bénéfice sur risque aux patientes et idéalement au couple, en consultation préconceptionnelle [21]. L’impact spécifique de la Paroxétine sur le plan cardiaque [21,22] peut être un argument supplémentaire en faveur de l’orientation vers la Sertraline, mais n’invalide pas, à 7 G Model ENCEP-1591; No. of Pages 14 ARTICLE IN PRESS H. Bottemanne et al. L’Encéphale xxx (xxxx) xxx–xxx Fig. 3. Recommandations d’utilisation des antipsychotiques typiques et atypiques pendant les trois trimestres de grossesse et pour l’allaitement. – Résumé des recommandations d’utilisation des antipsychotiques typiques et atypiques pendant les trois trimestres de la grossesse (T1, T2 et T3) et pendant l’allaitement (A). Vert : Utilisation recommandée en cas de rapport bénéfice sur risque favorable ; Orange : Utilisation non recommandée, mais absence de contre-indication, manque de données, à évaluer en fonction du contexte clinique et du rapport bénéfice/risque ; Rouge : Utilisation non recommandée, possible contre-indication et/ou manque/absence de données. AP2G : antipsychotiques de seconde génération ; AP1G : antipsychotiques de première génération ; AP2GAP : antipsychotiques de seconde génération à action prolongée ; AP = action prolongée ; p.o : per os (voie orale). Classement obtenu par croisements des données fournies par : l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), la FDA (Food and Drug Administration), le CRAT (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes) et LactMed et par discussion entre les auteurs sur les situations non consensuelles. Ce classement prend en compte, au-delà du risque individuel du traitement, la possibilité de réorienter vers un traitement mieux toléré et/ou mieux évalué dans la même indication. # Traitements non commercialisés en France à la date de rédaction de l’article (rapport bénéfice/risque dans la grossesse et l’allaitement susceptible d’être réévalué). * Envisagé uniquement en cas de problèmes d’observances et/ou de rechutes fréquentes (Zypadhera® expose au risque de syndrome post-injection, la surveillance post-injection doit intégrer les moyens de surveillance d’une éventuelle souffrance fœtale). ce jour, sa place en tant que stratégie de première intention dans la grossesse [15]. Quant au risque neurodéveloppemental lié aux antidépresseurs, les données les plus récentes ne permettent pas d’établir la sélectivité d’un impact iatrogène en regard de certains facteurs confondants [23,24]. Bien que l’évolution des données de psychopharmacovigilance en matière de périnatalité impose un suivi constant, certaines croyances médicales parfois inadaptées participent à une sousutilisation des psychotropes pour cette population de patientes déjà fragilisées. Certains praticiens considèrent par exemple que 8 G Model ENCEP-1591; No. of Pages 14 ARTICLE IN PRESS H. Bottemanne et al. L’Encéphale xxx (xxxx) xxx–xxx Fig. 4. Recommandations d’utilisation des thymorégulateurs pendant les trois trimestres de grossesse et pour l’allaitement – Résumé des recommandations d’utilisation des thymorégulateurs pendant les trois trimestres de la grossesse (T1, T2 et T3) et pendant l’allaitement (A). Vert : Utilisation recommandée, absence de contre-indication ; Orange : Utilisation non recommandée, mais absence de contre-indication ; Rouge : Contre-indication relative, à évaluer en fonction du contexte clinique. AP2G : antipsychotiques de seconde génération. Classement obtenu par croisements des données fournies par : l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), la FDA (Food and Drug Administration), le CRAT (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes) et LactMed et par discussion entre les auteurs sur les situations non consensuelles. Ce classement prend en compte, au-delà du risque individuel du traitement, la possibilité de réorienter vers un traitement mieux toléré et/ou mieux évalué dans la même indication. * L’utilisation lithium, en l’absence d’alternative efficace, sera prescrit à la dose minimale efficace (idéalement ≤ 800mg/j et en visant la lithémie minimale efficace) pendant les 2 premiers mois (période d’organogenèse cardiaque = J21-J50 post conception). ** Usage hors AMM en tant que thymorégulateur. les traitements antidépresseurs pendant la