98-085-A-10 Histologie de la peau normale et lésions histopathologiques élémentaires B. Cribier Résumé : L’architecture générale de la peau (cutis) est la même quelle que soit la topographie : elle comprend l’épiderme, épithélium multistratifié et le derme, tissu de soutien principalement composé de collagène. Les dermatologistes y adjoignent l’hypoderme (subcutis), situé immédiatement en dessous et souvent indissociable du derme, tous deux étant d’origine mésodermique. La peau comprend des annexes : les glandes sudorales, les follicules pilosébacés ainsi que l’appareil unguéal. On distingue la peau glabre, dépourvue de follicules pilosébacés, des paumes et des plantes, du gland, du clitoris et de la lèvre vermillon, et le reste des téguments où l’on trouve des follicules de nombre et de taille variables. La peau est en continuité avec les muqueuses orales et génitales par l’intermédiaire de zones de transition appelées semi-muqueuses. L’observation microscopique de la peau nécessite des techniques de prélèvement, de fixation et de colorations histochimiques et immunohistochimiques, complétées au besoin par la biologie moléculaire y compris sur tissu fixé. La description des maladies cutanées comprend des éléments d’architecture et de cytologie, qui définissent des lésions élémentaires microscopiques dont une bonne partie peut expliquer les lésions élémentaires cliniques. La corrélation anatomoclinique est ainsi la base fondamentale du diagnostic en dermatologie. Il est important pour le dermatologue non pathologiste de connaître au minimum ces lésions élémentaires. © 2020 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Dermatopathologie ; Immunohistochimie ; Épiderme ; Derme ; Hypoderme ; Glandes sudorales ; Follicules ; Lésions élémentaires Plan ■ Éléments techniques Biopsie cutanée Fixation Coloration Techniques immunologiques 1 1 1 2 2 ■ Aspects histologiques de la peau normale Épiderme interfolliculaire Annexes épithéliales de la peau Derme Hypoderme 2 2 5 7 8 ■ Lésions élémentaires histologiques Lésions épidermiques Altérations dermoépidermiques Anomalies dermiques et hypodermiques 8 8 10 12 Éléments techniques Biopsie cutanée La qualité du prélèvement est fondamentale et en particulier la taille : les petites pièces prélevées au trépan sont parfois très difficiles à orienter. Il faut éviter les diamètres inférieurs à 3 mm. Au visage, le diamètre de 3 mm est suffisant pour une tumeur mais 4 mm au moins sont nécessaires pour l’inflammation. La pathologie graisseuse exige des biopsies larges emportant un fragment important d’hypoderme, donc au bistouri. On doit vraiment éviter les biopsies tangentielles (shaving) ou les curetages empêchant l’examen de toutes les couches de la peau. Le prélèvement doit ensuite être fixé rapidement dans le formol ou autre liquide de fixation adapté pour éviter des phénomènes de nécrose et des artefacts majeurs, produits aussi par les traumatismes de la pièce. Les pièces prélevées au bistouri électrique en sont un bon exemple (zone de brûlure ou artefacts électriques). En dermatopathologie plus que pour les autres tissus, les renseignements cliniques sont indispensables : âge, siège, durée d’évolution, description élémentaire et propositions diagnostiques permettent la corrélation anatomoclinique [1] . Fixation La pièce doit être fixée dans un liquide adapté ; le temps de fixation et le volume à utiliser dépendent de la taille de la pièce. Le fixateur le plus couramment utilisé est le formol à 10 % dans du chlorure de sodium (NaCl) à 0,9 %, tamponné, qui permet une bonne conservation des acides nucléiques. La solution de formol à 10 % peut toutefois geler et entraîner une cristallisation, ce qui donne des artefacts comme des vacuoles intracellulaires ; on utilise dans les pays froids une solution alcoolique de formol à 10 % pour éviter le gel du matériel. L’AFA est du formol additionné d’acide acétique et d’alcool. Le formol doit être régulièrement renouvelé, il existe donc un délai de péremption. EMC - Dermatologie chargé pour jalal Volume hamama0 >([email protected]) à Hospital Military Instruction Mohamed V à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur juillet n◦ 0 > xxx 2020 11, 2021. Pourhttp://dx.doi.org/10.1016/S0246-0319(20)60633-1 un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2021. Elsevier Inc. Tous droits réservés. 1 98-085-A-10 Histologie de la peau normale et lésions histopathologiques élémentaires Tableau 1. Principales colorations spéciales destinées à compléter les colorations de routine en histopathologie cutanée. Structure Type de coloration Fibres élastiques Orcéine-Giemsa Fibres élastiques noires/collagène rouge Muscles Trichrome de Masson Muscles rouges/collagène bleu Réticuline Argentation Noir Mélanine Coloration de Fontana Noir Hémosidérine Coloration de Perls Bleu Mucine Bleu de toluidine ou alcian Bleu Coloration de Giemsa Rose Rouge Congo Vert (lumière polarisée) Amyloïde Couleur Thioflavine Fluorescence verte Glycogène PAS Rouge Calcium Coloration de von Kossa Noir Mastocytes Coloration de Giemsa Violet Bleu de toluidine Rose Colorations de Gram Gram positif : bleu foncé Bactéries Champignons Coloration de Ziehl Mycobactéries : rouge PAS Rouge Coloration de Grocott Noir PAS : Periodic acid Schiff. Il faut respecter un rapport d’environ dix à 20 fois entre le volume de formol et le volume de la pièce. La fixation doit être au minimum d’une nuit. Les pièces séjournant pendant de très longues durées dans le formol se conservent, mais s’altèrent sensiblement. Pour l’immunofluorescence directe, on fixe dans le milieu de Michel, qui donne des résultats excellents. Il permet d’acheminer les prélèvements vers les laboratoires (une durée de 2 à 10 jours de conservation est possible), mais n’autorise pas une conservation longue comme la congélation à –80 ◦ C. Coloration La coloration de routine la plus utilisée est l’hématoxylineéosine (HE). Les noyaux sont colorés en bleu-violet, et le cytoplasme en rose. L’ensemble du tissu conjonctif a une teinte rouge rosé. Certains laboratoires utilisent une triple coloration, hématoxyline-éosine-safran (HES, abréviation qui a une signification différente en anglais : hematoxylin eosin staining). L’adjonction du safran colore le collagène en jaune orangé. Ces colorations sont insuffisantes pour la mise en évidence de structures particulières ; on a alors recours aux colorations dites « spéciales » (Tableau 1). Anticorps Les immunomarquages permettent de mettre en évidence des cellules difficilement observables en coloration traditionnelle, comme les cellules de Merkel et de Langerhans (Tableau 2). Ils sont le plus souvent utilisés pour typer un infiltrat lymphocytaire et identifier la nature des proliférations tumorales. La spécificité de ces marquages est le plus souvent très relative et il faut interpréter ces résultats avec prudence, la positivité d’un marquage isolé ne pouvant faire office de preuve diagnostique dans la majorité des situations. Les anticorps les plus utilisés en routine sont ceux ayant trait aux proliférations mélanocytaires, le marqueur de prolifération Ki67 et les marqueurs lymphocytaires [4] . Aspects histologiques de la peau normale Épiderme interfolliculaire L’épiderme est un épithélium malpighien pluristratifié kératinisant ; la plupart des cellules sont des kératinocytes à divers stades de leur maturation, associés à des cellules dendritiques résidentes de l’épiderme, et de façon plus occasionnelle à des cellules d’origine sanguine. Techniques immunologiques Immunohistochimie Elle est réalisée sur coupes paraffinées, diverses techniques de révélation sont utilisées, l’ensemble étant automatisé pour la plupart des anticorps commercialement disponibles. Les structures révélées sont colorées en brun ou en rouge selon les méthodes choisies. Il existe une très grande quantité d’anticorps disponibles pour l’anatomie pathologique de routine, certains concernent plus particulièrement la peau et les lésions cutanées [2, 3] . Le Tableau 2 donne une liste – non exhaustive – des principaux anticorps utilisés en dermatopathologie. Immunofluorescence On applique ici un anticorps spécifique de la structure à révéler, et la révélation se fait par un marqueur fluorescent ; il faut un microscope à fluorescence. Les techniques d’immunofluorescence sont tout particulièrement appliquées à l’étude des antigènes de la jonction dermoépidermique et des dépôts pathologiques qui peuvent s’y associer. Architecture générale de l’épiderme Les couches successives sont du bas vers le haut : le stratum basal (couche basale), qui repose sur la membrane basale à la jonction dermoépidermique, le stratum spinosum (couche épineuse ou corps muqueux de Malpighi), le stratum granulosum (couche granuleuse), le stratum lucidum, et enfin, tout à fait en surface, le stratum corneum (ou couche cornée). La jonction entre l’épiderme et le derme est constituée d’une alternance de crêtes épidermiques qui semblent plonger dans le derme sous-jacent, et qui sont séparées les unes des autres par les papilles dermiques. L’épiderme est en réalité déprimé à sa partie inférieure par les papilles dermiques, sortes de cônes arrondis permettant une bonne imbrication des deux structures. Toute cette face inférieure de l’épiderme est tapissée de prolongements cytoplasmiques qui forment des pédicelles d’insertion, visibles même en microscopie optique dans les parties latérales des crêtes épidermiques [5] . À la partie superficielle de l’épiderme, on trouve des orifices correspondant aux ostiums des follicules pilaires et des glandes sudorales eccrines. Les couches successives de l’épiderme sont 2 EMC - Dermatologie Téléchargé pour jalal hamama ([email protected]) à Hospital Military Instruction Mohamed V à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur juillet 11, 2021. