Achillée millefeuille

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Achillée millefeuille
Son nom
L'achillée tire son nom d'Achille, qui aurait découvert et utilisé la plante pour guérir les
blessures de ses soldats lors de la guerre de Troie. Encore que certains affirment qu'il
s'agissait d'une tout autre plante. On l'a aussi appelée herbe à la coupure, herbe à la saignée,
herbe-aux-charpentiers, herbe-aux-militaires, saigne-nez, tous des noms qui indiquent ses
emplois traditionnels pour soigner les plaies et blessures de toutes sortes. Quant au nom de
« sourcil de Vénus », son origine reste obscure. Peut-être fait-il référence au fait que la plante
était censée aider les femmes à découvrir qui serait leur prince charmant? Nous y reviendrons
plus loin. Au Québec, on l'a appelée « herbe à dinde » et « herbe au dindon » par allusion à
l'emploi de la plante dans l'alimentation de cette volaille. Enfin, le nom de « millefeuille » lui
vient de ce que sa feuille est très finement découpée et donne l'impression qu'il y en a mille là
où il n'y en a en réalité qu'une seule.
Son rôle dans l'équilibre écologique
L'achillée est normalement très abondante dans les prairies naturelles et, jadis, les paysans lui
reconnaissaient un effet fortifiant sur les animaux et le bétail. « Elle contient des substances
volatiles qui stimulent leur appétit et renforcent leur organisme », écrivait en 1965 Marcello
Piccioni dans son Dictionnaire des aliments pour les animaux (en 4 langues). Il affirmait en
outre qu'elle donnait un parfum délicat à la viande des moutons qui la consommaient en
fourrage. Fabuleuse époque où ce qui était mauvaise herbe pour le jardinier était aliment
nutritif pour l'éleveur et où tout le monde y trouvait son compte! À petit budget, merci...
Et ça se mange?
On peut servir les feuilles en salade, mais en petites quantités seulement, car elles sont plutôt
amères. Pour les apprêter cuites, on les fera d'abord bouillir vingt minutes dans l'eau pour leur
enlever un peu de leur amertume et de leur arôme, puis on les égouttera et les sautera au
beurre ou à l'huile.
Les feuilles ont, en outre, servi à aromatiser la bière. En Allemagne, on jetait ses graines dans
les tonneaux de vin pour en assurer la conservation. La plante entière a parfois servi de
condiment, en remplacement de la cannelle ou de la muscade.
Et ça soigne quoi?
Tonique, antispasmodique, hémostatique et, en usage externe, cicatrisante, elle a servi à
soigner la fatigue générale, le lymphatisme, les spasmes des voies digestives et utérines, les
névroses, les troubles de la circulation et de la cinquantaine (qui sont peut-être, en gros, les
mêmes...) : la sédentarité, les varices, phlébites, hémorroïdes. En voie externe, on l'a utilisé
contre les douleurs rhumatismales, les dermatoses, les ulcères de jambe, les crevasses du
mamelon, les douleurs de la cellulite... On dit qu'au Moyen Âge, les chevaliers en
transportaient un sachet dans leur « trousse de premiers soins ».
Mais c'est peut-être pour les femmes souffrant à la fois de règles douloureuses et de troubles
digestifs durant les menstruations que l'achillée est la plus utile. Il est rare, en effet, qu'un
médicament soigne à la fois les problèmes de la sphère génitale et ceux de la sphère digestive
avec une telle efficacité. Prise sous la forme de teinture, elle calmera rapidement
l'inflammation, de même que cette impression détestable que l'utérus et les intestins se livrent
une concurrence féroce pour capter et retenir toute l'attention de leur propriétaire légitime.
C'est la plante entière que l'on récolte au moment de la floraison, laquelle a lieu de la mi-juin
à l'automne, selon les régions et les caprices de dame nature. L'achillée à fleurs blanches ou à
fleurs rouges serait plus active médicinalement que l'achillée à fleurs jaunes ou à fleurs
orange.
L'infusion se prépare à raison de 30 grammes par litre d'eau. On en prendra 3 tasses par jour,
entre les repas. La teinture - qu'on préparera avec 1 partie de plante pour 5 parties d'alcool à
90 % - se prend à raison de 20 à 30 gouttes, trois fois par jour. Pour les usages externes, on se
sert de l'infusion concentrée (une poignée par litre d'eau) en lavages.
L'infusion de 30 grammes d'achillée à laquelle on aura ajouté une cuillerée à thé de miel et
trois gouttes de sauce Tabasco est supposée avoir pour effet d'ouvrir les pores de la peau et de
provoquer une transpiration profuse qui cassera un rhume ou une grippe. On recommande de
bien se couvrir pour éviter de prendre froid.
Une pelouse odorante
Au lieu de graminées, semez du thym, de la camomille et de l'achillée millefeuille. Plus
résistante à la chaleur, moins exigeante en engrais, cette pelouse nouveau genre aura, de plus,
l'avantage de sentir très bon lorsque vous la foulerez dans la rosée du matin.
Une plante compagne
Considérée comme une excellente plante compagne, l'achillée éloigne certains insectes
nuisibles. De plus, elle ferait augmenter la teneur en huile essentielle des plantes qui poussent
à proximité. Il faut savoir toutefois qu'elle peut devenir envahissante. Par conséquent,
contrôlez-la.
Sagesse et divination
Ce sont des tiges d'achillée que les Chinois utilisent traditionnellement pour tirer le Yi-King.
Découvrir l'élu de son coeur
Pour connaître le nom de celui qui partagera votre vie, il faut tout d'abord mettre dans un
sachet de tissu environ 30 grammes d'achillée hachée, puis coudre le sachet et placer ce
dernier sous votre oreiller. Avant de vous mettre au lit, vous réciterez la prière suivante :
« Dis-moi, jolie plante de l'arbre de Vénus, toi dont le vrai nom est « achillée », dis-moi le
nom de celui qui sera mon amoureux, je te le demande pour demain. » Ou quelque chose de
ressemblant. Au cours de la nuit, restez bien attentive à vos rêves parce que l'amoureux en
question devrait se montrer.
Pour ma part, je pense que c'est très risqué. Parce que vous faites quoi si ce soir-là vous voyez
dans vos rêves le copain tout neuf de votre meilleure amie?
Bouleau
Son nom
Betula est d'origine celtique. « Bouleau » dérive directement du latin et de l'ancien français
« boul ». Papyfera, le nom de notre espèce la plus commune, signifie « bouleau à papier ». On
l'appelle aussi « bouleau blanc » ou « bouleau à canot ». À noter que le nom générique anglais
birch, qui désigne toutes les espèces de bouleaux, est d'origine sanscrite (bhurga) et signifie
« ce sur quoi l'on peut écrire ». Bref, tous les bouleaux présentent une écorce caractéristique
qui rappelle le papier.
Une certaine confusion s'est installée au Québec à propos de deux espèces de bouleau que l'on
appelle à tort « merisier » (B. alleghaniensis) et « merisier rouge » (B. lenta). L'erreur
viendrait des tout premiers débuts de la colonisation lorsque, cherchant à identifier les espèces
botaniques qui poussaient sur ce nouveau continent, nos ancêtres auraient été confondus par
une certaine similitude entre la forme de la feuille du bouleau jaune et celle d'un cerisier
européen.
En Europe, on a appelé le bouleau « l'arbre de la sagesse » et toute une petite mythologie s'est
créée autour de lui. Axe du monde, pilier cosmique, arbre sacré, il a tantôt symbolisé le
printemps et les jeunes filles, tantôt les esprits protecteurs. Ses branches ont servi à recouvrir
les dépouilles mortelles ainsi qu'à confectionner des torches nuptiales que l'on brûlait le jour
des noces pour attirer le bonheur sur les nouveaux mariés.
Son rôle dans l'équilibre écologique
Les bouleaux sont des espèces pionnières qui occupent rapidement les lieux dévastés par les
feux de forêts ou autres cataclysmes naturels. Par ce squattage tout à fait licite, ils empêchent
l'érosion du sol par le vent, la pluie et le soleil. En outre, ils fournissent une ombre
bienfaisante à d'autres espèces émergentes, qui ne peuvent germer à la lumière. Eux-mêmes
n'occupent jamais un endroit donné pendant plus d'une génération puisqu'ils ne tolèrent
nullement l'ombre, ni pour germer ni pour croître et s'épanouir. Le vent disperse donc leurs
semences aux quatre horizons et la deuxième génération s'établira parfois à plusieurs
kilomètres de la première. D'une certaine façon, ce sont d'incorrigibles errants qui ne prennent
racine et n'adoptent pays que le temps de perpétuer l'espèce.
Je craque pour toi mon bouleau
Dans l'écologie humaine, le bouleau blanc a, plus que tout autre arbre de quelque espèce,
genre ou famille que ce soit, contribué au développement de la culture amérindienne du
Canada et du nord des États-Unis. Arbre fétiche, arbre culte, aux innombrables variétés,
certaines très locales, il était vénéré pour les services qu'il rendait aux collectivités humaines,
particulièrement son écorce qui servait, bien sûr, à la fabrication des canots, mais aussi à celle
de contenants de toutes catégories, depuis le cassot vite fait qui ne servait qu'une fois à la
boîte finement ouvragée dans laquelle on transportait ses biens les plus précieux, en passant
par les récipients à aliments. Les Amérindiens avaient d'ailleurs compris que les aliments se
conservaient plus longtemps au contact de l'écorce de bouleau que de toute autre substance,
d'où la pratique d'en tapisser les fosses qui leur servaient de garde-manger. Ils avaient
également mis au point une technique permettant d'imperméabiliser leurs contenants de
manière à pouvoir y transporter de l'eau. Pour ce faire, ils les enduisaient d'un mélange de
gomme de sapin et de graisse d'ours. En outre, inflammable même mouillée, l'écorce était
inestimable quand venait le temps d'allumer un feu après une pluie. Enfin, pour ainsi dire
imputrescible, on s'en est servi comme doublure dans les chaussures pour protéger contre
l'humidité.
Un culte semblable a été porté au bouleau blanc (B. pendula) européen par les peuplades
nordiques de la Sibérie, la Russie et l'Asie centrale, à qui il a rendu des services tout aussi
remarquables.
Et ça se mange?
Jeunes feuilles : les très jeunes feuilles se consomment au printemps, mais avec l'âge, elles
prennent une saveur par trop résineuse.
Bois : en Scandinavie, on a fait du pain avec de la sciure (!) de bouleau bouillie, séchée au
four, pulvérisée et mélangée à de la farine.
Écorce interne : en Europe, on a mangé l'écorce interne du bouleau blanc. En Laponie, on en
faisait une farine grossière et, en Sibérie, on la consommait avec des oeufs d'esturgeon. Les
Amérindiens consommaient l'écorce du bouleau à papier qui était réputée très sucrée. Celle
des sujets les plus âgés était la meilleure et il paraît que les enfants en raffolaient.
Écorce de la racine : on a employé l'écorce de la racine du bouleau à papier pour faire un
substitut de thé.
