SPECTROMÉTRIE DE MASSE • La spectrométrie de masse est une technique analytique très puissante et très sensible permettant d'analyser des composés organiques solides, liquides ou gazeux. • Elle permet de déterminer la masse moléculaire, de corréler le spectre d'un composé avec sa structure, d'expliquer des mécanismes de ruptures de liaisons, de trouver les facteurs rendant plus ou moins probable la formation de l'un ou l'autre des fragments ioniques. • Par spectrométrie de masse, on peut réaliser des analyses qualitatives et quantitatives. Des limites de détection inférieures au nanogramme et même au picogramme (10-12 g) sont souvent atteintes. Structure d'un spectromètre de masse Schéma d'un spectromètre de masse La source d'ionisation Elle consiste à vaporiser les molécules et à les ioniser. Une source d'ionisation peut être utilisée soit en mode positif pour étudier les ions positifs, soit en mode négatif pour étudier les ions négatifs. Plusieurs types de sources existent et sont utilisés en fonction du résultat recherché et des molécules analysées. Tableau récapitulatif des modes d'ionisation TECHNIQUES MODE DE PRODUCTION DES IONS I.E. Impact d'électrons de 70 eV Impact Electronique 1,13.10-2Pa I.C. Plasma d'ions réactant NATURE DE L'ECHANTILLON DANS LA SOURCE Gaz Gaz Ionisation Chimique ES Electrospray 1,13.101 à 1,13.102Pa Gradient de champ électrique et énergie thermique, création de microgouttelettes Gaz pression atmosphérique L.S.I.M.S. Spectrométrie de Masse à Ions Secondaire avec cible Liquide Impact d'ions de faible énergie Solide (q.q keV) F.A.B. Impact d'atomes neutres (keV) Liquide (glycérol) Impact de photons émis par un laser Solide Bombardement par Atomes Rapides M.A.L.D.I. Désorption Laser Assistée par Matrice P.D.M.S. Impact d'ions de forte énergie Solide Désorption de Plasma (100 MeV) Source par impact électronique Ionisation par impact électronique (E.I) Ce type d’ionisation est le plus répandu, il a l’avantage de donner des ions possédant une énergie interne importante, donc susceptibles de se fragmenter. M + e (70eV) -----> M+. + 2e Mécanisme de l’ionisation électronique Séparateur par champ magnétique (aimant) Ecinétique = ½ mv2 = zV Spectre de masse de l'hexane Ionisation chimique (C.I) Ionisation chimique avec le méthane Ionisation du méthane : CH4 + e- CH4+• + 2 e- Réactions ion-molécule : CH4+• + CH4 CH5+ + CH3• L’entité majoritaire du plasma CH5+ est un acide (électrophile) très fort, capable de protoner la plupart des molécules organiques via la réaction exothermique suivante : CH5+ + M MH+ + CH4 L’ion MH+ est un ion pseudo-moléculaire (pic à M+1 ) d’ énergie interne relativement faible, il se fragmentera peu. Le spectre de masse en ionisation chimique de M permettra de repérer facilement la masse moléculaire du produit. Ionisation chimique avec NH3 • On aura ainsi, pour l'ammoniac, formation du cation ammonium NH4+. Cet ion est moyennement acide et suivant le caractère basique (nucléophile) de M, il donnera soit un ion MH+ (pic à M+1) soit un ion adduit MNH4+ (pic à M+18). NH4+ + M MH+ + NH3 (pic à M+1) NH4+ + M M-NH4+ (pic à M+18 ) Couplage avec un chromatographe Couplage avec un autre spectromètre de masse (tandem, ou MS-MS) ION MOLECULAIRE • Masse nominale 12C a 6 protons et 6 neutrons et donc une masse nominale de 12. L’éthylène CH2=CH2 a une masse nominale de 28 Da. Cette masse nominale est celle donnée par les spectromètres de masse basse résolution. • Masse nominale exacte (ou mono-isotopique) Pour une molécule de type CxHyNzOw, la masse de chaque atome n’est pas un nombre entier. La légère différence de masse avec la valeur entière s’explique par l’énergie nucléaire qui maintient la cohésion de l’atome. Par convention on a M(12C) = 12,0000. Exemple : M exacte (éthylène) = 2*12,0000 + 4*1,00867 = 28,0313 Da Cette masse exacte est celle donnée par les spectromètres de masse haute résolution. • Masse moyenne Cela correspond à la moyenne pondérale des différents isotopes naturels de chaque élément. Exemple: Mmoyenne(C) = 12*0,98983 + 13,00335*0,01107 = 12,011 Mmoyenne (éthylène) = 2*12,011 + 4*1,008 = 28,0540 Da Pour l’éthylène, la masse moyenne est très peu différente de la masse exacte, mais si on s’intéresse