UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE L’AFRIQUE DE L’OUEST UNITÉ UNIVERSITAIRE À ABIDJAN (UCAO / UUA) FACULTÉ DE DROIT CIVIL Année académique : 2019/2020 Mémoire en vue de l’obtention du Master en Droit Privé OPTION : Recherche Professions Judiciaire DE L'INTERDICTION A LA RÉHABILITATION DE LA DOT EN DROIT IVOIRIEN : NÉCESSITE DE D’UN ENCADREMENT JURIDIQUE Présenté par : sous la direction du M. KOFFI Kouassi Alain Bertrand. Pr Constantin YATALA NSOMWE NTAMBWE Docteur en Droit Pr Associé à l’UCAO Abidjan, Février 2020 SOMMAIRE INTRODUCTION ............................................................................................... 1 PARTIE I : L’INTERDICTION DE LA DOT PAR LA LOI ....................... 8 CHAPITRE 1 : LES RAISONS DE LA PROHIBITION AVANCÉES PAR LE LÉGISLATEUR IVOIRIEN ........................................ 11 Section 1 : Les raisons fondées sur des considérations internes ...................... 12 Section 2 : Les raisons fondées sur des considérations internationales ......... 22 CHAPITRE 2 : LES SANCTIONS PRÉVUES PAR LE LÉGISLATEUR IVOIRIEN ................................................................................. 35 Section 1 : Les sanctions pénales ..................................................................... 36 Section 2 : Les sanctions civiles de la pratique de la dot ................................. 42 PARTIE II : LA RÉHABILITATION ET L'ENCADREMENT JURIDIQUE DE LA DOT ..................................................... 50 CHAPITRE 1 : LA RAISON DE LA RÉHABILITATION: L'INADÉQUATION ENTRE LA PROHIBITION DE LA DOT ET LA PRATIQUE............................................... 52 Section1 : La dot et le respect de la dignité humaine ...................................... 52 Section 2 : La dot et l’escroquerie ................................................................... 70 CHAPITRE 2 : LA NÉCESSITE D'UN ENCADREMENT JURIDIQUE DE LA DOT ................................................................................ 86 Section 1: L'encadrement juridique de la dot en droit Ivoirien........................ 87 Section 2 : La réalisation d'une synthèse législative entre le droit traditionnel et le droit moderne ...................................................... 98 CONCLUSION ................................................................................................ 106 I DÉDICACE Nous dédions ce présent document à nos regrettés père et mère, à nos frères et sœurs. Ainsi qu’à toutes les personnes qui ont eu un impact positif dans notre parcours de vie. II REMERCIEMENTS C’est avec la plus vive gratitude et du fond du cœur que nous remercions les si nombreux contributeurs à notre formation et à la réalisation de ce mémoire. Pardonnez-nous de ne pas pouvoir vous citer tous. Un grand merci : - À notre Directeur de mémoire, le Révérend Père Constantin YATALA NSOMWE NTAMBWE, doyen de la faculté de Droit civil de notre université l'UCAO / UUA, pour l’encadrement scientifique rigoureux et les sages conseils prodigués tout le long de notre parcours universitaire, surtout dans le cadre de ce travail. - Au Révérend Père Bernard KABORE, Président de l'UCAO / UUA, - Au Révérend père Jean-Elysée PAUQOUD, Vice-président de l'UCAO / UUA et à toutes les instances dirigeantes de l'UCAO / UUA - Aux révérends pères TSHIBANGU Didier, aumônier de l'UCAO / UUA - À monsieur OUMAMON Dieudonné, DRH de l'UCAO / UUA, - À monsieur OGAWIN, Directeur de la scolarité, et à tout le personnel du service scolarité. - À l’équipe dirigeante, à tous les professeurs et intervenants de la faculté de Droit Civil de l’UCAO / UUA, pour avoir guidé nos pas dans cette aventure juridique et pour nous avoir inoculé le goût de la recherche scientifique. - Aux Professeurs DANHO Viviane et KOUASSI Raoul - Aux Docteurs N’DRY, DOUMBYA Moussa, DIALO, et SANOGO, enseignants à l'UCAO/UUA, - À Mdes COULIBALY Nicole et LYNE Banie - À tous les bibliothécaires de UCAO/UUA - À son excellente VATE Félicité, diplomate. - A la présidente AYE et à son époux Maitre AYE, Aux couples LATTE, BLE, Et GNEKIBO, - A Mrs Stanislas ADANDOGOU, ASSEMIAN Emanuel, M’BOUA Christian, et LANGUI Christian - À ZIRIGNON Olivier, YAPI Joëlle, DIEKET Kessé et à tous les étudiants qui nous ont soutenu d’une façon ou d’une autre. III AVERTISSEMENT L’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest/ Unité Universitaire d’Abidjan (UCAO/UUA) n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. IV SIGLES ET ABRÉVIATIONS Al Alinéa Art Article AFJCI Association des Juristes de Côte d’Ivoire C. code CA Cour d’Appel CAA Cour d’appel d’Abidjan CERAP Centre de Recherche et d’Action pour la Paix Cf Confer CI Côte D’Ivoire Civ Civil (e) D Revue Dalloz Ed. Edition Et S Et suivant Ibid. Au même endroit IRG Imprimerie Référence Graphique J.O. Journal Officiel J.O.R.C.I Journal Officiel de la République de Côte D’Ivoire L.G.D.J. Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence N°. n° Numéro Op. Cit. Operecitato : dans un ouvrage déjà cité du même auteur. p. Page PUF Presse Universitaire de France PUZ Presse Universitaire du Zaïre Réf Référence Rev Revue Rec recueil RID Revue Ivoirienne de Droit V RJA Revue Juridique Africaine RUCAO Revue de l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest RUDH Revue Universitaire des Droit de l’Homme S. Suivant UIBA Université Internationale Bilingue Africaine V Voir UCAO/UUA Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest/ Unité Universitaire d’Abidjan VI INTRODUCTION 1- La présentation et l’intérêt du sujet « Chassez le naturel, il revient au galop »1. À l’heure actuelle, nombreux sont les auteurs qui s’inscrivent dans la critique des textes de loi et comme l’a écrit Bertrand Mathieu : « songer à la loi, telle qu’elle devrait être, c’est avoir à l’esprit la mystique révolutionnaire de la loi, la loi sacrée, divinisée, œuvre de perfection. Écrire sur la loi, telle qu’elle est, c’est parler d’une règle juridique, subordonnée, relativisée, œuvre imparfaite à la rédemption […] »2. Bien des auteurs se sont penchés sur les questions relatives à la place du droit coutumier dans le fonctionnement du système juridique. C’est une problématique qui soulève de vifs débats et semble-t-il, il conviendrait de définir les termes « coutumes » et « droit coutumier ». En droit, la coutume peut être définie comme « l’ensemble des règles juridiques qui résultent d’un usage implanté dans une collectivité et tenues par elle comme obligatoires » 3 . Le vocabulaire juridique la présente comme « le droit qu’un long espace de temps a rendu obligatoire par la volonté de tous, sans intervention de la loi »4, c’est-àdire, les usages communs et pratiques traditionnelles ayant force de loi. C’est chez HORACE, au cours du dernier demi-siècle avant JESUS-CHRIST, que dans ses épitres, on trouve la phrase ‘’Naturamexpellasfurca, tamenusquerecurret ‘’ Mais c’est Destouches, célèbre dramaturge Français du XVIIIème siècle qui en 1732, dans sa comédie, « Le glorieux » a fait passer l’expression à la postérité. (Voir à propos, Destouches, le glorieux, 1732, in, Les expressions françaises décortiquées, REVERSO Softissimo, 1 http : // www. Expresso.fr) consulté le 20 / 02/ 2019. 2 MATHIEU (B.), La loi, 3e éd, Paris, Dalloz, 2010, p. 1 3 STEINAUER (P.-H.), Le titre préliminaire du code civil. Traité de droit civil, Bal, Helbing & Lichtenhahn Verlag AG, 2008, p. 137. 4 CICERON, cité par CABRILLAC (R.), Dictionnaire du vocabulaire juridique, Paris, Litec, 2002, p 114. 1 Il ressort de ces deux définitions que le terme coutume désigne aussi bien le mode de création du droit que le droit créé par ce procédé 5 . Et le terme « droit coutumier » est défini comme « l’ensemble des règles établies par la coutume »6. En effet, c’est un ensemble des droits locaux qui se sont établis par l’usage et par la commune pratique. En Afrique, ce droit tend à disparaître au profit du droit moderne. C’est ainsi que la dot, un des éléments constitutifs du mariage dans les pays d’Afrique noire, notamment en Côte d’Ivoire, connaît des difficultés. En plus, la dot qui n’avait à l’origine qu’une valeur symbolique, consistait dans la remise d’objets symboliques par le jeune homme et sa famille, aux parents de la fille en vue de sceller le mariage du jeune homme et de celle-ci. En effet, c’est une coutume très diversifiée du fait des particularités de la pratique d’un groupe ethnique à un autre. Cependant, aux dires du législateur ivoirien, avec le temps, cette institution de la dot sera vidée de son noble contenu symbolique d’antan et deviendra contraire aux principes les plus élémentaires de la dignité humaine. Pour cette raison, la dot sera abolie par la loi n° 64-381 du 7 octobre 1964 relative au mariage. De nombreuses années plus tard, le gouvernement ivoirien ayant constaté que l’interdiction formelle de la dot ne freinait en rien sa pratique7 a entrepris une réforme plus complète de la loi relative au mariage afin d’équilibrer et d'améliorer les rapports des conjoints. À cet effet, la loi n° 2019-570 du 26 juin 2019 relative au mariage abroge les dispositions particulières applicables à la dot8. C’est-à-dire 5 Cf. NSOMWE (C.), Le droit ecclésial et la « canonisation » du droit coutumier en Afrique subsaharienne. Pour un droit canonique africain, in, Renaitre à l’humain. Quête de sens et évangélisation en Afrique, Abidjan, RUCAO, n° 40-41, 2013, p. 300. La principale différence entre la loi et la coutume est leur mode de création : l’une est l’œuvre du législateur, l’autre de la pratique. C’est pourquoi la loi est la première source du droit, et la coutume une source subsidiaire et secondaire par rapport à la loi. La coutume a donc une fonction supplétive. 6 7 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 12e éd, Paris, Puf, 2018, p 318. Cf. Annexe : Exposé des motifs du projet de loi relatif au mariage du 26 juin 2019. 8 Cf. LOI n° 2019-570du 26juin 2019 relative au mariage : « La présente loi abroge la loi n° 64- 375 du7 octobre 1964 relative au mariage modifiée par les lois n° 83-800 du 2 août 1983 et n°2013-33 du 25 janvier 2013 et la loi n°64-381 du 7 octobre 1964 relative aux dispositions diverses applicables aux matières régies par la loi sur le mariage et aux dispositions particulières applicables à la dot ». 