COURS DE CONDUITE DE CHANGEMENT Année universitaire : 2029-2021 Semestre : 1 Niveau d’étude : Master 1 Parcours : Gestion des ressources humaines Conduite du changement Intervenant : Dr. Mick S. NGOULOU KOBI Enseignant chercheur en psychologie du travail et ergonomique Diplômé 3ème cycle en Management et Administration des Entreprises IPRP : Intervenant en Prévention des Risques Professionnels 1 Plan du cours Introduction I. Cadre définitionnel des notions en jeu et typologie de changement I.1 Qu’est-ce que la conduite de changement I.1.1 La notion de changement I.1.2 La notion de conduite I.2 La notion de conduite de changement II. Les facteurs, les approches et les typologies du changement II.1 Les facteurs de changement II.2 Les approches de conduite du changement II.3 Les typologies de changement III. Les facteurs de succès et d’échec de conduite du changement III.1 Les facteurs de succès de conduite du changement III.2 Les facteurs d’échec a conduite du changement IV. Le protocole et les méthodes de conduite de changement IV.1. Le protocole de conduite de changement IV.2. Les méthodes de conduite de changement Conclusion Bibliographie Aurissier D. (2012). Enjeux et méthode de la conduite du changement. Paris, Dunod Aurissier D. 1 & Moutot J-M (2003). Pratique de la conduite du changement. Paris, Dunod Aurissier D. 1 & Moutot J-M (2013). Méthode de conduite du changement. 3e éd. Paris, Dunod Autissier D., Vandangeon-Derumez I., Vas A. et Jonhson K. (2018). Conduite du changement : concepts clés, 60 ans de pratiques héritées des auteurs fondateurs. 3e ed. Dunod. Heinry H. (2016). La fabrique du changement au quotidien. Presses de l'EHESP Dijoux C. (2013). Petit guide de la conduite du changement dans l'économie de la connaissance Bourdarias V. (2008). Conduite du changement en entreprise. Mémoire Chapentier P. (2013). La gestion du changement dans les organisations. 2 Ière PARTIE Introduction Le changement a toujours été présent dans le fonctionnement des sociétés humaines. Cependant il n’a jamais aussi pris une place aussi importante telle qu’elle est de nos jours. En effet, l’environnement dans le lequel nous vivons étant mouvant de par sa nature, Le changement apparaît comme la solution à la gestion de toutes les évolutions qu’une entreprise doit intégrer pour survivre et se développer. La conduite de changement constitue donc la démarche qui consiste à piloter ce changement au mieux. Dans le cadre de cet enseignant, il s’agit non seulement de présenter ce concept aux futurs gestionnaires des ressources humaines que vous êtes, mais également de vous donner des outils qui vous permettront dans le cadre des futures missions de conduite du changement qui pourront être les vôtres dans un avenir proche. Ce cours est articulé en quatre parties dont le premier présente le cadre définitionnels des notions en jeu, le deuxième fait état des facteurs, des approches et des typologies de changements, le troisième traite la question des facteurs de succès et d’échec de la conduite de changement et le quatrième présente du protocole et des méthodes de conduite du changement. I. Cadre définitionnel des notions en jeu I.1 Qu’est-ce que la conduite de changement Pour comprendre le concept de conduite de changement, il faut préalablement circonscrire ce qu’on entend par changement et par conduite. En effet, pour cerner et clarifier ce concept de conduite de changement il faut préalablement définir chacune de ses composantes. Dans cette perspective, nous commencerons donc par la définition de la notion de changement, puis celui de conduite et enfin pour clôturer, nous reviendrons sur la définition globale du concept de conduite de changement. I.1.1 La notion de changement La thématique du changement a toujours été présente dans le fonctionnement des sociétés humaines. En effet, Toutes les organisations subissent des changements continus. Raison pour laquelle, Autissier et col. (2018) soulignent que de nos jours le changement devient un élément central dans le management des organisations (entreprises). Ainsi, l’étude du changement permet donc de comprendre son processus de mise en œuvre dans une organisation. 