LES DÉFICITS IMMUNITAIRES Module des maladies systémiques- 6ème année de médecine 2023-2024 Dr A.Bensefia-Pr A Lounici Service de médecine interne CHU Tidjani Damerdji Tlemcen Le 25/01/2024 I. Introduction • Le système immunitaire est un système de défense de l’organisme • • • • contre de nombreuses maladies (infectieuses , tumorales ,dégénératives..) et toute agression extérieure. Pour ce faire, il est composé principalement de cellules et de protéines. Lorsque ce système fait défaut, c’est-à-dire quand un des composants du système immunitaire est absent ou défaillant, on parle de déficit immunitaire. Les déficits immunitaires sont donc la conséquence d’une anomalie qualitative ou quantitative des effecteurs du système immunitaire. Le déficit immunitaire peut concerner aussi bien l’immunité innée que l’immunité adaptative. I. Introduction • Ce sont des pathologies rares , sous diagnostiqués , et extrêmement hétérogènes, on connait actuellement plus de 400 DIU. On distingue • Les Déficits immunitaires secondaires : les plus fréquents • Les Déficits immunitaires primitifs beaucoup plus rares et à expression précoce (enfance) I. Introduction • Chez l’adulte, le diagnostic de DIP ne doit être évoqué que lorsque les diagnostics plus fréquents, des déficits immunitaires secondaires, ont été écartés. • Diverses situations cliniques peuvent être révélatrices d’un déficit immunitaire primitif chez un adulte. • Devant la survenue d’infections sévères et/ou récidivantes, la recherche d’un DIP sera orientée par le type d’agent infectieux en cause. • Un déficit immunitaire primitif peut cependant être parfois totalement asymptomatique. II. Situations faisant évoquer un Déficit immunitaire Caractéristiques des infections – à répétition ou chroniques – communautaires sévères – méningites récidivantes à Neisseria meningitidis – à germes opportunistes _ à répétition au même pathogène – complication inhabituelle – après des vaccins vivants atténués (bacille de Calmette et Guérin, polio…) Antécédents familiaux suggérant l’existence d’un déficit immunitaire Événements de nature non infectieuse – perte précoce de la dentition – cicatrisation difficile _ retard de croissance – dilatation des bronches de cause inexpliquée – diarrhée chronique ou malabsorption – manifestations auto- immunes, en particulier s’il en existe plusieurs (hypothyroïdie, alopécie, vitiligo) – cytopénie périphérique : anémie hémolytique, neutropénie, thrombopénie – granulomatose systémique – syndrome d’activation lymphohistiocytaire _ Lymphomes , tumeurs solides II. Situations faisant évoquer un Déficit immunitaire Selon la Société européenne pour les immunodéficiences: Infections fréquentes des voies respiratoires hautes et basses • Au moins 8 otites moyennes aigues en l'espace d'un an chez l’enfant <4ans. • Au moins 4 otites moyennes aigues en l'espace d'un an chez l’enfant de>4 ans. • Au moins 2 sinusites graves en l'espace d'un an. • Au moins 2 pneumonies en l'espace d'un an. II. Situations faisant évoquer un Déficit immunitaire Le déficit de l’immunité humorale se manifeste par des infections dont les plus fréquentes sont celles des voies aériennes supérieures (sinusites, otites) et de l’appareil broncho-pulmonaire. • Les conjonctivites, les infections cutanées et les septicémies sont aussi fréquentes. • Il s’agit surtout d’infections à germes pyogènes encapsulés et extracellulaires (Pneumocoque, streptocoque, méningocoque, hæmophilus, pseudomonas...). II. Situations faisant évoquer un Déficit immunitaire Le déficit de l’immunité à médiation cellulaire: • entraîne surtout des infections virales graves (zona, rougeole mortelle) et des candidoses parfois extensives. • Les germes en causes: sont surtout les germes intracellulaires stricts ou facultatifs (mycobactéries, salmonelles, Pneumocystis jirovecii, candida, les virus…). • C’est dans ce type de DI que peuvent survenir chez le nourrisson une bécégite mortelle, ou des poliomyélites aiguë ou chronique après administration de vaccin vivant. II. Situations faisant évoquer un Déficit immunitaire Le déficit de la phagocytose ou de la bactéricidie entraîne surtout des infections cutanées ou ganglionnaires, parfois pulmonaires ou hépatiques. Les germes en causes sont surtout le staphylocoque, les bactéries gram (-) et les levures. III. Quel bilan faire ? 