à des molécules plus lourdes, cette différence peut devenir significative en valeur absolue. ION MOLECULAIRE ET ISOTOPES Hydrogène 1H 100 2H 0,0151 Carbone 12C 100 13C 1,112 Azote 14N 100 15N 0,37 Fluor 19F 100 Chlore 35Cl 100 37Cl 31,98 Brome 79Br 100 81Br 97,28 Iode 127I 100 Oxygène 16O 100 17O 0,04 18O 0,20 Pics moléculaires des produits bromés L’ion moléculaire se présentera sous la forme de trois pics Une espèce 79Br-79Br à la masse M = 158 Une espèce 79Br-81Br à la masse M+2 = 160 Une espèce 81Br-81Br à la masse M+4 = 162 Pics moléculaires des produits chlorés Pour le dichlorométhane CH2Cl2, on a : Un pic CH235Cl35Cl à la masse 84 et d’intensité 1 (100%) Un pic CH235Cl37Cl à la masse 86 et d’intensité 2*1*0,3198 =0,64 (64%) Un pic CH237Cl37Cl à la masse 88 et d’intensité (0,3198)2 = 0,1023 (10,23%) Pics moléculaires des produits non halogénés • Dans ce cas, les isotopes du carbone, de l’hydrogène et de l’oxygène étant très minoritaires, les contributions isotopiques aux pics moléculaires sont plus faibles que dans le cas des produits halogénés. • 100 (M+1)/M ~ 1,1. nC + 0,36. nN • 100 (M+2)/M ~ (1,1. nC )2/200+ 0,20. nO Règle d’azote (parité de l’ion moléculaire) • Ion moléculaire pair Un ion moléculaire donne un pic à une masse paire s’il comporte un nombre pair d’éléments trivalents (N ou P). Dans ce cas sa formule est du type CxHyOz ou plus rarement CxHyOzNw (avec w = 0, 2, 4, 6…). • Ion moléculaire impair Un ion moléculaire donne un pic à une masse impaire s’il comporte un nombre impair d’éléments trivalents (N ou P). Dans ce cas on a une formule CxHyOzNw (avec w = 1, 3, 5…) Ions fragments Fragmentations secondaires Ruptures simples Réarrangements Règles de fragmentations • Énergie de l’ionisation M + eM+. + 2eCe processus nécessite entre 8 et 12 eV pour la majorité des molécules organiques étudiées, donc entre 800 et 1200 kJ mol-1. Cette différence d’énergie est appelée Potentiel d’Ionisation de M [PI(M)]. • Énergie d’une fragmentation M+. A+ + B. La différence d’enthalpie nécessaire pour qu’apparaisse l’ion A+ est appelée Potentiel d’Apparition de A [PA(A+)] Diagramme énergétique d'une fragmentation M M+. B. + A+ -Potentiel d’ionisation de M : PI(M) = DfH°(M+.) - DfH°(M) -Energie d’activation : Ea = DfH°(A+) + DfH°(B.) - DfH°(M+.) - Le potentiel d’apparition PA de A+ est donc égal à : PA(A+) = PI(M)+Ea PA(A+) = DfH°(A+) + DfH°(B.) - DfH°(M) Les DfH° sont les enthalpies standard de formation en phase gazeuse. Prévision d’un spectre de masse • Profils énergétiques de fragmentations compétitives Exemple de calcul des énergies d’activation dans le cas du propyl-benzène Espèces C6H5C3H7+. (m/z 120) DfH° kJ/mol 849 C7H7+ (m/z 91) C8H9+ (m/z 105) CH3. CH3-CH2. 874 966 139 105 DrH°(91) = DfH°(C7H7+) + CH3-CH2.) - DfH°(C6H5-C3H7+.) DrH°(91) = 874+105-849= 130 kJ/mol. DrH°(105) = DfH°(C8H9+) + DfH° DfH°(CH3.) (- DfH°( C6H5-C3H7+.) DrH°(105) = 966+139-849= 256 kJ/mol. Profils énergétiques de formation des ions à m/z 105 et m/z 91 du propylbenzène. Méthodes empiriques de prévision d’un spectre de masse. • la méthode empirique consiste à comparer uniquement les stabilités des ions formés, donc à négliger la formation des entités neutres (radical ou molécule). DfH° = 911 kJ/mol ; DfH° = 802 kJ/mol ; DfH° = 736 kJ/mol Par conséquent l’ion à m/z 91 Da doit être plus abondant que l’ion à m /z 105 Da. FRAGMENTATIONS DES HYDROCARBURES FRAGMENTATION DES ALCANES Chromatogramme d'une essence plombée (CPG-SM) Fragmentations des alcanes linéaires Liaisons C-C C-H C=C DH en kJ/mol 340 420 660 • Les ions 43 et 57 sont les plus grands pics du spectre, ce qui est le cas de tous les hydrocarbures. Ion R+ m/z DfH° en KJ/mol CH3+ CH3-CH2+ CH3-CH2CH2+ C3H7-CH2+ 15 29 43 57 1086 915 873 911 Fragmentations des alcanes ramifiés R+ nC3H7 isoC3H7 nC4H9 secC4H9 isoC4H9 tertC4H9 m/z 43 43 57 57 57 57 DfH° en KJ/mol 873 794 911 802 857 736 les ions ramifiés sont stabilisés, ce qui se vérifie si on considère les valeurs des enthalpies standards de formation. . La comparaison entre les spectres de masse des alcanes ramifiés et celui de l’alcane homologue linéaire permet donc de localiser une ramification. FRAGMENTATION DES ALCÈNES on observe en effet les 3 séries de fragmentations : - Série saturée : 29, 43, 57, 71… - Série insaturée : 27, 41, 55, 83… -Réarrangements : 42, 56, 70, 84… • Les alcènes donnent très souvent par ionisation un fragment de m/e = 41 qui correspond au carbocation allylique: Spectre de masse du 1-butène CH3-CH2-CH=CH2 Fragmentation des cycloalcanes et cycloalcènes spectres de masse difficiles à interpréter avec des fragmentations complexes et peu caractéristiques. 