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La Meseta

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La Meseta marocaine
Article · December 2017
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Ouanaimi Hassan
Ecole Normarle Supérieure. Cadi Ayyad University. Marrakech. Morocco
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géologie fondamentale : état des connaissances et résultats récents
La Meseta, un terrain vagabond ou la marge fragmentée de l’Anti-Atlas ?
Christian Hoepffner 1 , Hassan Ouanaimi 2 et André Michard 3 .
Par « Meseta » ou « domaine mésétien », les géologues du Maroc désignent les terrains paléozoïques sévèrement déformés et granitisés avant le Trias (voir Michard
et al., ce volume, Figs. 2 et 6). Ils affleurent dans la Meseta marocaine (Massif central, Bloc côtier Rehamna, Jebilet),
dans le Moyen Atlas (Tazekka, Jerada) et plus à l’est (boutonnières de Midelt et du Rekkame, dans la Meseta orientale), et enfin dans le Haut Atlas (massif ancien du Haut
Atlas occidental, Mougueur et Tamlelt dans le Haut Atlas
oriental). C’est typiquement un segment de la chaîne hercynienne ou varisque. En cela, le domaine mésétien
contraste avec celui de l’Anti-Atlas, dont la série paléozoïque est faiblement déformée. Le domaine mésétien
ou, en bref, « la Meseta » est venue s’écraser contre
l’Anti-Atlas, au cours du Carbonifère supérieur, lors de l’orogenèse varisque. Depuis, tout est resté à peu près en l’état.
Certes, il y a eu une tentative de rifting au
Trias-Lias, avortée au Jurassique moyen,
puis recollage des morceaux au Crétacé
supérieur-Tertiaire, d’où est sorti le Haut
Atlas,mais les déplacements relatifs n’ont
pas excédé quelques dizaines de kilomètres le long de la Faille sud-atlasique
(FSA). En revanche, quid des positions réciproques de la Meseta et de l’Anti-Atlas
pendant le Paléozoïque ? Les avis, quand
ils s’expriment, divergent sur ce point de
manière bien peu satisfaisante !
De nombreux spécialistes de la
chaîne hercynienne limitent leur étude à
la partie européenne de celle-ci, en ne
dépassant pas vers le sud le Portugal et
l’Espagne. Ces auteurs ne discutent pas
de la Meseta. Cependant, dans les figures
qui proposent leur vision des temps
paléozoïques, l’Afrique du NW peut inclure la Meseta dans sa position actuelle,
simplement séparée de l’Anti-Atlas par
la FSA (Linnemann et al., 2008, 2014 ;
Kroner et al., 2016), ou bien être tronquée
au ras du Craton Ouest-Africain
(« West African Craton », WAC), comme
si la Meseta devait constituer un des
nombreux fragments cadomiens ou
avaloniens détachés du Gondwana,
à l’instar d’Iberia (Nance et al., 2012 ; Franke et al., 2017).
En revanche, Von Raumer et Stampfli (2008) discutent précisément du problème. Pour eux, la Meseta se
sépare de l’Anti-Atlas au cours du Paléozoïque inférieur et
moyen et finit par se trouver à environ 1 000 km de distance vers le SW (coordonnées actuelles), au Dévonien
moyen-supérieur, de l’autre côté d’un bras océanique
paléotéthysien. En cela, ils s’opposent à la position la plus
anciennement adoptée par les « géologues marocains »,
qui favorisent une proximité constante des deux domaines
et envisagent la Meseta anté-varisque comme une sorte
de marge étirée, fragmentée, de l’Anti-Atlas (Hollard et
Schaer, 1973 ; Michard, 1976 ; Piqué et Michard, 1989 ;
Hoepffner et al., 2005, 2006 ; Michard et al., 2008, 2010).
Pour les équipes ibéro-marocaines qui ont analysé en
détail les relations entre les segments ibériques et
Figure 1. Les domaines varisques de l’Anti-Atlas et du promontoire de l’Ouzellarh (logs A, A’), de la
Meseta au sens strict (log B), du bloc des Sehoul (log C) et de la zone de transition dite Zone Sud-Meseta (logs D, E). Les chiffres cerclés 1 à 5 renvoient aux périodes géodynamiques décrites dans le texte.