1. l’examen clinique: recherchera • Un retard de croissance / Retard à la chute du cordon ombilicale (> 4 • • • • • • • • semaines) Une anomalie de la peau et des muqueuses : éruption, verrues, candidose chronique, état buccodentaire, télangiectactasies, aspect des cheveux (albinisme) et des phanères(dystrophie) Des anomalies des organes lymphoïdes : ADP, SPM, HPM,ou hypoplasie des organes lymphoïde secondaires (s’assurer de la présence d’amygdales ) Une pathologie ORL : otites, sinusites Une pathologie ophtalmologique : conjonctivites chroniques, uvéites, télangiectasies conjonctivales Des complications pulmonaires : toux chronique, bronchites ou pneumopathies récurrentes, dilatation des bronches, hippocratisme digital Des troubles digestifs : appétit, transit, perte de poids, douleurs abdominales récurrentes Une atteinte neurologique : ataxie, retard mental, microcéphalie. syndrome dysmorphique III. Quel bilan faire ? 2. Bilan paraclinique: a/ Examen de première intention : le bilan de base comprend • FNS: complète qui permet de détecter des cytopénies, en particuliers une neutropénie ou lymphopénie • Une électrophorèse des protéines sériques avec ,dosage des classes et sous classes des Ig : IgG, IgA, IgM : ( à partir de 18 mois) , à la recherche: -d’un déficit en IgA est le plus fréquent -d’un Hypogammaglobulinémie portant sur un ou plusieurs isotypes (déficit immunitaire commun variable: DICV) -Agammaglobulinémie (Maladie De Bruton) • Les réponses vaccinales: Le standard est de doser la réponse vaccinale au tétanos, à la diphtérie et au pneumocoque. (3 semaines après vaccination) Evaluer la capacité de production d’anticorps spécifiques III. Quel bilan faire ? 2. Bilan paraclinique: b/ Bilan de deuxième intention: réservé aux spécialistes, consistera à faire • Immunophénotypage lymphocytaire : par cytométrie en flux. • Tests fonctionnels des lymphocytes T • Dosages des protéines du complément. c/ Un troisième niveau d’exploration : est réservé aux experts des comme les analyses génétiques et certains tests plus spécialisés. IV. Les déficits immunitaires primitifs • Eventail très vaste d’affections • Les déficits immunitaires primitifs sont classés en fonction de la composante principale du système immunitaire qui est déficiente, absente ou imparfaite: Immunité humorale Immunité cellulaire Immunité combinée humorale et cellulaire Cellules phagocytaires Protéines du complément Immunité adaptative Immunité inné IV. Les déficits immunitaires primitifs Immunité humorale Immunité cellulaire Immunité combinée humorale et cellulaire Immunité adaptative IV. Les déficits immunitaires primitifs 1.Déficits de l’immunité humorale Les défauts de production complets ou partiels en immunoglobulines constituent les entités les plus fréquentes des déficits immunitaires. L’agammaglobulinémie liée au sexe = Maladie de Bruton : Le premier déficit en immunoglobulines décrit (Bruton en 1952). Déficit pur en lymphocytes B dans le sang et les organes lymphoïdes et donc en plasmocytes responsables de la synthèse et la production d’immunoglobulines. La transmission est récessive liée au chromosome "X" et n’est observée donc que chez les garçons. La maladie se révèle généralement entre le 3ème et le 10ème mois après la naissance (après la diminution des IgG maternelles). Les manifestations principales sont les infections bactériennes sévères et récidivantes à localisation essentiellement respiratoire. IV. Les déficits immunitaires primitifs 1. Déficits de l’immunité humorale Les hypogammaglobulinémies communes à expression variable (CVID) ou Déficit Immunitaire commun variable (DICV) Déficit d’intensité variable de production de tous les