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Cairn-Transmission transgénérationnelle des traits acquis par épigénétique

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TRANSMISSION TRANSGÉNÉRATIONNELLE DES TRAITS ACQUIS PAR
L'ÉPIGÉNÉTIQUE
Pauline Monhonval, Françoise Lotstra
De Boeck Supérieur | « Cahiers de psychologie clinique »
2014/2 n° 43 | pages 29 à 42
ISSN 1370-074X
ISBN 9782804189853
DOI 10.3917/cpc.043.0029
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TRANSMISSION TRANS­
GÉNÉRATIONNELLE
DES TRAITS ACQUIS
PAR L’ÉPIGÉNÉTIQUE
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Résumé La découverte récente des mécanismes épigénétiques
associés au stress précoce permet de questionner sous un nouvel angle la question complexe de l’étiologie des maladies
mentales ainsi que la transmission transgénérationnelle des
traits acquis. Cet article qui vise à informer les professionnels de la santé mentale passe en revue les données les plus
actuelles sur ce sujet.
Mots-clés épigénétique, héritage, transgénérationnel, stress
précoce, syndrome de stress post traumatique.
Abstract The recent discovery of epigenetic mechanisms associated to early life stress address the complex question of
etiology of mental diseases and transgenerational inheritance
of acquired features. This article aims to inform mental health
professionals looking over more current datas on the subject.
Keywords epigenetics, inheritance, transgenerational, early
life stress, post traumatic stress disorder.
DOI: 10.3917/cpc.043.0029
1 Pauline Monhonval
est médecin assistante
en psychiatrie et
travaille au CHUV à
Lausanne. Pauline.
[email protected]
2 Françoise Lotstra
est professeur de
l’Université Libre de
Bruxelles, 119 av F.D.
Roosevelt Bte 9,
Bruxelles 1050.
29
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Pauline MONHONVAL1, Françoise LOTSTRA2
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Transmission trans­générationnelle des traits acquis par l’épigénétique
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Des données épidémiologiques soutiennent la participation
de composants héréditaires dans la survenue des maladies
mentales. À l’heure actuelle, aucun gène n’a été identifié et
la génétique de ces maladies s’annonce bien plus complexe
qu’elle ne le fut annoncée dans les années septante. Les
études sur l’identification de gènes soi-disant responsables de
la maniaco-dépression et de la schizophrénie se sont avérées
non reproductibles par des techniques de biologie moléculaire
de plus en plus précises. Prudents, les généticiens préfèrent
utiliser le terme de gènes candidats et seule une combinaison de milliers d’allèles serait nécessaire à l’émergence de la
maladie. En ce qui concerne la schizophrénie, des facteurs de
risque précoces et tardifs ont été clairement établis.
Le manque de compréhension de l’étiopathogénie des
maladies mentales constitue un obstacle pour la clinique, car
la catégorisation des troubles et la désignation de facteurs de
susceptibilité ou de marqueurs diagnostiques s’en trouvent
compliquées. Le fréquent renouvellement des manuels de
classification des maladies mentales et les débats complexes
qui y sont associés témoignent par ailleurs de cette lacune.
Si les facteurs génétiques ne suffisent pas à expliquer
l’étiologie des troubles mentaux, la découverte récente de
mécanismes épigénétiques a ouvert un nouveau champ de
recherche qui pourrait offrir des éléments de réponse à cette
question. Les résultats les plus parlants seront abordés dans
cet article. Ceux-ci concernent principalement le stress précoce et le syndrome de stress post traumatique.
Qu’est-ce que l’épigénétique ?
L’épigénétique est généralement définie comme l’ensemble
des modifications de l’expression d’un gène sans que la séquence d’ADN de ce gène ne soit modifiée. Elle fait l’objet
de nombreuses recherches, qui ont commencé en biologie puis se sont étendues en médecine dans des domaines
comme la cancérologie, l’endocrinologie, la neurologie et
la psychiatrie.