69 41 84 – 15 (CH3. ?) 56 84 – 28 (éthylène ?) 56 – 15 (CH3. ?) 27 56 – 29 (CH3CH2. ?) Fragmentations du limonène Il existe une fragmentation des cycloalcanes dont le mécanisme est général et caractéristique, il s’agit du réarrangement de rétroDiel-Alder (l’inverse de la cyclisation de Diels-Alder). Fragmentation des composés aromatiques • Fragmentations du cycle benzénique Les fragmentations du benzène sont peu importantes mais produisent des ions caractéristiques : m/z = 77 [M-H]+, m/z = 51 C4H3+ [77 – 26 (acétylène)] et m/z = 39 ion aromatique C3H3+ Fragmentations des aromatiques monosubstitués Ces composés ont une fragmentation prépondérante, la rupture en b du cycle aromatique, appelée rupture benzylique, cette rupture donne des ions fortement stabilisés qui constituent souvent les pics de base du spectre de masse. Exemple de l’ion tropylium (m/e = 91) Mécanisme de formation de l'ion tropylium : Dans le spectre du butylbenzène, il y a un ion important à 92 Da, cette masse étant paire, cela implique que cet ion est issu d’un réarrangement, 134 [M]+. 92 [M- 42]+. + 42 (molécule neutre) La molécule de masse 42, ne peut être que le propène. Le mécanisme suivant a été proposé, c’est un réarrangement de type « Mc Lafferty »: FRAGMENTATIONS DES PRODUITS HALOGENES Liaisons C-C C-H C-F C-Cl C-Br C-I D(CX) kJ/mol 340 420 456 334 268 230 la fragmentation caractéristique et prépondérante des composés bromés et iodés est la perte de l’halogène: Le mécanisme qui conduit au réarrangement [M-HX], est surtout observé pour les produits chlorés: FRAGMENTATIONS DES ALCOOLS 1 - Perte d’une molécule d’eau : l’hydrogène transféré ne vient jamais du carbone en a mais il peut venir des hydrogènes des carbones en b, g…. 2 - La rupture simple de la liaison C-C en b du groupe alcool est très caractéristique et permet le plus souvent de déterminer la structure des alcools. FRAGMENTATIONS DES ETHERS La fragmentation caractéristique des éthers est la rupture de la liaison C-C en b de l’oxygène: - Lorsqu’il y a un H sur le carbone en b de l’O+, on observe un réarrangement secondaire de l’ion précédent : - La rupture simple de la liaison C-O parfois observée pour les éthers symétriques, surtout si elle conduit à des ions ramifiés : FRAGMENTATIONS DES AMINES Fragmentations des amines primaires Fragmentations caractéristiques des amines secondaires et tertiaires - La fragmentation caractéristique des amines est la rupture de la liaison C-C en b de l’azote : -Lorsqu’il y a un H sur le carbone en b de l’O+, on observe un réarrangement secondaire de l’ion précédent : FRAGMENTATIONS DES CETONES - les ruptures simples en a du groupe carbonyle (en b de l’oxygène): - Le réarrangement de Mac-Lafferty : FRAGMENTATIONS DES ALDEHYDES fragmentations en a du carbonyle donnent un ion peu caractéristique à m/z 29 (CHO+ et C2H5+ ont la même masse m/z = 29) et un ion à [M-1] ayant une intensité soit très faible soit nulle: - Les -Le réarrangement de Mc Lafferty renseigne sur la substitution du carbone en a du carbonyle: Spectre de masse du pentanal CH3(CH2)3CHO • Rupture de la liaison en b : Rupture de la liaison en a : Réarrangement de type McLafferty : FRAGMENTATIONS DES ACIDES 1- La rupture simple en a du groupe carbonyle (en b de l’oxygène): 2 - Plus généralement, les fragmentations caractéristiques des acides sont les ruptures simples donnant les ions (CH2)n CO2H+ : 3- Le réarrangement de Mc-Lafferty quand c’est possible : Fragmentations des esters 1- Les 2- ruptures simples en a du groupe carbonyle (en b de l’oxygène) le réarrangement Mac-Lafferty (1) du côté « acide » est toujours favorisé par rapport au réarrangement (2) du côté « alcool » : Fragmentations des amides 1- les ruptures simples en a du groupe carbonyle (en b de l’oxygène) 2- Le réarrangement de Mac-Lafferty