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2021. Elsevier Inc. Tous droits réservés. Histologie de la peau normale et lésions histopathologiques élémentaires 98-085-A-10 Tableau 2. Principaux immunomarquages utilisés en dermatopathologie. Type de marqueur Anticorps Principales structures marquées CD3 CD4 – CD8 Lymphocytes T T4 helper et T8 cytotoxique CD56 Cellules NK (et cellules neurales) CD20 et CD79a Lymphocytes B CD30 Lymphocytes T et B activés CD68 Cellules myéloïdes, monocytaires, histiocytaires (lysozymes) CD163 Macrophages monocytes CD117 Mastocytes Myéloperoxydase Cellules myéloïdes CD1a – CD207 Cellules de Langerhans CD123 Cellules dendritiques folliculaires CK5/6 Épiderme, épithélium annexiel et proliférations épidermoïdes CK7 – CK8 Glandes sudorales – CK8 plus spécifique Cellules d’origine hématopoïétique Cellules épithéliales CK20 Cellules de Merkel p63 (nucléaire) Épiderme – Follicule – Cellules myoépithéliales EMA Cellules sébacées – Glandes sudorales – Périnèvre ACE Glandes sudorales RA Sébocytes immatures Structures dermiques et mésenchymateuses Marqueurs musculaires Marqueurs vasculaires Marqueurs cellules nerveuses Vimentine Toutes les cellules mésenchymateuses Collagène IV Membrane basale Actine du muscle Muscle piloarrecteur – Parois vasculaires – Muscle strié Desmine Muscle strié Caldesmone Muscle – Cellules myoépithéliales – Cellules glomiques Calponine Muscle – Myofibroblastes CD31 CD34 Cellules endothéliales Cellules endothéliales – Précurseurs hématopoïétiques ERG Cellules endothéliales (plus spécifique) Podoplanine (D2-40) Cellules endothéliales lymphatiques GLUT-1 Cellules de l’hémangiome infantile P S100 Cellules de Schwann – Chondrocytes – Mélanocytes – Adipocytes – Cellules de Langerhans Neurofilaments Axones ENS Neurones – Cellules ganglionnaires – Cellules neuro-endocrines Chromogranine Synaptophysine Neurones – Cellules neuro-endocrines – K Merkel Cellules neuro-endocrines Marqueurs mélanocytaires MelanA (MART-1) Mélanocytes – Nævocytes – Mélanome HMB-45 Mélanocytes – Nævocytes – Mélanome SOX-10 (nucléaire) Mélanocytes – Cellules de Schwann – Glandes sudorales p16 Nævocytes (perte dans le mélanome) Surexprimé dans les infections à HPV Marqueur de prolifération Ki67 (Mib-1) Cellules à activité proliférative pHH3 Mitoses Marqueurs infectieux Tréponème Syphilis HSV 1 et 2 Herpès CMV Cytomégalovirus HHV8 Maladie de Kaposi HPV Verrues et condylomes ACE : antigène carcinoembryonnaire ; CK : cytokératine ; EMA : epithelial membrane antigen ; ENS : énolase neuronale spécifique ; K : carcinome ; RA : récepteurs aux androgènes ; HSV : herpes simplex virus ; CMV : cytomégalovirus ; HHV : human herpes virus ; HPV : human papillomavirus. EMC - Dermatologie chargé pour jalal hamama ([email protected]) à Hospital Military Instruction Mohamed V à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur juillet 11, 2021. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2021. Elsevier Inc. Tous droits réservés. 3 98-085-A-10 Histologie de la peau normale et lésions histopathologiques élémentaires aussi traversées par la partie haute des follicules pilosébacés et des canaux excréteurs eccrines. L’épiderme interpapillaire a une épaisseur moyenne de 100 m, mais il peut varier beaucoup suivant les localisations anatomiques [5] . Il est le plus mince aux paupières et aux organes génitaux, et le plus épais dans les zones palmoplantaires (environ 1 mm). Les kératinocytes de l’épiderme expriment des cytokératines particulières suivant les couches, principalement CK5 et CK14 dans la couche basale et plus haut les kératines CK1 et 10 [3] . Des schémas d’expression des kératines dans la peau normale et ses annexes sont publiés ; toutes sont désormais caractérisées sur le plan génétique et protéique [6, 7] . La connaissance des profils d’expression en kératines des diverses couches et cellules cutanées peut être mise à profit en pathologie pour identifier l’histogenèse de certaines tumeurs épithéliales ou annexielles [8] . Kératinocytes du stratum basal Les kératinocytes de la couche profonde de l’épiderme ont une forme cubique ou cylindrocubique et sont implantés perpendiculairement sur la membrane basale ; ils y sont étroitement engrenés par les pédicelles d’insertion. Leur largeur moyenne est d’environ 6 m. Ces cellules sont plus basophiles que les kératinocytes des couches supérieures et ont une disposition en « palissade », du fait de leur alignement régulier. Le noyau est dense, ovalaire ou allongé, et le cytoplasme peu abondant ; outre sa coloration basophile, on peut y trouver des grains de mélanine, ainsi que des faisceaux de filaments périnucléaires, parallèles à l’axe de la cellule (filaments spiralés de Herxheimer) qui sont en fait des éléments du cytosquelette. Les grains de mélanine se disposent souvent au sommet du cytoplasme, formant une structure en chapeau supranucléaire. Ce sont les cellules basales qui assurent le renouvellement de l’épiderme : on y trouve ainsi fréquemment des mitoses, principalement au sommet des crêtes épidermiques. Les mitoses ne sont toutefois pas exclusivement observées dans la couche basale. Après division, l’une des cellules filles va entamer son processus de différenciation et migrer vers les couches suprabasales. Kératinocytes du stratum spinosum Les cellules sont plus volumineuses (10 à 15 m) dans cette couche et ont un aspect polyédrique. Le cytoplasme est moins dense que celui des couches basales ; le noyau est vésiculeux et renferme habituellement deux nucléoles bien visibles. Au sein du cytoplasme, on peut observer, même en microscopie optique, le réseau des tonofibrilles qui se fixent à proximité de la membrane, dans les zones où l’on trouve les desmosomes ; ces tonofibrilles sont constituées de tonofilaments visibles en microscopie électronique. On trouve habituellement cinq ou six couches de kératinocytes polyédriques dans le stratum spinosum, appelé ainsi en raison de l’aspect des espaces intercellulaires, comprenant des ponts intercellulaires qui semblent hérisser les cellules d’épines. Les kératinocytes en ont fait de multiples prolongements cytoplasmiques qui entrent en contact avec des structures similaires d’une cellule voisine. Les zones de contact étroit sont les desmosomes. On trouve en moyenne trois desmosomes pour 2 m de membrane. Les espaces intercellulaires sont légèrement colorés par le periodic acid Schiff (PAS) ou le bleu alcian, témoignant de leur contenu en mucopolysaccharides acides (glycosaminoglycanes) ou neutres. apparaissent dans le haut du stratum spinosum, dans la région périnucléaire, et ils n’existent plus dans la couche cornée. La couche granuleuse est faite d’une à cinq couches de cellules et son épaisseur est proportionnelle à l’épaisseur totale de l’épiderme. Kératinocytes du stratum lucidum Cette couche n’est pas toujours bien visible sur les coupes, mais elle apparaît nettement dans les zones palmoplantaires (une à quelques couches cellulaires). Il s’agit d’une zone de transition entre les cellules granuleuses et les cornéocytes. Les cellules y sont brillantes, très claires et aplaties. Cette couche est éosinophile et homogène, contrairement au stratum corneum qui est plus aéré. Les cellules peuvent encore contenir un noyau ou un reste nucléaire pycnotique. Pendant cette transformation morphologique et biochimique, la cellule perd une grande partie de son contenu en eau, son noyau, et une grande partie de ses organelles cytoplasmiques. Les filaments de kératine vont persister et constituent près de 80 % du contenu de la cellule cornée. Les cellules du stratum lucidum contiennent des granulations lipidiques correspondant aux lipides contenus dans les corps d’Odland. Kératinocytes du stratum corneum : cornéocytes On y trouve quatre à huit couches de cellules lamelleuses anucléées et aux limites cytoplasmiques indistinctes. La taille d’un cornéocyte est de 30 à 35 μm et sa forme est grossièrement hexagonale. Les cornéocytes les plus superficiels se détachent du stratum corneum et desquament. On parle parfois de stratum disjunctum pour désigner la partie la plus superficielle de l’épiderme. La couche entière apparaît éosinophile, très contrastée par rapport au stratum granulosum très basophile. La couche cornée est très épaisse dans les zones palmoplantaires, et on y distingue bien les membranes cytoplasmiques des cornéocytes. Dans les autres zones, l’aspect est celui d’une structure plus aérée ou tressée, et on distingue mal les contours de chaque cellule. Il