isotypes d’immunoglobulines responsable d’infections sévères et fréquentes, des bronchiectasies, un syndrome de malabsorption digestive et parfois des stigmates biologiques d’auto-immunité. C’est le déficit immunitaire symptomatique le plus fréquent. Il survient chez l’adulte jeune entre 20-45 ans et touche aussi bien les hommes que les femmes. Ce déficit est définit par trois critères : - Une diminution notable du taux des IgG sériques avec une diminution du taux des IgA et/ou des IgM - Une réponse faible ou absente aux vaccinations et aux immunisations - Absence de toute autre immunodéficience IV.Les déficits immunitaires primitifs 1. Déficits de l’immunité humorale Le syndrome d’hyper IgM : Cliniquement: infections récurrentes à germes pyogènes et opportunistes biologiquement: des taux très diminués d’IgA et d’IgG avec des taux normaux ou souvent élevés d’IgM. transmission récessive liée au sexe Il est dû à différentes mutations du gène codant pour la molécule CD154 (=CD40L). IV.Les déficits immunitaires primitifs 1. Déficits de l’immunité humorale Les déficits sélectifs en Ig : Le déficit sélectif en IgA : Ce syndrome est défini par une absence totale ou quasi-totale d’IgA sans déficit des autres classes d’Ig. Il peut se voir de façon sporadique ou héréditaire. Autres déficits sélectifs : Le déficit total en IgG n’a pas été décrit, mais des déficits en certaines sous classes d’IgG ont été rapportées. Le déficit sélectif en IgM est très rare. IV.Les déficits immunitaires primitifs 2. Déficits de l’immunité cellulaire (déficit de développement ou de fonction des lymphocytes T) : Le syndrome de Di George : Embryopathie correspondant à une absence de développement des 3ème et 4ème arcs branchiaux. Syndrome rare caractérisé par : - une aplasie thymique ou hypoplasie importante, - une absence des parathyroïdes (à l’origine du signe le plus précoce qui est la tétanie néonatale) - des malformations de la face et du cœur. - L’absence de lymphocytes T circulants, alors que le nombre de lymphocytes B est normal ou élevé , atteinte profonde de l’immunité cellulaire. IV.Les déficits immunitaires primitifs 2. Déficits de l’immunité cellulaire (déficit de développement ou de fonction des lymphocytes T) : Le déficit en purine nucléoside phosphorylase (PNP) : Le déficit en une enzyme qui intervient dans le métabolisme des bases puriques retentit principalement sur le développement des lymphocytes T. Il en résulte une diminution du nombre et de l’activité des lymphocytes T. Autres déficits en cellules T : Déficit en CD25, Défaut d’expression des chaines du CD3, … IV.Les déficits immunitaires primitifs 3. Déficits immunitaires combinés sévères (DICS) : Les formes les plus sévères des déficits immunitaires, combinent un déficit de l’immunité humorale et cellulaire. Touchent de très jeunes enfants ++ , grande mortalité en dehors des cas de succès de greffes de cellules souches lymphoïdes. Dès les 1iers mois de la vie : infections à germes gram (+) et gram (-) des infections virales et fongiques et des diarrhées graves, parfois anémie hémolytique et thrombopénie. L’hétérogénéité de ces syndromes est grande : plusieurs variétés peuvent en être distinguées en fonction: de leur transmission génétique, des signes cliniques , et surtout des mécanismes immunopathologiques incriminés qui sont principalement des anomalies de développement et de différenciation des lymphocytes T et B. IV.Les déficits immunitaires primitifs 3. Déficits immunitaires combinés sévères (DICS) : Le DICS lié au sexe : Le plus fréquent des DICS, dû à des mutations du gène codant pour la chaine gamma (CD132) commune aux récepteurs des cytokines ; IL-2, IL-4, IL-7, IL-9 et IL-15. La maladie se caractérise par l’effondrement des lymphocytes T (par l’absence de l’action de l’IL-7) et des NK (par l’absence des fonctions de l’IL-15) et la présence en nombre normal ou élevé des lymphocytes B. IV.Les déficits immunitaires primitifs 3. Déficits immunitaires combinés sévères (DICS) : Le déficit