Département SNV / M2 – Microbiologie Appliquée Module : Epidémiologie S1 Année universitaire 2020-2021 / Enseignante : Cartelo.L Chapitre 1. Evaluation et gestion des risques I. Généralités sur l’analyse de risque L’analyse de risque est une démarche scientifique d’étude de la survenue d’évènements indésirables (Dangers) en vue d’estimer l’importance du risque et de proposer des solutions à appliquer afin d’en diminuer le niveau. Les exigences en matière de sécurité sanitaire, en particulier celles liées aux aliments, ont augmenté dans les pays développés. les consommateurs de ces pays, bousculés par quelques grands problèmes, largement médiatisés ex : anadémies de listériose sont devenus plus méfiants et exigeants sur la qualité sanitaire de leur alimentation. Dans ce contexte, l’analyse de risque, déjà largement utilisée dans des secteurs autres que le sanitaire (les assurances, les risques nucléaires, etc.) est considérée comme une méthode objective, scientifique et transparente destinée à aider les décideurs à définir les politiques sanitaires. II. Définition de l’analyse de risque L’analyse de risque (risk analysis) est définie comme « une démarche scientifique faite dans le but d’identifier les dangers connus ou potentiels, d’en apprécier les risques, de les gérer et de communiquer à leur propos ». Ahl et al (1993). Les quatre composantes de l’analyse de risque sont les suivants : Après identification du danger, le risque est apprécié, puis il convient de gérer ce risque tout en communiquant à son propos. Identification du danger Appréciation du Risque Communication relative au risque Figure1 : Les Différentes composantes de l’analyse de risque Gestion du Risque III. Importance de l’analyse de risque Les évaluations des risques sont très importantes puisqu’elles font partie intégrante d’un bon plan de gestion de la santé et de la sécurité au travail. Elles contribuent à : o Sensibiliser les personnes aux dangers et aux risques. o Déterminer qui est exposé à des risques (employés, personnel d’entretien, visiteurs, entrepreneurs, membres du public, etc..). o Déterminer si un programme de gestion est nécessaire pour un danger particulier. o Déterminer si les mesures de maitrise des risques en place sont appropriées ou s’il faut en instaurer d’autres. o Prévenir les blessures ou les maladies lorsque les évaluations sont effectuées à l’étape de la conception ou de la planification. o Hiérarchiser les risques et les mesures de maitrise de ces derniers. o Satisfaire les obligations judiciaires. IV. 1. Définition des principaux concepts Le danger Le premier concept à définir est le danger (hazard en anglais). Il est de nature qualitative. Un danger est constitué par « tout agent biologique, chimique ou physique pouvant avoir un effet néfaste sur la santé ». Il s’agit donc des agents biologiques comme les virus, les bactéries (ex : salmonella), les parasites (ex : Trichinella spiralis), les substances chimiques (ex : les anabolisants) ou des particules (ex : radionucléides). 2. Le risque Le deuxième concept qu’il faut bien distinguer du précédent, est celui du risque (Risk en anglais). Il est de nature quantitative. Le risque est « la probabilité de la survenue d’un danger, combinée à l’importance de ses conséquences indésirables ». Dans la notion de risque existent donc 2 composantes : o D’une part, la fréquence d’occurrence du danger (d’où découle la probabilité de survenue) ; o D’autre part, l’importance des conséquences du danger. Selon les dangers, la fréquence peut être faible, moyenne ou élevée. Il en est de même pour les conséquences en termes de gravité et de pertes économiques. Ex : une maladie A (fréquente mais entrainant des conséquences économiques limitées). Une maladie B (très rare, mais entraînant une catastrophe économique). 3. Les composantes de l’analyse de risque 3.1. L’identification des dangers : Un certain nombre de dangers sont aujourd’hui bien connus, tant dans le domaine alimentaire que dans celui de la santé animale ou la santé humaine ex :( l’implication des salmonelles ou des staphylocoques dans les toxi-infections alimentaires collectives, des E.coli vérotoxinogènes dans le syndrome hémolytique et urémique. La recherche et la veille scientifique contribuent à identifier les nouveaux dangers. Ex : l’incertitude a régné pendant plusieurs années quant au rôle pathogène chez l’homme de l’agent de l’encéphalopathie spongiforme bovine ‘maladie de la vache folle’.il a été finalement établi qu’il constituait un véritable danger pour l’homme en provoquant la forme de la maladie de Creutzfeldtjakob. A chaque type de danger correspond une analyse de risque et, donc chaque étude peut conduire à autant d’analyses de risque qu’elle peut comporter de dangers. 