s’agit en fait d’artefacts de fixation. Les cornéocytes peuvent contenir des grains de mélanine, surtout chez les sujets à peau noire. Membrane basale En microscopie optique, la membrane basale est une lame continue intercalée entre les cellules de la couche basale et le derme. Elle est particulièrement bien visible à la coloration au PAS, en raison de sa richesse en mucopolysaccharides neutres. Son épaisseur normale est de 1 à 2 μm, ce qui représente environ 20 fois l’épaisseur de la membrane basale réelle. En effet, la coloration au PAS révèle aussi la zone fibreuse sous-jacente. On y trouve aussi des fibres de réticuline, qui peuvent être mises en évidence par des techniques d’argentation : elles apparaissent comme une rangée discontinue de virgules situées sous le pôle basal des kératinocytes basaux. La membrane basale a une fonction très importante dans l’intégrité de l’épiderme. Quand elle est lésée, on voit apparaître des phénomènes de souffrance des cellules basales, ainsi qu’une incontinence pigmentaire. Ce qui est convenu d’appeler « membrane basale » en microscopie optique est en réalité d’une extrême complexité moléculaire et architecturale [9, 10] . Des anticorps dirigés contre certains de ces composants sont utilisés en routine, notamment dans les maladies bulleuses héréditaires ou acquises [11] . [12] Kératinocytes du stratum granulosum Cellules de Langerhans Les cellules deviennent plus aplaties, avec un diamètre horizontal de 25 μm. Cette couche tire son nom des grains de kératohyaline caractéristiques présents dans les kératinocytes : ce sont des granulations très denses, basophiles (bleu foncé), dispersées dans tout le cytoplasme. Les desmosomes sont beaucoup moins visibles, ainsi que l’appareil tonofilamentaire. Ces cellules contiennent des grains lamellaires (corps d’Odland ou kératinosomes), qui vont fusionner avec la membrane et déverser leur contenu dans l’espace intercellulaire. Les corps d’Odland Il s’agit de cellules dendritiques présentes dans l’épiderme, mais aussi dans le derme. Elles ont un cytoplasme pâle, moins coloré que celui des kératinocytes adjacents, leur contour nucléaire est découpé et moins régulier, et leur noyau est plus dense. Elles n’ont ni tonofilaments, ni desmosomes qui les unissent aux cellules voisines. Ces cellules expriment la protéine S100, les molécules CD1a, CD1c et CD4, ainsi que les molécules de classes I et II du système majeur d’histocompatibilité. En microscopie électronique, les granules de Birbeck permettent de les reconnaître avec certitude : il 4 EMC - Dermatologie Téléchargé pour jalal hamama ([email protected]) à Hospital Military Instruction Mohamed V à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur juillet 11, 2021. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2021. Elsevier Inc. Tous droits réservés. Histologie de la peau normale et lésions histopathologiques élémentaires 98-085-A-10 s’agit de bâtonnets terminés par une vésicule, réalisant une image en « raquette ». En pratique courante, le CD1a permet de les identifier. Leur densité varie de 100 à 1000/mm2 suivant les zones de l’organisme ; la densité maximale est observée dans les muqueuses orales et génitales. Elles représentent environ 2 à 4 % de la totalité des cellules de l’épiderme. On trouve aussi dans l’épiderme des cellules dites « indéterminées », qui ont les mêmes caractéristiques ultrastructurales que les cellules de Langerhans mais n’ont pas encore acquis de granules de Birbeck. Mélanocytes Les mélanocytes sont des cellules dendritiques qui n’appartiennent pas au contingent épithélial : ils dérivent de la crête neurale. Ils sont facilement identifiables par leur cytoplasme très clair et leur petit noyau dense, assez fortement coloré par l’hématoxyline (cellules claires de Masson). Ils sont disposés dans la couche basale, entre deux kératinocytes. Leur nombre moyen observé sur une coupe histologique est d’environ un mélanocyte tous les dix kératinocytes. La coloration de Fontana permet de les identifier aisément : ils sont fortement chargés en mélanine et ont des dendrites bien visibles ; la mélanine est en effet argentaffine. Les grains de mélanine sont aussi visibles en coloration conventionnelle, soit dans les mélanocytes, soit dans les kératinocytes voisins, et ceci d’autant plus facilement que le sujet a une peau foncée. En raison de la distribution spatiale relativement régulière de ces mélanocytes, chacun prend en charge une « unité de mélanisation » composée de 36 kératinocytes voisins auxquels le mélanocyte transfère sa mélanine, sous forme d’organites cytoplasmiques appelés mélanosomes. Le transfert se fait principalement vers les kératinocytes basaux, mais aussi vers ceux du stratum spinosum. Plus la peau est foncée, plus on trouve de mélanosomes haut situés dans l’épiderme. La densité de mélanocytes varie de 2000/mm2 sur la face à 800/mm2 sur le tronc. Les mélanocytes expriment la protéine S100 et la vimentine, mais pas les cytokératines. On utilise plusieurs anticorps pour les révéler en immunohistochimie : MelanA, HMB-45 et SXO10 principalement (Tableau 2). Cellules de Merkel Elles sont présentes le plus souvent dans la couche basale [13, 14] . Elles ont un cytoplasme clair et sont irrégulièrement distribuées dans l’épiderme et la muqueuse orale, et sont parfois groupées dans les zones sus-jacentes au disque pilaire ou « Haarscheibe » [15] . On peut les reconnaître en microscopie électronique par la présence de granules rondes très denses aux électrons. Elles ont des filaments cytoplasmiques et quelques desmosomes qui les unissent aux kératinocytes voisins. Elles entretiennent des rapports étroits avec des terminaisons nerveuses intraépidermiques et constituent ainsi de probables mécanorécepteurs. Elles expriment la cytokératine 20 qui permet de les révéler en immunomarquage. Elles expriment aussi l’énolase neuronale spécifique et ont une fonction neurosécrétoire. Cellules claires du mamelon En 1970, Toker a observé la présence de grandes cellules claires dans près de 10 % des mamelons, ce qui a été confirmé ensuite dans de nombreuses études [16] . Elles expriment la CK7 et peuvent être confondues avec des cellules de Paget, mais elles n’expriment pas le Ki67 [17] . Elles se développent chez les fœtus féminins et masculins, dans la région anogénitale [18] . Annexes épithéliales de la peau On en distingue trois types : les follicules pilosébacés auxquels sont annexés les muscles lisses pilomoteurs, les glandes sudorales eccrines et apocrines, et enfin les ongles. Follicules pilosébacés Il existe différents types de poils. Les poils terminaux longs et solides sont pigmentés et parfois pourvus d’une médulla : ce sont les poils de la barbe, les cheveux et les poils génitaux et axillaires. On y oppose les duvets, plus fins, moins durs, moins pigmentés et dépourvus de médulla. Il existe aussi des poils intermédiaires. Sur le tronc et les membres, les follicules sont groupés en triades. Les poils sont implantés obliquement et on appelle la face qui forme un angle obtus avec l’épiderme, le versant postérieur. À sa phase de croissance (phase anagène), le follicule est implanté dans la graisse ou à la jonction dermohypodermique. À la surface de la peau, la partie visible du follicule est la tige pilaire ; plus en profondeur elle est entourée de ses gaines auxquelles est annexée la glande sébacée. À sa partie profonde, le follicule comporte une partie renflée, le bulbe, qui est surmonté d’un léger rétrécissement appelé collet inférieur. Le muscle pilomoteur s’insère immédiatement au-dessus, sur le versant postérieur du follicule et sur un renflement épithélial appelé bulge. Entre le bulge et la confluence du follicule avec le canal sébacé, s’étend l’isthme, partie cylindrique centrale du follicule. Le confluent avec la glande sébacée est marqué par un second rétrécissement ou collet supérieur. Le segment supérieur du follicule est l’infundibulum, terminé par l’ostium folliculaire qui en constitue l’embouchure à la surface épidermique. Le follicule traverse l’épiderme, et est constitué dans cette zone (canal pilaire) de ses propres cellules annexielles. Dans le follicule, on trouve deux types de kératinisation : dans l’infundibulum, la gaine folliculaire externe kératinise sur un mode épidermique, alors que dans l’isthme, la kératinisation est de type trichilemmal. Elle se fait sans passage par une couche granuleuse, mais elle se traduit au contraire par l’apparition de grandes cellules homogènes qui ne contiennent pas de grains de kératohyaline. En effet, dans l’isthme, la gaine folliculaire interne a pratiquement disparu. Bulbe Il est constitué de la matrice pilaire, creusée à sa partie inférieure par la papille pilaire. Celle-ci contient du tissu conjonctif, des vaisseaux et des fibroblastes particuliers dits « fibroblastes papillaires ». L’interaction entre ces deux zones est d’une importance majeure pour la croissance du poil [19] . La matrice est constituée de trois zones superposées : la zone féconde profonde, la zone des mélanocytes et la zone kératogène. Gaines folliculaires Le follicule est un cylindre formé de l’emboîtement de multiples couches cellulaires