en adénosine désaminase (ADA) : Il s’agit d’un déficit en une enzyme du métabolisme des bases puriques, l’ADA, nécessaire à la différenciation normale des lymphocytes alors que les cellules non lymphoïdes compensent ce déficit par la 5’ nucléotidase. Transmis selon le mode autosomique récessif. La maladie est caractérisée par une diminution importante ou absence des lymphocytes T, B et NK. IV.Les déficits immunitaires primitifs 3. Déficits immunitaires combinés sévères (DICS) : Autres DICS : Le syndrome de Wiskott Aldrich : Maladie génétique récessive lié au sexe. Elle se manifeste essentiellement par une thrombopénie, un eczéma et une immunodéficience Le déficit en JAK-3 Le déficit enRAG1 et RAG2 La dysgénésie réticulaire L’ataxie télangiectasie.. IV. Les déficits immunitaires primitifs Cellules phagocytaires Protéines du complément Immunité inné IV.Les déficits immunitaires primitifs Déficits de la phagocytose ou de la bactéricidie : La granulomatose septique chronique : De transmission récessive liée au sexe, ce déficit entraine des infections sévères et récidivantes (staphylocoques, BGN…) qui restent vivants au niveau des cellules phagocytaires avec formation de granulomes. L’immunité cellulaire et humorale est normale, les polynucléaires et les macrophages ont une activité phagocytaire normale mais leur activité bactéricide est très diminuée. La maladie se manifeste dès les premiers mois de la vie, par des infections fréquentes au niveau de la peau (pyodermite), des ganglions (adénite), des poumons et du foie. Une hépatosplénomégalie est habituelle. 1. IV.Les déficits immunitaires primitifs 1. Déficits de la phagocytose ou de la bactéricidie : Le déficit en G6PD : Cette affection se traduit par des manifestations infectieuses associées à une anémie hémolytique, du fait du déficit enzymatique dans les leucocytes et les érythrocytes. La transmission est liée au chromosome X Le déficit en myéloperoxydase : Il existe dans cette affection transmise sur un mode autosomique récessif, une fréquence importante d’infections à Candida, à staphylocoques et à d’autres germes. IV.Les déficits immunitaires primitifs 2. Déficits de la mobilité ou de l’adhérence des phagocytes : Le déficit en molécules d’adhésion: Le déficit de l’une ou l’autre des molécules d’adhésion des leucocytes est responsable est responsable d’un défaut d’adhérence et de mobilité des leucocytes et phagocytes. Le syndrome de Chediak-Higashi : Ce syndrome, autosomique récessif, associe des infections cutanées à répétition, une hépatosplénomégalie, des adénopathies et un albinisme partiel, cutané et oculaire. L’activité des cellules phagocytaires, des cellules NK et des lymphocytes T est fortement diminuée. IV.Les déficits immunitaires primitifs 3. Déficits en protéines du complément : Les manifestations cliniques peuvent varient selon le déficit en cause. V. Les déficits immunitaires secondaires V. Les déficits immunitaires secondaires • D’une très grande fréquence, ils touchent plus volontiers l’immunité cellulaire que l’immunité humorale ; leur physiopathologie est beaucoup plus complexe que celles des DIP. VI. Prise en charge Traitement symptomatique: • Antibioprophylaxie en fonction du pathogène • Perfusion d’Immunoglobulines polyvalentes humaines : Perfusion en IV ou en IM indiquée dans les DI humoraux et DI combinés • Drainage postural et kinésithérapie • Neutropénie : Facteurs de croissance : G -CSF : 1-5 ug/kg/j Traitement curatif • Greffe des cellules souches hématopoïétiques: DICS Prévention : Conseil génétique Références • BUSSONE G, MOUTHON L. Auto- immune manifestations in primary immune deficiencies. Autoimmun Rev, 2009, 8 : 332-336. • Pr H. BOUAB -immunologie les déficits immunitaires faculté de médecine de canstantine 2021-2022 • Guillevain L, Meyer O, Sibillia J : Traité des maladies et syndromes systémiques 5e édition. • Dr kerouaz nassera les déficits immunitaires Enseignement de 6ème année Module « maladies systémiques » Université́ Constantine 3 2023-2024