Carte simplifiée d’après Michard et al., 2010.
1. Professeur honoraire à la Faculté des Sciences de l’Université Mohamed V, Rabat, Maroc. Courriel : [email protected]
2. Professeur à l’École Normale Supérieure, LGE, Université Caddi Ayyad, Marrakech. Courriel : [email protected]
3. Professeur émérite, Université Paris-Sud, Faculté des Sciences d’Orsay, France. Courriel : [email protected]
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marocains de la chaîne varisque (Simancas et al., 2005,
2009), la Meseta est restée africaine de bout en bout au
Paléozoïque, à l’exception du bloc des Sehoul au nord de
Rabat (Fig. 1). Notre ambition est ici de donner quelques
arguments, les uns classiques, d’autres récents, pour guider le lecteur entre ces thèses contradictoires.
en Meseta. Elles permettent de mieux retracer l’évolution
géodynamique à la marge nord du WAC, entre le rifting du
supercontinent Rodinia et la collision pangéenne. Ce que
l’on reconstitue, c’est en somme l’histoire d’un couple qui
se sépare d’abord, pour mieux se retrouver ensuite. Nous
pouvons y distinguer cinq périodes.
Du nouveau pour le socle
Le rifting cambrien
Voici un argument récent, tiré de datations U-Pb sur
zircon. On connaissait depuis longtemps la présence de
rhyolites probablement néoprotérozoïques (semblables à
celles de l’Ediacarien supérieur de l’Anti-Atlas) sous le
Cambrien de la Meseta occidentale à El Jadida, dans les
Rehamna et dans le Massif central (voir figure 1), mais
cela ne disait rien sur le socle plus profond. La présence de
granite d’âge 600 Ma a été reconnu dans la zone faillée
Rabat-Tiflet (Tahiri et al., 2010), et tout dernièrement à
Goaïda, au cœur de la Meseta centrale (Ouabid et al., 2017).
Dans cette dernière localité, des granodiorites à 625±10 et
des granites à 552±10 Ma ont également été datés. Un
granite à 625 Ma est également connu à Wirgane, dans le
massif ancien du Haut Atlas occidental (Eddif et al., 2007).
Ainsi, tout le cortège des granites édiacariens de l’AntiAtlas est présent dans le socle mésétien.
Il est enregistré par les deux domaines, suggérant
qu’ils sont alors contigus, et marqué aussi bien par les
dépôts que par le volcanisme associé. Celui-ci est précoce
et généralement tholéiitique à l’ouest, plus tardif et alcalin à l’est (voir figure 1, logs A, A’, B). Le rifting progresse du
Cambrien inférieur au Cambrien moyen-Furongien et de
l’ouest vers l’est au nord du WAC. Mais attention, on n’a
aucune preuve de l’existence de serpentinites exhumées par
ce rifting entre les deux domaines ! Les galets de lherzolite cités par Pouclet et al. (2007) dans les calcaires cambriens de l’Ounein à l’ouest de l’Ouzellarh (voir figure 1, log
A’) peuvent provenir de la suture panafricaine voisine.
Un premier indice de la présence d’un socle éburnéen
et d’éléments de la chaîne panafricaine du Cryogénien sous
la Meseta, a été fourni par la présence de zircons datés à
700 Ma et 2 Ga dans des xénolithes remontés par les filons
de lamprophyres permiens des Jebilet (Dostal et al., 2005).
Plus frappant que ces données de « sondage naturel », des
métarhyolites à l’affleurement sous le Cambrien des Rehamna centraux viennent d’être datées à 2 Ga (Pereira et al.,
2015). C’est le premier affleurement de socle de type antiatlasique, et plus largement gondwanien, découvert en
domaine mésétien. A noter qu’il surgit dans la Zone de
Cisaillement de la Meseta Occidentale (ZCMO), cette
cicatrice remarquable entre Bloc Côtier et Meseta centrale. Ainsi, il est encore trop tôt pour généraliser cette indication,si importante soit-elle,à tout le domaine mésétien.