3 La problématique de changement s’inscrit donc dans le champ de la théorie du management centrée sur les étapes que traversent les entreprises au cours de leur évolution. Les principes de cette théorie s'intéressent aux mutations à court et à long terme. La place du changement dans une organisation étant clarifiée il sied de définir cette notion centrale de cet enseignement. Définitions Le changement est une notion polymorphe qui peut désigner un passage d’un état à un autre, une réorganisation totale, une rupture, une modification ou encore une transformation. C’est dire qu’il existe plusieurs définitions de la notion de changement. Dans le cadre de cet enseignement nous ne retiendrons que trois définitions en lien avec le management des organisations. Ainsi, on peut dire avec Collerette, Delisle et Perron (2002) que le changement renvoie à « toute modification relativement durable dans un sous-système de l’organisation, pourvu que ce changement soit observable par les membres ou les gens qui sont en relation avec le système » (p.20). Pour ces auteurs, le changement n’a de sens que s’il est durable et observable par une tierce. Pour Nurcan, Barrios et Rolland (2002), le changement organisationnel qui peut être appréhendé comme un processus de transformation qui amène une organisation d’un état actuel vers un état futur souhaitable. Il peut être progressif ou radical, partiel ou total. Pour ces auteurs le changement a un impact sur les éléments qui composent l’organisation et sur leurs interactions. Dans ce cas, il peut concerner les processus, les produits, les services et les objectifs de l’organisation. Quant à Autissier et Musso (2003), le changement peut tout aussi bien désigner une réorganisation totale qu’un changement de bureau. Pour ne pas considérer toutes les actions d’adaptation et d’évolution quotidienne que nous vivons comme des changements, nous définissons celui-ci à travers le terme de rupture. Ainsi du point de vue de ces auteurs, il y a changement lorsqu’il y a une rupture significative des modes de fonctionnement imposant ou nécessitant un effort d’adaptation. Car pour eux, le passage du présent au futur n’est pas une suite de micro-adaptations mais un saut par lequel une partie significative de notre existant est rendue obsolète au profit d’une nouvelle manière synonyme de progrès. Le progrès ou encore l’amélioration est vu ici comme un critère d’appréciation du changement. Ainsi, le changement est donc une rupture entre un existant obsolète et un futur synonyme de progrès. 4 I.1.2 La notion de conduite Dans le monde des organisations ou des entreprises, la notion de conduite renvoie aux notions de gestion, de pilotage et de management. C’est un ensemble d’actions consistant à mener une affaire, un projet de bout en bout. Autrement dit, c’est l’art de piloter un projet du début à la fin. C’est donc l’art de diriger un projet ou de gérer une équipe des hommes et des femmes dans la mise œuvre d’une nouvelle approche de conceptualisation, de pratique des choses, etc. C’est aussi une démarche qui consiste à mener un projet de la conception à sa matérialisation en respectant les délais. Ce projet peut être une œuvre de création ou une œuvre de rénovation, c’est à dire du changement qui peut concerner les procédures, la vision des choses, les pratiques, l’introduction d’une nouvelle technologie, etc. Les notions de changement et de conduite étant clarifié nous pouvons des lors passer à la présentation du concept de conduite de changement. I.1.3 La notion de conduite de changement Le concept de conduite de changement que l’on peut autrement dénommer la gestion du changement ou encore le management de changement est l’ensemble des opérations réalisées au sein d’une organisation pour lui permettre de s’adapter à un environnement mouvant ou à une situation de changement. Il repose sur un ensemble de méthodes et techniques permettant d’effectuer le mieux possible la transition vers une nouvelle organisation au sein d'une entreprise. C’est donc la démarche qui va de la perception ou de l’identification d’un problème dans une entreprise à la définition d’un cadre d’actions qui permet l’élaboration, le choix et la mise en place d’une solution dans des conditions optimales de réussite. II. Les facteurs, les approches et les typologies de changement II.1 Les facteurs du changement Les causes qui amènent une entreprise à effectuer une démarche de changement sont multiples. Cependant certaines causes sont plus fréquent dans la vie d'une entrepris. Parmi ces dernières on peut citer : Le climat économique. 5 L'expression "climat économique" désigne l'état de l'économie dans son ensemble. En cas de récession, une entreprise peut être obligée de licencier des travailleurs, ce qui nécessite une restructuration. La demande et le comportement des consommateurs Le mode de vie des gens et la façon dont ils achètent, travaillent et passent leur temps libre sont en constante évolution. Depuis l'avènement d'Internet, ces changements se sont produits à un rythme beaucoup plus rapide. Les nouvelles technologies Les nouveaux systèmes et dispositifs de haute technologie ont complètement changé la façon dont les entreprises commerciales font des affaires et interagissent avec d'autres entités sur le marché. Pour s’arrimer il faut donc introduire