Sève : dans le centre, le nord et l'ouest du Canada, régions d'où l'érable à sucre est absent, les
Amérindiens récoltaient la sève du bouleau à papier. Ils la buvaient telle quelle ou l'ajoutaient
aux soupes. Au Québec, les Algonquins récoltaient la sève du bouleau jaune qu'ils
mélangeaient à celle de l'érable à sucre pour la fabrication du sirop. Les Saulteux
mélangeaient également ces deux types de sèves et en faisaient une boisson froide.
En Europe, on a aussi recueilli la sève du bouleau blanc. Pour la conserver, on ajoutait quatre
ou cinq clous de girofle au litre. Elle a permis de faire un vin légèrement pétillant, ou encore
une bière aux propriétés rafraîchissantes et diurétiques, dont vous trouverez la recette dans
Documents associés.
Et ça soigne quoi?
Les feuilles, les bourgeons, l'écorce et la sève du bouleau blanc européen (B. pendula) ont
tous servi en médecine. À l'occasion, on s'est aussi servi des fleurs, mais pour beaucoup de
personnes, le pollen est source de problèmes allergiques qui peuvent être graves.
En Amérique, chez certaines peuplades, on buvait la sève fraîche du bouleau à papier comme
tonique printanier; ailleurs, on s'en servait comme remède contre le rhume. En médecine, celle
du bouleau européen a été employée comme dépuratif pour soigner les éruptions cutanées et
dartreuses.
Les feuilles du bouleau blanc ont servi à soigner tous les types d'insuffisance urinaire,
particulièrement l'hydropisie, ainsi que le rhumatisme, l'arthrite, la goutte et les infections
urinaires. C'était, en fait, les principales indications de cette plante. En outre, l'obésité et la
cellulite ont parfois cédé à un traitement aux feuilles de bouleau.
L'écorce a servi à soigner les fièvres intermittentes.
Les bourgeons ont servi à soigner l'engorgement des ganglions lymphatiques.
Par voie externe, les feuilles fraîches ont servi en application contre la goutte, le rhumatisme,
les maladies de la peau et l'hydropisie. Il arrivait que, dans les cas graves, on enveloppe
entièrement le patient de feuilles de bouleau, méthode qui réussissait là où bien d'autres
échouaient. Un rinçage aux feuilles de bouleau serait efficace contre les pellicules et la chute
des cheveux. L'écorce, les feuilles, les bourgeons et les fleurs ont servi comme antiseptique
externe et détersif pour soigner les plaies et les irritations cutanées. Les minces feuillets
composant l'écorce étaient séparés pour servir de pansements antiseptiques. On a fait avec
l'écorce réduite en poudre un onguent contre les blessures mineures.
L'essence de wintergreen naturelle, extraite jadis par distillation des feuilles du thé des bois,
provient aujourd'hui de l'écorce du bouleau jaune (B. alleghaniensis). Petite plante aux
feuilles elles-mêmes minuscules, le thé des bois donne relativement peu d'essence, laquelle
est, par conséquent, fort coûteuse. Du moins elle l'était jusqu'à ce qu'on découvre que l'écorce
des bouleaux, particulièrement celle du bouleau jaune, en était riche. L'action analgésique,
tant interne qu'externe, du bouleau serait due en bonne partie à cette essence composée, en
fait, de salicylate de méthyle, substance proche de l'acide acétyl-salicylique. En passant, si
« salicylate de méthyle » ou « huile de wintergreen » ne vous disent rien, peut-être que
« paparmane » rose et « antiphlogistine » vous rappelleront, eux, quelques souvenirs
d'enfance. Il s'agit bien sûr de deux produits renfermant du salicylate de méthyle.
« Paparmanes » roses et antiphlogistine...
Pour les martiens lunatiques parmi vous qui n'ont jamais entendu parler des « paparmanes »
roses, soulignons qu'il s'agit d'une friandise dure, ronde et tirant sur l'incarnadin.
Naturellement, « paparmane » est une déformation de l'anglais peppermint sauf que, tant qu'à
déformer autant le faire pour de bon, il n'y avait pas la moindre trace de menthe poivrée dans
ce bonbon... Quant à « antiphlogistine », c'est le nom de marque d'une crème antiinflammatoire qui est dérivé de « antiphlogistique », terme médical désuet, aujourd'hui
remplacé par « anti-inflammatoire ». C'est que, voyez-vous, « phlogistique », qui dérive du
grec phlox, « feu », rappelait un peu trop, au goût des scientifiques modernes, la théorie
sulfureuse qui voulait que le corps humain soit composé de cinq éléments primordiaux, alors
on l'a trucidé.
Pratiquement tout ce que nous savons des effets médicinaux du bouleau vient d'Europe et a
trait au bouleau blanc européen. Toutefois, certains croient que notre bouleau à papier
posséderait les mêmes propriétés.
L'infusion se prépare en versant un litre d'eau chaude sur 40 g de feuilles. Infuser 10 minutes,
puis ajouter un gramme de bicarbonate de soude. En dissolvant les principes résineux, le
bicarbonate augmente l'efficacité de la tisane. Prendre trois tasses par jour.
La décoction de bourgeons se prépare à raison de 150 g de bourgeons par litre d'eau. Faire
bouillir jusqu'à réduction de moitié. Filtrer, laisser refroidir légèrement, puis ajouter un
gramme de bicarbonate de soude. Prendre deux ou trois tasses par jour.
La décoction de l'écorce se prépare en faisant bouillir dix minutes une cuillerée à thé d'écorce
réduite en poudre par tasse d'eau. Pour les emplois par voie externe, on fait bouillir 40 g à
50 g d'écorce dans un litre d'eau.
La sève se prend le matin à jeun à raison d'un verre par jour pendant deux ou trois semaines.
À noter que le bouleau ne se limite pas à soigner les humains. Il guérit aussi les terres abîmées
ou épuisées et permet de leur rendre leur fertilité. C'est pourquoi jadis, on ne manquait jamais,
lors de la dernière étape de préparation du sol pour les semis, de le « passer au bouleau ». Il
s'agissait d'accrocher un fagot de branches à l'arrière de la herse et de passer cet appareil sur
toute la surface du champ. On recommandait en outre de planter des bouleaux près du tas de
compost, car il encourageait la fermentation. Encore aujourd'hui, on recommande d'ajouter
des feuilles de bouleau au tas de compost.
Où le(la) trouve-t-on?
Le bouleau à papier pousse partout au Québec, sauf dans l'extrême nord. Il est
particulièrement présent dans les Laurentides. Le bouleau jaune est général aussi, mais on
trouve de moins en moins de gros spécimens, son bois étant prisé en ébénisterie et dans la
fabrication de planchers. Quant au petit bouleau à feuilles de peuplier, son aire est limitée à
l'ouest et au centre du Québec. On plante aussi beaucoup au Québec divers cultivars de
bouleau blanc européen, dont le bouleau pleureur. Le bouleau rouge est très rare au Québec.
Pour ce qui est de l'expression « Bouleau noir! », notre Alexis Labranche national a dû
l'apprendre durant son exil aux États-Unis parce que cette espèce ne pousse pas chez nous.
Chêne
Son nom
Arbre sacré dans de nombreuses traditions, chez les Celtes notamment, le chêne porte le nom
de quercus en latin, mot d'origine celtique qui signifie « arbre par excellence ». Quant à
« chêne », tout ce qu'on sait, c'est qu'il s'agit d'un mot d'origine gauloise.
Le nom latin d'une espèce européenne, Q. robur, signifie à la fois « force » et « chêne », ces
deux concepts étant autrefois intimement liés dans l'esprit des gens. Tout à fait intéressant, par
ailleurs, est le fait que le mot « druide » vienne du grec drûs et signifie « chêne ». On a donc
établi dans le passé une relation étymologique absolue entre le nom de l'arbre et le nom des
prêtres celtes, au point d'ailleurs qu'on a très souvent qualifié ces derniers d'« hommes de
chêne ».
Considéré comme un temple par les Celtes, le chêne était vu, dans d'autres mythologies,
comme le symbole d'une porte ouvrant sur les deux extrémités de l'année, bouclant ainsi le
cycle annuel. D'ailleurs, le mot anglais oak dérive d'un mot sanscrit qui veut dire « porte ».
Son rôle dans l'équilibre écologique
Les Français se plaisent à dire que les chênes étaient autrefois si nombreux chez eux qu'un
écureuil qui partait de l'extrême nord-est du pays pouvait se rendre jusque dans l'extrême sudouest sans jamais mettre une patte à terre.
Arbre d'une très grande longévité - on a vu des spécimens âgés de 1 000 ans - qui pousse
extrêmement lentement, le chêne est réputé pour sa bonne résistance aux maladies. Il peut en
outre atteindre une taille imposante. C'est le cas notamment d'un spécimen conservé
précieusement dans un parc par les Britanniques et dont le tronc aurait environ 20 mètres de
circonférence.
Toutefois, étant sur la limite nord de leur aire, ils sont beaucoup moins imposants au Québec,
ce qui a poussé le frère Marie-Victorin à écrire, avec une certaine impatience sentencieuse :
« ...il serait utile de n'employer qu'avec discernement, en ce qui nous concerne, certains
clichés de la littérature (« Le Chêne géant », le roi des arbres, etc.) » Qu'on se le dise !
N'empêche...
Les chênes fournissent une abondante nourriture aux écureuils, chevreuils, ours, pigeons
bisets et dindons sauvages de ce monde, comme en témoignent (vraisemblablement) les noms
vernaculaires anglais de certaines espèces : turkey oak, bear oak, etc.
Certains assurent que la terre dans le voisinage des chênes est plus calcaire qu'ailleurs, ces
arbres ayant la propriété d'« attirer » le calcium. Chose certaine, ceux qui pratiquent
l'agriculture biodynamique - prônée par Rudolf Steiner - utilisent l'écorce en quantité
infinitésimale pour dynamiser composts et purins. En outre, des travaux sont en cours pour la
mise au point d'un engrais à base de glands de chêne.
Dans plusieurs régions du monde, les glands de chêne servent de nourriture aux cochons.
Ainsi, en Espagne, pendant quatre mois, ils constituent la nourriture exclusive des cochons
destinés à la production du fameux jamón ibérico, considéré par certains comme supérieur au
jambon de Bayonne et au prosciutto de Parme. Le paysan amène ses cochons dans les grandes
chênaies (dans ce cas, de chênes-lièges) et à l'aide d'une verge souple, il frappe les branches
des arbres pour en faire tomber les glands dont se délecteront ses bêtes. Ce régime leur donne,
paraît-il, une chair extrêmement goûteuse qui, de plus, offre l'avantage que son gras soit très
riche en acide oléique (principal acide gras de l'huile d'olive) et par conséquent moins nocif
que le gras des porcs engraissés avec d'autres types d'aliments.
Et ça se mange ?