On ignore également si une couverture post-éburnéenne
d’âge Paléoprotérozoïque supérieur (1,7 Ga) est présente
ici comme dans l’Anti-Atlas (Soulaimani, ce vol.).
De nouvelles données stratigraphiques
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On a relevé depuis longtemps les parentés et les
oppositions qui caractérisent la stratigraphie paléozoïque
des domaines considérés (Hoepffner et al., 2005 ; Michard
et al., 2008). Les données récemment obtenues (Fig. 1)
concernent surtout la géochimie des roches magmatiques
cambriennes et la présence d’une émersion ordovicienne
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La marge étirée de l’Ordovicien,
proximale dans l’Anti-Atlas, distale en Meseta
Une tectonique extensive en blocs basculés rend
compte de la présence irrégulière du Furongien et de la discordance du Trémadocien dans les deux domaines (voir
figure 1, logs A, B). On vient de montrer (Ouanaimi et al.,
2016) la présence d’un système de fossés remplis de
couches rouges d’âge Floien en domaine mésétien et sudmésétien (voir figure 1, logs A’, B, D-E). La Meseta marocaine
est alors semblable à la Meseta ibérique et au Massif
Armoricain ; les apports détritiques y arrivent plutôt de l’est
(ceinture magmatique nord-gondwanienne de l’Ordovicien
inférieur) tandis que ceux de l’Anti-Atlas viennent du sud
(plateforme saharienne).
Cependant, après le Floien, les mêmes dépôts silto-gréseux caractérisent les deux domaines : ils forment
une seule et immense plateforme sableuse pendant
quelque 25 Ma ! On ne les distingue qu’à l’Hirnantien, où
des dépôts glacio-marins caractérisent la Meseta tandis
que des moraines et des planchers glaciaires subaériens
se développent dans l’Anti-Atlas. La bordure extrême de
cette plateforme s’annonce seulement dans la zone RabatTiflet,entre Meseta ss.str. et Bloc des Sehoul,par la présence
de coulées basaltiques sous-marines, datées de l’Ordovicien moyen (voir figure 1, log B).
Eustatisme et équilibration thermique du Silurien
au Lochkovien
Le Silurien débute dans les deux domaines par une
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transgression glacio-eustatique (« black shales » à
Graptolites). Un bassin d’équilibration thermique peu
subsident (lacunes fréquentes) va fonctionner ensuite
jusqu’au Lochkovien, se comblant de silts et de shales, les
carbonates apparaissant au Silurien supérieur. La Meseta
se distingue de l’Anti-Atlas par la présence, à sa marge
occidentale (Bloc côtier) d’un magmatisme basique
(basaltes alcalins intraplaques) d’âge Silurien supérieur
(log B). Cependant, un volcan sous-marin est aussi connu
dans l’Anti-Atlas oriental au Lochkovien (log A), atténuant
ainsi les différences entre les deux domaines.
Les prémices de l’orogenèse varisque
C’est probablement l’époque où les deux domaines
se distinguent le mieux. Le domaine de l’Anti-Atlas au
Dévonien inférieur et moyen est caractérisé par le passage graduel d’un bassin surtout détritique, à subsidence
tectonique à l’ouest (bassin des Richs), à un bassin carbonaté et moins subsident à l’est (Anti-Atlas oriental),où il est
bien connu par ses mud mounds. Au Dévonien supérieur,
la tectonique extensive migre dans l’Anti-Atlas oriental où
un système de blocs basculés multidirectionnels définit
des rides surélevées et des bassins subsidents à sédimentation détritique et dépôts de pente (debris flows). Suite à
ces mouvements de blocs,le Fammenien est discordant sur
le Frasnien supérieur. En fait, l’Anti-Atlas partage en cela le
sort de toute la bordure nord-gondwanienne de l’Afrique du
Nord à l’Arabie (Frizon de Lamotte et al., 2013).
