Définition et classification des maladies auto-immunes J. LONDON ET L. MOUTHON Points essentiels • Les maladies auto-immunes sont des pathologies en rapport avec une dérégulation du système immunitaire. • La preuve du caractère auto-immun d’une maladie est rarement obtenue et le nombre des maladies auto-immunes prouvées – c’est-à-dire pour lesquelles l’effecteur est identifié et peut transmettre la maladie – est restreint. • Au cours des maladies auto-immunes spécifiques d’organe, on observe le plus souvent une perte de la fonction de l’organe cible qui relève uniquement d’un traitement substitutif. • Au cours des maladies auto-immunes systémiques, l’expression clinique est très variée et le traitement fait le plus souvent appel aux corticoïdes, quelquefois en association à des immunosuppresseurs et/ou des immunomodulateurs. • Devant la survenue d’un nouveau symptôme chez un patient atteint d’une maladie auto-immune, il faut évoquer une poussée de la maladie, une complication liée au traitement, en particulier une infection liée à l’immunosuppression et une autre pathologie, qu’il s’agisse d’une manifestation fréquente comme une pathologie thrombo-embolique ou une autre maladie auto-immune associée. Introduction Les maladies auto-immunes (MAI) sont la conséquence d’une dérégulation du système immunitaire entraînant une réponse immunologique inadaptée de l’organisme contre les antigènes du soi à l’origine d’un processus pathologique. J. London et L. Mouthon ( ), Service de médecine interne, hôpital Cochin, 75014 Paris, Centre de Référence pour les vascularites nécrosantes et la sclérodermie systémique, AP-HP et Université Paris Descartes, Paris – e-mail : [email protected] Sous la direction de Y.-E. Claessens et L. Mouthon, Maladies rares en médecine d’urgence ISBN : 978-2-8178-0349-4, © Springer-Verlag Paris 2013 1 2 1 Maladies rares en médecine d’urgence Les mécanismes à l’origine des MAI sont variés. En l’absence de toute pathologie, il existe chez l’individu sain des lymphocytes B et des lymphocytes T autoréactifs, ainsi que des autoanticorps. L’apparition de manifestations auto-immunes est en règle la conséquence d’un défaut de vigilance/contrôle du système immunitaire entraînant une rupture de tolérance vis-à-vis des antigènes du soi. Il peut s’agir d’un déficit quantitatif ou qualitatif de certaines populations de lymphocytes dont le rôle est de réguler le système immunitaire (les lymphocytes T régulateurs ou Treg) ou de l’émergence d’un clone lymphocytaire T ou B autoréactif, c’està-dire reconnaissant un autoantigène. Il existe divers facteurs favorisant cette rupture de tolérance. On retrouve souvent un terrain génétique prédisposé : un patient présentant une MAI a souvent des antécédents familiaux de MAI, et un patient atteint d’une MAI est plus à risque de développer une autre MAI. À titre d’exemple, un patient qui a une thyroïdite autoimmune ou un diabète de type 1 est plus à risque de développer une maladie d’Addison. L’incidence de certaines MAI varie considérablement en fonction de la population ou de l’ethnie étudiée. De même, il existe parfois une forte corrélation entre certains groupes HLA et l’apparition d’une MAI comme dans la maladie cœliaque où plus de 95 % des patients sont porteurs du HLA DQ2 ou DQ8. Des études génétiques récentes ont mis en évidence des polymorphismes de plusieurs gènes impliqués dans le fonctionnement du système immunitaire qui sont associés avec une ou plusieurs MAI. On peut mentionner comme exemple le lupus érythémateux systémique (LES) au cours duquel on a mis en évidence des polymorphismes de plusieurs gènes, notamment impliqués dans la voie des interférons de type I comme IRF5 et dans la voie de la transduction du signal du récepteur lymphocytaire B ou T comme PTPN22 [1, 2]. D’autres