2 que présentement en Côte d’Ivoire, le principe en matière de dot est la liberté de pratique. Cependant, force est de constater que l’abrogation des dispositions interdisant la dot, réhabilite l’institution de la dot sans l’encadrer juridiquement. En effet, les raisons qui avaient incité le législateur à abolir la dot, n’ont pas changé et les dangers de la commercialisation de la femme menacent encore la société ivoirienne. La fixation de la dot en numéraire pose déjà un problème du fait des allures mercantiles qu'elle prend dans le contexte actuel. Aussi, pose-telle des difficultés surtout au prétendant époux à cause de la surévaluation de son taux. C’est la raison pour laquelle la législation ivoirienne doit réorganiser la dot. Cette réalité sociologique et juridique laisse transparaitre une préoccupation urgente à savoir : pourquoi est-il nécessaire d’encadrer juridiquement la dot en droit matrimonial ivoirien ? Le choix de ce sujet se justifie au regard d’un double intérêt. D’abord un intérêt théorique qui se justifie par le fait que le sujet permet d'influencer positivement la société et l’éducation des uns et des autres à la sauvegarde des valeurs traditionnelles et culturelles. Ensuite, un intérêt pratique dans le sens où il permet d'inciter le législateur à procéder à l'encadrement juridique de la dot tout en appréciant la portée des lois édictées par rapport aux réalités rencontrées dans la pratique. Ainsi donc, il s’agira pour le législateur ivoirien, d’intégrer dans la législation les pratiques traduisant les us et coutumes afin d’assurer l’effectivité et l’efficacité du droit positif sans lequel l’ordre et la cohésion sociale ne peuvent se réaliser puisque, la population n’adhère et n’obéit à une loi que lorsqu’elle y trouve un intérêt légitime qui tient compte de ses aspirations profondes. Comme tout travail scientifique, notre étude se veut un travail de recherche qui s’inscrit dans le temps et dans l’espace. Ainsi, du point de vue spatial, notre étude porte sur toutes les ethnies de la Côte d’Ivoire. Le choix que nous portons sur l’ensemble des ethnies du pays 3 tient simplement au fait que, de par leur diversité culturelle, ces ethnies constituent un foyer de maîtrise de la pratique de la dot et du droit traditionnel. Du point de vue temporel, notre étude se situe dans l’intervalle de 1964 à nos jours. Cette période est marquée par des mutations aussi bien politiques, économiques, sociales que culturelles en Côte d’Ivoire. 2- L’objectif du travail L’objectif poursuivi dans le présent travail est l’encadrement juridique de l’institution de la dot. Cet encadrement permettra d’éviter les dérives qui ont conduit à son abolition passée. C’est-à-dire recadrer l’institution de la dot afin qu’elle soit débarrassée de toutes autres pratiques qui lui sont étrangères dans l’évolution du droit matrimonial ivoirien. 3- La démarche suivie « Tout chercheur débute son investigation par une lecture de la littérature spécialisée tant sur les considérations théoriques du thème retenu que sur les recherches empiriques menées antérieurement par ses prédécesseurs »9. En effet, la technique documentaire met en lumière des chercheurs, d'une part, et des documents supposés contenir les informations recherchées, d’autre part. L’analyse par la lecture des œuvres, aussi bien matérielles qu'immatérielles, produites par l'homme vivant en société. Il a été donc possible d'apporter des éléments de réponse à la problématique en combinant plusieurs éléments d'investigation. D’abord, nous avons mené une recherche documentaire dans laquelle ont été exploités des documents physiques par le biais de la consultation (journaux, articles, mémoires, thèses, ouvrages, etc.). 9 KUYUNSA (B.) et SHOMBA (K.), Initiation aux méthodes de recherche en sciences sociales, Kinshasa, PUZ, 1995, p 54. 4 Ensuite, nous avons consulté des documents électroniques relatifs à notre étude. Après, Le contenu de chaque document a été soumis à une critique afin d'en dégager l'authenticité et la véracité des faits rapportés. Pour le faire, un questionnaire a été établi et d’après la liberté laissée à l’enquêteur, nous avons opté pour des questions de type ouvert et à éventail. Ainsi, notre questionnaire a été administré à cent treize (113) enquêtés, repartis comme suite: 21 étudiants, soit 18,6% des enquêtés ; 17 enseignants soit 15% des enquêtés ; 28 professionnels du droit (juges, avocats, huissiers de justices, greffier) soit 24,78% des enquêtés. Concernant la méthode adoptée, dans l'élaboration de ce travail, nous avons eu recours à la méthode dynamiste. Cette méthode, comme le note Sylvain Shomba KINYAMBA, fonde son originalité sur la saisie à la fois des facteurs du changement social et ceux de la résistance à ce changement. En d'autres termes, « la méthode dynamiste s'intéresse à toutes les forces qui agissent à l'intérieur d'un système social ou de l'extérieur sur ce système, pour sa remise en question comme pour son maintien. »10. À la suite des présupposés de cette méthode, nous cernons à travers ce travail l'évolution de la conception et de la pratique de la dot en Côte d’Ivoire. Il s'agit alors pour nous de relever cette évolution orientée dans le sens de convergence ou de divergence. Chemin faisant, nous relevons les contradictions, les tensions et les conflits que charrie l’évolution de la conception et de la pratique de la dot. Nous sommes sans ignorer qu’en Côte d’Ivoire quel que soit le type de mariage, celui-ci est nécessairement précédé d’une cérémonie de dot. Malheureusement, avouons-le : cette pratique est de nos jours, laissée à la guise des personnes faute d’encadrement juridique. 