La dislocation de la plateforme est plus importante
dans la Meseta qui,elle,appartient au domaine orogénique
varisque (Fig.2).En Meseta occidentale (Bloc côtier et ZCMO)
et dans le Haut Atlas occidental, le Dévonien inférieurmoyen à faciès « Vieux grès rouges » (conglomérats, grès,
pélites) est discordant jusque sur le Cambrien et l’Ordovicien (voir figure 1, log B, à gauche). Une plate-forme carbonatée lui succède, sur laquelle le Famennien est transgressif et discordant. Plus à l’Est en Meseta centrale et
orientale et dans la zone Sud-mésétienne (voir figure 1,
log A, à droite et logs D-E), des calcaires à cherts et des
turbidites distales caractérisent au contraire un bassin
profond à la même époque.Cette paléogéographie suggère
un contexte tectonique extensif ou transtensif jusqu’au
Dévonien moyen-supérieur.
En revanche, une première phase de plissement
se fait sentir dans l’est du domaine mésétien durant le
Famennien-Tournaisien. Cette phase éovarisque est attestée par la discordance du Viséen moyen-supérieur sur les
séries plissées de l’est du Massif central et de la Meseta
orientale (voir figure 1, log B, à droite ; voir aussi Michard
et al.,ce vol., fig. 6). On peut y voir l’effet, sur l’ancienne marge gondwanienne distale, de la subduction liée à la fermeture de l’océan Rhéique, fermeture qui débute alors
(voir figure 2). La dislocation de la marge proximale (AntiAtlas) correspond alors à une extension dans le domaine
avant-arc, attribuable à la convexion asthénosphérique.
Dans le Bloc des Sehoul, la datation à 367 Ma du
granite de Rabat (Tahiri et al.,2010),intrusif dans les schistes
cambriens, montre que la structuration de ce bloc longtemps considérée comme calédonienne,est à rapporter en
partie à cet évènement éovarisque. Le Bloc des Sehoul se
rapprochera de la Meseta au début du Carbonifère le long
de la Zone de faille Rabat-Tiflet (ZFRT, voir figure 1, log C)
De la subduction à la collision varisque
La déformation liée à la convergence LaurussiaGondwana va se développer suivant un rythme et des
modalités très différentes entre les trois régions suivantes :
l’Est de la Meseta, l’Ouest du même domaine et enfin le
domaine de l’Anti-Atlas.
Figure 2. Carte paléogéographique globale du Dévonien supérieur (Frizon
de Lamotte et al., 2013, et références citées). La région entourée d’un
tireté rouge au nord du Gondwana est affectée par la dislocation extensive dès le Dévonien moyen, tandis que plus au nord-ouest se développent
les prémices de l’orogenèse varisque, à la marge de l’océan Rhéique qui se
referme. NGC : Newfoundland-Gibraltar transfert zone.
Dans l’Est de la Meseta, les plis « éovarisques »
sont recouverts d’abord par des calcaires puis par des
séries silicoclastiques. La sédimentation marine peu profonde devient lagunaire puis continentale au Westphalien
supérieur. Un magmatisme calco-alcalin orogénique se
développe du Viséen supérieur au Namurien avec des
laves (andésites, rhyolites, ignimbrites) et des granites
datés à 335-330 Ma. Il n’y a pas de plissement jusqu’au
Westphalien supérieur-Stéphanien inférieur dans ce qui
apparait comme un arc magmatique relativement rigide
(Fig. 3). Enfin, intervient un plissement dit néo-varisque à
grande longueur d’onde (bassin houiller de Jerada). À l’in-
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verse, dans l’Ouest de la Meseta, des bassins se creusent
du Famennien au Serpukhovien, d’abord dans la zone des
Nappes, au front de l’arc oriental, puis en Meseta centrale
et occidentale.Les dépocentres sont limités par des couloirs
de déformation de direction NE et ENE, soulignés par des
dépôts chaotiques (debris flows, olistostromes) passant
aux dépôts silicoclastiques de bassin. Un magmatisme
gabbroïque est associé à ce contexte extensif/transtensif
depuis le Famenno-Tournaisien jusqu’au Viséen supérieur
(log B, à gauche). Il est de nature alcaline-transitionnelle
et tholéiitique, traduisant un amincissement crustal qui
n’atteint pas l’océanisation. On peut y voir un bassin
avant-arc au-dessus de la subduction rhéique.