concentriques. Gaine folliculaire externe ou trichilemme. Elle est entourée à sa partie externe d’une épaisse gaine conjonctive, richement vascularisée et innervée, et est séparée de celle-ci par une membrane basale colorable au PAS. Les cellules de la gaine externe sont claires, de grande taille et riches en glycogène. Cette gaine est en continuité avec l’épiderme et s’amenuise du haut vers le bas, pour disparaître dans la région suprabulbaire. Gaine folliculaire interne. Elle est composée de trois couches concentriques : • la couche de Henle, faite d’une couche de cellules cuboïdales riches en granules de trichohyaline, bien visibles en coloration à la rhodamine B, kératinisant précocement dès le collet inférieur ; • la couche d’Huxley, faite d’une ou deux couches de cellules plus volumineuses et se kératinisant plus haut ; • la cuticule de la gaine, faite d’une couche de cellules aplaties. Elle est hyalinisée dès le début de l’isthme. La gaine interne s’amenuise de bas en haut, contrairement à la gaine folliculaire externe. Dès le milieu de l’isthme, les diverses couches sont confondues en une seule couche hyaline, fuchsinophile, qui disparaît à la hauteur de l’isthme. On distingue de plus une couche particulière, appelée companion layer, et située entre les cellules cuboïdales de la gaine externe et celles de la gaine interne, sur une hauteur allant du bulbe à l’isthme. Il existe une expression extraordinairement sophistiquée des kératines pilaires, spécifiques du poil et de l’ongle, qui varie selon les couches du follicule et de la tige pilaire [20] . On peut ainsi démontrer l’expression spécifique de combinaisons de kératines pilaires et épithéliales dans toutes les structures du follicule. EMC - Dermatologie chargé pour jalal hamama ([email protected]) à Hospital Military Instruction Mohamed V à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur juillet 11, 2021. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2021. Elsevier Inc. Tous droits réservés. 5 98-085-A-10 Histologie de la peau normale et lésions histopathologiques élémentaires Tige pilaire Elle a trois couches : une cuticule superficielle faite de lamelles cornées qui se recouvrent comme des tuiles plates, un cortex ou écorce composé de cellules nucléées, et une moelle ou médulla centrale constituée de grandes cellules plus lâches souvent disjointes par de petites bulles d’air. La tige est étroitement liée à la gaine folliculaire interne dans la partie inférieure du follicule et ne s’en détache qu’à la hauteur de l’isthme. La tige pilaire exprime des cytokératines pilaires, avec un patron d’expression tout à fait spécifique. Glande sébacée C’est une glande multilobée à sécrétion holocrine. Tous les poils sont pourvus d’une glande sébacée à leur partie postérieure. On peut trouver des glandes sébacées isolées sous forme de grains de Fordyce sur la lèvre vermillon, sur le gland, sur la partie interne du prépuce, sur les petites lèvres et sur la marge anale. Les glandes de Meibomius des paupières en sont un équivalent. Le plus souvent, la glande est constituée de plusieurs lobules qui convergent vers un canal excréteur unique, lequel rejoint les gaines folliculaires à la hauteur du collet supérieur, entre l’isthme et l’infundibulum. Chaque lobule sébacé a une couche externe de cellules cuboïdales très basophiles dans lesquelles on ne trouve pas de vacuoles lipidiques. Plus au centre, les cellules sont très volumineuses, claires, et ont un noyau central entouré de vacuoles claires. Cet aspect en microscopie optique est dû à la disparition des lipides. Les cellules se désintègrent progressivement au voisinage du canal excréteur et y libèrent leur contenu, ce qui définit la sécrétion holocrine. On peut parfois observer des amas de gouttelettes lipidiques dans le canal excréteur. La taille de la glande sébacée est tout à fait indépendante de celle du follicule. On distingue ainsi trois types de follicules : • les follicules terminaux à poils épais et ronds, pourvus d’une glande sébacée rudimentaire ; • les follicules lanugineux qui produisent le duvet. Ils sont les principaux producteurs de sébum de la peau. Certains follicules lanugineux du visage sont appelés « poils à manteau », car ils ont des glandes sébacées rudimentaires disposées tout autour du collet ; • les follicules sébacés, caractérisés par un infundibulum profond traversé par un poil rudimentaire. Leurs glandes sébacées sont très larges et débouchent par plusieurs canaux dans la partie basse de l’infundibulum. On les trouve sur le visage et sur le haut du tronc. Ils sont le siège des lésions élémentaires de l’acné. Muscle pilomoteur ou piloarrecteur (ou encore horripilateur) C’est un muscle lisse qui s’insère sur le follicule à la hauteur du bulge par un petit tendon élastique, et d’autre part dans le derme papillaire en arrière de l’ostium folliculaire. Il semble souvent isolé dans le derme en raison des artefacts de la coupe. Il est coloré en rouge vif en coloration HE. Disque pilaire ou « Haarscheibe » Il est situé en arrière du poil et constitue un organe tactile particulièrement riche en cellules de Merkel. On le trouve habituellement dans l’épiderme entre l’acrotrichium et l’insertion dermique du muscle pilomoteur. Cycles du follicule La morphologie du follicule pilaire change en fonction des étapes du cycle pilaire (phase anagène ou phase de croissance, phase catagène ou phase d’involution et phase télogène ou phase terminale). Un nouveau follicule se forme lors du cycle suivant à partir des cellules souches situées dans le bulge, qui permettent de reconstituer une nouvelle matrice. Il ne faut pas confondre ces cellules souches avec les cellules germinatives du bulbe qui permettent la croissance du follicule reconstitué [18] . Appareils sudoraux On distingue les glandes sudorales eccrines, présentes sur tout le revêtement cutané, et les glandes sudorales apocrines, que l’on trouve uniquement dans certains territoires et dont la sécrétion est sous contrôle hormonal. Glandes sudorales eccrines [21] Leur densité est de 100 à 200 glandes/cm2 et est maximale sur les paumes et les plantes (300/cm2 ). Leur partie sécrétrice, ou glomérule sudoripare, se trouve profondément située dans la partie haute de l’hypoderme ou à la jonction dermohypodermique comme le follicule pilaire. Le glomérule sudoral est un acinus pelotonné : la partie sécrétrice proprement dite est une glande tubuleuse à extrémité borgne, constituée de deux types cellulaires. Les cellules périphériques sont claires, riches en glycogène et implantées sur une membrane basale épaisse, doublée à l’extérieur de quelques cellules myoépithéliales. On trouve ensuite des cellules sombres orientées vers la lumière de la glande et riches en mucopolysaccharides acides. La sueur s’élimine par de petits canalicules intercellulaires vers la lumière. Le tiers terminal du peloton sudoral fait partie du canal excréteur, connecté à la partie sécrétante par une petite dilatation, l’ampoule sudorale de Loewenthal. La partie excrétrice est composée d’une double rangée de cellules sombres, bordées à leur partie interne par une cuticule PAS-positive. Il n’y a pas de membrane basale en périphérie du conduit sudorifère. La partie haute de ce conduit traverse le derme verticalement. Sa structure histologique reste identique jusqu’à l’épiderme. Lors de sa traversée épidermique, le canal prend le nom d’acrosyringium et forme alors une hélice dont les spires augmentent progressivement de diamètre. Ceci est bien visible dans l’épaisse couche cornée des zones palmoplantaires. Ce tube se termine dans les dernières lamelles cornées. Il garde son individualité au sein de l’épiderme. Le conduit se termine par le pore sudoral, habituellement situé à l’aplomb d’une crête épidermique. Enfin, tout autour des glomérules sudoraux, on trouve des filets nerveux amyéliniques qui assurent la régulation de la sécrétion. Les colorations à l’orcéine permettent aussi de distinguer des fibres élastiques en périphérie des glomérules et de la partie initiale du canal excréteur. Glandes apocrines Elles sont situées dans les zones périnéales et génitales, dans les creux axillaires, sur les aréoles mammaires et autour de l’ombilic. On en trouve parfois sur la face ou le tronc, mais de façon isolée. Les glandes cérumineuses et les glandes de Moll sont des formes particulières de glandes apocrines. Elles ont une partie sécrétrice profonde, le glomérule, constitué de grandes cavités à lumière très bien visible (beaucoup plus importante que celle des glomérules eccrines) et bordées par une seule couche de grandes cellules cylindriques. Leur sécrétion se fait par décapitation de la partie centrale du cytoplasme, ce qui définit la sécrétion apocrine ; le produit ainsi libéré est visible en coloration standard sous forme d’un matériel éosinophile. On y observe aussi parfois du pigment ferrique. La sueur est éliminée par un conduit sudorifère à double couche cellulaire qui va s’aboucher à la partie infundibulaire d’un follicule pilaire axillaire ou génital. Il existe aussi des glandes apo-eccrines, qui ont des caractéristiques de chacun des deux types de glande sudorale [21, 22] , mais leur existence reste controversée [23] . Ongles La tablette unguéale est composée de cellules kératinisées originaires de la matrice unguéale. Celle-ci est en fait un repli épidermique de la peau qui déborde sur la partie proximale de la tablette où elle forme la cuticule [24] . La matrice a une structure histologique en partie identique à celle de l’épiderme : on y trouve une couche basale, puis l’équivalent du stratum spinosum. Plus en superficie, il n’y a pas de couche granuleuse, mais de grandes cellules polygonales. Les mélanocytes y sont moins nombreux que dans l’épiderme et sont situés dans la couche basale, mais aussi au sein du stratum spinosum. La région matricielle est entourée d’une gaine conjonctive dense qui adhère au périoste des bords de la phalange. Le lit de l’ongle est aussi dépourvu de couche granuleuse. On trouve, dans le derme sous-jacent, des papilles dermiques très accentuées et une vascularisation très abondante, avec de nombreux shunts anastomotiques. Il n’y a quasiment pas d’hypoderme et le derme du lit de l’ongle est rattaché au périoste 6 EMC - Dermatologie Téléchargé pour jalal hamama ([email protected]) à Hospital Military Instruction Mohamed V à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur juillet 11, 2021. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2021. Elsevier Inc. Tous droits réservés. Histologie de la peau normale et lésions histopathologiques élémentaires 98-085-A-10 sous-jacent par des travées conjonctives. L’épiderme du lit adhère beaucoup plus à la tablette unguéale que celui de la matrice. Quand on examine la tablette en coupe perpendiculaire, on y distingue trois zones : • la table externe (ou couche dorsale), faite de cellules polyédriques très aplaties issues du fond de la matrice (partie proximale). La kératinisation se fait sans formation de grains de kératohyaline. Cette partie est colorée par le bleu de toluidine et le PAS ; • la table interne, qui est la couche intermédiaire, constituée de cellules cornées moins denses et plus volumineuses. Elle naît de la partie distale de la matrice et n’est pas colorée par le PAS et le bleu de toluidine ; • la kératine hyponychiale, qui est la partie ventrale. La corne en est de type épidermique et elle naît de l’épithélium du lit unguéal. Elle est aussi colorée par le bleu de toluidine et le PAS. La matrice proximale fournit le tiers supérieur ou dorsal de la tablette, alors que les deux tiers inférieurs de celle-ci naissent de la partie distale de la matrice. Le repli sus-unguéal ne se distingue de la peau normale que par l’absence de poils et de papilles dermiques. Sa partie postéroinférieure correspond à la matrice (partie proximale). Derme Le derme est un tissu conjonctif fait de collagène et de fibres élastiques entourés d’une substance fondamentale dite « amorphe ». Collagène Les fibres de collagène représentent près de 98 % de la masse totale du derme. Elles apparaissent comme de gros faisceaux éosinophiles en coloration HE, mais jaune orangé en HES. Elles sont nettement biréfringentes en lumière polarisée. Ces faisceaux sont entrecroisés dans les plans horizontaux à tous les étages du derme. Leur diamètre est variable, de 2 à 15 m. Dans la partie superficielle du derme ou derme papillaire, les fibres de collagène sont fines. Cette partie du derme comprend les espaces situés entre les crêtes épidermiques, mais aussi la portion horizontale sous-jacente qui va jusqu’aux plexus vasculaires souspapillaires. Ce type de fines fibres de collagène est aussi observé autour des annexes pilaires et sudorales. On parle de derme adventitiel. Dans le derme réticulaire, les fibres de collagène sont groupées en faisceaux épais, qui apparaissent plus ou moins compacts selon les techniques de fixation. L’épaisseur de cette partie du derme est très variable selon la localisation anatomique (très importante dans le dos, et très faible sur les paupières par exemple). Le collagène semble un peu ondulé, et on y trouve quelques fibrocytes très allongés et aux limites cytoplasmiques mal définies en microscopie optique. Les fibres de réticuline ne sont pas visibles en coloration de routine, mais peuvent être visualisées par argentation. Il s’agit d’une variété particulière de collagène, fait de fibres très fines (de 0,2 à 1 m de diamètre). Leur argyrophilie les distingue des autres fibres de collagène ; elles sont composées de collagène de type III, alors que le reste du derme contient principalement du collagène de type I. Ces fibres de réticuline ne sont présentes qu’en faible quantité dans la peau normale, mais sont très nombreuses dans certains processus pathologiques comme les granulomes. Elles constituent principalement l’armature des membranes basales. Fibres élastiques Elles sont peu visibles en coloration de routine, mais apparaissent en noir après coloration à l’orcéine. Elles s’intercalent entre les fibres de collagène, mais sont beaucoup plus fines. On en distingue plusieurs types : les plus épaisses sont les fibres d’élastine situées dans la partie profonde du derme, où elles ont une disposition parallèle à la surface cutanée comme les fibres de collagène. Plus on monte vers l’épiderme, plus les fibres élastiques deviennent fines. Elles forment un plexus de fibres de taille intermédiaire, les fibres d’élaunine, sous la jonction dermoépi- dermique. De ce plexus naissent de très petites fibres verticales arborisées, qui vont occuper les papilles dermiques : ce sont les fibres oxytalanes. Substance fondamentale amorphe Elle est constituée de mucopolysaccharides acides, en particulier d’acide hyaluronique (mucopolysaccharides non sulfatés). Les mucopolysaccharides sulfatés sont principalement représentés par la chondroïtine sulfate. Ces glycosaminoglycanes du derme sont liés de façon covalente à des protéines et forment ainsi des protéoglycanes. En coloration de routine, cette substance n’est pas colorée et apparaît comme un vide entre les faisceaux de collagène. Avec des colorations des mucines comme le bleu alcian, on peut visualiser cette substance fondamentale colorée en bleu. Pour faire la distinction entre les mucopolysaccharides, on peut utiliser le bleu de toluidine ; il existe une métachromasie pour l’acide hyaluronique à pH 3, mais pas à pH 0,5, et à pH 0,5 et 3 pour la chondroïtine sulfate. La substance fondamentale est plus abondante dans le derme papillaire et dans la papille pilaire ; elle est aussi plus abondante dans les processus de cicatrisation. Cellules dermiques On y trouve surtout des fibroblastes. Ce sont eux qui donnent naissance aux fibres de collagène et d’élastine, ainsi qu’à la substance fondamentale. Ils sont plus volumineux dans le derme papillaire, souvent polyédriques ou triangulaires avec un noyau dense ; dans le derme réticulaire ils sont plus allongés, mêlés aux faisceaux de collagène, et on voit surtout leur noyau allongé. Le cytoplasme est très riche en organites, témoignant de leur activité de synthèse importante. On appelle fibrocyte un fibroblaste ancien situé au sein du tissu conjonctif mature. Son activité est réduite et il a une forme moins ramifiée que le fibroblaste. Il est bien séparé de l’interstitium du collagène. Le fibroclaste est un fibrocyte qui contient des fibres ou des fibrilles de collagène dans une vacuole cytoplasmique ; on ne peut le reconnaître qu’en microscopie électronique. Il existe aussi des cellules intermédiaires entre les fibrocytes et les cellules musculaires lisses qui sont des myofibroblastes, riches en myofilaments disposés en faisceaux parallèles à l’axe de la cellule. Ils ont un noyau indenté et des desmosomes. Ces cellules sont trouvées en plus grand nombre dans les cicatrices et certaines proliférations fibreuses. Le fibroblaste de la papille du poil est particulier par ses larges expansions cytoplasmiques qui peuvent toucher les cellules matricielles. Il possède de nombreux organites cytoplasmiques, ainsi que des structures d’ancrage ressemblant à des jonctions gap et à des desmosomes. Son rôle dans l’induction de la trichogenèse est fondamental [19] . On trouve enfin des macrophages dans le derme. Il s’agit de cellules volumineuses à cytoplasme abondant et pourvues d’un grand noyau central. Les macrophages peuvent être identifiés en immunohistochimie par des marqueurs histiocytaires comme le CD68 et le CD163. Certaines de ces cellules à activité macrophagique sont dendritiques : il s’agit des cellules de Langerhans dermiques. Enfin, il existe une population de cellules dendritiques exprimant le facteur XIIIa qui sont les dendrocytes dermiques. Ces cellules sont d’origine médullaire et peuvent avoir une fonction de présentation d’antigènes. On les trouve surtout dans le derme papillaire, mais aussi plus en profondeur dans le derme réticulaire et autour des vaisseaux. Les mastocytes font partie des cellules normales du derme. Ils sont principalement situés autour des capillaires du derme papillaire. Ce sont de grandes cellules polyédriques remplies de granulations bien visibles au bleu de toluidine (métachromasie) ou à la coloration de Giemsa, qui leur donne une teinte fuchsia. Ils expriment kit et on peut les marquer avec un anti-CD117. Vaisseaux du derme Artères Elles sont formées de trois couches : EMC - Dermatologie chargé pour jalal hamama ([email protected]) à Hospital Military Instruction Mohamed V à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur juillet 11, 2021. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2021. Elsevier Inc. Tous droits réservés. 7 98-085-A-10 Histologie de la peau normale et lésions histopathologiques élémentaires • l’intima, composée de cellules endothéliales et d’une limitante élastique interne ondulée facilement reconnaissable en coloration à l’orcéine ; • la média, faite d’une ou plusieurs couches musculaires ; • l’adventice, qui en constitue la partie la plus externe, faite de tissu conjonctif. Plus on monte dans le derme, moins la couche musculaire est épaisse : dans le derme superficiel, les artérioles n’ont qu’une couche discontinue de cellules musculaires lisses. Capillaires On les trouve dans tout le derme, mais ils sont particulièrement bien visibles dans les papilles dermiques. Ils ont une membrane basale visible en coloration au PAS, une couche de cellules endothéliales, et en périphérie, une couche de péricytes. Les cellules endothéliales expriment CD31 et CD34. Veines Les parois veineuses sont en général plus minces que celles des artères qui les accompagnent, mais elles ont une lumière plus aplatie et sont souvent coupées longitudinalement. La distinction entre artère et veine n’est pas toujours facile à faire : la lumière de l’artère est plus ronde et c’est la limitante élastique interne ondulée qui permet en général de la reconnaître. Les veinules postcapillaires ressemblent à des capillaires. Quand elles deviennent plus volumineuses, leur paroi devient musculaire. Les grosses veines sont pourvues de valves. Vaisseaux lymphatiques Ils débutent par des sinus borgnes dans le derme papillaire. On ne les distingue que difficilement en situation normale, mais ils sont bien visibles quand ils sont dilatés : ce sont des cavités optiquement vides, limitées par une simple couche de cellules endothéliales, et ils n’ont ni membrane basale, ni péricytes à leur périphérie. Les lymphatiques du derme profond sont plus volumineux et leur paroi est faite de tissu conjonctif et de quelques cellules musculaires lisses. Les cellules endothéliales lymphatiques expriment la podoplanine (marquée par l’anticorps D2-40). Nerfs cutanés On ne les voit habituellement pas sur les colorations de routine jusqu’à leurs terminaisons motrices et sensitives. On reconnaît toutefois facilement les gros troncs nerveux. Les cellules nerveuses apparaissent bien avec des anticorps antiprotéine S100. La présence de neurofilaments démontre qu’il s’agit bien de filets nerveux ; on peut les marquer avec des anticorps antineurofilaments. Le périnèvre exprime l’epithelial membrane antigen (EMA). L’innervation centrifuge de la peau assure la vasomotricité, le contrôle des sécrétions sudorales et la piloarrection. Les nerfs sensitifs ont des terminaisons libres isolées ou au contact des cellules de Merkel ; elles peuvent aussi être annexées aux poils ou aux corpuscules tactiles de Wagner-Meissner ou de Vater-Pacini. Les corpuscules de Wagner-Meissner occupent la hauteur d’une papille. Ils sont ovalaires, constitués de l’empilement horizontal de cellules de Schwann entre lesquelles un axone passe en spirale. Les corpuscules de Vater-Pacini siègent dans l’hypoderme des régions palmoplantaires et génitales. Ils sont facilement reconnaissables grâce à leur structure en lamelles concentriques en « bulbe d’oignon ». Les corpuscules génitaux ou organes terminaux cutanéomuqueux sont observés dans les zones de transition cutanéomuqueuses (lèvres, gland, petites lèvres, clitoris, région périanale). On les trouve dans le derme papillaire. Contrairement aux corpuscules de Meissner, on les voit mal en coloration de routine. Avec une imprégnation argentique, on observe quelques fibres nerveuses qui forment des boucles enchevêtrées. Les nerfs cutanés sont constitués d’un axone entouré de cellules de Schwann, avec ou sans gaine de myéline. On a longtemps douté de l’existence de terminaisons nerveuses dans l’épiderme. Elles existent bien, ainsi qu’en témoignent les marquages avec des anticorps monoclonaux. Les nerfs intraépidermiques sont particulièrement nombreux dans la peau fœtale. Les nerfs sont visibles dans le derme au voisinage des artères et des veines, sous forme de petits amas de cellules ondulées colorées en jaune en HES, ce qui les distingue des fibres de collagène. Hypoderme On y distingue trois composants : le tissu graisseux formé d’adipocytes groupés en lobules, les septums interlobulaires qui sont des tractus conjonctifs qui séparent les lobules graisseux, et enfin, les vaisseaux et les nerfs. Lobules graisseux Ils sont composés par les adipocytes. Ce sont de volumineuses cellules dont le cytoplasme est optiquement vide, puisque leur contenu lipidique a disparu. On voit bien leur contour cellulaire : ce sont des cellules arrondies, possédant un noyau vacuolaire allongé refoulé contre la membrane. Entre les adipocytes, on trouve de petits capillaires. Les adipocytes sont groupés en lobules primaires dont la vascularisation artérielle est de type terminal. Ces lobules primaires sont à leur tour organisés en superstructures qui sont les lobules secondaires, visibles à l’œil nu, et d’une taille d’environ 1 cm. Ces lobules sont séparés les uns des autres par les septums. La distribution architecturale de ces éléments est différente chez l’homme et chez la femme : les lobules graisseux sont plus allongés dans le sexe féminin, séparés par des septums très verticaux, alors que la graisse masculine est organisée en lobules plus arrondis, avec des septums plus irréguliers. Septums interlobulaires Ils sont constitués de lames plus ou moins larges faites de tissu conjonctif avec quelques fibrocytes. On y trouve des artères, des veines et des nerfs dont la structure a été développée plus haut. Ils servent en fait de lieu de passage aux vaisseaux qui vont assurer la vascularisation de la peau. Lésions élémentaires histologiques La terminologie histopathologique est indispensable à connaître pour une confrontation anatomoclinique efficace [1] . Les principaux signes sont illustrés par des exemples photographiques démonstratifs. Lésions épidermiques Modifications de l’épaisseur de l’épiderme et de la couche cornée L’acanthose (Fig. 1) se définit par une augmentation de l’épaisseur globale de l’épiderme, qu’il s’agisse d’une hypertrophie (augmentation de la taille des cellules, comme dans le lichen plan) ou d’une hyperplasie (augmentation du nombre des cellules, comme dans le psoriasis ou la maladie de Bowen), ce qui est le cas le plus fréquent. L’acanthose peut être diffuse ou concerner sélectivement les crêtes épidermiques. Dans ce cas, l’acanthose est dite « psoriasiforme » (Fig. 2), surtout quand cette augmentation d’épaisseur des crêtes est régulière, et s’accompagne d’un amincissement relatif des zones suprapapillaires. En cas d’augmentation sélective d’épaisseur de la couche granuleuse, on parle d’hypergranulose ; le lichen plan en constitue un exemple caractéristique, de même que les lichénifications. Les crêtes épidermiques peuvent être d’aspect massué, leur extrémité inférieure étant renflée, comme dans le lentigo solaire. L’atrophie épidermique correspond à une diminution du nombre de couches cellulaires. Dans les cas extrêmes, il ne persiste que deux ou trois couches cellulaires et l’assise basale disparaît, comme les cellules granuleuses, ce qu’on voit dans le lupus érythémateux et les poïkilodermies. Le dessin papillaire diminue, donnant un aspect rectiligne à la jonction dermoépidermique de l’épiderme atrophique. Ces modifications peuvent s’accompagner d’un épaississement de la couche cornée ou hyperkératose 8 EMC - Dermatologie Téléchargé pour jalal hamama ([email protected]) à Hospital Military Instruction Mohamed V à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur juillet 11, 2021. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2021. Elsevier Inc. Tous droits réservés. Histologie de la peau normale et lésions histopathologiques élémentaires 98-085-A-10 Figure 1. Acanthose et papillomatose majeure, avec hyperkératose dans une verrue vulgaire (coloration hématoxyline-éosine). Figure 3. Porokératose : la classique « pile d’assiettes » est constituée d’une parakératose absolument typique, avec les noyaux persistants dans la couche cornée (coloration hématoxyline-éosine). parition de la couche granuleuse et d’un épaississement de la couche cornée. Elle s’observe principalement dans les maladies où le renouvellement épidermique est accéléré, le psoriasis, mais aussi dans des altérations inflammatoires de l’épiderme (eczéma, toxidermie médicamenteuses, pityriasis rubra pilaire, pityriasis lichénoïde, etc.). Lorsque la parakératose s’associe à une exsudation plasmatique qui apparaît comme un matériel éosinophile souvent accompagné de cellules sanguines, on parle de squamecroûte parakératosique ; on l’observe dans l’eczéma et le pityriasis lichénoïde. Autres modifications épidermiques Figure 2. Acanthose psoriasiforme avec allongement des crêtes épidermiques et amincissement de la zone suprapapillaire, parakératose en surface, dans un psoriasis (coloration hématoxyline-éosine). (cf. infra). Quand l’atrophie épidermique et papillaire s’associe à une vacuolisation de la membrane basale et à une disparition des cellules germinatives, on parle d’atrophie poïkilodermique. L’hyperkératose est un épaississement de la couche cornée. Elle peut être seulement relative quand il existe une diminution de l’épaisseur des stratum spinosum et granulosum sous-jacents. L’hyperkératose a un aspect parfois très compact, comme sur les paumes et les plantes (durillon), ou elle peut être très aérée en réseau (verrues planes). L’hyperkératose peut prendre des proportions considérables dans les cornes cutanées. Si les kératinocytes gardent leur aspect habituel dépourvu de noyau, il s’agit d’une hyperkératose orthokératosique. La parakératose (Fig. 3) se définit comme une persistance des noyaux au sein des cornéocytes. Elle s’accompagne d’une dis- La dyskératose est une maturation cornée précoce de cellules épidermiques isolées. Elle se traduit par une homogénéisation du cytoplasme qui devient fortement éosinophile, et par la disparition du noyau au sein d’une cellule très ronde : les corps ronds de la maladie de Darier en sont un bon exemple. Cette dyskératose est aussi une des caractéristiques des tumeurs épidermoïdes ; quand ces cellules sont groupées, elles forment des globes cornés, typiquement observés dans le carcinome épidermoïde. L’acantholyse (Fig. 4) se caractérise par une perte de la connexion intercellulaire des kératinocytes. Les cellules apparaissent isolées les unes des autres, et ceci conduit à la formation de bulles intraépidermiques, comme dans le pemphigus. Cette acantholyse peut s’observer à tous les étages de l’épiderme ; elle est suprabasale dans le pemphigus profond et sous-cornée dans le pemphigus superficiel et l’impétigo ; elle est diffuse dans la maladie de HaileyHailey. La spongiose se traduit par un écartement des kératinocytes les uns des autres en raison d’un œdème intercellulaire. Les espaces intercellulaires sont clairs et élargis, ce qui donne des images en « mailles ». La spongiose est un signe extrêmement fréquent dans quasiment toutes les dermatoses inflammatoires et n’est jamais spécifique. La spongiose peut aboutir à une désunion des kératinocytes et à la création d’espaces clairs intraépidermiques : les vésicules, qui sont la lésion élémentaire classique de l’éczéma au sens large et tout particulièrement dans la dysidrose. La spongiose s’associe presque toujours à une exocytose, définie par la présence de cellules sanguines au sein de l’épiderme, cellules mononucléées ou polynucléaires (Fig. 5). On parle de pustule quand il existe une accumulation de polynucléaires neutrophiles au sein de cavités intraépidermiques ; la EMC - Dermatologie chargé pour jalal hamama ([email protected]) à Hospital Military Instruction Mohamed V à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur juillet 11, 2021. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2021. Elsevier Inc. Tous droits réservés. 9 98-085-A-10 Histologie de la peau normale et lésions histopathologiques élémentaires Figure 4. Acantholyse avec kératinocytes détachés de l’épiderme, associés à de la dyskératose (cellules très éosinophiles situées en hauteur) dans une maladie de Darier (coloration hématoxyline-éosine). Figure 6. Pustules « spongiformes » avec exocytose de multiples polynucléaires formant de petites logettes, dans la partie haute de l’épiderme : psoriasis pustuleux (coloration hématoxyline-éosine). du cytoplasme. Un œdème majeur peut entraîner une rupture de la membrane cytoplasmique comme dans l’infection herpétique. On peut aussi voir de grandes cellules pâles lors d’une surcharge en glycogène, notamment dans l’acanthome à cellules claires. La vacuolisation de la couche basale se caractérise par l’apparition de petits espaces de clivage immédiatement sous et au-dessus de la membrane basale. Les cellules du stratum basal peuvent en être affectées et montrer des signes de souffrance cellulaire, voire de nécrose. Ce signe est caractéristique des dermites de l’interface, comme le lichen plan, la maladie du greffon contre l’hôte, les toxidermies, le lupus érythémateux, la dermatomyosite, etc. [25] . Ceci entraîne aussi une incontinence pigmentaire, c’està-dire une fuite du pigment vers le derme superficiel ; elle se voit tout particulièrement au stade tardif de l’incontinentia pigmenti et dans l’érythème pimenté fixe. La nécrose kératinocytaire se traduit par des altérations morphologiques du noyau : il devient hyperchromatique ou fragmenté, ou peut persister sous forme d’une silhouette nucléaire. Le cytoplasme est éosinophile et homogène ; on voit ces nécroses dans les toxidermies, où elles sont étagées (dans toutes les couches épidermiques) alors que dans le lichen plan elles sont surtout dans la couche basale. Figure 5. Spongiose, exocytose de lymphocytes et vésicules intraépidermiques, parakératose superficielle : eczéma de contact typique (coloration hématoxyline-éosine). distinction pustule spongiforme (Fig. 6) (associée à des neutrophiles au sein d’une spongiose, comme de multiples logettes) versus pustule uniloculaire (très bien limitée, sans spongiose adjacente) est un peu artificielle, car les deux sont observées très souvent dans les maladies pustuleuses, tout particulièrement le psoriasis pustuleux, la pustulose exanthématique ou l’acrovésiculopustulose qui est d’ailleurs très proche du psoriasis. La spongiose à éosinophiles est caractérisée par l’exocytose de polynucléaires éosinophiles qui accompagne la spongiose. On l’observe dans les toxidermies médicamenteuses, les maladies bulleuses auto-immunes, la gale ou l’incontinentia pigmenti dans sa phase initiale. L’œdème intracellulaire ou la ballonnisation sont définis par une augmentation de taille des kératinocytes et par une pâleur Altérations dermoépidermiques Anomalies du dessin papillaire La papillomatose se traduit par une exagération du dessin des papilles et des crêtes interpapillaires. Elle s’accompagne donc fréquemment d’une acanthose. Quand la surface épidermique reste lisse, il s’agit d’une papillomatose adélomorphe. Mais très souvent, la surface devient irrégulière, avec une alternance de crêtes et de dépressions : c’est la papillomatose la plus courante, appelée papillomatose délomorphe. Inflammation dermoépidermique La jonction dermoépidermique est le siège de beaucoup de processus pathologiques, et constitue une zone-clé pour la physiopathologie de nombreuses dermatoses. On peut diviser les aspects de la pathologie inflammatoire de la jonction dermoépidermique en différents modèles ou patrons qui correspondent à des maladies distinctes ou à des groupes de maladies. La définition de 10 Téléchargé pour jalal hamama ([email protected]) à Hospital Military Instruction Mohamed V à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur juillet 11, 2021. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2021. Elsevier Inc. Tous droits réservés. EMC - Dermatologie Histologie de la peau normale et lésions histopathologiques élémentaires 98-085-A-10 Figure 7. Lichen plan : infiltrat lymphocytaire agressant les couches basales, acanthose et hypergranulose (coloration hématoxyline-éosine). ces patterns a été introduite par Pinkus, puis reprise par Ackerman, qui propose un algorithme fondé sur l’analyse des patterns inflammatoires [26] . Nous en citons six principaux. Modèle psoriasiforme. Les modifications épidermiques sont caractérisées par une acanthose prédominant sur les crêtes, avec un amincissement des zones suprapapillaires. L’inflammation est nette dans les papilles et se complète d’une exocytose prédominant dans les zones suprapapillaires. Le psoriasis bien sûr, mais aussi la dermatite séborrhéique et l’eczéma nummulaire chronique peuvent réaliser ce modèle. Modèle eczématiforme ou spongiotique. L’acanthose épidermique est diffuse et il n’y a pas d’amincissement des zones suprapapillaires. L’inflammation concerne l’ensemble du derme superficiel, et est responsable d’une exocytose prédominant dans les crêtes épidermiques. L’eczéma, les érythrodermies de toutes natures et les lymphocytes T épidermotropes peuvent réaliser de telles images. Modèle lichénien. Le dessin papillaire est inversé et prend un aspect arciforme plus ou moins accentué, en raison de l’agression du sommet de la crête. L’inflammation est dense et borde l’épiderme comme une bande bien limitée. Les cellules empiètent sur la jonction dermoépidermique et sont responsables de nécroses kératinocytaires. L’exocytose est limitée aux couches inférieures de l’épiderme. Le modèle de cette inflammation est réalisé par le lichen plan (Fig. 7), mais on l’observe aussi dans les toxidermies ou les réactions du greffon contre l’hôte. Modèle poïkilodermique. L’épiderme est atrophique et a partiellement ou totalement perdu son relief papillaire. L’inflammation est plus ou moins importante et s’accompagne d’une vacuolisation de la membrane basale. L’infiltrat dermique superficiel est continu mais moins dense que dans