grossesse doivent être prescrits à des posologies inférieures à leur utilisation en pratique courante, malgré l’expansion volumique et les changements de métabolisme inhérents à la grossesse qui réduisent l’efficacité de ces molécules. Lorsqu’ils sont prescrits, les antidépresseurs sont utilisés avec des posologies dans la marge inférieure, souvent à des doses infra-thérapeutiques : pour la Sertraline, il s’agit par exemple d’une posologie moyenne aux alentours de 68,7 mg, contre une posologie moyenne de 100 à 200 mg en pratique courante [25]. Une autre croyance dysfonctionnelle consiste à considérer qu’il faut réduire la posologie ou arrêter les antidépresseurs dans les 15 jours précédant l’accouchement afin de favoriser l’adaptation à la vie extra-utérine du nourrisson. Concernant les syndromes d’imprégnation et de sevrage néonatal qui reflètent des troubles de l’adaptation à la vie extra-utérine (PNAS, Poor Neonatal Adaptation Syndrome), ils sont généralement transitoires et sans conséquences à long terme [26], avec une amélioration spontanée en moins de 48 h sans intervention médicale. Par ailleurs, des troubles néonataux plus graves comme l’hypertension pulmonaire persistante néonatale (PPHN, Persistent pulmonary hypertension of the newborn) n’ont pas été formellement associée à l’utilisation d’antidépresseur, et semblent majoritairement liés à d’autres paramètres maternels ou fœtaux, comme la prématurité [27]. Aux USA, la Food and Drug Administration (FDA) avait émis en 2004 un avertissement suggérant d’arrêter les ISRS en prévision de la naissance : cet arrêté n’a pas été confirmé empiriquement, et a ensuite été révoqué [2,28]. La diminution de posologie ou l’arrêt pourraient même entrainer des conséquences délétères pour la mère et son nourrisson, notamment dans le contexte de décompensation du trouble. Nous ne recommandons pas l’arrêt ou la diminution de posologie d’un traitement antidépresseur avant l’accouchement. Les recommandations d’utilisation des antidépresseurs pendant les trois trimestres de grossesse et pour l’allaitement sont résumées dans la Fig. 1. détriment de traitement de fond d’un épisode dépressif ou d’un trouble anxieux à l’aide d’un antidépresseur monoaminergique [29]. Un anxiolytique ou un hypnotique peut ainsi être prescrit de manière occasionnelle en favorisant la durée de prescription la plus courte et à la posologie minimale, dans des contextes d’insomnie ou d’anxiété passagère, lorsqu’il n’y pas d’arguments pour un trouble caractérisé. Pour une problématique anxieuse, la prescription sera limitée à 1 ou 2 semaines en favorisant une réévaluation rapide de l’indication, et le passage à une molécule sérotoninergique comme un ISRS en cas de persistance des symptômes. Malgré son intérêt clinique, la Buspirone (Buspirone Gé® ) n’est pas conseillée pendant toute la période périnatale en raison de l’absence de données scientifiques fiables sur son innocuité [29]. En cas d’insomnie pendant la grossesse, la Doxylamine (Donormyl® ), l’Hydroxyzine (Atarax® ) et la Diphenhydramine (Nautamine® ) peuvent être prescrits en première intention mais sont généralement interrompus pour l’allaitement [29]. Les antihistaminiques sont à risque de sédation néonatale, et diminuent la production de lait maternel [29]. En cas d’insomnie réfractaire, le Zopiclone (Imovane® ) ou le Zolpidem (Stilnox® ) pourront également être prescrits pendant la grossesse et le postpartum : bien qu’il n’y ait pas de contre-indication formelle à leur utilisation avec l’allaitement, leur prescription devra être limitée temporellement et des consignes sont généralement données à la mère pour ne pas donner le sein dans les 6 heures suivant la prise. Les molécules comme la Mélatonine (Circadin® notamment) ne sont pas recommandés pendant la grossesse et l’allaitement en raison de l’absence de données fiables disponibles [30]. La prescription de ces molécules anxiolytiques et hypnotiques peut également se révéler utile pour soulager rapidement les symptômes sévères de baby-blues survenant dans les 15 jours après l’accouchement. Ces symptômes de baby-blues sont très fréquents et surviennent chez 60 % à 80 % des patientes [31] : ils sont caractérisés par une période temporaire de pleurs, labilité émotionnelle, et