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Introduction
Transmission trans­générationnelle des traits acquis par l’épigénétique
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Les mécanismes épigénétiques sont des régulateurs dynamiques de l’expression des gènes. Ils interviennent donc non
pas au niveau de la séquence d’ADN du gène mais au niveau
des processus qui permettent au gène d’être exprimé. Ces processus sont la transcription et la traduction. La transcription
est la transformation de l’ADN en ARN, et la traduction est la
transformation de l’ARN en protéine. Les trois mécanismes
épigénétiques les plus étudiés en psychiatrie sont la méthylation de l’ADN, les modifications post-traductionnelles des
histones et la fonction des petits ARN non codants. Il en
existe d’autres qui ne seront pas abordés ici. Voici comment
ces mécanismes sont susceptibles de modifier l’expression
des gènes.
Pour commencer, une méthylation importante au niveau
de l’ADN d’un gène, plus précisément au niveau de la partie promotrice qui se situe à l’avant du gène, peut empêcher
sa liaison aux facteurs de transcription, car les groupements
méthyls se lient à des groupements de protéines, ce qui rend
la chromatine compacte3. Une fois la chromatine condensée, la machinerie transcriptionnelle n’est plus en mesure,
par manque de place, d’approcher le promoteur du gène afin
d’initier la transcription de ce gène, ce qui permettrait son
expression. Le gène reste donc silencieux.
Le second mécanisme épigénétique est caractérisé par des
modifications des protéines histones. Ces réactions chimiques
consistent en liaisons de certains groupements sur ces protéines, notamment des groupements acétyl, mais également
méthyl ou phosphore, qui ont pour conséquence, comme la
méthylation de l’ADN, de moduler l’expression des gènes en
modifiant la structure de la chromatine qui se trouve autour,
permettant ou empêchant l’accès de la machinerie transcriptionnelle à l’ADN, donc permettant ou non la transcription et
donc l’expression du gène.
Enfin, les petits ARNs non codants, qui sont issus de la
transcription de l’ADN mais qui ne sont pas destinés à être
traduits en protéines, sont des séquences d’ARN courtes qui
ont été classées en différents types : les microARNs, les petits
ARNs interférants, les ARNs interagissant avec les protéines
piwi4 et les petits ARNs nucléolaires. Ils régulent des processus
3 La chromatine est
un complexe que l’on
retrouve dans le noyau
de la cellule et qui est
formé d’ADN et de
protéines qui lui sont
associées, histones ou
non histones.
4 Les protéines
piwi sont des
protéines régulatrices
responsables du
maintien d’une
différentiation
incomplète au sein des
cellules souches et d’un
taux de division cellulaire
stable des cellules de la
lignée germinale.
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Mécanismes épigénétiques
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Transmission trans­générationnelle des traits acquis par l’épigénétique
transcriptionnels ou traductionnels. Par exemple, les microARNs régulent l’expression génique par destruction des
ARN messagers dont ils sont complémentaires. L’importance
quantitative et fonctionnelle des petits ARNs non codants a
longtemps été sous-estimée et fait aujourd’hui l’objet de recherches importantes, relatives notamment à leur rôle dans la
régulation de l’expression des gènes.
Epigénétique et psychopathologie
L’existence de mécanismes épigénétiques a été observée dans
différents processus physiologiques, tels que l’apprentissage
et la mémoire à long terme, et étudiée dans une série d’affections psychiatriques comme les addictions, les troubles anxieux, la dépression, le trouble bipolaire, la schizophrénie, ou
encore les troubles alimentaires. À ce stade de la recherche,
les résultats les plus probants concernent les effets du stress
précoce et le syndrome de stress post traumatique.
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Le stress précoce a un impact démontré tant sur le plan somatique que sur le plan psychique. Il majore le risque de développer des troubles cardiovasculaires et métaboliques et favorise le développement de diverses psychopathologies.
De nombreuses études ont cherché à démontrer l’existence de mécanismes épigénétiques associés à l’apparition de
maladies mentales. Le domaine qui compte les résultats les
plus probants à l’heure actuelle est celui du stress précoce.
Contrairement aux maladies mentales qui sont représentées
comme différents syndromes ou ensembles de symptômes
et qui impliquent donc de multiples variables, le stress est
moins complexe à étudier, dans le sens où les chercheurs
se concentrent sur une seule variable, la réactivité de l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Cet axe est une boucle
de régulation du stress, qui mène d’une part à la production
des glucocorticoïdes, ou cortisol chez l’homme, mais qui peut
également limiter leur production lorsque les taux sont trop
élevés dans le sang, par le biais d’un rétro-contrôle initié par
l’hippocampe qui est une structure cérébrale. Cet équilibrage
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Epigénétique et résilience
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est très important, dans la mesure où des taux chroniquement
excessifs de glucocorticoïdes sont délétères pour l’organisme
et notamment abîment l’hippocampe en détruisant les neurones hippocampiques et en inhibant la neurogenèse.