Il n'y a pas que les animaux qui apprécient les glands puisque les humains mangent depuis
toujours ceux de diverses espèces, quoique certains soient plus amers que d'autres. Ceux du
chêne blanc (Q. alba), du chêne bicolore (Q. bicolor) ou du chêne à gros fruits (Q.
macrocarpa) sont relativement doux tandis qu'il vaut mieux éviter, autant que possible, ceux
du chêne rouge (Q. rubra). Lorsque, en cas de nécessité, ils devaient consommer des glands
amers, les Amérindiens les faisaient bouillir dans plusieurs eaux après y avoir jeté une
poignée de cendres de bois. Quand l'eau était claire, cela signifiait que les glands avaient
perdu une bonne partie de leur amertume et étaient sinon délicieux, du moins mangeables. On
les apprêtait alors, soit en les faisant rôtir, soit en les faisant sécher et en les réduisant en
farine qui serait ajoutée à de la soupe ou à diverses autres préparations. Pour certains, il n'y
avait rien de meilleur que de la farine de gland ajoutée à du bouillon de canard.
Une autre manière de réduire leur teneur en tannin, et donc de les désamériser, consistait à les
mettre dans des paniers que l'on enterrait pendant tout un hiver dans la boue humide. Il paraît
que les glands sortaient de l'expérience tout noircis, mais infiniment plus agréables au goût.
En outre, on les a confits au sucre comme les marrons glacés et on en a fait un substitut de
café.
On peut extraire l'huile des glands par pression. On obtient un liquide blanc et sirupeux que
l'on purifie ensuite en le faisant bouillir et en recueillant l'huile à la surface.
L'écorce a, semble-t-il, été parfois consommée en cas d'extrême nécessité, mais elle n'est
généralement pas recommandée comme aliment, pas plus que les feuilles d'ailleurs, du fait de
leur grande richesse en tannin, lequel peut entraîner de graves problèmes en cas d'abus.
Il semblerait que les cendres du Q. alba aient été utilisées comme levain à pain et à gâteau
dans l'est des États-Unis.
On peut se servir de l'écorce ou des feuilles pour clarifier un vin maison, surtout s'il est très
riche en pectine. En prime, le chêne donnera au vin ce goût de baril de chêne que certains
amateurs apprécient tellement.
Et ça soigne quoi ?
Bien qu'on ait parfois utilisé les feuilles ou les glands, c'est surtout l'écorce intérieure, à
laquelle on a donné le nom de « tan », qui a été appréciée pour ses propriétés médicinales.
Celle des branches âgées de cinq à dix ans serait la meilleure. En Europe, c'est celle du Q.
robur qu'on a utilisée tandis qu'en Amérique, on a employé celle de plusieurs espèces, les
propriétés de tous les chênes étant sensiblement les mêmes.
À cause de sa richesse en tannin, l'écorce est astringente, ce qui en fait un excellent remède
topique pour combattre l'eczéma et diverses autres maladies cutanées. Généralement bien
tolérée par la peau, elle ne provoque pas d'irritation. On s'en est servi aussi avec succès pour
soigner l'inflammation de l'oeil, les hémorroïdes, les engelures et les fistules anales.
Appliquée à hautes doses quand la gangrène menaçait d'envahir un membre, on lui attribuait
le pouvoir d'arrêter la progression de l'infection. On l'employait en compresse, dans les bains
de mains ou de pieds et, en cas de faiblesse générale, dans les bains complets. On l'a
également administrée en douche vaginale pour le traitement des pertes blanches et des
métrites, et en gargarisme pour le traitement des angines, stomatites et pharyngites.
On dit que les ouvriers qui étaient amenés à manipuler fréquemment l'écorce de chêne pour le
tannage des peaux souffraient rarement de tuberculose, particularité que l'on attribuait au
pouvoir astringent de l'écorce. On a d'ailleurs employé médicinalement la jusée, liquide qui se
trouvait dans les fosses des tanneurs, que l'on filtrait puis faisait évaporer au bain-marie, pour
préparer un extrait qu'on administrait dans le traitement de la phtisie (consomption).
Pour préparer la compresse, faire bouillir une ou deux cuillerées à soupe d'écorce hachée
pendant 15 minutes dans un demi-litre d'eau. Pour les bains, faire bouillir une petite poignée
d'écorce par litre d'eau en faisant réduire de moitié. Ajouter la décoction dans la bassine ou la
baignoire. Pour la douche vaginale ou les gargarismes, administrer 15 grammes par litre d'eau.
Enfin, on peut infuser quelques feuilles dans un litre de vin rouge additionné de miel et se
servir de l'infusion en gargarisme contre l'angine.
Par voie interne, on s'est servi de l'écorce, des feuilles et des glands pour soigner les
hémorragies, la tuberculose, les gastralgies, les pertes blanches, la diarrhée, l'incontinence
d'urine, la faiblesse générale.
L'écorce se prend en décoction à raison de cinq grammes par litre. Faire bouillir dix minutes.
Prendre trois tasses par jour entre les repas.
Quant aux feuilles, elles se prennent également en décoction à raison d'une poignée par litre
que l'on fait bouillir dix minutes. Prendre trois tasses par jour.
Les glands se prennent soit sous forme d'infusion de la poudre à raison de 30 grammes par
litre d'eau (une tasse après les repas), soit sous forme de glands torréfiés et pulvérisés
(préparation que l'on appelle « café de gland »), puis préparés en infusion selon les mêmes
proportions.
On a également employé en médecine les galles (ou pommes de chêne), ces excroissances en
forme de noix qui poussent sur les feuilles à la suite d'une piqûre d'insecte (du cynips plus
exactement), pour leur richesse en tannin. Il paraît qu'il fallait impérativement récolter les
galles avant que l'insecte ne les ait quittées, sinon elles perdaient de leur astringence.
Largement utilisées dans la tannerie, certaines de ces galles - la galle d'Alep ou du Levant étaient très recherchées, car elles donnaient au cuir une souplesse et un lustre exceptionnels.
Les Amérindiens se sont servis de la mousse verte qui poussait sur les glands immergés dans
la boue pour traiter les infections.
Compresse d'écorce de chêne
Pour qu'une compresse soit efficace, il faut que son « bénéficiaire » soit à l'aise. La pièce où
il se trouve doit donc être bien chauffée afin de lui éviter de prendre froid.
Préparez une décoction de chêne en faisant bouillir une ou deux cuillerées à soupe d'écorce
hachée pendant 15 minutes dans un demi-litre d'eau. Filtrez, laissez refroidir la décoction
jusqu'à ce que la température oscille entre 65 et 80 °C (au besoin, utilisez un thermomètre) et
trempez-y la compresse, qui sera de préférence un morceau de toile de lin, quoique tout autre
tissu fera l'affaire. Tordez bien pour essorer et appliquez délicatement sur la partie malade de
votre patient improvisé en l'avertissant que ce sera peut-être un peu chaud, mais que c'est pour
son bien. Attention, il est extrêmement important de bien essorer, au risque de brûler la peau
de ce pauvre cobaye.
Recouvrez la compresse d'une serviette bien sèche. Pendant ce temps, préparez une autre
compresse, car au bout de deux ou trois minutes, la première aura refroidi.
Répétez ces « manoeuvres » pendant 10 à 30 minutes, le plus longtemps, le mieux. Chose
certaine, si la peau sous la compresse vire uniformément au rouge, c'est le temps d'arrêter le
traitement, lequel, en passant, est divin contre les hémorroïdes.
Acceptez avec modestie les remerciements de votre patient, en lui disant, par exemple :
« Oh!, il n'y a pas de quoi en faire tout un plat. Après tout, je n'ai fait que suivre les conseils
donnés dans l'Herbier médicinal. »
On le trouve où ?
Les forêts de chêne ne sont plus ce qu'elles ont déjà été au Québec,
puisqu'elles ont été décimées pour la construction de bateaux destinés à Sa Majesté la reine
d'Angleterre et pour la fabrication de parquets dans les maisons de la noblesse anglaise. On
trouve parfois des chênaies privées, mais c'est plutôt rare. Quand il y en a, on les trouve
surtout dans l'ouest et dans le sud du Québec, car ils survivent mal aux grands froids du nord.
Par contre, on plante beaucoup de chênes depuis quelques décennies, et il est donc possible de
trouver de l'écorce vieille de quatre ou cinq ans. Convaincre le propriétaire de ces arbres qu'il
vous cède quelques centimètres d'écorce, ça c'est une autre affaire.
Hêtre
Fabuleux arbre dont le tronc lisse à l'écorce gris acier rappelle la trompe ou la patte d'un
éléphant, et dont la taille et la puissance tranquille évoquent aussi ce proboscidien, le hêtre est
par ailleurs un arbre magique. Pour vous en assurer, il vous suffit de pénétrer dans un bois
planté de hêtres matures au début d'une soirée d'automne et, pour peu que vous gardiez le
silence et restiez aux aguets, vous verrez s'activer entre ses généreuses branches une multitude
de petits êtres féeriques - dryades, faunes et sylvains taquins pour ne nommer qu'eux. Car,
plus que toute autre espèce, le hêtre attire ces divinités des forêts.
Son nom
« Hêtre » vient du francique hester qui signifie « jeune arbre ». En ancien français, il portait le
nom de « fou ». Dérivé du grec, le nom latin de l'espèce, fagus, veut dire « manger » par
allusion à son fruit-noix qui est comestible. On lui a attribué d'autres noms vernaculaires foyau, foyard, fagette, faillette - tous plus ou moins dérivés de « fou » et de « fagine », terme
qui désigne le fruit et qui a éventuellement donné « faîne », littéralement « gland de hêtre ».
Et ça se mange?
Les jeunes feuilles du printemps sont tendres et ont une saveur agréable, qui sera mise en
valeur dans les salades.
On dit que l'écorce intérieure est comestible, mais on rapporte peu d'usages dans ce sens. En
Scandinavie, on a fait du pain avec de la sciure de hêtre bouillie, séchée au four, pulvérisée et
mélangée à de la farine. Dieu, que les temps devaient être durs pour en être réduits à manger
de la sciure!
Ce sont les faînes qui présentent le plus grand intérêt culinaire. D'abord parce qu'elles
renferment une huile comestible qui, contrairement aux autres huiles, a la particularité de se
conserver longtemps, voire de se bonifier avec le temps.
Ensuite parce qu'elles sont excellentes telles qu'elles. Chez nous ainsi que chez nos cousins du
sud, elles ont fait l'objet d'un certain commerce. Il fut un temps, paraît-il, où on les trouvait
dans la majorité des épiceries de campagne. Pour les cueillir, on attendait qu'elles
commencent à tomber, puis on étendait au sol des toiles ou des couvertures, histoire de
s'éviter les 40, voire les 60 mètres d'escalade qu'il aurait fallu se taper pour les ramasser
directement sur l'arbre. Bien sûr, cela voulait dire qu'une partie de la récolte irait aux
écureuils, mais on pouvait toujours se consoler en se disant que, un jour ou l'autre, si la faim
tiraillait trop et que la perdrix venait à manquer, l'écureuil se retrouverait à griller sur la
broche ou à rôtir dans les braises...