Plissement, écaillage, mise en place de nappes en
partie synsédimentaires se succèdent bientôt dans ce
sous-domaine mésétien occidental, schistosité et métamorphisme se développant dans les unités profondes. Le
métamorphisme atteint le faciès amphibolite à staurotide et disthène dans les Rehamna, où le pic de pression
est daté > 300 Ma (âge 206Pb/238U sur monazite), tandis
que le pic de température est daté vers 276 Ma (Wernert
et al., 2016). C’est la phase varisque paroxysmale dans ces
régions. Des granophyres se mettent en place dès 330 Ma
dans les Jebilet, accompagnant les gabbros, mais les intrusions granitiques sont essentiellement datées entre 300
et 270 Ma : elles s’étalent longuement du Stéphanien à la
fin du Permien inférieur (Autunien ; log B). C’est une
époque de sédimentation continentale grossière, dans
des bassins sur décrochements en régime transtensif dans
un contexte post-collisionnel. Un volcanisme rhyolitique
et andésitique calco-alcalin à alcalin accompagne l’accumulation détritique dans les bassins mésétiens, mais non
dans le bassin d’Abadla, au sud de Béchar, prolongement
du domaine anti-atlasique en Algérie.
À noter que dans cette reconstitution, la suture
rhéique est localisée à l’ouest de la Meseta occidentale,
cachée sous les eaux de l’Atlantique. Elle n’est observable
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que plus au nord, dans la chaîne varisque hispanoportugaise mais ceci est une autre histoire, du reste fort
discutée (Pérez-Cáceres et al., 2017). Pas de nappe de charriage, de métamorphisme ni de granite varisque dans le
domaine de l’Anti-Atlas. Les séries paléozoïques ne montrent qu’un plissement flexural accompagné de failles de
décollement ou de décrochement, au-dessus d’un socle
faillé (thick-skinned tectonics par inversion des paléofailles
normales). La schistosité n’apparait que tout à l’ouest,
dans le prolongement des Mauritanides (voir Michard et
al., ce vol., Figs. 2 et 5). La déformation et l’émersion consécutive se développent entre le Namurien, à l’Ouest et le
Permien inférieur, à l’Est (Sebti et al., 2009 ; Baidder et al.,
2016). L’Anti-Atlas est une chaîne plissée d’avant-pays pour
l’orogène mésétien comme pour les Mauritanides.
Ainsi, les données nouvelles sur la stratigraphie
paléozoïque comme les données (encore trop ponctuelles)
sur les zircons du socle mésétien plaident, i) pour une
continuité initiale, et ii) pour une contiguïté permanente
au cours du Paléozoïque entre Meseta et Anti-Atlas. La
Meseta est restée gondwanienne malgré les atteintes du
rifting cambrien, qui n’a réussi l’ouverture de l’océan
Rhéique qu’à l’ouest de la Meseta. Examinons encore deux
types de données pour achever d’asseoir cette conclusion.
Structure de la limite Meseta-Anti-Atlas
Le fort contraste de structuration varisque entre
Anti-Atlas et Meseta suppose un découplage entre les
deux domaines pendant l’orogenèse. Il s’est réalisé par le
fonctionnement d’une zone faillée, la Zone Sud-Meseta
(ZSM), limitée au nord par la Faille Sud-Meseta (FSM) et au
sud par un front mésétien montrant localement des chevauchements vers le sud (e.g.,Tineghir voir figure 1, log D).
Le Haut Atlas est superposé à la zone faillée varisque depuis
l’Atlas de Marrakech jusqu’au Tamlelt à l’Est, ce qui ne facilite pas l’étude de la déformation paléozoïque ! Large dans
le Tamlelt, la ZSM s’étrangle peu à peu vers l’ouest. Dans le
Massif ancien du Haut Atlas occidental,
elle se résume à la célèbre Faille du Tizi
n’Test (FTT) que soulignent des pincées
de Trias rouge, liées à ses rejeux alpins.