facteurs favorisants, notamment environnementaux, sont impliqués à la fois dans la survenue des MAI (par exemple la silice pour la sclérodermie systémique [ScS]) [3] et dans le déclenchement de poussées (comme les rayons ultraviolets pour le LES) [4]. Des toxiques et des médicaments peuvent favoriser certaines MAI comme on peut le voir dans le LES induit. Les facteurs hormonaux sont probablement également importants, même si cela n’a pas été formellement démontré, comme le suggèrent la prédominance féminine des personnes atteintes de MAI, l’aggravation de certaines MAI lors de la grossesse et la diminution habituelle de l’incidence après la ménopause. Les facteurs infectieux sont souvent retrouvés comme facteur déclenchant d’une MAI. Il s’agît parfois même d’un mécanisme majeur du fait d’un mimétisme moléculaire entre antigène du pathogène et antigène du soi. On peut prendre comme exemple le syndrome de Miller-Fischer, une forme particulière de syndrome de Guillain-Barré faisant suite à une infection à Campylobacter jejuni, au cours duquel ont été Définition et classification des maladies auto-immunes mis en évidence des anticorps anti-gangliosides de type Gq1b qui reconnaissent à la fois la paroi de C. jejuni et des structures gangliosidiques au niveau des membranes de certaines neurones [5]. Classification de maladies auto-immunes Critères de classification de Rose et Bona En 1993, Rose et Bona, reprenant le postulat de Witebsky de 1957, ont proposé trois types de critères permettant d’établir l’origine auto-immune d’une maladie. Il s’agit de critères directs, indirects ou circonstanciels (tableau I) [6, 7]. Tableau I – Critères de définition d’une maladie auto-immune (d’après Rose et Bona). 1. Critère direct Le critère direct est représenté par le transfert direct de la maladie d’un être humain à un autre ou de l’homme à l’animal (le receveur doit posséder un système immunitaire fonctionnel). 2. Critères indirects Les critères indirects, en faveur du caractère auto-immun d’une maladie, sont observés grâce aux modèles animaux développant des maladies ayant des caractéristiques cliniques identiques ou proches de celles observées chez l’homme. Ils définissent l’ensemble des données cliniques ou expérimentales soulignant le caractère auto-immun d’une 3. Critères maladie sans apporter la véritable preuve, comme la circonstanciels caractérisation d’une réaction auto-immune spécifique, ou l’activation de lymphocytes T en culture par un autoantigène. Le critère direct nécessite la transmissibilité directe des lésions caractéristiques de la maladie d’un être humain à un autre ou de l’homme à l’animal (tableau II). Ainsi, l’injection de sérum d’un patient atteint d’un purpura thrombopénique immunologique (PTI) à un sujet sain a entraîné l’apparition d’une thrombopénie auto-immune chez ce dernier. Un mode de transfert particulier consiste en un passage des autoanticorps à travers le placenta en fin de grossesse, entraînant un transfert de la maladie de la mère au fœtus et/ou au nouveau-né comme au cours de la myasthénie ou de la maladie de Basedow. Dans certaines maladies bulleuses cutanées auto-immunes, le transfert d’anticorps de l’homme à la souris permet de transférer la maladie à la souris. Enfin, certaines MAI comme le diabète de type I peuvent être transmises à l’occasion d’une allogreffe de moelle osseuse. Dans la très grande majorité des cas, seules des MAI spécifiques d’organes remplissent le critère direct. 