Dans toute l'aire qu'occupe l'arbre (l'est du Canada et des États-Unis), les
Amérindiens consommaient les faînes, crues ou cuites, ou les écrasaient pour les ajouter à la
pâte à pain ou aux gâteaux. Durant l'hiver, ils n'hésitaient pas le moins du monde à piller les
caches de la souris sylvestre - Peromyscus maniculatus, de son petit nom. Il faut dire que ce
minuscule rongeur a les yeux pas mal plus grands que la panse, car il lui arrive de faire des
réserves astronomiques. On a vu, dans un seul endroit, de huit à dix litres de ces petites noix
empilées en tas plus ou moins pyramidaux. Les Amérindiens n'avaient pas besoin d'un sens
exceptionnel de la traque pour repérer une cache, Peromyscus ayant eu la courtoisie de leur
indiquer le chemin en laissant traîner sur la neige les écales des faînes tout juste grignotées.
À noter qu'il ne faut pas abuser des faînes, car elles renferment une substance irritante qui, à
hautes doses, peut causer des malaises gastro-intestinaux. L'huile, par contre, en serait
entièrement dépourvue.
Et ça soigne quoi?
Contrairement à diverses autres écorces, celle du hêtre ne semble pas avoir fait un stage
remarqué dans la médecine classique, tant en Europe qu'en Amérique. Elle échappe même à la
Matière Médicale des soeurs de la Providence, dont le souci d'exhaustivité est pourtant
indéniable.
Par contre, dans la médecine populaire, on l'a largement employée. À cause de ses propriétés
fébrifuges, on s'en est servi comme succédané du quinquina dans le traitement de la malaria.
C'est aussi un antiseptique général et pulmonaire, un vermifuge, un astringent et, à fortes
doses, un purgatif. Outre dans le paludisme, on l'a employée contre divers autres parasites
intestinaux, ainsi que dans les affections pulmonaires et dans la diarrhée.
On préparait l'écorce sous forme de décoction, à raison de 30 grammes par litre d'eau, qu'on
faisait bouillir jusqu'à réduire de moitié. On prenait deux tasses par jour.
Les Amérindiens se servaient d'une compresse trempée dans la décoction de l'écorce pour
soigner les démangeaisons cutanées, particulièrement celles qui sont provoquées par l'herbe à
puce.
Les feuilles étaient appliquées sur les enflures, les ampoules et les excoriations. On les
mâchait pour soigner les gerçures aux lèvres et les douleurs aux gencives. Les premiers colons
appliquaient les feuilles directement sur les brûlures, ou en préparaient une décoction qui
soignait tant les brûlures que les engelures.
À une époque lointaine, on recueillait l'eau qui stagnait dans les parties creuses du hêtre pour
soigner les escarres, que ce soit chez les humains, les chevaux, les chèvres ou les moutons.
De façon générale, tant en Europe qu'en Amérique, on s'est servi de l'infusion des feuilles ou
de l'écorce du hêtre pour laver les plaies, enflures et irritations de tout acabit.
Si l'écorce et les feuilles de hêtre n'ont guère eu de renommée, la créosote, substance tirée du
goudron provenant de la distillation du bois, a été largement employée en médecine. Celle que
l'on tirait du goudron de hêtre était réputée pour être la meilleure de toutes. On lui attribuait
des propriétés astringentes, irritantes, narcotiques, antiseptiques, ondotalgiques et escarotiques
(contre les escarres). On savait qu'elle cautérisait rapidement les muqueuses avec lesquelles
elle était mise en contact. Par voie interne, on l'employait dans la dysenterie, la diarrhée, la
tuberculose et les maladies respiratoires, le choléra, la blennorragie et les autres affections du
même genre, les nausées et les vomissements des « hystériques » et des femmes enceintes,
ainsi que dans le mal de mer.
Les usages par voie interne étaient nombreux : dans les hémorragies causées par les « piqûres
des sangsues » et les coupures, en injections dans la matrice pour les pertes utérines, les
fièvres puerpérales, etc., dans les oreilles pour l'ulcération du méat extérieur et pour la surdité
due au « manque de cérumen », aussi en injection pour les ulcères fistuleux. En lotion sur les
ulcères scrofuleux, syphilitiques, cancéreux et indolents, sur la « pustule maligne », les
engelures, l'érysipèle, les brûlures, surtout si elles suppuraient beaucoup, et sur les plaies
menacées de gangrène. En gargarisme, dans les maux de gorge putrides, la diphtérie, etc., en
onguent, pour les maladies de peau.
Fiou! Heureusement que ces maladies-là n'existent plus! Sinon on ferait quoi sans créosote de
hêtre?
Où le(la) trouve-t-on?
Dans les bois rocheux du sud et de l'ouest du Québec. À l'est, sa limite suivrait une ligne
joignant le cap Tourmente et la rivière Restigouche. Comme les jeunes hêtres gardent
généralement leurs feuilles durant l'hiver, d'un coup d'oeil on peut juger de leur présence dans
une forêt.
Pissenlit
Son nom
Taraxacum signifie «je trouble, j'agite», par allusion à ses propriétés diurétiques, ce que
confirme le nom de «pissenlit» qu'on lui donne en français. Officinale signifie «préparé en
officine». Médicinal, quoi!
Son rôle dans l'environnement
«C'est le pissenlit, écrit le frère Marie-Victorin dans La Flore laurentienne, qui donne, vers le
commencement de mai, la première miellée notable du printemps, fournissant abondamment
aux abeilles - que l'on peut cesser de nourrir à ce moment - nectar et pollen.»
Et ça se mange?
Ça ne fait pas que se manger, ça se boit aussi! On fait de la salade avec les jeunes feuilles
(voir notre recette dans Documents associés), un légume d'accompagnement ou des marinades
avec les boutons floraux, et du vin avec les fleurs.
On peut aussi couper les feuilles en chiffonnade et les ajouter aux sandwiches, aux soupes (à
la fin de la cuisson) ou à du fromage de chèvre crémeux.
Est-ce que ça soigne?
Ben tiens! Puissant tonique, nettoyeur du sang, stimulant de la sécrétion biliaire, capable de
réveiller tout organisme qu'une alimentation riche et le manque d'exercice ont rendu
paresseux, le jus de pissenlit, à raison d'une ou deux cuillérées à soupe le matin et le soir, était
jadis conseillé en cure d'un mois au printemps. On l'exprime de préférence le jour même à
l'aide d'un extracteur à jus. Il se prépare avec moitié feuilles et moitié racines et se boit en
remerciant les dieux et déesses d'être aussi efficace à petites doses. Parce que, à plus hautes
doses, on serait franchement pas capables!
Il paraît que c'est un remède divin pour tout ce qui s'appelle arthrite, arthrose, rhumatismes, à
la condition de suivre la cure tous les printemps sans faute. Même les médicaments à base de
cortisone ne seraient pas aussi efficaces, sans parler du fait qu'ils sont nettement plus toxiques.
Pour en savoir encore plus sur les propriétés médicinales du pissenlit, voyez notre fiche
complète.
On les récolte quand ces feuilles?
C'est simple : dès qu'elles sortent de terre et jusqu'à l'apparition des boutons floraux, soit
environ de la mi-avril à la mi-mai sous nos latitudes. Idem pour les racines, qui offriront
toutefois une deuxième récolte à l'automne.
Prudence!
N'allez pas cueillir vos pissenlits sur un terrain qui a été traité aux insecticides, herbicides,
fongicides ou engrais chimiques. Vaut mieux éviter ce genre d'assaisonnement, c'est pas très
bon pour la santé. Ignorez également les bords de routes très passantes et tout endroit où la
pollution peut être importante. En cas de doute, abstenez-vous!
L'arracheur de racines de pissenlit
Essentiel pour ramasser les profondes racines sans trop abîmer votre pelouse ou terrain. Il
s'agit d'un tube qu'on enfonce dans le sol et qui permet de retirer une carotte de terre avec la
racine au centre.
Saviez-vous que?
Dans les années soixante, on fabriquait encore du caoutchouc avec le latex qu'exsude le
pissenlit.
Jusque dans les années quarante, les jeunes filles de «bonne famille» étaient mises à
contribution pour la récolte des fleurs de pissenlit avec lesquelles on faisait un vin médicinal
qu'on offrait aux religieuses de l'«asile» pour le soin des malades. Ce vin était réputé
remontant, tonique et à peu près bon pour tout.
Ronce
Son nom
En France comme au Québec, il existe une certaine confusion de nom entre le véritable
mûrier, un arbre du genre Morus, et la ronce ou mûrier sauvage, morphologiquement très
différente et d'un tout autre genre botanique (Rubus). Cette confusion vient de la similitude
des fruits que produisent le mûrier et la ronce. Dans certaines régions de France, pour les
différencier, on nomme « mûron » le fruit de la ronce et « mûre » celui du mûrier.
« Ronce » viendrait de rumex, rumicis, qui, en latin classique, signifiait « dard ».
Rubus est un nom classique ancien, dérivé de ruber, « rouge », par allusion à la couleur du
fruit de certaines espèces.
Les divers noms anglais - raspberry, blackberry, cloudberry, dewberry, salmonberry,
nagoonberry, thimbleberry - témoignent de la difficulté à caractériser ce genre botanique qui
serait en pleine explosion génétique.
Il n'y a pas à proprement parler de différences entre la ronce et le framboisier. D'un point de
vue botanique, ce sont tous deux des Rubus et leur seule différence consiste en ce que, dans le
cas des framboisiers, le fruit se sépare du réceptacle lorsqu'il tombe tandis que, dans le cas des
mûriers, ce n'est pas le cas. Histoire de nous compliquer la tâche, on a créé un sous-genre pour
ces derniers, auquel on a donné le nom d'Eubatus. Mais, botaniquement parlant, un sousgenre, ça ne veut pas dire grand-chose et quand d'aventure on en crée, personne ne sait jamais
trop quoi en faire ni où les placer exactement dans la hiérarchie habituelle.
Leur rôle dans l'équilibre écologique
« Les Rubus par leur multitude et leur mode de vie, écrit le frère Marie-Victorin, jouent dans
la nature un rôle écologique défini. Ils apparaissent sur les terrains sablonneux dénudés, après
les graminées et les carex, et fournissent une protection efficace au sol durant
l'ensemencement par les arbres. Le règne des Rubus est toujours éphémère, et bientôt ces
végétaux passent à l'état d'éléments accessoires. »
Entre-temps, ils auront servi de nourriture aux oiseaux de toutes espèces, leur fournissant les
hydrates de carbone nécessaires pour affronter l'hiver ou la grande migration vers le sud, ainsi
qu'aux cerfs et, surtout, aux ours. D'ailleurs, à l'automne, les excréments d'ours - excusez
l'image - sont reconnaissables entre tous à cause de la multitude de petites graines non
digérées qui les garnissent. Quant aux excréments d'oiseaux - décidément, on tombe dans la
scatologie - à cette époque de l'année, ils sont littéralement bleus foncé ou pourpre.
Et ça se mange?