Les structures synmétamorphiques subméridiennes du domaine mésétien,intrudées par divers granites (Azegour, Tichka), s’interrompent abruptement et
obliquement sur la FTT, suggérant un jeu
décrochant dextre important, pendant
l’orogenèse varisque.
Figure 3. Une interprétation du contexte géodynamique de l’orogène mésétien au Carbonifère inférieur (coupe WNW-ESE en coordonnées actuelles), d’après Michard et al., 2010,modifié. Le bloc des Sehoul
est figuré dans une position antérieure au jeu décrochant de la ZRFT (voir texte).
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En allant vers l’Est,la FSM éclate en
plusieurs branches dans le promontoire
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anti-atlasique de l’Ouzellarh, sorte de poinçon à armature précambrienne sur lequel le Viséen supérieur vient transgresser (voir figure 1 log A’). On aurait là une portion de la
bordure sud du bassin carbonifère de la Meseta occidentale, inversée pendant la collision varisque. À l’Est du poinçon, les boutonnières d’Aït Tamlil et Skoura montrent assez
bien le passage entre les domaines mésétien et anti-atlasique : les nappes mésétiennes d’Aït Tamlil se mettent en
place dans le bassin carbonifère dont les dépôts reposent
sur des séries antéviséennes autochtones discordantes
sur le socle précambrien de l’Anti-Atlas (voir figure 1, log D).
On aurait donc là, avant la collision varisque, le schéma
simple d’un bassin d’avant-pays en contact avec sa marge
sud. À Tineghir, la compression sub-méridienne donne des
systèmes de plis E-O et des chevauchements vers le Sud
impliquant les terrains anté-viséens et carbonifères. Plus
à l’Est encore, dans le Tamlelt, n’affleurent que des terrains
anté-viséens (voir figure 1, log E). La partie la plus au nord
du Tamlelt se rattache au domaine de la Meseta orientale, tandis que le reste correspond à la bordure déformée de
l’Anti-Atlas, affectée par des plis écaillés à vergence sud et
des décrochements ductiles dextres E-O. De récentes investigations dans la boutonnière du Mougueur (Soulaimani
et al.,2016) ont mis en évidence le même type de structures
écaillées vers le sud et décrochantes dextres.
Les embarras du paléomagnétisme
Pour éclairer le problème de la mobilité possible de
la Meseta, on a bien sûr songé au paléomagnétisme.
L’étude de laves cambriennes et ordoviciennes avaient
conduit Feinberg et al. (1990) à proposer l’existence d’un
océan de plusieurs centaines de kilomètres entre AntiAtlas et Meseta, océan qui se serait résorbé durant le
Dévonien. Ces résultats ont cependant été réfutés par des
études plus récentes (Khattach et al., 1995). Des imprécisions sur l’âge des laves ont aussi conduit à des interprétations erronées, comme par exemple le modèle d’un
espace océanique au Dévonien basé sur l’étude de roches
basiques qui se sont révélées jurassiques (Salmon et al.,
1987). Il faut enfin souligner l’importance de la réaimantation permienne qui complique, voire empêche l’interprétation des mesures faites sur les roches plus anciennes.
Aucune étude paléomagnétique ne permet actuellement
d’argumenter le modèle d’une Paléotéthys entre la Meseta et l’Anti-Atlas.
Pour conclure
Les avancées récentes des recherches en Meseta
marocaine n’ont fait que renforcer l’argumentaire, déjà
conséquent, en faveur de la continuité essentielle entre ce
domaine et celui de l’Anti-Atlas : tous deux représentent
la marge nord de la plateforme saharienne du Cambrien
au Carbonifère inférieur, marge proximale dans l’AntiAtlas, marge distale en Meseta. Seul le Bloc des Sehoul,
qu’on associe souvent au terrain Meguma de NouvelleEcosse, a pu appartenir à un terrain séparé de la Meseta
s.s., par un couloir océanique (une ramification de l’Océan
Rhéique) de l’Ordovicien au Dévonien moyen.
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Géologues n°194
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