le modèle lichénien. On l’observe dans le lupus érythémateux et la dermatomyosite, dans le mycosis fongoïde et dans les radiodermites. Modèle bulleux (Fig. 8). Il se caractérise par un décollement jonctionnel, accompagné d’un infiltrat inflammatoire sous le plancher de la bulle et latéralement, à la limite de la zone clivée, par une exocytose. C’est dans ces zones latérales que l’on peut observer le début du décollement. Cette image est réalisée par toutes les dermatoses bulleuses jonctionnelles autoimmunes, mais aussi par l’érythème polymorphe. C’est dans ce groupe de maladies qu’on continue à utiliser des techniques d’immunofluorescence directe [27] . Inflammation purement papillaire (Fig. 9). Ce modèle d’inflammation n’est souvent pas décrit dans les traités de Figure 8. Modèle bulleux : décollement de la jonction dermoépidermique avec infiltrat dermique, toit de la bulle constitué par l’épiderme entier (pemphigoïde, coloration hématoxyline-éosine). Figure 9. Modèle d’inflammation papillaire, pityriasis rosé : les papilles sont élargies, siège d’un infiltrat et les crêtes épidermiques apparaissent plus minces (coloration hématoxyline-éosine). dermatopathologie. Il est pourtant assez caractéristique : les papilles dermiques sont élargies, avec pour conséquence un amincissement des crêtes épidermiques. L’inflammation prédomine nettement dans les papilles, ou y est même strictement confinée, et est associée à un œdème prédominant à la partie haute de la papille. Ceci est rencontré particulièrement dans le pityriasis rosé de Gibert, mais aussi dans les capillarites purpuriques. Certaines histocytoses langerhansiennes, ainsi que le mycosis fongoïde débutant peuvent réaliser de tels aspects. Il n’y a bien entendu jamais de spécificité absolue pour ces modèles, mais leur reconnaissance permet d’éclairer le diagnostic en définissant des cadres. EMC - Dermatologie chargé pour jalal hamama ([email protected]) à Hospital Military Instruction Mohamed V à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur juillet 11, 2021. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2021. Elsevier Inc. Tous droits réservés. 11 98-085-A-10 Histologie de la peau normale et lésions histopathologiques élémentaires Figure 10. Anétodermie : disparition du tissu élastique dans le derme superficiel et moyen (coloration à l’orcéine). Figure 11. Mucinose folliculaire (coloration bleu alcian). Anomalies dermiques et hypodermiques Lésions dermiques L’atrophie dermique est caractérisée par une diminution de son épaisseur globale, une raréfaction du collagène et une hypotrophie des annexes. Le muscle piloarrecteur est la structure qui reste le plus longtemps conservée. Elle se voit dans la peau sénile. La sclérose se définit au contraire par un épaississement du collagène, qui devient très horizontal. Dans une première phase on voit une apposition de néocollagène à la jonction dermohypodermique, associée à une inflammation lymphocytaire. Au stade de scléroatrophie, les fibres de collagène deviennent hyalines et se rétractent en comprimant les vaisseaux et les annexes. On parle de fibrose pour désigner une augmentation des fibres de collagène et des fibroblastes dermiques. Le terme de nécrobiose ou dégénérescence du collagène se caractérise par une altération de la forme des fibres et de leur affinité tinctoriale : le collagène devient éosinophile et amorphe et perd son caractère fasciculé, comme dans la nécrobiose lipoïdique. La hyalinisation du collagène se traduit par un aspect très homogène, sans fibres visibles, ce qu’on voit dans les radiodermites. L’élastose actinique est une modification du collagène qui apparaît sous l’influence de l’exposition aux ultraviolets (UV) : le collagène du derme superficiel forme des amas amorphes éosinophiles dans le derme superficiel, fortement colorables à l’orcéine (ce qui explique le nom d’élastose, puisque ce tissu prend alors les colorations du tissu élastique). Ces modifications sont observées surtout en zone découverte. Il existe de multiples autres altérations du tissu élastique : l’élastolyse correspond à une disparition totale des fibres élastiques (comme dans l’anétodermie) (Fig. 10) ; l’élastorrhexie se caractérise par une fragmentation des fibres élastiques (comme dans le pseudoxanthome élastique) ; l’hyperélastose caractérisée par une augmentation de la taille et de la densité des fibres élastiques se voit principalement dans le syndrome de Buschke Ollendorff et le nævus élastique. Le derme peut être le siège de surcharges métaboliques ou de substances étrangères. La mucinose (Fig. 11) (dépôts de mucine) et l’amylose (présence de substance amyloïde) (Fig. 12) résultent de processus dégénératifs du tissu conjonctif dermique. La calcinose (ou calcification) résulte de dépôts d’hydroxyapatite, soit en raison de troubles métaboliques, soit simplement par calcification secondaire sur une lésion cutanée inflammatoire, cicatricielle ou tumorale. L’identification de ces diverses substances nécessite le plus souvent des colorations spéciales. Les plus courantes sont le Figure 12. Amylose papuleuse : dépôts éosinophiles dans les papilles (coloration hématoxyline-éosine). bleu alcian pour la mucinose, le rouge Congo ou la thioflavine pour l’amylose et la coloration de von Kossa pour les calcinoses. Les infiltrats inflammatoires du derme peuvent être utilement séparés en différents groupes selon leur topographie et leur disposition propre. On parle d’infiltrat périvasculaire quand les cellules inflammatoires prédominent nettement autour des vaisseaux (par exemple dans la maladie de Jessner-Kanoff), et d’infiltrat interstitiel quand elles sont réparties entre les fibres de collagène, comme dans le granulome annulaire interstitiel. On distingue ensuite les infiltrats superficiels des infiltrats profonds, selon leur localisation dermique. On oppose enfin les infiltrats diffus aux infiltrats nodulaires, qui sont circonscrits en amas relativement bien limités. Certains infiltrats périannexiels sont disposés autour 12 Téléchargé pour jalal hamama ([email protected]) à Hospital Military Instruction Mohamed V à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur juillet 11, 2021. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2021. Elsevier Inc. Tous droits réservés. EMC - Dermatologie Histologie de la peau normale et lésions histopathologiques élémentaires 98-085-A-10 l’atrophie graisseuse idiopathique on a une réduction de taille des adipocytes. Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] Figure 13. Panniculite pancréatique avec phénomènes de lipophagie et calcifications d’aspect bleuté (coloration hématoxyline-éosine). [8] des follicules (mycosis fongoïde pilotrope) ou autour des glandes sudorales (engelure). Il existe de nombreux immunomarquages indispensables dans la caractérisation des infiltrats lymphocytaires malins (lymphomes cutanés et localisations cutanées des lymphomes) ou bénins. [9] Lésions hypodermiques [12] La nécrose de la graisse ou cytostéatonécrose se traduit par la présence d’adipocytes éclatés qui aboutissent à des flaques de graisse fondue légèrement basophile. Les membranes des adipocytes flottent, donnant une image d’adipocytes fantômes caractéristique. Ces lésions s’accompagnent de calcifications précoces, comme dans la panniculite pancréatique (Fig. 13). La résorption graisseuse ou lipophagie se fait par des macrophages et des cellules géantes qui se chargent en gouttelettes lipidiques, ce qui donne un aspect spumeux à leur cytoplasme. L’atrophie graisseuse se traduit par une réduction d’épaisseur de l’hypoderme, qui peut être remplacé par de la fibrose. Dans [10] [11] [13] [14] [15] [16] [17] “ À retenir Les rudiments de la dermatopathologie sont indispensables à connaître pour l’ensemble des dermatologues pour avoir un dialogue efficace avec leurs pathologistes. Il faut être entraîné à la corrélation anatomoclinique, qui permet de comprendre l’organisation, la forme, la taille des lésions et leur nature. C’est par un aller-retour entre le dermatologue, clinicien et usant du dermatoscope, et le pathologiste qui fait l’analyse microscopique que l’on peut avancer dans le diagnostic en dermatologie. Pour ceci, l’aspect de la peau normale, de ses couches et de ses éléments architecturaux est fondamental. Immédiatement vient après les éléments du vocabulaire utilisé par le pathologiste qui sont fondés sur les lésions élémentaires histologiques, qu’on peut presque toutes rapprocher des lésions élémentaires cliniques. La dermatopathologie est le bras armé du clinicien. [18] [19] [20] [21] [22] [23] [24] [25] Cribier B, Battistella M. 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Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels Iconographies supplémentaires Vidéos/ Animations Documents légaux Information au patient Informations supplémentaires 14 Téléchargé pour jalal hamama ([email protected]) à Hospital Military Instruction Mohamed V à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier sur juillet 11, 2021. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2021. Elsevier Inc. Tous droits réservés. Autoévaluations Cas clinique EMC - Dermatologie