La première publication significative dans ce domaine date
de 1985, lorsque Meaney5 illustre dans un rapport publié dans
« Behavioral Neurosciences » que les taux de récepteurs aux
glucocorticoïdes dans l’hippocampe et le cortex frontal sont
majorés dans le cerveau des rats adultes qui ont expérimenté
le « handling » postnatal, ce qui entraine chez eux une plus
grande réactivité de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien6. Le « handling » correspond à la manipulation des nouveaux-nés. Dans les 10 années qui ont suivi cette publication,
différentes voies ont été explorées dans le but de comprendre
les mécanismes au travers desquels le « handling » modifie
les taux de récepteurs aux glucocorticoïdes. Certaines études
ont mis en évidence un rôle des hormones thyroïdiennes et du
signalement sérotoninergique7, 8. Le « handling » a ensuite été
associé à une majoration de la transcription du gène de ces
récepteurs aux glucocorticoïdes, donc de leur production. De
même manière que le « handling », les comportements maternels de « licking and grooming », ou léchage et toilettage,
se sont montrés capables de modifier la réponse au stress de
l’axe hypothalamo-hypophysaire9.
Ensuite, les effets du stress précoce ont été étudiés grâce à
un modèle animal de séparation maternelle, modèle dans lequel des rongeurs nouveau-nés sont séparés quotidiennement
de leur mère, de manière imprédictible et pour des durées variables, en période postnatale précoce. Ce modèle induit chez
le rat des changements physiologiques et comportementaux
de longue durée, notamment des taux de corticoïdes plasmatiques plus élevés et des comportements de type anxieux
qui persistent toute la vie du rat10. Ces changements ont été
associés à des modifications épigénétiques qui persistent tout
au long de la vie de l’animal et qui sont mises en parallèle
avec une altération de sa résistance au stress. Précisément,
Weaver11 a mis en évidence une modification épigénétique,
en l’occurrence une plus grande méthylation de l’ADN, au niveau du promoteur du gène responsable de la production des
récepteurs aux glucocorticoïdes dans l’hippocampe des ratons
stressés. En conséquence, les récepteurs aux glucocorticoïdes
33
5 MJ Meaney et al.,
“Early postnatal handling
alters glucocorticoid
receptor concentrations
in selected brain regions”.
6 R. Adler, “The effecst
of early experience on the
adrenocotical response
to different magnitudes of
stimulation”.
7 MJ Meaney et al.,
Postnatal handling
increases the expression
of cAMP-inducible
transcription factors in
the rat hippocampus:
the effects of thyroid
hormones and serotonin”.
8 JW Smythe, WB
Rowe et MJ Meaney.
“Neonatal handling alters
serotonin (5HT) turnover
and 5HT2 receptor
binding in selected brain
regions: relationship to
the handling effect on
glucocorticoid receptor
expression”.
9 D Francis et
al. “Nongenomic
transmission across
generations of maternal
behavior and stress
responses in the rat”.
10 IC Weaver,
“Epigenetic programming
by maternal behaviour
and pharmacological
intervention. Nature
versus nurture. Let’s call
the whole thing off”.
11 IC Weaver et al.
“Early environmental
regulation of
hippocampal
glucocorticoi receptor
gene expression:
characterization of
intracellular mediators
and potential genomic
target sites”.
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Transmission trans­générationnelle des traits acquis par l’épigénétique
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12 PO McGowan et al.
“Epigenetic regulation
of the glucocorticoid
receptor in human
brain associates with
childhood abuse”.
13 EB Binder et al.
“Association of FKBP5
polymorphisms and
childhood abuse with
risk of posttraumatic
stress disorder
symptoms in adults”.
Transmission trans­générationnelle des traits acquis par l’épigénétique
y sont moins exprimés, c’est-à-dire qu’ils s’y retrouvent en
moins grand nombre et ne peuvent plus exercer aussi efficacement leur rôle de rétro-contrôle, soit de frein à la sécrétion des
corticoïdes en périphérie. Ce qui est associé chez les ratons à
une moindre résistance au stress pendant toute leur vie.