troubles du sommeil, avec un pic entre le 3e et le 5e jour après l’accouchement. Lorsqu’ils sont sévères et entrainent une souffrance significative pour la mère, la prescription sur 24 à 72 h d’une benzodiazépine soulage rapidement les symptômes : on préfèrera généralement l’Oxazépam (Seresta® ) en raison de sa bonne Anxiolytiques et hypnotiques La prescription d’anxiolytiques et d’hypnotiques pendant la grossesse doit rester exceptionnelle, et ne doit pas être faite au 9 G Model ENCEP-1591; No. of Pages 14 ARTICLE IN PRESS H. Bottemanne et al. L’Encéphale xxx (xxxx) xxx–xxx tolérance, sa demi-vie courte, l’absence de métabolites actifs et de la compatibilité avec l’allaitement. L’utilisation de cette benzodiazépine est sans danger majeur pendant la grossesse et le postpartum, même lorsque la mère allaite. Les études suggérant un risque accru de fente palatine après un traitement par benzodiazépine pendant la grossesse n’ont pas été répliquées [29]. Toutefois, les benzodiazépines entrainent un risque d’imprégnation néonatale et de sevrage néonatal, et devront être prescrites aux posologies minimales et pour la durée la plus courte possible. Dans le cas de l’allaitement avec un traitement temporaire par Oxazépam, des précautions temporelles peuvent être prises par la mère allaitante : ne pas prendre le traitement avant la mise au sein, et respecter un délai de 3 h avant d’allaiter après la prise du traitement pour limiter le passage dans le lait maternel. La posologie ne devra pas dépasser 10 mg trois fois par jour. Enfin, la prégabaline qui possède une indication dans le trouble anxieux généralisé doit désormais être écartée pendant la grossesse en raison d’un risque de malformation lié à l’exposition à la prégabaline multiplié par près d’1,5 par rapport à la population non exposée à ce médicament [32]. Les recommandations d’utilisation des anxiolytiques et hypnotiques pendant les trois trimestres de grossesse et pour l’allaitement sont résumées dans la Fig. 2. Plusieurs études suggèrent également que ces traitements pourraient favoriser le risque de diabète gestationnel, mais les résultats sont encore contradictoires [34]. En plus des troubles psychotiques préexistants à la grossesse, les antipsychotiques peuvent être utilisés pour la psychose puerpérale, un trouble aigu qui peut survenir en coup de tonnerre chez des femmes sans antécédents psychiatriques, et caractérisé par une symptomatologie psychotique avec une note de confusion et de labilité thymique. Avec une prévalence estimée autour de 1 pour 1000 naissances, ce trouble se manifestant majoritairement dans le premier mois du postpartum avec un pic au 10e jour de l’accouchement constitue une urgence psychiatrique, notamment en raison du taux élevé de suicide maternel et du risque d’infanticide [39]. Dans ces situations aigues, la prescription d’un antipsychotique incisif comme l’Olanzapine, l’Aripiprazole ou la Quétiapine est indiquée en première intention. Si la patiente prenait déjà un traitement antipsychotique, on privilégiera une augmentation de la posologie du traitement antérieur à un switch. L’allaitement est possible avec les molécules antipsychotiques lorsque l’on respecte des posologies limites spécifiques, formalisées à 10 mg par jour pour l’Olanzapine, 400 mg par jour pour la Quétiapine, et 6 mg par jour pour la Rispéridone. On préfèrera l’utilisation de l’Olanzapine pour laquelle il existe un plus grand nombre d’études, mais si la patiente était déjà stabilisée avec la Quétiapine ou la Risperidone avant ou pendant la grossesse, on favorisera le maintien du même traitement. Contrairement à ces traitements, l’Aripiprazole est autorisé pendant la grossesse mais globalement à éviter durant l’allaitement en raison de sa longue demi-vie et du risque d’un syndrome d’imprégnation néonatale prolongée. Cet antipsychotique atypique de nouvelle génération peut également réduire les taux de prolactine, avec le risque d’impacter la production de lait maternel. Les recommandations d’utilisation des antipsychotiques pendant les trois trimestres de grossesse et pour l’allaitement sont résumées dans la Fig. 3. Antipsychotiques La prise en charge des troubles psychotiques dans le péripartum est l’un des axes principaux de la psychopharmacologie