33374_1626.qxp 27.6.2008 9:20 Page 1 avancée thérapeutique Deux résultats a priori encourageants en cancérologie S ans doute n’est-il pas toujours simple de situer avec précision la portée des recherches fondamentales ou appliquées menées dans le champ de la cancérologie. On ne saurait pour autant passer sous silence certains des résultats qui apparaissent marquer une étape importante. Ainsi deux informations récentes semblent aujourd’hui devoir être rapportées. nommée HB-19. Cette molécule cible spécifiquement la nucléoline de surface, une protéine nécessaire à la croissance des cellules tumorales mais également à l’angiogenèse. Ces résultats ont été publiés le 18 juin 2008 sur le site de PLoS ONE.2 «La nucléoline est une protéine essentiellement connue comme étant présente dans les noyaux des cellules. Mais les travaux réalisés au cours de ces dernières années par l’équipe d’Ara Hovanessian La première est la publication, dans ont permis de démontrer qu’elle est égales colonnes du New England Journal of lement exprimée à la surface cellulaire où elle fonctionne comme un récepteur pour Medicine, daté du 19 juin, du résultat des facteurs de croisobtenu chez un homme sance, explique-t-on de 52 ans atteint d’une «… il s’agit du premier forme de mélanome cas démontrant à la fois auprès du Cnrs. L’expression de la nucléoliavec métastase pulmol’efficacité et l’innocuité ne à la surface cellulaire naire.1 Des spécialistes d'une thérapie cellulaire est particulièrement éledu Fred Hutchinson vée dans les cellules Cancer Research Cenautologue …» activées en multiplicater et de l’Université de tion rapide, comme les cellules tumorales, Washington (Seattle) ainsi que du Ludwig et dans les cellules endothéliales impliInstitute for Cancer Research (New York quées dans la formation d’un réseau de Branch) et du Memorial Sloan-Kettering capillaires sanguins entourant les tumeurs. Cancer Center (New York) ont mis au point Ces données suggèrent que la nucléoline une forme de thérapie cellulaire autoloexprimée à la surface cellulaire est une gue à partir des lymphocytes T CD4+ du cible importante et prometteuse pour la malade ayant une spécificité pour antithérapie anticancéreuse. gène NY-ESO-1 associé au mélanome. Ara Hovanessian et Jean-Paul Briand Après identification et expansion in vitro avaient conçu et synthétisé chimiquement de ces lymphocytes, ils ont transfusé cinq la molécule HB-19 en 1998 comme inhimilliards de ces cellules chez le malade. biteur de l’entrée du VIH dans les cellules Certaines des cellules ont subsisté au cibles. C’est la seule molécule connue à moins 80 jours dans l’organisme du mace jour pour intervenir directement sur la lade et bien que seulement 50 à 75% des nucléoline de surface avec laquelle elle cellules de la tumeur du patient réagiss’associe de façon spécifique, entraîne saient à l’antigène NY-ESO-1, la totalité l’internalisation du complexe et la dégradu cancer a régressé après l’injection. dation de cette protéine multifonctionnelle. Les auteurs de ce travail expliquent Les chercheurs du Cnrs ont aujourd’hui avoir obtenu en deux mois une disparimis en évidence qu’HB-19 bloque non tion des images tumorales, la rémission seulement la multiplication des cellules étant aujourd’hui d’une durée de deux issues de différentes tumeurs humaines ans. Selon eux, il s’agit du premier cas (comme le cancer de la prostate, du sein, démontrant dans cette indication à la fois du côlon ou le mélanome), mais égalel’efficacité et l’innocuité d’une thérapie celment l’angiogenèse tumorale. Cette dualulaire autologue. «Nous avons été surpris lité d’action vis-à-vis des cellules tumopar les effets anti-tumeur de ces cellules rales et de l’angiogenèse fait d’HB-19 un T CD4 et de la durée de leur réponse puissant agent anticancéreux. contre le cancer, a expliqué le Dr CasCes résultats ont été confirmés à l’aisian Yee. Nous avons eu un succès avec de d’un modèle expérimental du cancer ce malade mais il faut encore confirmer du sein chez des souris greffées avec l’efficacité de cette thérapie dans une études cellules tumorales d’origine humaine : de plus étendue.» l’administration d’HB-19 par voie sousLe second résultat, plus fondamental cutanée ou intrapéritonéale à 2-3 jours a été obtenu par trois équipes du Centre d’intervalle pendant 30 jours a entraîné national français pour la recherche scienune inhibition significative de la progrestifique (Cnrs) conduites par Ara Hovanession de tumeurs, voire même dans plusieurs cas l’éradication de cellules tumosian, Jean-Paul Briand et José Courty qui rales. ont démontré pour la première fois l’effi«En plus de l’efficacité de son action cacité anticancéreuse d’une molécule, dé- 1626 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 2 juillet 2008 antitumorale sur le développement de carcinome mammaire humain chez la souris, HB-19 ne présente aucune toxicité tissulaire, contrairement à de nombreux autres traitements couramment utilisés en clinique, ajoute-t-on auprès du Cnrs. Après interaction avec la nucléoline de surface et internalisation dans les cellules, HB19 n’entre pas dans le noyau, ce qui permet d’expliquer l’absence d’effets secondaires indésirables comme ceux couramment associés à la chimiothérapie et à la radiothérapie. Autre avantage de cette molécule : très soluble dans les milieux physiologiques, sa synthèse est réalisable à l’échelle industrielle par les techniques conventionnelles de chimie peptidique.» La société pharmaceutique ImmuPharma (société à la fois française, britannique et suisse) qui a obtenu la licence d’exploitation exclusive a d’autre part d’ores et déjà réalisé le développement d’une famille de composés de deuxième génération plus efficaces qu’HB-19. Elle a aussi débuté les développements précliniques réglementaires afin de pouvoir commencer une étude clinique de phase I au début de l’année 2009. Jean-Yves Nau Bibliographie 1 Hunder NN, Wallen Hl, Cao J, Yee C, et al. Treatment of metastatic melanoma with autologous CD4+ T cells against NY-ESO-1. N Engl J Med 2008;358:2698-703. 2 Destouches D, El Khoury D, Hamma-Kourbali Y, Hovanessian AG. Suppression of tumor growth and angiogenesis by a specific antagonist of the cell-surface expressed nucleolin. PLos ONE, 18 juin 2008. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 5 janvier 2008 00