Il est important de préciser que ces différences de méthylation émergent lors de la première semaine de vie des rats et
persistent à l’âge adulte. Par contre, au-delà des 8 premiers
jours, la même expérience ne semble plus capable d’entraîner
des modifications de l’épigénome, ce qui suggère l’existence
d’une période plus vulnérable au stress, celle des premiers
jours de vie.
Chez l’homme, Mc Gowan12 et son équipe ont étudié en post
mortem le cerveau de patients dépressifs suicidés qui d’une part
avaient subi des traumatismes dans l’enfance, de type abus, négligence ou maltraitance, et d’autre part n’avaient pas vécu de
tels traumatismes. Une méthylation importante du promoteur
du gène des récepteurs aux glucocorticoïdes et une expression
moindre de ces récepteurs ont été observées au niveau de l’hippocampe des patients suicidés ayant vécu des traumatismes
infantiles, contrairement à ceux qui n’en avaient pas vécus. Ces
résultats rejoignent donc les découvertes faites antérieurement
chez les ratons privés de soins maternels adéquats.
Dans la même lignée, une étude plus récente13 a été réalisée sur un échantillon de 900 personnes, issues d’une population afro-américaine défavorisée de la ville d’Atlanta. Cette
population a été choisie pour son exposition fréquente à des
traumatismes psychiques et pour son risque élevé de développer le syndrome de stress post traumatique à l’âge adulte.
Ce syndrome est caractérisé par le DSM IV-TR, classification américaine des maladies mentales, comme un trouble
anxieux qui survient en réaction à un traumatisme sévère, et
comprend l’apparition d’un ensemble de symptômes tels que
des reviviscences diurnes du trauma, des cauchemars, de l’hypervigilance et des comportements d’évitement. L’étude porte
plus précisément sur un gène obtenu à partir de prélèvements
salivaires, le gène FKBP5. Ce gène est responsable de la production de la protéine FKBP5, qui fait partie d’un processus de
régulation du stress. Elle inhibe en effet l’activité du récepteur
aux glucocorticoïdes en diminuant son affinité pour le cortisol et
freine la transcription des gènes en amont et donc la production
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de glucocorticoïdes périphériques. Le gène FKBP5 possède
plusieurs allèles et l’étude a montré que les porteurs homozygotes d’un certain allèle, nommé « allèle de risque », sont
plus enclins à développer un syndrome de stress post traumatique que les porteurs d’un autre allèle du même gène,
nommé « allèle de résilience », dans le seul cas où les patients
avaient subi des traumatismes dans l’enfance. L’étude a donc
permis d’établir un lien entre l’association de certains variants
génomiques et d’un facteur environnemental, le traumatisme
infantile, avec la survenue plus fréquente d’un trouble mental,
le syndrome de stress post traumatique.
Une seconde étude14 a validé ces résultats sur un échantillon
de deux mille personnes en reprenant la même population et est
allée un pas plus loin, démontrant que le taux de méthylation
du gène responsable de la production de la protéine FKBP5
était significativement moindre dans les cellules sanguines des
porteurs homozygotes de l’allèle de risque, si et seulement si
la personne avait subi des traumatismes dans l’enfance. Pour
la première fois, un lien clair est établi entre la présence d’une
susceptibilité génétique, d’un stress précoce responsable d’une
altération épigénétique, et de la survenue d’un trouble.
La résistance au stress abordée tout au long de ces études
fait largement penser au concept de résilience. Le psychiatre et
psychanalyste anglais John Bowlby avait déjà à l’époque insisté sur l’importance de la qualité des interactions précoces dans
le développement de la résilience, et ses travaux ainsi que ceux
de Donald Winnicot, René Sptiz, ou Harry Harlow relatifs aux
dommages du stress ou de la séparation précoce ont certainement contribué à inspirer les chercheurs d’aujourd’hui.
Epigénétique et transmission de traits acquis
Bien que la génétique ait tenu une place centrale dans les théories
de l’hérédité pendant près d’un demi-siècle, des scientifiques
tels que Lamarck ont défendu la possibilité d’une transmission
de traits acquis d’une génération à l’autre, concept soutenu également aujourd’hui par des données épidémiologiques. Chez le
rat, Champagne a montré que les soins maternels de « licking
and grooming » reçus dans l’enfance prédisent les futurs comportements de soins des femelles envers leur propre progéniture,
14 T Klengel et al.,
“Allele specific FKBP5
DNA demethylation
mediates genechildhood trauma
interactions”.