les nouvelles technologies dans la stratégie managériale de l’entreprise. Le marché concurrentiel Si un nouveau concurrent arrive sur le marché avec des comportements commerciaux complètement différents, les autres acteurs devront peut-être s'adapter, surtout si ce concurrent parvient à gagner des parts de marché. Les règlements ou politique gouvernementale Lorsque les entreprises sont confrontées à une nouvelle législation ou à de nouvelles règles imposées par les autorités réglementaires compétentes, elles doivent non seulement les respecter mais s’y adaptez pour qu'elles puissent continuer à prospérer. La maîtriser des coûts. La gestion des coûts amène souvent une entreprise à revoir son organisation ou ses procédés de fabrication. La recherche d'efficacité. Cette quête permet de rentrer dans une démarche d'amélioration continue pour augmenter continuellement les performances de l’entreprise. A partir de ces quelques exemples, il apparaît comme étant vital pour l’entreprise d’avoir la capacité à s’adapter aux changements de son environnement si elle veut assurer sa pérennité. Dans cette perspective, la gestion du changement devient alors un élément fondamental de la 6 stratégie globale de l’entreprise car, de son aptitude à s’adapter à son environnement à la fois complexe, instable et turbulent, dépend sa survie. II.2 Les approches de conduite de changement Les approches de conduite du changement sont plurielles. Dans cette pluralité Moutot et Autissier (2010) distinguent quatre approches : L’approche projet. Nous sommes ici en présence d’une organisation en mode projet pilotée par une équipe ad hoc. Dans ce cas, la conduite du changement sera intégrée dans les tâches du groupe de projet et, en général, elle se limitera à des actions de communication et de formation des utilisateurs. L’approche intégrée. Il s’agit des méthodes proposées par les cabinets de consultants consistant à dérouler une méthodologie standard développée par eux. En général, ces méthodes sont divisées en trois phases : l’étude d’impact, le plan de communication et le plan de formation. L’approche psychosociologique. Les méthodologies qui s’y rapportent sont proposées par des spécialistes en ressources humaines ou des sociologues. Elles s’appuient sur l’étude comportementale des acteurs d’une organisation en vue d’éviter les blocages (résistance au changement), d’augmenter l’adhésion et d’assurer la participation au projet. L’approche instrumentalisée. Dans ce cas, les spécialistes de la gestion du changement sont des collaborateurs de l’entreprise qui maîtrisent parfaitement les rouages de l’organisation et la conduite du changement. Ainsi, en fonction des projets, ils pourront déployer la méthodologie et les outils adaptés au contexte. Ces différentes approches issues de différentes disciplines (management, sociologie et psychologie) démontrent que la manière d’appréhender et de gérer le changement en entreprise peut varier. MOUTOT et AUTISSIER (2010) différencient d’ailleurs trois types de management distincts. Le premier est axé sur la collaboration et la participation des acteurs, le second fait la part belle à la formation et à la communication et le troisième s’applique lorsque les circonstances exigent une intervention non négociable des dirigeants. Cette pluralité des approches et des styles de management nous mène à la conclusion qu’il existe, au sein des entreprises, différents types de changement qu’il s’agit de traiter de manière adéquate. 7 II.3 Les typologies de changement La littérature fait état de plusieurs types de changements dont nous ne retiendrons dans le cadre de cet enseignement les plus courants. Dans cette perspective, la typologie de changement proposée par Autissier et col (2010) est plus explicite. En effet, ces auteurs proposent de classifier le changement selon une matrice à deux axes qui délimitent quatre types distincts. Le premier axe se déploie entre la rupture, soit l’obligation pour l’organisation de mettre en œuvre un changement radical pour assurer sa pérennité, et le changement permanent ; soit une culture d’entreprise ouverte et apprenante dans laquelle les collaborateurs ont suffisamment d’autonomie pour s’adapter quotidiennement à des situations nouvelles et où le changement n’est pas perçu comme une révolution. Le second axe est celui des contraintes qui répond à la question si le changement est négociable ou s’il imposé ? Des causes externes sont souvent citées pour justifier une décision de changement, la concurrence les nouvelles technologies, la demande volatile des clients, etc. Autrement dit : « s’adapter ou mourir » est devenu un précepte du management. Cependant, Bernoux (2010) avance qu’il n’y a pas de changement sans volonté des acteurs. Par