On ne va pas s'étendre sur les propriétés gustatives des fruits de la ronce, n'est-ce pas? Disons
simplement qu'ils sont consommés depuis toujours, notamment par les Amérindiens qui en
récoltaient et en récoltent toujours de très grandes quantités. Pour les préserver, ils les
ramassaient immatures et les conservaient dans des caches sous terre. Plus au nord, on les
gardait dans des sacs de peau de phoque ou dans de la graisse de phoque ou de poissonchandelle. On les faisait parfois cuire, puis on les écrasait et on les faisait sécher en une sorte
de pâte de fruits. Suffisait de casser un morceau au besoin et de l'ajouter au plat du jour. Ou
bien on les faisait sécher tels quels pour les utiliser plus tard dans les sauces, les puddings ou
la pâte à pain. On en faisait de la « crème glacée » en les fouettant avec de la graisse de
phoque, on les marinait avec des feuilles de patience (une plante proche de l'oseille, qui
appartient au même genre botanique), on les mélangeait avec d'autres baies comestibles ou
avec du sucre d'érable, ou encore, on en faisait du jus que l'on consommait sur-le-champ, car
il ne se conservait guère. Évidemment, on peut en faire des tartes, des gelées, des confitures,
des sirops, du vin, du vinaigre (le célèbre vinaigre de framboise) et d'excellentes liqueurs.
On a aussi consommé les jeunes pousses de l'année, appelées d'ailleurs turions, tout comme
les pousses de l'asperge. On les pelait soigneusement, puis on les mangeait crues ou on les
faisait cuire comme légume pour accompagner le gibier. On peut facilement en faire des
conserves pour l'hiver, ou des marinades.
Les Amérindiens fabriquaient une sorte de bière en faisant bouillir ensemble les tiges et les
fruits, puis en ajoutant de la levure et du sucre et en laissant fermenter le tout quelques jours.
Les pétales des fleurs de toutes les espèces sont comestibles et peuvent être ajoutés aux
salades de fruits ou de légumes. Mais Dieu qu'ils sont petits! Et, en plus, au moment de leur
cueillette, on se trouve en concurrence directe avec tout ce qui porte aiguillon à venin et autres
sympathiques attributs du même genre.
Les feuilles constituent une excellente infusion et on les a souvent substituées au thé, trop
cher ou trop rare. Riches en tanin, elles possèdent l'astringence que l'on recherche dans cette
boisson. En Chine et en Europe, il était d'usage de les faire fermenter légèrement dans le but
d'en accroître la saveur, tout comme on le fait pour produire le thé noir. La technique est
simple : il suffit de laisser flétrir les feuilles à l'ombre dans un endroit humide où la
température oscille entre 25 et 40o C en les empilant en couches bien tassées d'une dizaine de
centimètres. Au bout de quelques heures, voire d'un jour ou deux, selon l'intensité que l'on
recherche et la température ambiante, elles auront pris une couleur foncée. On les fera alors
sécher à l'air libre dans un endroit sec, en veillant à bien les détacher les unes des autres.
Comme pour le thé, on peut s'en servir pour fumer du poisson, de la viande ou des légumes.
En Europe, le « thé des familles » faisait partie de la tradition. Composé de mélanges de
plantes dont la recette variait d'une région à l'autre, voire d'une chaumière à l'autre, il
comprenait presque invariablement des feuilles de ronce, de cassis, de framboisier et de
fraisier en proportions variables. À cela, on ajoutait au gré de l'humeur ou de la saison, des
feuilles de menthe poivrée, des fleurs de tilleul, du serpolet, etc. Très souvent, les feuilles de
toutes ces plantes étaient préalablement mises à fermenter. Une fois séchées, on préparait le
mélange familial que l'on conservait dans des boîtes en fer blanc.
Les feuilles de Rubus peuvent servir à clarifier le vin.
Très rarement entend-on dire que les bourgeons sont comestibles. Et pourtant, ils sont
absolument délicieux, crus, ajoutés à une salade de fruits. Ils ont une saveur complexe, à la
fois fruitée et tanisée qui rehaussera un plat un peu fade. Il est vrai qu'il faut beaucoup de
temps pour les ramasser, si bien qu'on préfère généralement les réserver aux emplois
médicinaux.
Et ça soigne quoi?
Dans la phytothérapie française, on fait une différence entre le framboisier et le mûrier
sauvage, mais quand on y regarde de près, on se rend compte que leurs propriétés se
recoupent largement. Ainsi, ces deux plantes sont astringentes et diurétiques et leurs feuilles
ont été employées indifféremment pour soigner divers troubles menstruels ainsi que les
irritations de la bouche et de la gorge. Toutefois, la ronce est censée être légèrement
constipante tandis que le framboisier serait plutôt laxatif, ce qui étonne vu sa teneur en tanin.
De plus, la tradition a établi un certain nombre d'indications spécifiques à chacune des deux
plantes. Ainsi, c'est la feuille du framboisier rouge (R. idaeus) que l'on recommande aux
femmes enceintes pour tonifier leur utérus et les préparer à l'accouchement, tandis que c'est la
feuille de mûrier sauvage (R. caesius) qui est réputée utile aux diabétiques.
Aucune espèce quelle qu'elle soit n'est toxique, dangereuse, dommageable ni ne provoque
d'effets secondaires, si on exclut les blessures causées par les dards acérés placés
stratégiquement sur les tiges. Aussi sera-t-on heureux d'apprendre que les feuilles, appliquées
sur ces blessures, apporteront un soulagement immédiat et contribueront à en accélérer la
guérison.
Chez les Iroquois et les Saulteux, les racines des ronces servaient de remède aux jeunes mères
et aux femmes enceintes fatiguées. Aux États-Unis, on a employé la décoction de l'écorce de
la racine de mûrier pour soigner la diarrhée. En Chine, on considère d'ailleurs que l'écorce de
la racine de mûrier est beaucoup plus efficace que les autres parties de la plante et on l'utilise
chaque fois que possible.
Les fruits ou leur jus ont souvent servi en médecine. Ainsi, dans la Grèce antique, on
employait les mûres contre la goutte. Le jus de framboise serait efficace contre la cystite
tandis que la confiture de mûres a servi à soigner le rhume et que le cordial à base de jus de
mûre, de sucre, d'épices et de brandy était employé pour soigner la diarrhée ou d'autres
problèmes intestinaux. En fait, les préparations culinaires à base de framboises et de mûres se
doublaient très souvent d'une fonction médicale. Quant aux fruits séchés, qui sont peu
intéressants pour la consommation parce qu'il ne reste pratiquement plus que les pépins, ils
ont servi à faire de bienfaisantes infusions. On peut s'en servir aussi pour agrémenter une
infusion insipide ou camoufler la saveur trop marquée d'une plante médicinale.
Les feuilles et les bourgeons du mûrier sauvage ont servi à soigner l'hémoptysie, les
hémorroïdes, la diarrhée, la dysenterie, les oliguries et le diabète.
On l'a dit, par voie externe, les feuilles de framboisier ou de ronce peuvent soigner les
blessures légères. En bain de bouche et en gargarisme, elles soignent l'angine, la gingivite, la
glossite, la pharyngite, la laryngite, les névralgies dentaires, les plaies atones, propriété
qu'elles doivent à leur astringence.
Quelle que soit l'espèce choisie, on prépare les feuilles par décoction, en faisant bouillir
pendant deux ou trois minutes l'équivalent d'une poignée par litre d'eau. Cette décoction
servira pour les usages tant externes qu'internes. Pour préparer le glycéré de bourgeons,
reportez-vous à la rubrique cassis.
Il y avait jadis une pratique qui consistait à mettre dans un bocal des bourgeons de ronce
fraîchement récoltés et de les exposer au soleil. Au bout de quelques jours, un suc sirupeux
s'en écoulait. On le récupérait, l'étendait d'un peu d'eau et utilisait cette préparation en
pansements sur les plaies ou encore en gargarisme contre les angines.
Où le(la) trouve-t-on?
Sautez dans votre voiture, sortez de la ville par l'autoroute de votre choix et, aussitôt que
possible, prenez un petit chemin de campagne, en tournant à droite ou à gauche, peu importe.
Stationnez sur l'accotement. Une fois dehors, fermez les yeux, tournez sur vous-même, puis
faites quelques pas droit devant vous. Vous en trouverez, c'est certain, même si vous êtes le
plus incorrigible des citadins. En voilà, justement!
En principe, il n'y a aucun problème à prendre les fruits, bourgeons, feuilles, racine et turions
des framboisiers et mûriers cultivés puisqu'ils sont directement dérivés de leurs parents
sauvages. Toutefois, il faut s'assurer que les plants n'ont pas été pulvérisés par des fongicides
ou insecticides chimiques.
Aubépine
Son nom
Le nom générique viendrait du grec kratos, qui signifie « force », par allusion à la dureté du
bois, lequel a beaucoup servi à fabriquer leviers, manches et poignées d'outils et autres articles
du genre.
« Aubépine » vient du vieux français « aubespin », lequel était tiré du latin populaire albispina, lui-même emprunté au latin classique spina alba, c'est-à-dire « épine blanche », par
opposition à « épine noire », spina nigra, c'est-à-dire le prunellier, plante épineuse de la même
famille, également employée en médecine.
On croit que « cenelle » vient du latin populaire acinella, de acinus « grain de raisin »,
« pépin ». Au Québec, « cenelle » est devenu « senelle », et l'aubépine (l'arbre) est devenue un
« senellier ». On a également appelé le fruit « poire à cochons », probablement parce qu'il a
servi de nourriture à ces suidés de l'ordre des artiodactyles.
- ???
- Bon, d'accord. « Suidés », du latin suis « porc », et « artiodactyles », du grec artios « pair »
et daktulos « doigt », c'est-à-dire dont le nombre de doigts est pair.
Son rôle dans l'équilibre écologique
« Il semble que le grand développement du genre en Amérique soit le résultat immédiat de la
rupture d'équilibre écologique amenée par le défrichement », écrit Jules Brunel dans la Flore
laurentienne. En effet, l'aubépine était quasiment absente de l'Amérique avant l'arrivée des
Blancs, car, pour s'épanouir, elle a besoin de beaucoup de lumière, ce que nos grandes forêts
denses et hautes ne pouvaient lui offrir. Mais il semblerait que le genre connaisse une
véritable explosion génétique sous nos climats, avec pour résultat que les 4/5 des espèces, se
trouvent aujourd'hui de ce côté-ci de l'Atlantique.
Et ça se mange?
Les fleurs se mangent, mais elles dégagent très rapidement une odeur ammoniaquée qui
rappelle par trop celle de l'urine. Il faut donc les consommer tout juste écloses. Les jeunes
feuilles se mangent en salade. Les fruits sont comestibles, mais souvent insipides, leur pulpe
étant généralement sèche et farineuse.
D'ailleurs, il semblerait que les Amérindiens n'en aient jamais fait grand cas, contrairement à
d'autres plantes européennes que les premiers colons leur ont fait connaître. Ils les mangeaient
principalement lorsqu'ils n'avaient pas d'autres baies à se mettre sous la dent. Pour
contrebalancer la sécheresse de la pulpe, ils la mélangeaient à des aliments gras - oeufs ou
laitance de saumon - ou à des corps gras - huile de saumon, graisse de poisson-chandelle,
graisse de marmotte ou d'ours. Ou encore, ils pilaient les fruits et en confectionnaient de fines
tablettes qu'ils faisaient sécher pour les manger plus tard, trempées dans de la soupe ou
bouillies avec de la graisse de cerf et de la moelle. D'autres les ajoutaient à de la chair et des
arêtes de saumon pilées et séchées. Les Iroquois les mangeaient soit crues, soit cuites dans
une sauce ou dans les cendres, et les faisaient sécher pour l'hiver.