10 KUYUNSA (B.) et SHOMBA (K.), Initiation aux méthodes de recherche en sciences sociales, op.cit., p 92. 5 4- Les difficultés rencontrées Au compte des difficultés, il est à noter qu’aucune étude scientifique ne se fait sans difficultés. Cependant, ces difficultés sont différentes d’une étude à une autre suivant l'objet d'étude, la nature du terrain et l'importance de la logistique. A la vérité, il n'est pas facile de mener une étude sur une pratique comme la dot qui intéresse et touche toutes les couches de la société étant donné que le mariage reste un évènement clé dans vie de tout individu. Un tel sujet expose le chercheur à la méfiance et à l'évitement des enquêtés déjà traumatisés par les conditions matérielles d'existence. Au cours de nos enquêtes, nous nous sommes heurtés au refus pur et simple de certains enquêtés qui nous renvoyaient parce que, disaient-ils, ils n'avaient pas de temps et d'énergie physique nécessaire à nous consacrer. C’est en d’autres termes, un désintérêt qu’exprimaient ces enquêtés. Pour d'autres par contre, l'annonce de notre sujet de recherche suscitait un sentiment de frustration. Nos explications pour justifier le bien fondé de notre étude ne rencontraient pas souvent un écho favorable auprès de certaines catégories d'enquêtés. Par ailleurs, parce que nous avons tenu à administrer nous-mêmes le questionnaire pour éviter les pertes éventuelles des protocoles ou les reports, nous avons nous même effectué les différents voyages dans les localités pour être au contact d’avec les personnes enquêtées. Ce qui a contribué à l'échelonnement de l'enquête sur plus de jours que prévus. Nous notons également avoir rencontré des difficultés financières et matérielles, ce qui a retardé le déroulement de l'enquête et la rédaction de ce travail. Outre le fait que la modicité de nos ressources avait différé la confection et l'impression de notre questionnaire, elle n'a pas permis la constitution d'un grand échantillon. Aussi, la nouvelle loi du 26 juin 2019 relative au mariage a bouleversé la structure de notre travail, nous obligeant à réviser notre travail de recherche qui était en cours d’achèvement. 6 Néanmoins, notre abnégation et notre engagement ainsi que le concours d’aimables personnes, ont rendu possible la gestion efficace de toutes ces contraintes ayant émaillé les investigations dont les résultats sont présentés dans ce travail. 5- La structure du travail Pour conduire notre réflexion, nous avons dans une étude objective, adopté une démarche analytique et critique essentiellement basée sur la recherche documentaire. Ceci a permis d’analyser dans un premier temps, le contenu de la prohibition de la dot fait par le législateur ivoirien en faisant ressortir la raison de son choix. Aussi, nous avons apprécié les sanctions encourues en cas d’entorse au respect de la loi prohibant la dot, et le degré d’adaptation de cette loi à la réalité culturelle du peuple ivoirien. Dans un second temps, nous analysons l’abrogation des dispositions relatives à l’interdiction de la dot, à travers l’inadéquation qui existe entre la prohibition de la dot et la pratique. Au final, nous apportons quelques observations quant à certains points qui nous paraissent bons, obscurs ou mauvais et proposons d’éventuelles solutions. Dès lors, la réponse à la problématique requiert d’une part, l’analyse de l’interdiction de la dot par la loi (partie I) et d’autre part, les raisons justifiants la réhabilitation de la législation de la dot (partie II). 7 PARTIE I : L’INTERDICTION DE LA DOT PAR LA LOI 8 « In all forms of Governmment the people is the true legislator »11 : dans toutes les formes de gouvernement, c'est le peuple qui est le véritable législateur12. Ainsi, comme l’a dit Théophraste13, les lois doivent être faites en vue de ce qui arrive le plus souvent, et non en vue d'événements extraordinaires. Les législateurs, ajoute Théophraste, ne tiennent aucunement compte de ce qui n'arrive qu'une fois ou deux. Ils justifient en effet, la valeur de la coutume comme source de loi. Pour les formalités préliminaires du mariage 14 , le législateur ivoirien contrairement à certains de ces homologues en Afrique15, a décidé en 1964 de la suppression pure et simple de l’institution coutumière de la dot, aux termes de l’article 20 de la loi du 7 octobre 1964 relative au mariage. 11 EDMUND (B.), Tracts of the Popery Laws”, III edition, In Larousse langue française. Né à Dublin le 12 janvier 1729 en Irlande et mort à Beaconsfield le 9 juillet 1797 en Grande-Bretagne est un homme politique et philosophe irlandais, longtemps député à la Chambre des Communes britannique, en tant que membre du parti whig. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/législat. Consulté le 29 Aout 2019 12 Cf. Législation : Lat. Legislator : celui qui propose une loi. Au sens de ROUSSEAU (J.