conséquent, même s’il est largement influencé par un environnement en mutation, le changement demeure la décision d’un individu ou d’un groupe d’individus. Les initiateurs devront ensuite faire adhérer l’ensemble des membres de l’organisation à leur idée du futur ou, à défaut, se séparer de certaines personnes bloquantes pour imposer leur vision. Négocié Changement continu Changement proposé Permanant Rupture Changement organisé Changement dirigé Imposé Figure 1 : La matrice des changements (AUTISSIER et al., 2010) 8 De l’analyse de ces axes, il ressort quatre type de changement qui se présente de la manière suivante II.3.1 Le changement continu L’adaptation permanente permet de dépasser la vision « projet unique avec un début, un but à atteindre et une fin » pour inscrire la transformation comme un fonctionnement à part entière de l’organisation. La mutation de l’organisation se déroule en appliquant un processus incrémental et continu, sans qu’il soit jamais nécessaire d’envisager un changement rapide et radical. Dans ce type, on est loin de l’hypothèse selon laquelle les dirigeants prennent des décisions justes et rationnelles. Ici, les changements se construisent sur le terrain dans les interactions entre individus qui appliquent des solutions résolvant leurs problématiques quotidiennes. Ce type de changement s’inscrit dans les approches organisationnelles de « l’entreprise apprenante » et, au niveau des développements informatiques, nous retrouvons les valeurs et principes de l’agilité. Il s’agit de capitaliser sur la valeur humaine et sa capacité à faire face à des situations imprévues. En effet, dans un processus de changement continu nous connaissons le point de départ mais l’arrivée, les contours du chemin à suivre et la durée du voyage demeurent très souvent des inconnues. Seule la stratégie est déterminée et les collaborateurs doivent disposer de suffisamment d’autonomie pour mettre en œuvre les moyens nécessaires à sa réalisation. II.3.2 Le changement organisé L’autonomisation des collaborateurs et la non-formalisation des plans opérationnels peuvent poser des problématiques de management. En effet, le type de culture d’entreprise peut s’avérer perturbant pour certains dirigeants qui auront l’impression de naviguer à vue et également pour certains collaborateurs qui ne souhaitent pas s’impliquer et prendre des décisions. Le changement organisé permet d’offrir une possibilité d’expression aux collaborateurs (cercles qualité par exemple) mais impose également un filtre qui permettra aux dirigeants de sélectionner uniquement les changements en ligne avec les objectifs préétablis. Une démarche en quatre étapes est proposée : Définir clairement le problème à résoudre Examiner les solutions déjà essayées et qui n’ont pas fonctionné Définir clairement le changement auquel on souhaite aboutir Formuler et mettre en œuvre un projet pour effectuer le changement 9 II.3.3 Le changement proposé Dans le cas du changement proposé, ce sont les cadres intermédiaires qui tiennent le rôle principal. En effet, lorsqu’une modification radicale, faisant suite à une décision du top management, doit être opérée dans l’organisation de l’entreprise, c’est à eux d’implémenter la nouvelle orientation. A l’inverse, lorsque ce sont les collaborateurs qui souhaitent imposer une transformation au top management, c’est à nouveau les cadres intermédiaires qui devront rendre les propositions et les initiatives attractives pour convaincre. Qu’importe le lieu où il trouve ses racines, un changement par la rupture ne peut faire l’impasse d’une négociation entre les différents groupes d’acteurs. Le changement proposé est donc avant tout un long processus de négociation entre les différents acteurs de l’organisation. Chaque membre, aux deux extrémités de la hiérarchie, devra trouver un sens dans le changement et adhérer à la nouvelle stratégie. Dans ce contexte, les cadres intermédiaires jouent souvent un rôle clé dans les négociations car ce sont eux qui, au final, disposent du pouvoir de faire appliquer tout, ou partie, de la nouvelle stratégie. II.3.4 Le changement dirigé Face à l’inadéquation entre le fonctionnement de l’entreprise et son environnement, tout bon dirigeant réagit en changeant la stratégie, les systèmes de gestion ou la structure organisationnelle. De part son caractère radical et unilatéral, le changement dirigé est considéré comme un moyen d’assurer la survie de l’organisation et d’améliorer ses résultats à court terme. Les décisions prises peuvent être un changement d’activité, une transformation du but stratégique pour répondre à une nouvelle vision des dirigeants ou l’implémentation d’une politique de redressement afin de répondre à une situation de crise grave. 10