périnatale. Dans ces troubles, la poursuite d’un traitement antipsychotique à bonne posologie est une priorité pour l’ensemble des professionnels impliqués dans le suivi, en raison des risques majeurs provoqués par une décompensation aigue pour la femme enceinte, le fœtus, et le nourrisson. Les études sur l’utilisation des antipsychotiques pendant la grossesse sont rassurantes sur le risque de tératogénicité [33,34], notamment pour l’Olanzapine (Zyprexa® ), la Quétiapine (Xeroquel® ), et l’Aripiprazole (Abilify® ) [35,36]. Une étude isolée a signalé un risque de malformations cardiaques fœtales avec la Rispéridone (Risperdal® ) [37], mais n’a pas été répliquée. Les preuves disponibles actuellement suggèrent que l’utilisation de ces molécules au début de la grossesse n’augmente pas de manière significative le risque de malformations congénitales en général ou de malformations cardiaques en particulier. Pour le traitement de ces troubles psychotiques chroniques, on privilégiera généralement une continuité du traitement qui avait permis la stabilisation du trouble, notamment lors de la découverte inopinée d’une grossesse. Si une consultation préconceptionnelle a pu être menée, l’introduction d’un antipsychotique atypique comme l’Olanzapine ou la Quétiapine sera favorisée en première intention. Un antipsychotique typique comme l’Halopéridol (Haldol® ) pourra également être utilisé [38], notamment dans les contextes de résistance aux antipsychotiques atypiques. À l’image de ce qui est observé avec les antidépresseurs, les modifications d’activité sur certains cytochromes P450 et l’augmentation progressive du volume de distribution peuvent rendre nécessaire une augmentation des doses au cours de la grossesse. Le STP peut s’avérer également ici complémentaire de l’évaluation clinique, pour les antipsychotiques qui présentent le plus haut niveau de recommandation pour la réalisation de leur suivi plasmatique [9], et idéalement avec des contrôles de référence réalisés avant la grossesse et en période de stabilité psychique. Il peut exister un risque modéré de syndrome d’imprégnation et de sevrage néonatal après une exposition aux antipsychotiques in utero [38], mais sans conséquences prolongées pour le nourrisson. Thymorégulateurs La thymorégulation est une préoccupation majeure pour de nombreuses femmes bipolaires en âge de procréer, notamment lors de la grossesse. Environ 25 % des patientes avec un trouble bipolaire stabilisé connaissent une recrudescence symptomatique, notamment dans les six premiers mois du postpartum [40–42]. Cette recrudescence peut mener à de véritables décompensations du trouble, avec des accès maniaques ou mixtes majoritairement pendant la période du postpartum, ou des épisodes dépressifs caractérisés d’intensité modéré à sévère pendant toute la période périnatale. Le risque est deux fois plus élevé pour les patientes qui interrompent leur traitement pour le projet de grossesse, et augmente également pour les patientes dont le traitement est modifié, par exemple lors du retrait du Lithium. Les épisodes mixtes combinant une dimension dépressive et hypomaniaque sont également plus fréquents pendant la période périnatale. Dans le trouble bipolaire, la poursuite d’un traitement thymorégulateur pendant la grossesse et le postpartum est fortement recommandée, notamment pour les troubles de type 1 caractérisés par un antécédent d’épisode maniaque. On préférera l’utilisation d’antipsychotiques atypiques comme l’Olanzapine et la Quétiapine en première intention en raison de leur profil d’innocuité mieux démontré pendant la grossesse, et de leur compatibilité relative avec l’allaitement [43]. Les antiépileptiques comme la Lamotrigine sont généralement recommandés en seconde intention lorsque les antipsychotiques ont été inefficaces dans le passé, ou si la patiente est déjà stabilisée sous ce traitement antiépileptique [44], en raison de son profil d’innocuité [45]. 