3 4 1 Maladies rares en médecine d’urgence Tableau II – Exemple de maladies auto-immunes ayant été transférées d’un individu à un autre. Maladies Mécanismes Donneurs Receveurs impliqués PTI autoanticorps homme Maladie de Basedow, Myasthénie aiguë PTI MPA Pemphigus vulgaire, lupus cutané néonatal BAV congénital associé aux anticorps anti-SSA autoanticorps Pemphigus vulgaire Pemphigoïde bulleuse autoanticorps homme PTI Thyroïdite de Hashimoto lymphocytes Myasthénie aiguë autoréactifs Diabète de type I mère homme Méthode de transfert homme perfusion de sérum fœtus transplacentaire animal perfusion de sérum homme allogreffe de moelle osseuse BAV : bloc auriculo-ventriculaire ; MPA : polyangéite microscopique ; PTI : purpura thrombopénique immunologique ; SSA : sicca syndrome A. Le critère indirect consiste à reproduire dans un modèle animal une MAI ayant des caractéristiques cliniques identiques ou proches de celles observées chez l’homme. L’une des méthodes consiste à isoler l’autoantigène cible d’une MAI, et à réaliser une immunisation expérimentale de l’animal contre l’autoantigène équivalent. Beaucoup de MAI répondent à ce critère. Entre autres, on peut citer l’arthrite induite par le collagène de type II responsable d’un tableau proche de la polyarthrite rhumatoïde chez la souris et l’encéphalomyélite aiguë expérimentale induite par la protéine basique de la myéline reproduisant chez le rat ou la souris une sclérose en plaque (SEP). Les critères circonstanciels consistent en la mise en évidence d’un effecteur auto-immun, qu’il s’agisse d’un autoanticorps, d’un clone lymphocytaire B ou T orientant vers une hypothèse auto-immune d’une pathologie sans apporter la preuve du caractère pathogène de cet effecteur. Maladies auto-immunes systémiques et spécifiques d’organe On distingue classiquement les MAI systémiques et les MAI spécifiques d’organe. Les MAI spécifiques d’organe sont caractérisées par une réaction immunologique dirigée spécifiquement contre un organe ou un tissu cible (par exemple, la maladie de Biermer dont l’organe cible est la muqueuse gastrique, l’anémie Définition et classification des maladies auto-immunes hémolytique auto-immune dont la cible est le globule rouge, ou le syndrome de Goodpasture lorsque les anticorps sont dirigés contre le collagène de type IV, présent à la fois dans la membrane basale glomérulaire et alvéolo-capillaire, réalisant le syndrome pneumorénal). Les principales MAI spécifiques d’organe figurent dans le tableau III. Au cours des MAI non spécifiques d’organe, ou MAI systémiques, le processus auto-immun est dirigé vis-à vis de multiples organes ou de structures antigéniques retrouvées dans de nombreux organes. Dans ce groupe, on trouve en particulier les vascularites et les connectivites dont le chef de file est le LES. Maladies auto-immunes spécifiques d’organe Les mécanismes d’action dans les MAI spécifiques d’organe sont variés, faisant appel à l’immunité l’immunité humorale et/ou cellulaire aboutissant à la destruction ou la dysfonction d’un tissu ou d’un organe cible. Les organes cibles sont le plus fréquemment les glandes endocrines, les éléments figurés du sang, le tissu conjonctif (peau essentiellement) et le système nerveux. Il peut s’agir d’une insuffisance de fonctionnement d’un organe, notamment d’une glande endocrine comme dans la thyroïdite de Hashimoto, ou d’une stimulation de sa fonction comme dans la thyroïdite de Basedow. Il est fréquent que des MAI spécifiques d’organe s’associent chez un même patient, ou que l’on retrouve des antécédents familiaux d’une ou plusieurs MAI. Des associations de MAI spécifiques d’organe peuvent parfois s’intégrer dans le cadre d’une véritable polyendrocrinopathie auto-immune (PEAI). Un cas particulier est la PEAI de type 1 ou syndrome APECED associant une PEAI (maladie d’Addison, hypoparathyroïdie, diabète de type 1…), une candidose et une dystrophie ectodermique survenant chez l’enfant. Il s’agit-là d’une maladie monogénique par mutation du gène codant pour la protéine AIRE (Autoimmune Regulator) dont le rôle est d’activer la transcription des antigènes du soi