Selon le frère Marie-Victorin, les fruits de l'aubépine du lac Champlain (C. champlainensis,
une espèce fréquente dans la région de Montréal) seraient les plus recherchés de tous, à cause
de leur pulpe épaisse et succulente. Ceux de l'aubépine subsoyeuse (C. submollis) suivraient
de très près.
La récolte des baies se fait de septembre à fin novembre, selon les régions et les variétés.
Toutefois, il faut savoir que les fruits gagnent en saveur lorsqu'ils ont été exposés à quelques
gelées. Malheureusement, ils sont souvent attaqués par les larves.
Au Texas et en Louisiane, on cultive une espèce locale, le C. opaca, pour ses baies juteuses
que l'on récolte en avril et qu'on transforme en gelée ou en vin. La gelée est notamment
employée pour glacer le canard ou l'oie, comme dans la recette que nous vous proposons dans
Documents associés.
Et ça soigne quoi?
Étonnamment, les soeurs de la Providence ne font aucune mention de l'aubépine, qui a
pourtant été très utilisée en médecine. Cela s'explique probablement parce que ses propriétés
cardiotoniques - de loin les plus importantes - n'ont été véritablement reconnues qu'à la fin du
XIXe siècle. En effet, les premières références à ses propriétés n'apparaissent dans les manuels
de médecine qu'en 1898 (rappelons que l'ouvrage de Matière médicale des soeurs de la
Providence dont je dispose a été publié en 1890). Popularisée par la médecine éclectique au
début du XXe siècle, l'aubépine a fait l'objet d'une intense utilisation médicinale pendant les
deux premières décennies de ce siècle avant d'être graduellement remplacée par des
médicaments de synthèse, bêta-bloqueurs et antagonistes du calcium, notamment.
Ce sont les fleurs et les feuilles, et, à un moindre degré les baies, voire parfois l'écorce, qui ont
été employées en médecine. Tonicardiaque, hypotenseur, antispasmodique, c'est aussi un
hypnotique léger et un fébrifuge, ce qui en fait un bon remède dans les palpitations, les
douleurs cardiaques, l'angine de poitrine, les spasmes vasculaires, la tachycardie, les
arythmies, l'athérosclérose, l'hypertension, ainsi que les bouffées congestives, palpitations,
irritabilité et insomnies de la ménopause.
Si elle a permis de soigner tous ces problèmes, ses indications modernes portent surtout sur
les maladies coronariennes. De plus, elle serait particulièrement utile pour le suivi d'un
infarctus cardiaque dans la mesure où elle pourrait permettre de prévenir des attaques
ultérieures. Elle doit toutefois être prise à très long terme, ses effets ne s'accumulant que très
lentement dans l'organisme. Par contre, elle a l'avantage de ne présenter aucun effet
indésirable.
À cause de leur astringence, les fruits sont utiles contre la diarrhée et la dysenterie. On pense
qu'ils pourraient également contribuer à dissoudre les calculs urinaires et biliaires. Leur
astringence en ferait également un bon remède pour le traitement topique des rougeurs et de la
couperose.
Les fleurs se récoltent au printemps, avec les feuilles, quoique certains affirment que les
feuilles sont plus riches en principes actifs lorsqu'on les récolte en août. On fait sécher fleurs
et feuilles sur une toile moustiquaire, à l'ombre. On en prépare une infusion à raison d'une
cuillerée à café par tasse d'eau bouillante. On prend deux ou trois tasses par jour.
Les baies se récoltent à l'automne et peuvent être séchées comme les fleurs. La tisane se
prépare à raison de 15 g par litre d'eau. On en prend deux ou trois tasses par jour. Pour l'usage
externe, on fait bouillir 20 g de fleurs ou de baies dans un demi-litre d'eau. On peut se servir
directement de la décoction pour laver le visage ou l'incorporer à une crème cosmétique.
Ce sont les espèces C. oxyacantha (nom moderne : C. laevigata), C. monogyna et, à un
moindre degré, C. pentagyna, toutes d'origine européenne, qui ont fait l'objet d'études
scientifiques. On croit toutefois que toutes les espèces pourraient exercer une activité
thérapeutique dans la mesure où toutes renferment probablement les flavonoïdes actifs qu'on a
isolés dans les espèces étudiées, quoique possiblement dans des proportions qui pourraient
varier grandement selon les cas.
On la trouve où?
Beaucoup d'espèces ont une distribution très restreinte tandis que d'autres sont répandues dans
tout le Québec. On trouve à l'occasion quelques spécimens de C. laevigata et de C.
monogyna, qui se sont échappés de cultures.
Saule
Son nom
Le nom générique, d'origine celtique, signifie « près de l'eau », par allusion à l'habitat de cet
arbre ou arbuste. À cause de la forme de ses feuilles - allongées et au moins trois fois plus
longues que larges, le saule (Salix alba) capte la lumière d'une manière tout à fait particulière,
ce qui permet de le repérer de loin. Vu d'en haut, d'une montgolfière, par exemple, c'est un des
meilleurs indicateurs de la présence d'un cours d'eau, fleuve, rivière ou ru, étant donné que ce
qu'il aime plus que tout au monde, c'est de plonger ses racines dans la bonne terre humide et
limoneuse des rivages.
Son rôle dans l'équilibre écologique
Dans les régions tempérées, les saules jouent un rôle important pour la préservation des rives
des cours d'eau, leurs racines retenant le sol et freinant l'érosion. Dans les régions beaucoup
plus froides, la toundra par exemple, où le couvert végétal ne dépasse guère les 10-15 cm de
hauteur, les saules se font tout petits et rampants, profitant des quelques degrés de chaleur
supplémentaires que le sol leur fournit par rapport à l'air ambiant. Mais encore là, ils forment
des sortes de coussinets qui protègent le sol et l'empêchent de partir en poussière sous la forte
poussée des vents. Certaines espèces survivent sur les rives longtemps inondées au printemps.
Capables de résister aux débâcles, elles colonisent les bancs de sable récemment formés et en
fixent le sol de façon à permettre l'établissement futur d'autres espèces d'arbres.
Du grand saule noir qui, plus au sud, peut atteindre 40 mètres et qui occupe massivement les
rives du Saint-Laurent et de ses affluents, aux petites espèces arbustives dont certaines sont de
véritables reliques ayant échappé à la dernière glaciation et ne se retrouvant que dans
quelques rares lieux isolés, le saule affiche une incroyable diversité de formes et de tailles.
Rien qu'au Québec, on aurait dénombré au moins quarante espèces, quoique certains estiment
qu'il y en a beaucoup plus si on tient compte de l'hybridation naturelle qui se produit entre les
espèces.
Symbole d'immortalité en Extrême-Orient, le saule est l'arbre de vie au Tibet, ce qui
n'étonnera personne vu son extrême vitalité. En effet, il suffit de planter un rameau de saule
dans la terre pour qu'il fasse bientôt des racines et devienne rapidement un arbre imposant.
Et ça se mange?
L'écorce interne, ou cambium, du saule blanc est comestible. Dans les pays nordiques, elle a
servi à faire du pain. L'écorce de toutes les espèces de saule est d'ailleurs comestible, quoique
très amère, du genre à vous faire rentrer les joues dans les mâchoires. Il faut donc la faire
cuire dans au moins deux eaux avant de l'employer. Elle peut servir de nourriture de survie et
on dit que nombre de coureurs des bois coincés en forêt lui doivent la vie. On la mangera
alors fraîche, en la mastiquant bien et en recrachant les fibres à mesure. Pour en faire du pain,
on la fera cuire d'abord dans deux eaux puis sécher et on la réduira en poudre avant de
l'intégrer en petite quantité à la pâte à pain.
Une mise en garde s'impose toutefois : le cambium étant la seule partie du bois qui soit
vivante, en prélever une trop grande quantité revient à tuer l'arbre à plus ou moins long terme.
Par conséquent, on ne l'utilisera qu'en cas d'absolue nécessité. L'idéal est de le prélever sur des
arbres récemment abattus ou tombés.
D'un point de vue culinaire, les jeunes pousses, les bourgeons, les inflorescences et les très
jeunes feuilles, sont nettement plus intéressants que l'écorce. De plus, la plupart du temps, on
peut en prélever de grandes quantités sans mettre l'arbre en péril. Si on récolte l'écorce en
hiver, c'est au printemps qu'on récolte ces parties vertes.
Les Eskimos de l'Alaska et les Inuits du Canada ramassent encore de nos jours les parties
comestibles d'une espèce nordique, Salix phylicifolia, et de diverses autres espèces. On mange
les bourgeons crus avec de l'huile de phoque. L'huile de phoque sert d'ailleurs à les conserver
plusieurs mois, voire une année complète. Cueillies lorsqu'elles ne dépassent pas les quatre
centimètres, les jeunes feuilles se mangent soit crues et fraîches, soit séchées et ajoutées à la
soupe ou prises en infusion. On les estime d'ailleurs assez pour les mettre en conserve.
Les jeunes pousses de cette espèce et de diverses autres espèces rampantes de la toundra
arctique et des montagnes peuvent être pelées puis mangées crues. Enfin, les Slaves de l'Ouest
canadien fabriquaient une bière forte avec les branches de diverses espèces de saule.
Et ça soigne quoi?
Avant la mise au point de l'aspirine (acide acétylsalicylique) par Bayers, on employait dans
les officines l'écorce de diverses espèces de saule de même que son principe actif, la salicine,
qui fut d'abord isolée dans le saule, puis dans quelques espèces de peupliers.
« Arbre contre la douleur », écrit le docteur Jean Valnet dans son livre « Phytothérapie ».
Antinévralgique, antispasmodique, sédatif génital, calmant nerveux, fébrifuge, tonique
digestif, le saule soulage les névralgies rhumatismales, les céphalées, les douleurs des règles,
les états fébriles, l'angoisse, l'anxiété, l'insomnie des neurasthéniques. Il est en outre souverain
pour éteindre les ardeurs fougueuses des nymphomanes, priapes, satyriasiques et autres faunes
de ce monde, leur permettant de retrouver le sommeil innocent de l'enfance. Étonnamment, il
soulage aussi l'hyperacidité gastrique. Étonnamment, en effet, puisque son équivalent de
synthèse, l'AAS (aspirine), est au contraire déconseillé en cas d'hyperacidité ou d'ulcère
gastrique, car il est réputé pour provoquer des lésions parfois très graves de l'estomac. Enfin,
on croyait autrefois qu'une forte décoction de l'écorce intérieure du saule était la cure parfaite
pour les maladies vénériennes.
En phytothérapie, les chatons, les feuilles et l'écorce peuvent être employés, mais c'est de loin
cette dernière qui est la plus efficace et, avec le temps, son emploi a prédominé. Les deux
premiers se préparent en infusion à raison de 10 ml par tasse d'eau bouillante. On en prend
trois tasses par jour avant ou entre les repas. L'écorce se prépare sous la forme de décoction à
raison de 25-35 g par litre d'eau. On la fait bouillir cinq minutes puis infuser dix minutes. On
en prend trois tasses par jour. On l'a aussi prise en poudre, incorporée dans du miel ou du
sirop à raison de 5-10 g par dose. On peut également en préparer un vin en faisant macérer
50 g d'écorce dans un litre de vin pendant quelques jours. On prend un verre à bordeaux
(75 ml) avant chacun des deux grands repas.