10 G Model ENCEP-1591; No. of Pages 14 ARTICLE IN PRESS H. Bottemanne et al. L’Encéphale xxx (xxxx) xxx–xxx Le Valproate (Dépakote® ) et toutes les molécules dérivées de l’acide valproïque (Dépakine® ), dont le Valpromide (Depamide® ) sont strictement contre-indiqués pendant la grossesse en raison du risque de malformations congénitales majeures avec un tableau malformatif spécifique désigné comme « Fetal valproate syndrome » [45,46]. Plusieurs études ont également démontré un risque accru de trouble du spectre autistique pour les enfants dont la mère avait été traitée par valproate pendant la grossesse [47,48], complétant le tableau précédent d’un risque d’impact neurodéveloppemental important. Plus encore, les recommandations 2014 du NICE (National Collaborating Center for Mental Health Royal College of Psychiatrists’ Research and Training) [43], rejoint ensuite par l’American Academy of Neurology, l’American Epilepsy Society et l’European Medicines Agency’s, considèrent que ces molécules sont contre-indiquées pendant la grossesse, et invitent à ne pas les prescrire chez toute femme en âge de procréer. Notons que l’Association Française de Psychiatrie Biologique et de Neuropsychopharmacologie (AFPBN) a proposé récemment son positionnement à partir d’un panel d’expert sur la prise en charge du Valproate chez les femmes en âge de procréer et les femmes enceintes souffrants d’un trouble bipolaire [49]. La Lamotrigine est l’antiépileptique le plus sûr d’utilisation pendant la grossesse [45]. Les études ayant suggéré une association entre ce traitement maternel et la fente palatine n’ont pas été répliqués [50], et aucun effet tératogène n’a été rapporté sur les dernières cohortes. Comme pour les autres antiépileptiques, ce traitement pourrait perturber la synthèse du folate (5-MTHF) [51] : il est possible de supplémenter les patientes en acide folique à raison de 5 mg par jour pendant la grossesse [43]. En raison des fluctuations importantes du métabolisme pendant la grossesse, il peut aussi être nécessaire de surveiller la lamotriginémie pendant la grossesse : on observe fréquemment une diminution du taux circulant de Lamotrigine dans le plasma maternel pendant la grossesse, et une augmentation transitoire de la posologie jusqu’à l’accouchement peut être nécessaire [50]. À l’inverse, la Lamotrigine s’avère difficilement maniable lors de l’allaitement est nécessite de bien évaluer la tolérance chez le nouveau-né en raison d’un passage de quantité importante dans le lait. Les anticonvulsivants utilisés à visée thymorégulatrice comme la Carbamazépine (Tégretol® ) ou l’Oxcarbazepine (Trileptal® ) sont plus controversés que la lamotrigine, en particulier en raison de certaines études ayant rapporté un risque de malformation congénitale ou de retard du neurodéveloppement [50,52]. Toutefois ces résultats n’ont pas toujours été répliqués [53,54], et certaines équipes autorisent l’utilisation de la Carbamazépine à partir du 2e trimestre de la grossesse. Pour l’Oxcarbazepine, les résultats sont moins clairs et la molécule est généralement écartée pendant la grossesse ; son usage est par ailleurs hors AMM en France en tant que thymorégulateur. Le Lithium occupe une place particulière dans la pharmacopée thymorégulatrice, et est souvent considéré comme l’une des molécules les plus efficaces pour stabiliser le trouble bipolaire [55], avec un effet anti-suicidaire robuste [56]. Plusieurs études ont retrouvé un risque majoré d’anomalie d’Ebstein, une malformation cardiaque congénitale de la valve tricuspide séparant l’oreillette droite du ventricule droit, associé au traitement par Lithium pendant la grossesse [57]. Ce risque semble particulièrement accru pendant la cardiogenèse fœtale entre le 18e et le 55e jour de grossesse, soit entre 4 et 10 semaines d’aménorrhée. Une méta-analyse a également suggérée un risque accru de malformation générale liée à l’utilisation du Lithium au 1er trimestre, sans retrouver de majoration du risque de malformation cardiaque [58]. Ces résultats ont amené les recommandations internationales a évoluer vers la possibilité d’un traitement par Lithium à partir du 55e jour de la grossesse. Mais ces recommandations doivent toutefois considérer la balance bénéfice-risque pour la dyade, en pesant à la fois le risque de malformation fœtale et le risque de décompensation maternelle du trouble bipolaire. Ainsi, nous suggérons que le traitement par Lithium peut exceptionnellement être poursuivi au 1er trimestre de la grossesse lorsque 3 conditions sont respectées : • il s’agit d’un trouble bipolaire