comme un couple d’entiers constituant pour le premier, la partie entière du
nombre décimal, et pour le second, sa partie fractionnaire décimale.
La réponse exacte au premier problème pouvait être produite avec cette
technique, mathématiquement incorrecte. Le deuxième problème la disqualifie, en
principe. Mais il existe une règle pratique consistant à ramener les décimaux au
même nombre de décimales. Il suffit d'écrire les nombres “ en chiffres ” et
d'égaler les longueurs des parties décimales pour obtenir un problème de
substitution, “ Déterminer la somme des décimaux 2,13 et 3,70. ”, qui se résout
très bien par addition séparée de 3 et 2 d’un côté, 70 et 13 de l’autre. La somme
est 5,83, un résultat qui ne signe donc pas un rapport univoque aux décimaux.
Chacun le savait bien sûr : des problèmes relevant de conditions différentes
correspondent à des connaissances différentes. Mais personne n’en avait tiré des
observations aussi surprenantes, parce que personne n’avait pensé ceci : le savoir
est déterminé par une situation épistémologique.
L’attribution scolaire de réussite
On constate alors que dans les classes, de tels problèmes sont posés à des élèves
pour tester leur connaissance des décimaux. Et, les élèves qui ont juste se voient
attribuer la connaissance de l’addition des décimaux, tandis que les autres se
voient refuser cette attribution. Ma surprise devant l’observation était donc l’effet
de ma pratique d’enseignant : je pratiquais ainsi moi-même, sans en avoir
conscience. Car les chercheurs n'avaient pas repéré un phénomène cognitif
attribuable aux élèves, mais une contrainte à laquelle le professeur est soumis :
Pour enseigner des savoirs, et pour que les élèves apprennent à résoudre des
problèmes qui utilisent ces savoirs, le professeur est en droit de leur poser des
questions auxquelles ils pourraient ne pas répondre juste. En retour, les élèves
doivent impérativement répondre. (Cette obligation les dégage de celle de
répondre juste : ils doivent une réponse, même si elle doit être fausse.)
Cependant, si les élèves répondent juste, le professeur doit officiellement
considérer qu'ils maîtrisent le savoir correspondant.
Cela règle l’interprétation du comportement du professeur, qu’autrement nous
aurions donné l’impression de dénoncer : il semble en effet paradoxal qu’un
professeur attribue la connaissance à des élèves qui manifestement “ ne maîtrisent
pas le concept ”, comme dirait un mathématicien. Cette contrainte, Guy
Brousseau l’a nommée “ un élément du contrat didactique ”.
- du “ Contrat ”, parce qu’avec d’autres contraintes du même genre elle décrit et
caractérise le lien implicite du professeur et de l’élève ;
- “ Didactique ” parce qu’elle tient au savoir lui-même, à l’enjeu de la relation
des acteurs d’une situation didactique.
La contrainte que nous avons maintenant identifiée est une des lois
fondamentales du contrat didactique, du lien implicite qui tient ensemble