-J.), celui qui propose et fait adopter par l’organe du pouvoir législatif un corps de règles. In CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 8ème éd revue et corrigée, Paris, presse universitaire de France, 1987, p 596. Théophraste (en grec ancien Θεόφραστος / Théophrastos), 372 av J.-C. Né à Eresos dans l’île de Lesbos, qu’il délivra deux fois, dit-on, du joug des tyrans. Disciple à Lesbos de Leucippe ou Alcippe, puis à Athènes de Platon et d’Aristote, qui changea son nom en celui de Théophraste, pour indiquer la suavité de son langage, il devint, quand celui-ci se retira à Chalcis, le possesseur de sa bibliothèque et le chef du Lycée qu’il gouverna pendant trente-cinq ans. 13 http://agora.qc.ca/dossiers/Theophraste. Consulté le 02 septembre 2018. Voir aussi le petit Larousse illustré 2017. P 1927. 14 Cf. ASSI-ESSO (A-M.), Droit civil. La famille, 4°éd, Abidjan, édition UIBA, 2018, p 17. Les formalités préliminaires du mariage ont pour objet de permettre à l’officier de l’état civil de vérifier que les futurs époux remplissent les conditions de fond du mariage. Elles ne sont plus qu’au nombre de deux : La constitution du dossier de mariage et la remise, dans un second temps, de ce dossier à l’officier de l’état civil. In 15 Cf. Ibid., p 77. Tel est le cas de la Guinée. La dot demeure en droit guinée une condition de validité du mariage. Le législateur guinéen a pris toutefois soin de fixer un montant maximum de la dot. 9 Comme le dit FLAUBERT Gustave dans son œuvre Opinions et croyances : « Les opinions formulées restent de vaines paroles tant qu'elles n'ont pas l'acte pour sanction »16. Par ailleurs, le législateur ivoirien, dans le souci de faire respecter cette loi par tous, après avoir interdit la dot, à prévu dans les articles suivants 17 des sanctions « Les articles 20 et 21 indiquent que toute infraction à la loi sera sévèrement réprimée ? […] Cependant, pour éviter de nombreux abus, le 2ème alinéa de l’article 22 autorise le tribunal à ordonner la restitution partielle ou totale de la dot […] »18. Ainsi donc, nous nous ferons fort à travers la technique de recherche de document, c’est-à-dire ceux dont l'information peut être puisée par la lecture du texte (projets de lois, journaux, articles, mémoires, thèses, ouvrages, etc.), de dégager d’une part les raisons avancées par le législateur (chapitre 1) et d’autre part, les sanctions prévues par le législateur en la matière (chapitre 2) 16 Gustave Flaubert est un écrivain français, né à Rouen le 12 décembre 1821 et mort à Canteleu, au hameau de Croisset, le 8 mai 1880. Prosateur de premier plan de la seconde moitié du XIXe siècle, Gustave Flaubert a marqué la littérature française par la profondeur de ses analyses psychologiques, son souci de réalisme, son regard lucide sur les comportements des individus et de la société, et par la force de son style dans de grands romans comme Madame Bovary (1857), Salammbô (1862), L’éducation sentimentale (1869), ou le recueil de nouvelles Trois Contes (1877). https://citations.ouest-france.fr/citations-gustave-flaubert-316.html, consulté le 02 Juin 2018 17 Cf. Annexe 18 Cf. Ibidem 10 CHAPITRE 1 : LES RAISONS DE LA PROHIBITION AVANCÉES PAR LE LÉGISLATEUR IVOIRIEN Au lendemain des indépendances, comme le témoigne KONE Mariatou et KOUAME N’Guessan, la famille en Côte d’Ivoire va faire face à une mutation socio-économique. Le pays va désormais affronter de nouveaux problèmes liés principalement aux bouleversements économiques et sociaux. Les changements qui sont intervenus pour ainsi dire, sont dus à plusieurs facteurs19. En réponse à la recherche de solution à cette situation, le paiement de la dot devient pour certains chefs de famille, une voie à point nommée d’enrichissement. C’est ainsi que Molière, parlant de la dot, en fait mention dans l’une de ses pièces : « Je trouve ici un avantage qu’ailleurs je ne trouverais pas. »20. Face donc à ce fléau, le pays se dote en 1964, d'une dizaine de lois touchant directement à l'organisation de la famille, favorisant un recueil de lois révolutionnaires défendu par le président Félix Houphouët-Boigny à l'occasion du VIème anniversaire de l'indépendance de la Côte d’Ivoire en août 1966 :« Lorsqu'il nous est apparu que la survivance de certaines traditions constituait un obstacle ou un frein à l'évolution harmonieuse de notre pays, nous n'avons pas hésité à imprimer les changements nécessaires. C'est ainsi qu'après une longue campagne d'explication entreprise par nos militants et nos responsables politiques et administratifs auprès des populations concernées, des textes essentiels ont vu le jour. Un Code civil rénové consacre la suppression de la polygamie et réforme la dot ; un état civil moderne est mis en place »21. Pour Cf. KONE (M.) et KOUAME (N’G.), Sociologie-anthropologie de la famille en Afrique. Evolution des modèles en Côte d’Ivoire, Abidjan, CERAP, 2005, p.123. 19 Le phénomène de l’urbanisation rapide, l’ouverture sur l’extérieur, les contraintes professionnelles, la crise économique, la pauvreté et la misère, le chômage, la délinquance, l’invasion des médias et la précarité des mariages. Molière, Tartuffe, acte I, scène 5. Cité par KONE(M) et KOUAME (N’G), Sociologie-anthropologie de la famille en Afrique. Evolution des modèles en Côte d’Ivoire op. Cit ; p.123. 