Par voie externe, on emploie les feuilles en compresse pour soigner les contusions et plaies ou
en emplâtre contre les entorses et les élongations. On prépare la compresse en faisant bouillir
les feuilles dans de l'eau. On récupère le liquide refroidi et on applique. On prépare l'emplâtre
en mélangeant les feuilles avec de la farine de blé et un peu d'eau et en appliquant la pâte ainsi
obtenue sur les parties affectées.
Les feuilles de saule portent souvent des gales causées par divers insectes. La variété qui se
développe sur le S.rigida et qui a la forme d'un bouton de rose serait médicinale (et
probablement les autres également). On employait autrefois l'infusion pour soigner la
rétention d'urine.
Saviez-vous que?
Les substances actives de nature hormonale que renferme le saule favorisent son
enracinement. Il est possible de tirer parti de cette propriété pour bouturer des plantes plus
rébarbatives. Il suffit pour cela d'écraser avec un marteau quelques rameaux de saule (toutes
espèces confondues) et de les faire tremper pendant 24 heures dans de l'eau. On récupérera
cette eau et on y mettra à bouturer les tiges de la plante récalcitrante. La reprise sera bien
meilleure.
Tilleul
Son nom
Le tilleul d'Amérique (Tilia americana ou Tilia glabra) est plus connu ici sous le nom de
« bois blanc », probablement à cause de son bois, justement, qui de tout temps a été prisé par
les ébénistes, les sculpteurs et les luthiers. Le sens du nom générique latin, Tilia, reste obscur,
mais on sait toutefois que, dès le XIIIe siècle, le mot « teille », qui en est dérivé, désignait
spécifiquement l'écorce de cet arbre, que l'on utilisait pour fabriquer des cordes et des nattes.
Par la suite, « teille » en est venu à désigner l'écorce de diverses autres plantes textiles, dont le
chanvre, « teillage », l'opération qui consistait à séparer les parties ligneuses de la fibre,
« teilleur », l'ouvrier qui se consacrait à cette tâche, et « teilleuse », la machine à teiller. Tout
un petit vocabulaire technique est donc né autour de la précieuse écorce de ce non moins
précieux arbre.
En grec, il porte le nom de Philyra, en hommage à la mère du centaure Chiron, dont on assure
que les pouvoirs ont toujours été bénéfiques aux êtres humains. Le tilleul est d'ailleurs
considéré comme un symbole d'amitié et de fidélité. Révéré à travers les âges, chanté et
glorifié dans les poèmes, il appartient aux plus anciens folklores européens. Dans certaines
traditions, on dit qu'il représente à la fois les vertus masculines de la force et du pouvoir, et les
vertus féminines de la réceptivité et de la contemplation.
Son rôle dans l'équilibre écologique
À l'époque où Montréal était encore un grand village, le tilleul abondait dans la région et, au
moment de sa floraison dans la première moitié de juillet, il constituait dans certains cas la
principale ressource mellifère. Malheureusement, que je sache, il n'existe plus de producteur
de miel de tilleul au Québec.
Et ça se mange?
Les Iroquois et les Saulteux consommaient les jeunes pousses et les rameaux, crus ou cuits.
Quant à l'écorce, ils la cuisaient d'abord longuement puis la broyaient et l'ajoutaient aux
bouillons de poisson ou à de l'huile de poisson qu'on intégrait ensuite aux ragoûts.
Les jeunes feuilles encore translucides et très tendres sont excellentes en salade. On peut
également les faire lactofermenter. Plus âgées, elles ont été séchées puis réduites en farine et
ajoutées à des céréales. Réputé pour être très nutritif, ce plat était répandu lors de la dernière
guerre mondiale alors que les nazis tentaient d'affamer la population française. On a aussi
employé les feuilles comme fourrage pour le bétail.
On peut ajouter les fleurs aux salades de fruits ou de légumes, qu'elles
parfumeront agréablement. Les fruits rôtis, que les anglophones désignent sous le nom de
monkey-nuts, ont servi à préparer un succédané de café. Quant à la sève, elle est, paraît-il, fort
bonne à boire. On peut aussi en faire du sirop, mais le rendement est faible.
Pour nombre d'Européens qui, contrairement à nous, peuvent en trouver sur le marché, de tous
les miels, le miel de tilleul est celui qui possède la saveur la plus délicate.
Toutefois, l'usage le plus connu est celui qui consiste à boire sa tasse de tilleul, à la maison ou
au café, comme cela se fait depuis toujours en France, où c'est encore l'infusion la plus
répandue. C'est d'ailleurs très précisément l'odeur suave de l'infusion, associée à celle des
madeleines, qui, en réveillant ses souvenirs d'enfance, inspira une grande partie de l'oeuvre de
Marcel Proust. C'est quand même pas tout à fait rien et c'est pour cela qu'on va jouer, le temps
d'une collation, à se prendre pour Proust. Attention, toutefois, les madeleines doivent leur
célèbre légèreté à une overdose de beurre. Vous trouverez la recette dans Documents associés.
Et ça soigne quoi?
Sédatives et légèrement hypnotiques, sudorifiques et diurétiques, les fleurs de tilleul ont servi
à soigner les spasmes, les troubles digestifs, l'insomnie, les névroses et, parce qu'elles agissent
sur l'hyperviscosité et l'hypercoagulation sanguines, l'athérosclérose et la pléthore.
Plus récemment, on a découvert qu'elles augmentaient la résistance non spécifique de
l'organisme, ce qui en fait un excellent remède contre la grippe et le rhume, particulièrement
chez les enfants. Dès l'apparition des premiers symptômes, on alite l'enfant et on lui donne 2
ou 3 tasses d'infusion par jour. En Europe, on les prend très souvent avec des fleurs de sureau
noir, considérées elles aussi comme capables de stimuler la résistance non spécifique de
l'organisme.
On a dit que certaines espèces de tilleul, dont le tilleul américain, pouvaient provoquer des
vomissements et de la diarrhée chez certaines personnes, mais cela n'est pas confirmé par la
tradition médicale nord-américaine. Ainsi, selon les Soeurs de la Providence, tant le tilleul
d'Europe (Tilia europoea) que le tilleul d'Amérique sont employés en médecine. « C'est un
breuvage agréable, écrivent-elles dans leur Matière médicale, qui convient bien dans les
lassitudes, les digestions lentes, les dérangements nerveux. » De son côté, dans sa Flore
Laurentienne, le Frère Marie-Victorin parle des propriétés antispasmodiques et diaphorétiques
des fleurs de notre espèce. On peut donc les consommer sans crainte. Infuser dix minutes 15 à
30 grammes par litre. Prendre 2 à 4 tasses par jour.
L'aubier de tilleul sauvage, réputé pour combattre l'arthrite, les rhumatismes, la cellulite, les
états migraineux et les calculs biliaires et rénaux, provient du Tilia sylvestris, une espèce qui
pousse dans le sud de la France et qui serait passablement différente des autres.
Par voie externe, les Amérindiens employaient une décoction de l'écorce interne pour laver et
traiter les brûlures. Les hospitalières employaient l'écorce et les feuilles sous la forme de
cataplasmes émollients contre les enflures douloureuses et l'inflammation des yeux.
Le bain aux fleurs de tilleul est réputé pour soigner la fatigue nerveuse, l'insomnie et l'anxiété.
Il ferait des merveilles auprès des enfants irritables ou hyperactifs. On prépare d'abord une
infusion avec 1 1/2 tasse de fleurs dans 1 litre d'eau. On filtre et on ajoute l'infusion à l'eau du
bain. On recommande de faire tremper le « petit monstre » une quinzaine de minutes dans ce
bain avant de le mettre au lit. Après quoi, on prendra soi-même un bain semblable, histoire de
se calmer les nerfs...
Mode de culture
Sa beauté, sa forme, la densité de son feuillage et le fait qu'il se prête particulièrement bien à
la taille font que le tilleul est largement utilisé comme arbre d'ornement. On trouve donc
facilement des plants en jardinerie. Toutefois, si vous ne disposez que d'une petite cour, il
faudra le tailler impitoyablement, car, élevé dans de bonnes conditions et laissé à lui-même, il
peut atteindre les 40 mètres de hauteur.
Pour les vrais de vrais qui préfèrent se compliquer l'existence en semant les graines, il faut
savoir que ces dernières ont la germination pénible. On devra d'abord les exposer au froid,
soit en les mettant dans un sac de sable humide qu'on placera ensuite au congélateur - pendant
cinq ou six semaines - avant de les semer en pleine terre, soit en les semant directement à
l'extérieur, de préférence dans un bac, histoire de suivre le processus de près. Vous devrez
toutefois faire preuve de patience, car, dans ce dernier cas, elles peuvent mettre deux ans à
germer.
Comme il n'existe pas, à ma connaissance, de source commerciale de semences, il vous faudra
les prélever sur des spécimens vivants. Si vous avez la main verte, vous pouvez également
procéder par bouturage. Fin mars/début avril, récoltez des rameaux de 12 à 15 cm et plantezles sur les deux tiers de leur longueur dans du sable humide. Arrosez régulièrement d'un fin
jet d'eau et au bout de quelques semaines, vous devriez voir apparaître des feuilles.
Transplantez au printemps.
Par contre, si vous êtes du genre à rater vos semis de radis ou à perdre vos cactus pour raison
de soif intense, vaudrait mieux commander un plant chez un pépiniériste.
Le tilleul a besoin d'une terre riche, humide, mais non détrempée. Il craint tellement la chaleur
que lorsque le mercure monte trop haut, il peut carrément perdre ses feuilles en guise de
protestation. Pour se l'amadouer, on recommande de disposer un paillis d'une quinzaine de
centimètres d'épaisseur sur le sol en veillant à bien couvrir l'ensemble de son réseau de racines
(soit la surface occupée par l'ombre que projette le feuillage au zénith).
Solidago canadensis
Son nom
On dit que Linné, père de la terminologie binomiale latine, donna à la verge d'or le nom
scientifique de Solidago (littéralement, « je rends entier », « je consolide ») en raison de sa
réputation à favoriser la guérison des plaies. Quant à son nom populaire de « verge d'or »,
l'histoire ne dit pas s'il lui vient de ce que les riches aristocrates employaient ses tiges pour
corriger leurs petits monstres ou s'il faisait plutôt référence à un ancien rituel mystico-érotique
dont l'origine se serait perdue dans la nuit des temps...
Son rôle dans l'équilibre écologique
Il y a environ 125 espèces de verge d'or, dont la majorité est nord-américaine. Avec les asters,
elles recouvrent à l'automne de vastes étendues de terre, faisant de la vallée du Saint-Laurent,
écrit le frère Marie-Victorin, « un immense jardin noyé de pourpre et d'or ». C'est-y pas de la
belle prose ça?