de type 1, difficile à stabiliser, ou associé à une symptomatologie sévère lors des périodes de décompensation ; • le traitement par Lithium a permis une stabilisation du trouble (normothymie 18 mois), ou a montré une efficacité suffisamment supérieure aux autres thymorégulateurs ; • patiente informée et dispose de temps pour réfléchir aux enjeux (pas dans contexte de grossesse inopinée). Lorsque ces conditions sont réunies, le risque de décompensation du trouble l’emporte sur le risque de malformation fœtale, et le Lithium peut être maintenu pendant toute la grossesse. Toutefois, ce maintien doit se faire avec une surveillance fœtale renforcée associant un monitoring échographie cardiaque fœtale à 22–24 semaines d’aménorrhée, une surveillance du volume de liquide amniotique devant un risque d’hydramnios [59] et de la thyroïde fœtale. Une grossesse sous Lithium implique toujours un suivi psychiatrique et obstétrical rapproché. Le monitoring de la posologie de Lithium est particulièrement important en raison des modifications pharmacocinétiques pendant la grossesse. Il peut être conseillé, pendant la période où le couple a décidé d’avoir un enfant et pendant la grossesse, de prendre le Lithium en deux prises, afin de minimiser les pics sanguins [60]. La lithémie doit être maintenue dans la fourchette thérapeutique qui avait permis la stabilisation des symptômes avant la grossesse, généralement entre 0,60 à 0,80 mEq/L, conformément à la nouvelle fourchette de consensus, 12 heures après la dernière prise de lithium et ce indépendamment de la forme (libération immédiate ou prolongée) [61]. Ce maintien demande parfois une augmentation de la posologie au cours du 2e ou du 3e trimestre de grossesse, qui pourra être révisée dans le postpartum immédiat. Certaines équipes recommandent de réaliser une lithémie tous les mois jusqu’à la 34e semaine d’aménorrhée, puis une fois par semaine jusqu’à l’accouchement et dans le 1er mois du postpartum [62]. Une information sur les signes d’alerte de surdosage et des situations susceptibles d’en induire doit être donnée afin d’éviter tout surdosage. Une surveillance en unité de néonatologie est souhaitable à la naissance en raison des risques d’imprégnation et de sevrage à la naissance (une lithémie sur le sang du cordon peut être pratiquée). Une lithiémie plasmatique est recommandée chez le nouveau-né. Il est possible d’opter pour une diminution de posologie de 25 % une semaine avant l’accouchement ou un arrêt du lithium 48 heures avant l’accouchement et une reprise après la délivrance pour limiter les signes d’imprégnation chez le nouveauné. Chez des patientes qui ne sont pas traitées par Lithium, qui ont un antécédent de décompensation en postpartum, ou pour lesquelles le risque de décompensation est élevée, et qui ne souhaitent pas allaiter, une introduction prophylactique de Lithium à J0 de l’accouchement est possible, le soir-même après la naissance. Cette introduction rapide pourrait réduire le risque de psychose puerpérale et de manie du postpartum, notamment chez les femmes avec des troubles bipolaires sévères [63]. Le Lithium est généralement contre-indiqué pendant l’allaitement, bien que certaines équipes valident l’allaitement avec une surveillance du nourrisson [50,64]. En l’absence de preuves adéquates disponibles sur son innocuité, nous ne recommandons pas son utilisation avec l’allaitement. La question de l’allaitement maternel pour le trouble bipolaire est particulièrement complexe. L’allaitement provoque des 11 G Model ENCEP-1591; No. of Pages 14 ARTICLE IN PRESS H. Bottemanne et al. L’Encéphale xxx (xxxx) xxx–xxx modifications profondes de l’activité du cerveau maternel, notamment dans les aires impliquées dans la régulation de l’émotion et de l’humeur. La prolactine produite par les cellules lactotropes de l’hypophyse est impliquée dans la neurogènese hippocampique et participe à réguler la réponse au stress au sein de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA) [65]. La signalisation ocytocinergique et dopaminergique est également modifiée par l’allaitement maternel, avec des effets difficilement prévisibles sur les fonctions affectives. Par ailleurs, en dehors de la dimension biologique, l’allaitement maternel fragilise les cycles