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27.6.2008
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avancée thérapeutique
Deux résultats a priori encourageants
en cancérologie
S
ans doute n’est-il pas toujours simple de situer avec précision la portée des recherches fondamentales
ou appliquées menées dans le champ
de la cancérologie. On ne saurait pour
autant passer sous silence certains des
résultats qui apparaissent marquer une
étape importante. Ainsi deux informations
récentes semblent aujourd’hui devoir être
rapportées.
nommée HB-19. Cette molécule cible spécifiquement la nucléoline de surface, une
protéine nécessaire à la croissance des
cellules tumorales mais également à l’angiogenèse. Ces résultats ont été publiés
le 18 juin 2008 sur le site de PLoS ONE.2
«La nucléoline est une protéine essentiellement connue comme étant présente
dans les noyaux des cellules. Mais les
travaux réalisés au cours de ces dernières
années par l’équipe d’Ara Hovanessian
La première est la publication, dans
ont permis de démontrer qu’elle est égales colonnes du New England Journal of
lement exprimée à la surface cellulaire où
elle fonctionne comme un récepteur pour
Medicine, daté du 19 juin, du résultat
des facteurs de croisobtenu chez un homme
sance, explique-t-on
de 52 ans atteint d’une
«… il s’agit du premier
forme de mélanome
cas démontrant à la fois auprès du Cnrs. L’expression de la nucléoliavec métastase pulmol’efficacité et l’innocuité
ne à la surface cellulaire
naire.1 Des spécialistes
d'une thérapie cellulaire est particulièrement éledu Fred Hutchinson
vée dans les cellules
Cancer Research Cenautologue …»
activées en multiplicater et de l’Université de
tion rapide, comme les cellules tumorales,
Washington (Seattle) ainsi que du Ludwig
et dans les cellules endothéliales impliInstitute for Cancer Research (New York
quées dans la formation d’un réseau de
Branch) et du Memorial Sloan-Kettering
capillaires sanguins entourant les tumeurs.
Cancer Center (New York) ont mis au point
Ces données suggèrent que la nucléoline
une forme de thérapie cellulaire autoloexprimée à la surface cellulaire est une
gue à partir des lymphocytes T CD4+ du
cible importante et prometteuse pour la
malade ayant une spécificité pour antithérapie anticancéreuse.
gène NY-ESO-1 associé au mélanome.
Ara Hovanessian et Jean-Paul Briand
Après identification et expansion in vitro
avaient conçu et synthétisé chimiquement
de ces lymphocytes, ils ont transfusé cinq
la molécule HB-19 en 1998 comme inhimilliards de ces cellules chez le malade.
biteur de l’entrée du VIH dans les cellules
Certaines des cellules ont subsisté au
cibles. C’est la seule molécule connue à
moins 80 jours dans l’organisme du mace jour pour intervenir directement sur la
lade et bien que seulement 50 à 75% des
nucléoline de surface avec laquelle elle
cellules de la tumeur du patient réagiss’associe de façon spécifique, entraîne
saient à l’antigène NY-ESO-1, la totalité
l’internalisation du complexe et la dégradu cancer a régressé après l’injection.
dation de cette protéine multifonctionnelle.
Les auteurs de ce travail expliquent
Les chercheurs du Cnrs ont aujourd’hui
avoir obtenu en deux mois une disparimis en évidence qu’HB-19 bloque non
tion des images tumorales, la rémission
seulement la multiplication des cellules
étant aujourd’hui d’une durée de deux
issues de différentes tumeurs humaines
ans. Selon eux, il s’agit du premier cas
(comme le cancer de la prostate, du sein,
démontrant dans cette indication à la fois
du côlon ou le mélanome), mais égalel’efficacité et l’innocuité d’une thérapie celment l’angiogenèse tumorale. Cette dualulaire autologue. «Nous avons été surpris
lité d’action vis-à-vis des cellules tumopar les effets anti-tumeur de ces cellules
rales et de l’angiogenèse fait d’HB-19 un
T CD4 et de la durée de leur réponse
puissant agent anticancéreux.
contre le cancer, a expliqué le Dr CasCes résultats ont été confirmés à l’aisian Yee. Nous avons eu un succès avec
de d’un modèle expérimental du cancer
ce malade mais il faut encore confirmer
du sein chez des souris greffées avec
l’efficacité de cette thérapie dans une études cellules tumorales d’origine humaine :
de plus étendue.»
l’administration d’HB-19 par voie sousLe second résultat, plus fondamental
cutanée ou intrapéritonéale à 2-3 jours
a été obtenu par trois équipes du Centre
d’intervalle pendant 30 jours a entraîné
national français pour la recherche scienune inhibition significative de la progrestifique (Cnrs) conduites par Ara Hovanession de tumeurs, voire même dans plusieurs cas l’éradication de cellules tumosian, Jean-Paul Briand et José Courty qui
rales.
ont démontré pour la première fois l’effi«En plus de l’efficacité de son action
cacité anticancéreuse d’une molécule, dé-
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Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 2 juillet 2008
antitumorale sur le développement de carcinome mammaire humain chez la souris,
HB-19 ne présente aucune toxicité tissulaire, contrairement à de nombreux autres
traitements couramment utilisés en clinique, ajoute-t-on auprès du Cnrs. Après
interaction avec la nucléoline de surface
et internalisation dans les cellules, HB19 n’entre pas dans le noyau, ce qui permet d’expliquer l’absence d’effets secondaires indésirables comme ceux couramment associés à la chimiothérapie et à la
radiothérapie. Autre avantage de cette
molécule : très soluble dans les milieux
physiologiques, sa synthèse est réalisable
à l’échelle industrielle par les techniques
conventionnelles de chimie peptidique.»
La société pharmaceutique ImmuPharma (société à la fois française, britannique
et suisse) qui a obtenu la licence d’exploitation exclusive a d’autre part d’ores et
déjà réalisé le développement d’une famille de composés de deuxième génération plus efficaces qu’HB-19. Elle a aussi
débuté les développements précliniques
réglementaires afin de pouvoir commencer une étude clinique de phase I au début de l’année 2009.
Jean-Yves Nau
Bibliographie
1 Hunder NN, Wallen Hl, Cao J, Yee C, et al.
Treatment of metastatic melanoma with autologous CD4+ T cells against NY-ESO-1. N Engl J
Med 2008;358:2698-703.
2 Destouches D, El Khoury D, Hamma-Kourbali
Y, Hovanessian AG. Suppression of tumor growth
and angiogenesis by a specific antagonist of the
cell-surface expressed nucleolin. PLos ONE, 18
juin 2008.
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 5 janvier 2008
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