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Transmission trans­générationnelle des traits acquis par l’épigénétique
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Transmission trans­générationnelle des traits acquis par l’épigénétique
ce qui illustre l’existence d’une transmission transgénérationnelle des comportements maternels15. D’autres auteurs tels que
Weaver, Saavedra-Rodriguez et Feig16 ont récemment démontré chez l’animal la possibilité d’une transmission d’un trait
acquis, à savoir d’une vulnérabilité à développer des troubles
psychiques, au travers de modifications épigénétiques.
Il est important de distinguer d’emblée la transmission qui
se fait au travers de l’exposition comportementale, avec apparition de modifications épigénétiques dans les cellules neuronales de la progéniture, de la transmission qui se fait au
travers des cellules germinales, avec des modifications épigénétiques retrouvées également à ce niveau. Ce second type de
transmission permet le passage de certains traits sur plusieurs
générations sans que les différentes progénitures ne soient reexposées à un comportement délétère ou inadéquat.
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15 FA Champagne et
DD Francis. “Variations
in maternel care in
the rat as a mediating
influence for the effects
of environment on
development”.
16 L. Daxinger
et E. Whitelaw.
“Understanding
transgénérationnel
epigenetic inheritance
via the gamete
mammals”.
17 IC Weaver.
“Epigenetic
programming by
maternal behaviour
and pharmacological
intervention. Nature
versus nurture. Let’s call
the whole thing off”.
Comme l’a démontré Weaver, la perturbation des soins
maternels durant la période post natale précoce peut avoir
un impact sévère et persistant à l’âge adulte17 au travers de
modifications épigénétiques retrouvées dans le cerveau de
la progéniture. La qualité des soins maternels, évaluée au
travers des conduites de léchage et toilettage, peut altérer la
méthylation de l’ADN au travers du génome. En particulier,
de « bons » soins entrainent une réduction de la méthylation
de l’ADN au niveau du site de liaison aux facteurs de transcription dans le gène qui code pour le récepteur aux glucocorticoïdes de l’hippocampe, augmentant ainsi l’expression
de ce récepteur.
Cet effet peut être transmis aux générations suivantes au
travers des comportements maternels : en effet, les femelles
qui ont reçu de « bons » soins durant la période post natale
précoce deviennent elles-mêmes de « bonnes » mères, rétablissant un profil de méthylation d’ADN similaire dans le
cerveau de leur progéniture. Inversement, les mères ayant
elles-mêmes reçu des soins inadéquats développeront un
comportement anxieux qu’elles communiqueront à leur progéniture qui développera un profil de méthylation excessive.
Cet effet de transmission par le comportement n’est pas permanent et nécessite d’être ré-institué à chaque génération.
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Transmission comportementale
Transmission trans­générationnelle des traits acquis par l’épigénétique
Transmission germinale
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Comme expliqué plus haut, la transmission germinale d’altérations épigénétiques, contrairement à la transmission comportementale, ne nécessite pas d’être réinstallée à chaque
génération par l’exposition à un comportement.
Chez la souris, Saavedra-Rodriguez et Feig ont observé
un phénomène qui devient de plus en plus évident dans les
études épidémiologiques19 et les études de laboratoire20. Les
pères exposés au stress transmettent de l’anxiété et des déficits sociaux aux générations suivantes sans qu’elles aient
été elles-mêmes exposées à un stress, suggérant une contribution des cellules germinales, en l’occurrence des cellules
spermatiques. En effet, des études basées sur des lignées
paternelles ont observé des modifications épigénétiques, en
particulier une méthylation de l’ADN au niveau des cellules
du sperme21,22,23,24 des pères, avec des modifications similaires
présentes dans le cerveau et dans le sperme des premières
générations qui, dans certains cas, sont observées également
dans les 2e et 3e générations.
Malheureusement, il est très difficile, d’un point de vue
expérimental, de démontrer la contribution isolée des cellules
germinales, pour les raisons suivantes.
18 L. Saavedra
Rodriguez et LA
Feig. “Chronic social
instability induces anxiety
and defective socia
interactions across
generations”.