biologiques comme le sommeil. Pour maintenir la stabilité, il est conseillé aux mères qui souffrent de troubles bipolaires de maintenir des cycles de sommeil réguliers, ce qui est souvent conflictuel avec le maintien de l’allaitement maternel occasionnant des coupures répétées dans les cycles de sommeil. Dans ce contexte, l’allaitement est souvent déconseillé aux femmes avec un trouble bipolaire. Toutefois, ces recommandations cliniques doivent s’adapter au désir de la femme enceinte. Il faut rester vigilant à toute forme de discrimination précautionneuse, notamment pour les femmes chez qui l’allaitement revêt une importante dimension affective ou favorise les relations dyadiques précoces. D’autant plus que des traitements thymorégulateurs comme l’Olanzapine, la Quétiapine, ou la Rispéridone sont compatibles avec l’allaitement, pour les posologies inférieures à 10 mg, 400 mg, et 6 mg, respectivement. L’allaitement maternel sous Lamotrigine peut être envisagé avec une surveillance régulière de l’enfant (est d’autant plus soutenu si l’enfant est prématuré et/ou présente une pathologie sousjacente) comprenant un examen clinique et un dosage plasmatique de la Lamotrigine et des transaminases deux à trois semaines après le début de l’allaitement, ou avant en cas de manifestation clinique. Pour les patientes souffrant de troubles de l’humeur, la perspective de l’allaitement doit ainsi être discutée avec le psychiatre spécialiste de la périnatalité, et évaluée individuellement en fonction du désir de la mère et des risques potentiels. Les recommandations d’utilisation des thymorégulateurs pendant les trois trimestres de grossesse et pour l’allaitement sont résumées dans la Fig. 4. traitements. Un état inflammatoire généralisé associé à un trouble dépressif prénatal peut par exemple constituer un facteur de confusion sur le rôle d’un traitement antidépresseur sur le retard de développement fœtal. Par ailleurs, le grain d’analyse des études rétrospectives portant sur de larges cohortes ne permet généralement pas d’évaluer l’impact précis des posologies, des taux circulants, ou de la biodisponibilité générale des traitements, sur les risques de type 2. Cette constatation est d’autant plus dommageable que les traitements psychotropes ont des profils d’activité et de biodisponibilité d’une grande variabilité en fonction de la posologie : ce phénomène est d’ailleurs utilisé à bon escient en psychiatrie, notamment avec des traitements antipsychotiques atypiques qui peuvent être utilisés à faible dose pour augmenter la transmission dopaminergique mésocorticale, et à forte dose pour diminuer la transmission dopaminergique mésolimbique. Les effets indésirables des psychotropes pendant la grossesse pourraient également être fortement dépendants de ces facteurs posologiques, et mériteraient d’être étudiés sous cet angle. Ces limites sont en train d’évoluer [66], et de nouvelles études pourraient bientôt renforcer la validité des recommandations psychopharmacologiques périnatales. Importance d’une prise en charge holistique Malgré son importance, la pharmacologie ne constitue pas la seule modalité de prise en charge des troubles psychiques périnataux. Les approches non pharmacologiques fondées sur la psychothérapie et les techniques de modulation physiologique comme l’exercice physique, la luminothérapie, la relaxation, le Mindfulness, la sophrologie, le yoga, l’autohypnose ou l’acupuncture peuvent être également recommandés pendant la période périnatale, notamment dans les contextes de symptomatologie anxieuse ou dépressive légère à modérée. Mais dans le contexte de troubles psychiatriques antérieurs à la grossesse, ou de symptomatologie psychiatrique périnatale modérée à sévère, ces approches non pharmacologiques ne sont pas suffisantes en monothérapie pour soulager les patientes. Elles pourront être proposées en complément d’un traitement pharmacologique bien conduit, dans une perspective de synergie des effets thérapeutiques. Certaines formes de psychothérapies intéroceptives digitales, ou i-thérapie, comme la cohérence cardiaque ou la relaxation peuvent être d’ailleurs systématiquement proposées aux patients souffrant de symptômes anxieux et dépressifs, en complément du traitement médicamenteux. D’autres