3.2. L’appréciation du risque : L’appréciation du risque consiste à estimer de manière qualitative (par des mots) ou quantitative (par des valeurs chiffrées) le niveau de risque. Selon l’OIE, l’appréciation du risque se compose de 4 étapes : l’appréciation de l’émission, l’appréciation de l’exposition, l’appréciation des conséquences et l’estimation du risque (figure 2) Appréciation de l’émission Appréciation de l’exposition Probabilité de survenue du danger Appréciation des conséquences Estimation du risque Figure 2 : Les composantes de l’évaluation du risque selon l’OIE Pour estimer le risque, il est nécessaire de disposer de plusieurs informations dont la synthèse aboutit au risque estimé : La combinaison de la probabilité d’émission et de la probabilité d’exposition correspond à la probabilité de survenue du danger ; La combinaison de la probabilité de survenue du danger avec les conséquences sanitaires et économiques correspond au niveau estimé du risque. Appréciation de l’émission L’appréciation de l’émission (release assessment) consiste en une « description et une quantification, si les données sont disponibles, de la probabilité d’émission dans l’environnement d’un agent pathogène à partir des animaux ou des produits d’origine animale soumis à l’analyse de risque ». La probabilité d’émission correspond à la probabilité que la source potentielle considérée renferme l’agent pathogène ex : la salive pour la rage. L’appréciation de l’émission consiste à décrire la séquence d’évènements nécessaires qui soit à l’origine d’une émission ou de l’introduction de l’agent pathogène dans un milieu donné, et à estimer, de manière qualitative (avec des mots) ou quantitative (avec des valeurs numériques), la probabilité de déroulement de l’ensemble de la séquence. Appréciation de l’exposition L’appréciation de l’exposition (exposure assessment) comprend une description et une quantification, si les données sont disponibles, de la probabilité d’exposition des êtres vivants à l’agent pathogène émis soit par l’homme, soit par les animaux ex : le virus de la rage ou bien les produits d’origine animale soumis à l’analyse de risque ex : présence des salmonelles dans les sous-produits avicoles (viande blanche, œufs..etc). La probabilité d’exposition correspond à la probabilité que les sujets étudiés (hommes ou animaux) puissent entrer en contact avec l’agent pathogène et à être contaminés par ce dernier qui est responsable du danger. L’appréciation de l’exposition consiste à décrire la séquence d’évènements nécessaires pour que des animaux ou des êtres humains soient exposés au danger disséminé à partir d’une source donnée de risque ex : l’exposition au risque du coronavirus dans un milieu fermé en présence d’une personne infectée. La probabilité d’exposition au danger identifié est estimée par des conditions d’exposition bien précises en termes de quantité, de chronologie, de fréquence, de durée d’exposition, des voies d’exposition (ingestion, inhalation, injection..etc), et en prenant en compte le nombre, l’espèce, le sexe, et toute autre caractéristique éventuelle des population animales ou humaines exposées. Appréciation des conséquences sanitaires et économiques L’appréciation des conséquences (consequence assessment) conduit à une « description et une quantification, si les données sont disponibles, des effets néfastes, y compris leurs conséquences économiques, associés à l’agent pathogène ». Pour les conséquences économiques, il s’agit d’apprécier les couts directs liés aux malades (frais de traitement, baisse de production ..etc.) ainsi que les couts indirects (lutte collective contre la maladie, perte du statut indemne). Estimation du risque L’estimation du risque (risk estimation) correspond à la « détermination de manière qualitative ou quantitative, la probabilité de survenue d’un danger et des conséquences de ses effets néfastes dans une population donnée ». Elle consiste à intégrer les résultats des appréciations précédentes (émission, exposition et conséquences) en vue de mesurer globalement le risque associé au danger identifié au départ. Une estimation qualitative du risque conduit par exemple à l’une des conclusions suivantes : risque nul, quasi nul, minime, extrêmement faible, très faible, faible, peu élevé, assez élevé, élevé, très élevé. Pour une appréciation quantitative, les résultats peuvent être exprimés par des valeurs numériques ex : après la prise en compte de la diversité des situations (virulence de la souche, nbr de sujets touchés, la prévalence de la maladie, la sensibilité des tests etc ) on a X % de chance que le nombre de malades dépasse un nombre Y . A l’issu de cette phase, on dispose d’une estimation du risque brut, il est alors possible de comparer ce risque estimé avec le risque acceptable (voir plus loin). De cette comparaison, qui correspond à l’évaluation du risque naîtra la décision d’accepter le risque ou d’essayer de le diminuer par différents moyens. 3.3. La gestion du risque La gestion du risque (risk management) est un « processus d’identification, de sélection et de mise en œuvre de mesures permettant de réduire le risque ». La gestion du risque se décompose en 4étapes : -Evaluation du risque puis si le risque doit être géré - la définition des options de réduction du risque - Estimation du risque réduit et l’évaluation de ce dernier. Evaluation du risque L’évaluation du risque (risk evaluation ) est le « processus de comparaison du risque estimé, avec le niveau de risque jugé acceptable, en vue de jugement d’acceptabilité du risque considéré ou de mise en place de mesures de diminution de ce risque ». Si le risque estimé est inférieur au risque jugé acceptable, l’analyse de risque peut être arrêtée à ce stade. Si le risque estimé est supérieur au risque jugé acceptable, le décideur choisit