qui seront présentés par les cellules épithéliales thymiques lors de la sélection négative des lymphocytes T autoréactifs dans le thymus (mécanisme de tolérance centrale). La mutation du gène AIRE, en empêchant la sélection négative des lymphocytes T autoréactifs est responsable de la survenue de plusieurs MAI spécifiques d’organe [8, 9]. Un autre modèle de mutation monogénique responsable d’une association de MAI est le syndrome IPEX (immunodérégulation, poly-endocrinopathie, entéropathie auto-immune, liées au chromosome X) qui se manifeste chez de jeunes enfants de sexe masculin. La mutation du gène FOXP3 situé sur le chromosome X est responsable de la maladie [10, 11]. Ce gène code pour un facteur de transcription indispensable au développement des lymphocytes T régulateurs, dont le défaut est à l’origine des très nombreuses MAI chez ces patients [12]. 5 6 1 Maladies rares en médecine d’urgence Tableau III – Liste des maladies auto-immunes spécifiques d’organe. Pathologie auto-immune Cible antigénique Conséquence Glandes endocrines Diabète type 1 GAD, îlots de Langerhans, insuline et IA2 (Tyrosine phosphatase) Destruction des cellules bêta des îlots de Langherans, insulinopénie, diabète sucré Thyroïdite de Hashimoto Thyroglobuline et thyroperoxydase Hypothyroïdie Maladie de Basedow Récepteur de la TSH Hyperthyroïdie Maladie d’Addison Enzymes de la glande surrénale impliquées dans la synthèse des stéroïdes : P45oc21, P45oscc et P45oc17 Insuffisance surrénalienne lente Hépato-biliaire et digestif Maladie cœliaque Transglutaminase Diarrhée chronique en présence de gluten Cirrhose biliaire primitive Composant E2 du complexe pyruvate déshydrogénase de la mitochondrie (cible des anticorps anti-mitochondrie de type II) Cirrhose Hépatite auto-immune Type I : muscle lisse (actine) Type II : cytochrome CYP2D6 (cible des anti-microsomes de foie et de rein ou anti-LKM1) Hépatite aiguë Cirrhose Maladie de Biermer Facteur intrinsèque Carence en vitamine B12, anémie, syndrome cordonal postérieur Hématologie PTT acquis auto-immun ADAMTS 13 Microangiopathie thrombotique AHAI Rhésus, bande 3, glycophorine A (si anticorps chaud), antigène I (si agglutinine froides) Anémie hémolytique par lyse des hématies PTI Glycoprotéines de la membrane plaquettaire (souvent GP IIb-IIIa) Destruction des plaquettes, syndrome hémorragique Neutropénie autoimmune Récepteur pour le fragment Fc des IgG de type 3b ou CD16 Neutropénie, infections opportunistes Érythroblastopénie auto-immune EPO Érythroblastopénie Neuromusculaires Myasthénie Récepteur de l’acétylcholine et MUSK Fatigabilité musculaire à l’effort Définition et classification des maladies auto-immunes Pathologie auto-immune Cible antigénique Conséquence Syndrome myasthéniforme de Lambert-Eaton Canaux calciques voltages-dépendants (VGCC) de type P/Q Fatigabilité musculaire à l’effort SEP Canal potassique KIR4.1 Lésions démyélinisantes du système nerveux central Syndrome de la personne raide Glutamic acid decarboxylase (GAD), amphiphysine Rigidité musculaire Syndrome de Guillain-Barré Gangliosides (GM1, GM1b, GD1a et GalNAc-GD1a) Neuropathie démyélinisante ou axonale Polyneuropathies associées à une IgM mono- MAG clonale anti-MAG Neuropathie démyélinisante Neuropathie paranéoplasique Neuropathie, encéphalopathie Hu, Ri, Yo Cutanée Vitiligo Antigènes des mélanocytes Dépigmentation Pemphigoïde bulleuse Protéine de 180 (BP180) ou de 230 kDa Lésions cutanées (BP230) de l’hémidesmosome bulleuses Pemphigus vulgaire Desmogléine 3 Pemphigus superficiels (séborrhéique et foliacé) Desmogléine 1 (ou cadhérine épithéliale Lésions cutanées de 160 kDa) bulleuses Pemphigus paranéoplasique Desmoplakines, desmogléines, autres Lésions cutanées bulleuses Pemphigoïde gravidique (ou Herpes gestationis) Antigène de 180 kDa de