19 ME Pembrey et al.
“Sex-specific, maleline transgenerational
responses in humans”.
20 TB Franklin et al.
“Epigenetic transmission
of the impact of
early stress across
generations”.
21 TB Franklin et IM
Mansuy. “Epigenetic
inheritance in mammals:
evidence for the
impact of adverse
environmental effects”.
22 E Jablonka et G
Raz. “Transgenerational
epigenetic inheritance:
prevalence, mechanisms,
and implications for the
study of heredity and
evolution”.
23 RL Jirtle et MK
Skinner. “Environmental
epigenomics and
disease susceptibility”.
24 MD Anway
et al. “Epigenetic
transgenerationnal
actions of endocrine
disruptors and male
fertility.”
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Si l’on modifie les soins maternels des nouveau-nés en les
faisant passer d’une mère non anxieuse à une mère anxieuse
lors des 8 premiers jours de vie (méthode de « cross fostering »), on observe chez eux une hyperméthylation du gène
codant pour le récepteur aux glucocorticoïdes de l’hippocampe, ce qui démontre ici que la transmission est indépendante des cellules germinales. Il existe donc une période très
précoce délimitée dans le temps qui est critique pour l’apparition de l’empreinte épigénétique.
Saavedra-Rodriguez et Feig18 ont également exploré les effets du stress au travers des générations. Bien que les femelles
des 1ères, 2e et 3e générations héritent des effets du stress parental en exhibant des comportements de type anxieux et des
altérations de leur comportement social, cet effet n’est pas
observé chez les mâles des mêmes générations. Ce point sera
discuté plus loin.
37
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25 BG Dias, KJ Ressler.
“Parental olfactory
experience influnces
behavior and neural
structure in subsequent
generations.”
Transmission trans­générationnelle des traits acquis par l’épigénétique
Tout d’abord, il est difficile d’exclure fermement une influence, fût-elle minime, des mâles sur l’élevage des nouveaunés, impliquant des facteurs non germinaux. Par exemple, les
interactions postnatales entre mâle, femelle et progéniture
pourraient affecter indirectement l’élevage. Ce biais peut
être évité en utilisant la méthode de "cross-fostering" après
la naissance. Dans l’étude de Saavedra-Rodriguez et Feig, la
transmission des déficits comportementaux de la première
génération des pères à leurs filles est encore évidente quand le
père est absent lors du développement postnatal.
Malgré cela, le stress ou les interactions entre mâles et
femelles peuvent également influencer le contexte hormonal
prénatal et les conditions in utero peuvent moduler le développement des nouveau-nés et la transmission. Dès lors, un
autre contrôle pourrait être la fertilisation in vitro, mais les
méthodes de reproduction assistées peuvent elles-mêmes altérer l’épigénome, en interférant potentiellement avec la transmission germinale.
Finalement, d’autres facteurs susceptibles d’influencer la
transmission sont les évènements moléculaires caractéristiques de la maturation des gamètes. Une combinaison prudente de manipulations pré et post-natales s’avère donc nécessaire pour minimiser de tels biais.
Dernièrement, des auteurs américains25 ont étudié également l’héritage de l’exposition parentale à un traumatisme au
travers d’un design original qui utilise la spécificité moléculaire olfactive. En période pré-conceptionnelle, ils ont soumis
des souris à un conditionnement à l’odeur de la peur, en utilisant l’acétophénone qui active un récepteur olfactif connu
(Olfr151). Ils ont montré que les générations ultérieures présentaient une sensibilité comportementale majorée à l’odeur
en question et pas aux autres odeurs. Cette sensibilité comportementale est associée à une augmentation de la représentation neuroanatomique des voies olfactives correspondantes.
De plus, le séquençage de l’ADN spermatique des mâles de
la génération conditionnée, ainsi que celui de la progéniture
naïve de ces mâles a révélé l’existence d’une hypométhylation des ilôts CpG du gène concerné (Olfr 151) avec transcription majorée de ce gène chez les générations consécutives.
Enfin, ces changements persistent également après fertilisation in vitro ou cross fostering, ce qui plaide en faveur d’une
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Transmission trans­générationnelle des traits acquis par l’épigénétique
39
transmission qui se fait au travers des gamètes parentaux et
pas du comportement social.