d’arrêter l’analyse de risque et fournir une réponse négative, ou de passer à la suite de la gestion du risque Définition des options de réduction du risque Consiste à établir la liste de toutes les méthodes permettant de contrôler le risque. Par exemple en ce qui concerne le risque de salmonellose lié à la consommation de viandes de volaille, il peut s’agir aussi bien des mesures de suivi des élevages (contrôles sanitaires dans les élevages) que l’application des principes HACCP dans les abattoirs et les ateliers de transformation, des mesures de retrait de produits contaminés ou enfin des modalités particulières de consommation (conservation et cuisson des produits). Ex 2 : si dans l’appréciation du risque le risque d’exposition et plus élevé que celui de l’émission, alors les mesures de réduction devront se concentrer sur le contrôle de ce risque. Estimation du risque réduit Consiste à déterminer la probabilité de survenue du danger et de ses conséquences, une fois les options de réduction du risque mises en œuvre. Evaluation du risque réduit Consiste en principe, à comparer le risque réduit grâce aux mesures mises en œuvre, avec le risque initial et surtout avec le risque acceptable. A l’issu de cette démarche le décideur dispose des informations nécessaires pour prendre une décision éclairée. Un certain nombre de principes ont été édictés par le Codex Alimentarius pour une bonne gestion des risques dans le domaine de la sécurité alimentaire. Ils sont au nombre de douze. 1. la protection de santé publique doit être le premier objectif de la gestion du risque. 2. La gestion du risque doit comprendre une communication claire et interactive avec les consommateurs en particulier. 3. La gestion du risque doit être une procédure structurée. 4. Les décisions et les méthodes de choix doivent être transparentes et documentées. 5. Il faut maintenir une séparation claire entre l’évaluation scientifique du risque et sa gestion. 6. Les gestionnaires du risque doivent prendre en compte les incertitudes afférentes aux résultats de l’estimation du risque. 7. Quand les connaissances scientifiques concernant les risques sont insuffisantes, les gestionnaires du risque doivent se référer au principe de précaution. 8. Il est indispensable d’identifier toutes les options de gestion du risque et leurs conséquences sur la santé publique avant de choisir parmi ces mesures celles qui seront finalement appliquées. 9. Les décisions de gestion du risque doivent concerner toutes les étapes de la production des aliments (de la fourche à la fourchette) y compris les risques liés à l’alimentation animale. 10.Les gestionnaires du risque doivent s’assurer que les options de gestion retenues sont applicables, sont efficaces et sont proportionnelles au risque évalué. 11.La gestion du risque doit être évolutive et tenir compte en permanence des nouvelles connaissances scientifiques. 12.L’efficacité des mesures de gestion doit être périodiquement évaluée en fonction des objectifs de réduction du risque. Les acteurs de la gestion du risque au plan collectif, peuvent être soit les pouvoirs publics, soit les organisations privées (industriels, groupements de producteurs…etc.). En ce qui concerne les pouvoirs publics, les outils de gestion du risque à leur disposition sont la réglementation qui détermine des règles de contrôle (ex : les plans de contrôle des aliments, mise en œuvre de plan de lutte contre les maladies contagieuses ou zoonotique) et les modalités d’intervention en cas de besoin ex : (retrait de la consommation de denrées contaminées). Les organisations privées utilisent d’autres moyens ex : (application des principes HACCP dans les entreprises agroalimentaires). Au plan individuel, les modalités de maîtrise du risque relèvent du comportement de chaque individu dans la vie courante et sont donc très liées à la perception du risque individuel (fumeurs ou non-fumeurs, temps de cuisson des aliments..etc). 3.4. La communication relative au risque La communication relative au risque (risk communication) correspond à un « échange d’information et d’opinions concernant le risque, entre les responsables de l’estimation du risque, les responsables de la gestion du risque et les autres parties intéressées telles que les milieux professionnels et le public ». Les informations devant être échangées sur l’ensemble des trois premiers secteurs de l’analyse de risque : identification des dangers, appréciation du risque et gestion du risque. La communication relative peut être un des moyens de gestion du risque : ainsi, l’information des populations à risque en matière consommation de certaines denrées alimentaires peut permettre de réduire le risque ( information des femmes enceintes quant au risque de listériose associé à la consommation de produits au lait cru ou bien informer ces dernières quant au risque de la toxoplasmose associé à un lavage mal effectué des légumes. V. Le risque acceptable La notion de risque acceptable signifie clairement le rejet du risque nul et, donc l’acceptation implicite d’un certain risque que les mesures de gestion maintiennent à un niveau bas. Le niveau de risque acceptable évolue avec le temps : ce qui était acceptable à une époque donnée ne l’est plus quelques années plus tard ceci est relier au niveau de vie.