l’hémidesmosome Lésions cutanées bulleuses Épidermolyse bulleuse acquise Collagène VII Lésions cutanées bulleuses Dermatose linéaire à IgA fragment protéolytique de la BP180, de Lésions cutanées poids moléculaire 97 ou 120 kDa bulleuses Lésions cutanées bulleuses Pneumo-rénal Syndrome de Goodpasture Domaine non collagène de la chaîne D3 Glomérulonéphrite, hémorragie intra-alvéolaire du collagène de type IV Ophtalmologique Rétinochoroïdopathie de Birdshot Antigène S rétinien Baisse de la vision ADAMTS13 : A disintegrin and metalloprotease with thrombospondin type 1 number 13. AHAI : anémie hémolytique auto-immune ; EPO : érythropoïétine ; GAD : Glutamic Acid Decarboxylase ; MAG : glycoprotéine associée à la myéline ; MUSK : récepteur tyrosine-kinase spécifique du muscle ; PTT : purpura thrombotique thrombocytopénique ; SEP: sclérose en plaques. 7 8 1 Maladies rares en médecine d’urgence Dans les MAI spécifiques d’organe, s’il s’agit d’une atteinte glandulaire endocrine, dans la majorité des cas, au moment où le diagnostic est posé, la glande est détruite et la maladie n’est pas accessible à un traitement corticoïde ou immunosuppresseur. Ainsi, le traitement d’une MAI spécifique d’organe va constituer en une opothérapie substitutive : hormones thyroïdiennes dans le Hashimoto, insuline dans le diabète, hydrocortisone dans la maladie d’Addison. De même, lorsqu’il s’agit d’une stimulation de la fonction de l’organe, on utilise des traitements spécifiques inhibant sa fonction : antithyroïdiens de synthèse dans la maladie de Basedow. Dans certaines MAI spécifiques d’organe, la SEP ou dans les cytopénies auto-immunes, un traitement substitutif n’est pas possible ou inefficace et un traitement corticoïde et/ou immunosuppresseur est nécessaire. Maladies auto-immunes systémiques Dans les MAI systémiques, les mécanismes mis en jeux sont souvent plus complexes, et les mécanismes lésionnels peuvent différer en fonction de l’organe touché. En effet, on ne retrouve pas une cible antigénique unique comme c’est le cas des MAI spécifiques d’organe. Parmi ces MAI non spécifiques d’organe, on distingue le groupe des vascularites systémiques. Le processus auto-immun dans ce cas touche la paroi des vaisseaux et va être responsable du caractère systémique de la maladie, pouvant affecter n’importe quel organe. On classe classiquement les vascularites selon la taille des vaisseaux atteints et selon le caractère primitif ou secondaire de la vascularité [13]. Le tableau clinique varie considérablement selon le calibre des vaisseaux atteints, le caractère granulomateux ou non de l’infiltrat inflammatoire, le type cellulaire impliqué dans l’inflammation vasculaire (par exemple, mise en jeux des polynucléaires éosinophiles dans la vascularite de Churg et Strauss). Certaines vascularites sont associées de manière forte à la présence de marqueurs d’auto-immunité. Il peut s’agir des vascularites associée aux anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) comme la granulomatose avec polyangéite (GPA) (anciennement nommée maladie de Wegener), la polyangéite microscopique (MPA), et parfois la granulomatose éosinophilique avec polyangéite (EGPA) (anciennement nommée maladie de Churg et Strauss) [13, 14]. Dans ce groupe de vascularites, la cible antigénique des ANCA est associée à un tableau clinique préférentiel : ANCA antiprotéinase 3 (PR3) dans la GPA, et ANCA anti-myéloperoxidase (MPO) dans la MPA ou dans l’EGPA. Un autre groupe de vascularites s’associant à des marqueurs d’auto-immunité est constitué Définition et classification des maladies auto-immunes par les vascularites associées aux cryoglobulinémies. Il s’agit dans ce cas des cryoglobulinémies mixtes dans lesquelles on retrouve au sein d’un composant polyclonal une immunoglobuline monoclonale (cryoglobulinémie de type II) ou polyclonale (type III) précipitant au froid, en règle générale une IgM avec activité facteur rhumatoïde, c’est-à-dire avec activité autoanticorps dirigée contre une IgG [15]. La présence de complexes immuns circulants est à l’origine de la vascularite. Dans les trois quarts des cas, les vascularites des cryoglobulinémies surviennent dans le contexte d’une infection par le virus de l’hépatite C. Parmi ces MAI non spécifiques d’organe, on trouve également les connectivites. Elles sont en général caractérisées par la présence d’autoanticorps : anticorps anti-nucléaires et, selon leur spécificité, anticorps anti-ADN natif, anti-Sm, anti-nucléosome ou antihistones (dans le LES), anti-SSA ou SSB (dans le syndrome de Gougerot-Sjögren), anticorps anti-topoisomérase 1 (anti-Scl70), anti-centromère ou anti-ARN polymérase III (dans la ScS), antiribonucléoprotéine (RNP) (dans les connectivites mixtes), antisynthétases (dans les myopathies inflammatoires). L’expression clinique varie considérablement d’une maladie à l’autre avec cependant des recoupements et des formes frontières, notamment dans les connectivites mixte. Une même maladie peut avoir une présentation très différente d’un patient à l’autre. Dans les MAI systémiques, selon le moment de la prise en charge, l’organe cible est plus ou moins détruit par le processus autoimmun et sa fonction plus ou moins préservée. Lorsque la fonction de l’organe atteint est conservée, ou qu’elle peut récupérer, il y a un intérêt majeur à l’emploi d’un traitement immunosuppresseur ou corticoïde. Ainsi, la survenue d’une glomérulonéphrite rapidement progressive au cours des vascularites associées aux ANCA est-elle une indication à un traitement immunosuppresseur en urgence dans le but de préserver la fonction rénale [16]. En revanche, une atteinte rénale classe VI dans un LES, c’est-à-dire une gloméruloscléose, ne bénéficiera pas de l’effet potentiel d’un traitement immunosuppresseur ou corticoïde car le rein est détruit et sa fonction définitivement compromise, sous réserve bien entendu que la maladie ne soit pas active par ailleurs. Le principe du traitement est alors symptomatique, c’est-à-dire de limiter la progression inéluctable vers l’insuffisance rénale chronique terminale (mesures de néphroprotection), et le cas échéant de réaliser un traitement de suppléance (dialyse ou transplantation rénale). L’objectif du traitement corticoïde ou immunosuppresseur est de contrôler la réponse immunitaire, pour diminuer les manifestations cliniques liées à l’auto-immunité. Il peut s’agir d’un traitement ayant une action globale non spécifique sur le système immunitaire comme les corticoïdes, ou plus ciblée, comme le rituximab qui cible spécifiquement le lymphocyte B [17] ou encore 9 10 1 Maladies rares en médecine d’urgence des traitements immunomodulateurs comme l’hydroxychloroquine ou les immunoglobulines intraveineuses [18, 19]. Dans les cas les plus graves, les échanges plasmatiques peuvent s’avérer très utiles, permettant une élimination transitoire des autoanticorps et des cytokines pro-inflammatoires. Principes de prise en charge des maladies auto-immunes En dehors des MAI spécifiques d’organe touchant une glande endocrine, pour lesquelles le traitement se limite souvent au traitement substitutif de l’insuffisance fonctionnelle de l’organe atteint, le traitement des MAI consiste en règle générale en une corticothérapie en association à un traitement immunosuppresseur et/ou immunomodulateur en fonction de la sévérité. L’objectif à court terme est la prise en charge de la poussée et le contrôle de la maladie. À long terme, il s’agit de diminuer la fréquence et l’intensité des poussées en introduisant un traitement de fond et de limiter les conséquences fonctionnelles et la