20 21 Cf. Annexe 11 lui, il est primordial que certaines traditions qui ne riment pas avec l’évolution du pays soient bannies. Pour le faire, le législateur ivoirien a évoqué d’une part des raisons fondées sur des considérations internes (section 1) et d’autre part, des raisons qui sont fondées sur des considérations internationales (section 2). Section 1 : Les raisons fondées sur des considérations internes Parlant ici de raisons fondées sur des considérations internes, nous entendons parler des raisons provenant d’un examen profond (de l’abolition de la dot) lié aux réalités propres du pays22. C’est ainsi qu’à ce niveau, le législateur a avancé d’abord des raisons d’ordre économique (paragraphe 1) et des raisons d’ordre socio- politique (paragraphe 2). Paragraphe 1 : Les raisons d’ordre économique Définie par Jean-Paul COLLEY comme des biens matrimoniaux c'est-àdire « l’ensemble des biens que donne la famille d’un homme à la famille de son épouse au moment (ou avant) le mariage »23, la dot a subi une énorme évolution dans la composition des biens qui la constitue. En effet, si dans les temps passés, la dot ne constituait pas un prix, c'està-dire qu'elle n'était qu'une preuve de l'existence de l'union matrimoniale, il n'en est plus question aujourd'hui. C'est à juste titre que UMEZINWA écrit « c'est un univers déshumanisé où pour survivre il faut exploiter autrui, c'est un monde matérialiste où la seule valeur sociale qui compte est l'argent. »24 Puisque depuis 22 Cf. Le petit Larousse illustré, Paris, cedex 06, 2001, p 395. COLLEYN (J-P.), In KONE (M.) et KOUAME (N’G.), Sociologie-anthropologie de la famille en Afrique. Evolution des modèles en Côte d’Ivoire, op.cit., p.84. 23 24 UMEZINWA (W.), La religion dans la littérature africaine, Kinshasa, PUZ, 1975. 12 la période coloniale, la dot qui était originairement composée que d’objet de rituel, va subir une modification dans sa composition. Laquelle composition s’est de plus en plus accentuée sur les biens pécuniaires (l’argent) pour être essentiellement constituée de montants élevés et souvent même très élevés et fixés par les parents de la fiancée ou discutés par les deux familles. La dot apparentant ainsi à une forme de ‘’commerce’’ de la femme c’est-à-dire à une forme “d’achat de la fiancée“ à sa famille. C’est pour cette raison que le législateur a retenu la dot comme une source de dépenses exorbitantes (A) et comme une source d’escroquerie (B). A- Le coût élevé de la cérémonie de dot comme source de dépenses exorbitantes. Pour le législateur, la dot a au fil des temps perdu le caractère symbolique qu'elle avait à l'origine « Cette institution sur le mariage traditionnel, vidée de son noble contenu symbolique d’antan, étant devenue contraire aux principes élémentaires »25. Ainsi la tradition disparaissant devant l’intérêt et la dot offre aujourd'hui une occasion inespérée à certains chefs de famille peu scrupuleux et cupides, d'en faire un véritable fonds de commerce26. En ce sens, le législateur des indépendances fait écho des dénonciations contre les abus de la dot en matière économique. La pratique de la dot est considérée comme un gaspillage des biens, et combattue dans son rapport à une économie de sous-développement. En effet, la remarque faite par le législateur est claire : le montant de la dot, de plus en plus exorbitant, devient hors de portée des prétendants et la 25 Cf. annexe 26 Cf. Lusungulu (N.), Évolution de la conception et de la pratique de la dot dans la ville de Kinshasa, Mémoire présenté et défendu en vue de l’obtention du grade de licenciée en sociologie, Kinshasa, Faculté des sciences sociales ; administratives et Politiques. Département de Sociologie et Anthropologie, Université de Kinshasa RDC, 2005-2006. https://www.memoireonline.com/05/12/5825/Evolution-de-la-conception-et-de-la-pratique-de consulté le 25 juillet 2011 13 cérémonie de la dot engendre des dépenses excessives. De nos jours, malgré le fait que ce montant soit traditionnellement fixé, dans la pratique, le montant à verser pour la dot est fixé en considération du niveau social de celui qui doit la payer ou du niveau social de sa famille. Des entretiens nous ont permis de recueillir des avis divers. Question : Quelle est pour vous la somme convenable au paiement de la dot ? ATTITUDES OU Nb. OPINIONS cit. Non réponse 1 Fréq. 0,9% ATTITUDES OU OPINIONS3 0-10000 5 4,4% 10000-50000 6 5,3% 78 78 12,4 50000-100000 14 100000-150000 0 0,0% 150000-200000 3 2,7% 200000-+ 6 5,3% PAS DE SOMME CONVENABLE TOTAL OBSERVE 78 113 % 69,0 14 0 1 5 6 3 6 0 Nonréponse 0-1000010000-50000 50000-100000 100000-150000 150000-200000 PASDESOMMECONVENABLE 200000-+ % 100 % Analyse : Pour 69 % des enquêtés, il n’y a pas de somme convenable au titre de paiement de la dot. Ils représentent 78 sur 113 enquêtés. 