Ces résultats apportent de nouveaux éléments qui permettent d’interroger la transmission transgénérationnelle de
l’information environnementale sur les plans comportementaux, anatomiques et épigénétiques.
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Une des questions les plus déconcertantes soulevée par Saavedra-Rodriguez et Feig est celle de la spécificité sexuelle des effets du stress social, puisque ce sont les mâles qui sont capables
de transmettre une susceptibilité au stress au travers de multiples générations sans que celles-ci soient à leur tour exposées
au même stress, par le biais probable des cellules germinales.
Le stress précoce induirait donc des modifications épigénétiques qui cibleraient plutôt les cellules somatiques chez les
femelles et les cellules germinales chez les mâles.
Les divergences sexuelles dans la susceptibilité à être influençable par le stress environnemental sont bien documentées et vraisemblablement la norme plutôt que l’exception.
Par ailleurs, les données épidémiologiques montrent que les
deux sexes ne sont pas égaux face à la survenue d’une maladie
mentale. L’influence du sexe est également bien connue dans
le phénomène d’empreinte génique, mécanisme épigénétique
par lequel les copies de gènes sont exprimées différemment
selon qu’elles sont d’origine maternelle ou paternelle.
La variabilité épigénétique pourrait expliquer certaines différences sexuelles, qui sont peut-être en lien avec une temporalité
variable de survenue des différents évènements moléculaires
durant la maturation des gamètes. En effet, la méthylation de
l’ADN de novo dans les cellules germinales, qui est une modification épigénétique critique pour la croissance et le développement, peut survenir à différents moments dans l’histoire
de vie des mâles par rapport aux femelles et dans différentes
phases cellulaires selon le sexe de l’individu26. La méthylation
de l’ADN de novo est peut-être également un processus important pour l’intégration biologique des expériences, et les divergences sexuelles observées au niveau des évènements épigénétiques dans les cellules germinales pourraient expliquer les
26 CB Schaefer et al.
“Epigenetic decisions
in mammalian germ
cells.”
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Spécificité sexuelle de la transmission
40
Transmission trans­générationnelle des traits acquis par l’épigénétique
différents modèles d’hérédité observés dans les lignées maternelles et paternelles, mais ceci reste au stade des hypothèses
pour l’instant.
Les détails du déroulement de ces processus restent à
éclaircir mais soulignent l’importance de considérer le sexe
dans l’étude des susceptibilités à développer certains troubles.
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Bien que le développement progressif de méthodes d’analyse de plus en plus poussées de l’épigénome promette de
rapides progrès, la recherche en épigénétique reste un vrai
défi à cause de la complexité des modèles expérimentaux, du
temps nécessaire pour élever plusieurs générations d’animaux
et de la nécessité d’une expertise interdisciplinaire. Tout en
considérant prudemment dans les études à venir les facteurs
pré et postnataux susceptibles d’influencer la transmission de
traits au travers des générations, il sera crucial de déterminer
comment, sur le plan moléculaire, un facteur environnemental
peut altérer l’épigénome, que ce soit au niveau des cellules
germinales matures ou des cellules cérébrales en développement, et quelles altérations dans celles qui persistent sont
vraiment pertinentes fonctionnellement.
Sur le plan clinique, l’intégration de l’épigénétique dans la
compréhension de l’étiologie des maladies mentales pourrait
remettre en question les classifications catégorielles et symptomatiques actuelles, au profit de classifications plus intégratives.
L’étape ultime serait de mettre en évidence des marqueurs
de susceptibilité et des cibles moléculaires pour le développement de produits capables de modifications épigénétiques à visée thérapeutique. Des produits pharmacologiques ciblant les
méthylations de l’ADN et les modifications d’histones posttraductionnelles peuvent renverser les méthylations d’ADN et
acétylations d’histone altérées in vivo et montrent déjà un bénéfice thérapeutique dans le cancer. En psychiatrie, des études
ont montré que les inhibiteurs de la désacétylation d’histone
peuvent mimer les effets des antidépresseurs et soulager des
déficits cognitifs et neurologiques chez les animaux. Bien
qu’encore à un stade pré-clinique, des dérivés de ces produits
pourront peut-être dans le futur soulager ou traiter des symptômes de troubles psychiatriques complexes chez l’homme.
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Perspectives
Transmission trans­générationnelle des traits acquis par l’épigénétique
Bibliographie
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