morbidité. L’éviction des facteurs aggravants, notamment environnementaux, est également primordiale. Devant l’apparition de nouveaux symptômes chez un patient suivi pour une MAI, il faut savoir discuter trois principales étiologies : une poussée de la MAI, une complication liée au traitement immunosuppresseur et une autre pathologie. Un nouveau symptôme doit faire évoquer une poussée de la maladie. Par exemple, chez un patient avec antécédent de néphropathie glomérulaire secondaire à une vascularite ANCA-positive qui présente un déficit neurologique focal brutal, une poussée de sa vascularite est un diagnostic à éliminer. Mais le diagnostic de poussée de la MAI n’est pas toujours évident. Par exemple, un patient suivi pour une atteinte rénale de vascularite ANCA-positive qui se présente aux urgences avec une toux et de la fièvre peut avoir aussi bien une complication infectieuse qu’une poussée de la maladie sous la forme d’une hémorragie intra-alvéolaire. Il faut toujours se poser la question d’une complication liée au traitement immunosuppresseur devant l’apparition d’un nouveau symptôme. En premier lieu, du fait de l’immunodépression induite, une infection doit systématiquement être évoquée et des germes opportunistes doivent être recherchés selon le degré d’immunosuppression. Il est parfois très difficile de faire la part des choses entre poussée de la maladie et complication secondaire au traitement comme lors de l’apparition d’une pneumopathie interstitielle chez un patient traité par méthotrexate [20]. Dans ce cas, il peut s’agir d’une atteinte spécifique de la maladie de fond (s’il s’agit Définition et classification des maladies auto-immunes d’une ScS ou d’une myopathie inflammatoire), d’une complication infectieuse (germes intracellulaires, pneumocystose, etc.) ou d’une complication spécifique du traitement que représente la pneumopathie interstitielle induite par le méthotrexate. La troisième étiologie à évoquer est une autre pathologie, qu’il s’agisse d’une autre MAI ou d’une complication fréquemment rencontrée dans la population générale. On peut citer l’exemple du LES où une dyspnée peut faire suite à une poussée de la maladie (pleurésie, péricardite), à une MAI associée (anémie hémolytique auto-immune ou embolie pulmonaire dans le cadre d’un syndrome des anticorps anti-phospholipides) ou à une complication infectieuse liée au traitement immunosuppresseur (pneumopathie infectieuse). Il est important de mentionner que même dans des pathologies au cours desquelles les embolies pulmonaires ne sont pas plus fréquentes que dans la population générale, comme par exemple dans la ScS, une dégradation de la fonction respiratoire devra amener dans certains cas à évoquer la possibilité d’une embolie pulmonaire pour l’éliminer. Conclusion Les MAI sont des pathologies en rapport avec une dérégulation du système immunitaire. La preuve du caractère auto-immun est rarement obtenue et le nombre des MAI prouvées est restreint. On distingue les MAI spécifique d’organe des MAI systémiques. Dans le premier cas, il existe le plus souvent une destruction de la fonction de l’organe pouvant parfois bénéficier d’un traitement substitutif seul. Dans le deuxième cas, l’expression clinique est beaucoup plus variée et le traitement fait toujours appel aux corticoïdes, aux immunosuppresseurs ou aux immunomodulateurs. Devant la survenue d’un nouveau symptôme chez un patient atteint d’une MAI, il faut toujours savoir évoquer une poussée de la maladie, une complication notamment infectieuse liée au traitement et une autre pathologie, qu’il s’agisse d’une manifestation fréquente comme une manifestation thrombo-embolique ou une autre MAI associée. Références 1. Graham RR, Kozyrev SV, Baechler EC et al. 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