14 Interprétation : Ce constat est fondamental. En effet, une large majorité des enquêtés confirme que la dot étant une somme symbolique, aucun montant fixe ne devrait être exigé. Mais le montant devrait dépendre non seulement du degré d’amour que l’homme porte à sa future épouse et qu’il désire manifester aux yeux de la communauté ; plus encore, d’un accord entre la femme et l’homme. Ensuite, Henri SOLO soutient fortement que la dot africaine « se présente bien plutôt comme un prix d’achat de la femme que verse le mari à celui qui exerce puissance et autorité, lesquelles étaient à l’origine absolues […] »27. Au vu des faits, il est vrai que cette réflexion datant des années 1950, continue de faire son chemin ; Puisque pour cet auteur en effet, la dot est une source potentielle de revenu des familles. C’est le même constat que fait Sœur Marie-Andrée du Sacré-Cœur quand elle affirme que : « Tout cela se discute, se marchande en palabres interminables entre les deux clans, dont l’un cherche à tirer le plus d’argent possible de l’autre, sans s’inquiéter de savoir si, après avoir tant déboursé pour avoir sa femme, il restera quelque chose au mari […] »28. Aussi, Elle approfondit sa réflexion par ces propos : « Souvent la surenchère fait préférer au jeune homme peu fortuné, le polygame âgé mais riche […] »29 Force est donc de constater que même si toutes les ethnies en Côte d’Ivoire ne fixent pas à la même hauteur le montant de la dot, ce montant pourtant varie SOLUS (H.), Le problème actuel de la dote en Afrique noire, revue juridique et politique de l’union, 1950/1959, p. 461. Voir aussi, AKOUHABA (A), La dot dans le code des personnes et de la famille des pays d’Afrique occidentale française : cas du Bénin Benin, du Burkina-Faso, de la Cote d’Ivoire et du Togo, Danemark, 2009 27 https:// attoungblan.net > culture. Consulté le 30 février 2015 Sœur Marie-Andrée du Sacré-Cœur, La condition humaine en Afrique Noire, Editions Grasset, cité par, DESALMAND (P.), L’émancipation de la femme en Afrique et dans le monde, Abidjan-Dakar, Les nouvelles éditions africaines, 1977, 151 p 28 29 Ibidem 15 de 140 100 Frs CFA comme en pays Tagbana30 à 500 00031Frs CFA dans d’autres contrées. En plus, le montant de la dot, de plus en plus exorbitant, devient hors de portée des prétendants et toutes ces sommes exorbitantes demandées au cours de la cérémonie de la dot par les parents de la femme freinent l’élan des hommes, surtout celui des jeunes de condition économique modeste. Ainsi, seul l’homme qui a les moyens nécessaires pour donner les biens exigés, aura la femme en mariage. C’est le développement fait par Jacqueline COSTA-LASCOUX qui n’en dit pas plus quand elle rapporte que pour effectuer des dépenses qui font partie de la reconnaissance sociale du groupe et de l’individu, pour acheter des biens de consommation onéreux, beaucoup d’africains s’endettent et certains n’hésitent pas à se procurer des fonds ou crédits par des procédés irréguliers...32. Il ressort finalement de ce qui précède qu’après avoir connu une substitution de paiement monétaire à la plupart des dons en nature, dans beaucoup de régions, la dot connait une surenchère. Puisque l’on demande des sommes exorbitantes que bien souvent les jeunes prétendants ne disposent pas. Il est donc impossible à ces jeunes hommes, d’avoir une épouse. C’est la raison pour laquelle le législateur ivoirien, après avoir admis que la dot est devenue une source de bon nombre de comportements antiéconomique dans la société d’hier comme dans celle d’aujourd’hui, et que celle-ci s’est vidée de son noble contenu symbolique d’antan 33 , a opté pour l’interdiction de la 30 Cf. KONE-YOHA (M), cérémonies traditionnelles au pays tagbana. Le mariage traditionnel, 1ère édition, Côte d’ivoire, copyright, aout 2015, p 77- 78 Les Tagbana sont une communauté appartenant au grand groupe Sénoufo résidant dans la région centre-nord de la Cote d’Ivoire. Cette c communauté peuple la partie sud du nord de la Cote d’Ivoire, d’où’ l’appellation de « Sénoufo du nord ». Les Tagbana habitent les départements de Katiola et de Niakara. Cf. KONE (M.) et KOUAME N’(G.), sociologie-anthropologie de la famille en Afrique. Evolution des modèles en Côte d’Ivoire, Abidjan, CERAP, 2005, p.84 31 32 Cf. COSTA-LASCOUX (J.), La lutte contre les comportements antiéconomiques, in Encyclopédie juridique de l'Afrique, Tome X, Les Nouvelles Editions Africaines, 1982, p.138. 33 Cf. annexe 16 pratique de la dot parce que convaincu que cette solution permet d’éliminer les aberrations économiques et monétaires des pratiques coutumières. Ce n’est cependant pas la seule raison économique justifiant la prohibition de la dot en côte d’ivoire. Une autre raison est l'ouverture de la dot au domaine de l'escroquerie. B- La dot, une source d’escroquerie. Dans son article relatant ses recherches sur la pratique de la dot, l’Abbé Simon MPEKE dit sans détour que : « La dot est aussi un moyen idéal d’escroquerie. Le jeune homme donne presque tout sans « reçu » de la part des beaux-parents : l’exiger serait faire une injure à de si honnêtes gens. Mais quand arrive le jour de faire les comptes, surtout dans la perspective d’un remboursement, nos « saints » de la veille nient cyniquement la moitié des sommes perçues et minimisent la valeur des cadeaux. La justice coutumière est arrivée à ajouter automatiquement à la totalité des biens reconnus par la belle-famille, la moitié de ce qu’elle a nié. Les beauxparents exploitent tout dans le jeune ménage. Une mésentente, une