techniques innovantes comme les techniques de neuromodulation et neurostimulation non invasives pourraient également être développées dans ces indications : la stimulation magnétique transcranienne est un candidat possible pendant la grossesse, pouvant constituer une alternative aux traitements médicamenteux. Les dimensions socio-économiques occupent également une place prépondérante dans la symptomatologie psychiatrique de novo apparaissant pendant la période périnatale, notamment liée au stress social associé à la précarité économique, à l’isolement social, et à la violence intrafamiliale. L’accompagnement par les services sociaux constitue une aide importante en complément du traitement lorsque les symptômes psychiatriques s’intègrent dans ces contextes de fragilité sociale : encore une fois, l’implication de ces facteurs ne suppose pas que l’apport médicamenteux soit inutile. La prescription du traitement adapté intervient pour répondre à une situation clinique spécifique, quelle que soit les conditions qui y sont associées. À ce titre, le traitement pourra être réévalué après l’amélioration des symptômes, et le changement des conditions environnementales. Discussion Limites de la qualité des données disponibles Les données existantes en psychopharmacologie périnatale sont encore parcellaires, et souvent de qualité inférieures aux autres domaines de pharmacologie-épidémiologie. Il est rarement possible de réaliser des essais contrôlés randomisés (RCT, Randomized Control Trial) dans la population des femmes enceintes, et il existe dans la plupart des études de nombreux facteurs de confusion difficilement contrôlables a posteriori qui impactent la validité des résultats présentés. La plupart des études réalisées sont rétrospectives, menées sur des registres ou des bases de données agrégeant de nombreuses situations cliniques, ou alors de simples castémoin. La réplication des résultats est ainsi primordiale pour ces études, mais manque bien souvent, ne permettant pas d’ériger des recommandations claires. L’un des facteurs de confusion souvent impliqué est l’absence de contrôle des éléments associés au trouble psychiatrique maternel en lui-même, c’est-à-dire les risques de type 1 que nous avons exposé précédemment. Les troubles psychiatriques induisent en effet de nombreuses perturbations immunologiques, inflammatoires, hormonales, et intéroceptives au sens large : ces perturbations intrinsèques peuvent constituer des facteurs confondants pour l’évaluation des risques de type 2 associés aux 12 G Model ENCEP-1591; No. of Pages 14 ARTICLE IN PRESS H. Bottemanne et al. L’Encéphale xxx (xxxx) xxx–xxx Conclusion [14] Bottemanne H, Claret A, Fossati P. Ketamine, psilocybin, and rapid acting antidepressant: new promise for psychiatry? Encéphale 2020. [15] McAllister-Williams RH, Baldwin DS, Cantwell R, et al. British Association for Psychopharmacology consensus guidance on the use of psychotropic medication preconception, in pregnancy and postpartum 2017. J Psychopharmacol 2017;31:519–52. [16] Beck CT, Driscoll JW, Watson S. Traumatic Childbirth. London: Routledge; 2013. p. 272. [17] Betcher HK, Wisner KL. Psychotropic treatment during pregnancy: research synthesis and clinical care principles. 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Plus qu’une simple question médicale, la prise en charge pharmacologique des troubles psychiatriques pendant la période périnatale soulève de nombreuses questions éthiques, et se retrouve confrontée aux risques de la stigmatisation et de la discrimination des patientes souffrant de troubles psychiatriques. Il convient de rappeler que ces prescriptions reposent avant tout sur une balance bénéfice-risque complexe, impliquant à la fois la mère et l’enfant, et dans laquelle la femme enceinte occupe une place prééminente qu’il convient de préserver. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Remerciements Nous remercions le Dr. Elizabeth Elefant et toute l’équipe du CRAT pour leur aide précieuse dans la formalisation de ce guide de prescription. Annexe A. Matériel complémentaire Le matériel complémentaire accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com et doi:10.1016/j.encep.2022.08.017. 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