Quant aux auteurs de Plantes sauvages des villes et des champs (Groupe Fleurbec), ils
écrivent : « Avez-vous déjà observé la succession des floraisons dans un champ à l'abandon?
Selon un ordre vertical ascendant, le groupe printanier fraisiers-violettes-pissenlits, au ras du
sol, est suivi par l'enchevêtrement multicolore des plantes un peu plus grandes à floraison
estivale: graminées-trèfles-marguerites-chicorées-etc., et finalement par le bataillon dressé des
grands asters-verges d'or ». Non, je n'avais jamais remarqué, mais maintenant que vous le
dites, ça saute aux yeux. Ah! ces évidences qui ne cessent de nous échapper.
Et ça se mange?
On connaît peu d'emplois culinaires à la verge d'or, sa saveur
fortement aromatique étant plutôt désagréable. La seule espèce vraiment intéressante à cet
égard est le S. odora au parfum anisé que, sous le nom de Thé de la Montagne Bleue, les
Hollandais de la Pennsylvanie boivent comme substitut du thé. Sauf qu'elle ne pousse pas
chez nous.
Certains affirment que les Amérindiens consommaient les graines du S. canadensis, mais si
c'est le cas, cet usage était certainement marginal et géographiquement restreint, peu d'experts
en ethnobotanique en faisant mention.
Par contre, le miel de verge d'or est l'un des plus communs en Amérique du Nord. Son goût se
situe à mi-chemin entre celui du miel de trèfle et celui du miel de sarrasin. Comme c'est le cas
pour tous les types de miel, il ramasse une partie des principes actifs de la plante et peut donc
jouer un rôle non négligeable dans l'organisme. La mode actuelle qui en pousse plusieurs à
rechercher des miels exotiques - romarin, lavande, mélaleuque et que sais-je encore? - ne
devrait pas nous faire oublier les vertus d'un des meilleurs représentants de cette catégorie
alimentaire. Il fera merveille dans le traditionnel pain d'épices dont vous trouverez la recette
dans Documents associés.
Et ça soigne quoi?
Considérée dans la tradition européenne comme stimulante, sudorifique, tonique, carminative,
apéritive et pectorale, on a utilisé la verge d'or pour les rhumes, les affections pulmonaires, les
nausées et les douleurs causées par les « vents ».
Toutefois, c'est dans les affections rénales (infections telles que colibacillose, cystite ou
néphrite, calculs rénaux, albuminurie, oligurie) qu'on l'a surtout employée. Il s'agirait
d'ailleurs d'une des meilleures plantes pour fortifier le système rénal. Elle a également servi à
soigner la diarrhée, les entérocolites et les entérites, notamment celles dont souffrent les toutpetits lorsqu'ils percent leurs dents. On la leur administrait sous la forme de sirop.
Riche en flavonoïdes de type vitamine P, la verge d'or est également utile dans le traitement
des varices. À ce titre, elle entre dans la composition de nombreuses spécialités
pharmaceutiques allemandes.
On a longtemps prétendu que nos espèces ne possédaient que des propriétés astringentes, par
comparaison à l'espèce européenne (Solidago virgo aurea ou virgaurea), censée être bien plus
efficace. Mais voilà que des chercheurs allemands qui ont étudié deux de nos espèces
indigènes, le S. canadensis et le S. serotina, d'abord importées en Europe comme plantes
décoratives, affirment que non seulement elles possèdent les mêmes propriétés médicinales,
mais qu'il y a de fortes chances qu'elles soient plus riches en principes diurétiques que l'espèce
européenne. Elles sont d'ailleurs acceptées en Allemagne comme substituts de cette dernière
en cas de pénurie dans l'approvisionnement. Au Québec, c'est le S. canadensis qu'on a
essentiellement employé en médecine populaire.
Les Amérindiens l'utilisaient pour soigner divers maux. Ainsi, les Zunis soignaient le mal de
gorge en mastiquant les fleurs et en avalant le jus. Les Alabamas employaient les racines en
cataplasme contre le mal de dents. Dans de nombreuses tribus, l'infusion des fleurs et des
feuilles a servi à soulager la fièvre et les « douleurs de poitrine ». Les Meskwakis préparaient
une lotion qu'ils employaient contre les piqûres d'abeilles ainsi que contre d'autres types
d'enflures douloureuses.
Comme bien d'autres plantes, la verge d'or pourrait s'avérer utile contre certains types de
cancer. En effet, on a découvert dans l'espèce S. canadensis deux polysaccharides qui ont
montré des propriétés antitumorales chez des souris de laboratoire. Naturellement, il faudra
bien d'autres travaux encore avant qu'on puisse confirmer cette activité chez l'humain.
Pour préparer la tisane, verser un litre d'eau froide sur 1 ou 2 c. à soupe de plante séchée,
faire bouillir deux minutes et laisser infuser une dizaine de minutes.
Note. En usage externe : utiliser la tisane en lotion ou compresse sur les plaies.
Pour préparer un sirop, faire d'abord bouillir pendant dix minutes 100 g de sommités
fleuries dans un litre d'eau. Infuser 12 heures. Filtrer, ajouter 1,5 kilo de sucre et réchauffer
jusqu'à complète dissolution du sucre. Refroidir et embouteiller. Garder au frais. Administrer
au besoin, à raison de 1 ou 2 c. à soupe.
On la trouve où?
Selon les espèces, la verge d'or occupe divers habitats : sous-bois, champs sablonneux,
rivages d'eau douce, rivages maritimes, sommets exposés des montagnes, bords de route,
forêts, tourbières. Bref, il y en a pour tous les goûts. Le S. canadensis se trouve pratiquement
partout au Québec. On récoltera la moitié supérieure de la plante en fleur qu'on fera sécher à
l'ombre, comme de coutume sur une moustiquaire, ou suspendue en bouquets.
Violette
La violette... en gelée et en sirop
À feuilles poilues ou non, en forme de cœur ou de rein, portées ou non sur une tige, à fleurs
blanches, jaunes, bleues ou violettes, avec ou sans stolon, les espèces de violettes dans le
monde se comptent par quelques centaines. Au Québec, on en dénombre 26, en plus de
nombreux hybrides qui se forment spontanément au gré des visites des insectes pollinisateurs.
La plupart du temps petite, presque insignifiante, la violette ne se distingue véritablement de
la flore environnante qu'au moment de sa floraison, qui peut être spectaculaire lorsqu'elle
couvre de grandes étendues. Mai est assurément le mois pour la cueillir.
Peu particulière quant à son habitat, on la trouve un peu partout, en forêt pour certaines
variétés, dans des champs plutôt ombragés ou carrément au soleil pour d'autres, en terre
humide ou sèche, sablonneuse ou tourbeuse... Bref, si vous ne trouvez pas de violettes au
moment de la floraison, c'est que vous n'avez pas envie d'en trouver.
Et ça se mange ?
Les jeunes feuilles se mangent crues ou cuites. Mucilagineuses, elles donneront de la
consistance à une soupe ou un bouillon clair. Elles sont riches en vitamine C (210 mg par
100 g) et sans être très élevée, leur teneur en bêta-carotène n'est pas négligeable (824 mg en
équivalent-rétinol par 100 g). Leur forme originale et leur couleur égaieront les mescluns
printaniers et leur finesse contribuera à équilibrer les saveurs plus prononcées du cresson, de
la chicorée ou de la moutarde.
Quant aux fleurs, bien sûr, on peut les ajouter aux salades, mais traditionnellement, elles ont
surtout servi à confectionner des sirops et des gelées ou, cristallisées, à décorer gâteaux et
autres desserts. Les fleurs de violettes cristallisées sont d'ailleurs toujours une spécialité de la
ville de Toulouse, en France. En Allemagne, on les met parfois à flotter dans le traditionnel
Vin de mai, un mélange de vin de Moselle et de champagne dans lequel on a fait macérer des
morceaux d'orange et d'ananas ainsi que des tiges d'aspérule odorante, une plante sauvage
extrêmement aromatique.
Le sirop de violettes, dont la recette est donnée dans Documents associés, pourra entrer dans
la préparation de glaces ou de sorbets maison, napper crêpes, gaufres, gâteaux et quoi encore!
Et ça soigne quoi?
Étant donné sa richesse en mucilage, on ne s'étonne pas que les herboristes aient recommandé
la violette pour soigner la toux et la bronchite ainsi que la constipation légère, un peu comme
pour la graine de lin. Dans les hôpitaux, on préparait jadis à cet effet le sirop violat, dont voici
la recette.
Verser 1 litre et demi d'eau chauffée à environ 45° C sur 450 g de violettes.
Agiter pendant quelques minutes puis passer en pressant légèrement pour exprimer le liquide.
Peser ensuite les pétales de violettes, les mettre dans la partie supérieure d'un bain-marie,
ajouter deux fois leur poids d'eau bouillante et laisser infuser 12 heures.
Passer en pressant pour exprimer le liquide. Cette fois, c'est l'infusion qu'il faut peser et lui
ajouter le double de son poids en sucre en laissant ce dernier se dissoudre partiellement dans
l'infusion avant de chauffer au bain-marie jusqu'à parfaite dissolution. Mais pas plus. Retirer
du feu aussitôt.
Toutes ces opérations complexes avaient pour but de préserver les principes actifs, facilement
dispersables, des fleurs de violette.
Conservez le sirop au réfrigérateur dans des bouteilles de vin bien nettoyées et fermées avec
un bouchon de liège ou scellez les bouteilles avec de la paraffine et conservez-les dans un
endroit frais.
Pour les bronchites et la toux, on a recommandé de prendre 30 à 50 g par jour. Aux enfants,
on en administre 1 c. à thé, une ou deux fois par jour. Étant donné la quantité de sucre qu'il y a
là-dedans, ils ne se font généralement pas tordre le bras pour prendre leur potion!
Pour soigner la constipation légère chez les tout-petits, on administrait un mélange de 1/2 à 1
c. à thé de sirop avec la même quantité d'huile d'amande.
Les feuilles cuites dans l'eau ou fraîches et broyées ont été utilisées en cataplasmes pour
soigner les gerçures des seins.
Faites sécher une partie de votre récolte de fleurs de violettes. Pour cela, vous les placerez sur
une toile moustiquaire montée sur un cadre de bois. La toile de moustiquaire devrait être en
nylon plutôt qu'en métal, car ce dernier risque d'oxyder les fleurs délicates. Placez votre cadre
autant que possible dans un endroit sombre pour éviter que les fleurs ne se décolorent. Si le
temps est trop humide, chauffez votre four à 200° F, mettez les fleurs sur une tôle à biscuits
recouverte de papier ciré et laissez-les de quatre à six heures, porte entrouverte. Laissez-les
ensuite refroidir puis conservez-les dans un contenant de verre, de préférence opaque. Sinon
vous devrez le ranger dans un coin obscur.
Saviez-vous que ?
Selon Pline L'Ancien, une couronne de violettes placée sur la tête aurait le pouvoir de soigner
un mal de crâne ou de soulager les effets des « lendemains de veille ».
Connaissez-vous l'expression jouer les violettes ? Elle signifie, pour un personnage public,
être discret, se faire soudainement discret.
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