naissance, un décès et même la stérilité de leur fille constituent des occasions d’exigences nouvelles et de rites coûteux. Bien plus, le mari doit élever gratuitement les « frères et les sœurs » de sa femme, recevoir et loger indéfiniment tous les membres de sa belle-famille et contribuer aux frais de leurs réjouissances et de leurs deuils. »34. Remarquons que la même conviction ressort des résultats de l’étude menée par Nana Nzolani LUSUNGULU « […] les parents voudraient, par le versement de la dot, se faire « rembourser » les frais qu'ils auraient investis, notamment pour la scolarité de la fille, les différents soins de santé à elle apportés 34 MPEKE Siméon, Ne vendez plus vos filles. Dotez-les, l’Effort Camerounais, n°168, 21 décembre 1958, http://cameroun24 .net consulté le 09 janvier 2019. 17 depuis son jeune âge, ses soins corporels etc. De nos jours, cela transparaît dans la pratique surtout lorsque la fille qui doit être mariée a terminé les études secondaires, supérieures ou universitaires. »35. Tout ceci laisse apparaitre que la dot est l’une des occasions qui permet de percevoir des dons et prestations à plusieurs reprises par les chefs de famille, ou par des individus malhonnêtes. Une idée partagée et développée par COSTA-LASCOUX quand il dit : « certains chefs de famille n'hésitent pas en effet à proposer en mariage à de nouveaux prétendants une fille déjà donnée ou promise en mariage »36. Par ailleurs, lorsqu’il y avait plusieurs prétendants pour la même fille, la famille de la fille faisait des demandes de plus en plus importantes et les prétendants s’inscrivaient dans une concurrence farouche en s’éliminant par des dons spectaculaires37. En plus, NZOLANI insiste par ses propos : « Les parents montent les enchères en exigeant des montants et biens exorbitants à titre de dot. C'est cette conception qui est à la base du dérapage observé dans la fixation de la dot par certains parents. Cette conception de la dot qui tient à l'urbanisation, à la scolarisation des filles et à la paupérisation de la plupart des familles […] ne considère pas le fait que ces « sacrifices » consentis par les parents relèvent bel et bien de leurs devoirs. 35 LUSUNGULU (N.), Evolution de la conception et de la pratique de la dot dans la ville de Kinshasa, Mémoire présenté et défendu en vue de l’obtention du grade de licenciée en sociologie, Kinshasa, Faculté des sciences sociales ; administratives et Politiques. Département de Sociologie et Anthropologie, Université de Kinshasa RDC, 2005-2006. https://www.memoireonline.com consulté le 25 juillet 2011 36 COSTA-LASCOUX (J.), La lutte contre les comportements antiéconomiques, in, Encyclopédie juridique de l'Afrique, Tome X, Les Nouvelles Editions Africaines, 1982, p.138. 37 Cf. AMON née COULIBALY (L), La prohibition de la dot en droit ivoirien, Master II, Droit des affaires, Abidjan, septembre 2006, 90p 18 Il ne s'agit pas des avantages ou des privilèges accordés à la fille, mais plutôt de ses droits inaliénables dont elle doit jouir dans la société moderne. »38 Ainsi, non seulement les taux de la dot variaient sans cesse, mais on voyait aussi des parents qui n’existaient pas, à réclamer à leur gendre un complément de dot, exerçant sur ce dernier un chantage. Or le délit d’escroquerie se définit comme : « délit consistant à porter préjudice à autrui en obtenant d’une personne physique ou morale la remise volontaire d’un bien (chose, argent, document de valeur vénale ou juridique), un engagement, une décharge ou la fourniture d’un service par une tromperie caractérisée (résultant de la prise d’un faux nom ou d’une fausse qualité, de l’abus d’une qualité vraie ou de l’emploi de manœuvres frauduleuses). »39 On assiste donc au délit de l'escroquerie à la dot... Il découle donc de tout ceci que la dot d’une certaine manière, est une source d’escroquerie. En plus des raisons déjà développées, d’autre raisons internes de la suppression de la dot sont exposées par le législateur ivoirien dans l’avant-projet de lois de 196440. Ce sont les raisons sociales et politiques. Paragraphe 2 : Les raisons sociales et politiques Pour parler des raisons sociales et politiques qui ont motivé l’adoption de la loi visant à prohiber la dot dans le droit ivoirien, le législateur de 1964 avait avancé des arguments comme : « […] Combien important de supprimer certaines 38 Cf. LUSUNGULU (N.), Évolution de la conception et de la pratique de la dot dans la ville de Kinshasa, Mémoire présenté et défendu en vue de l’obtention du grade de licenciée en sociologie, Kinshasa, Faculté des sciences sociales ; administratives et Politiques. Département de Sociologie et Anthropologie, Université de Kinshasa RDC, 2005-2006 https://www.memoireonline.com/05/12/5825/Evolution-de-la-conception-et-de-la-pratique-de consulté le 25 juillet 2011 39 Cf. CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 8ème éd revue et augmentée, Paris, PUF, 1987, p 346. Voir aussi Code pénal Ivoirien art 403. 40 Cf. Annexe 19 coutumes qui ne correspondaient plus aux exigences de notre évolution politique, économique et sociale ».41 En effet, pour le législateur ivoirien de 1964, non seulement la tradition doit s’adapter aux changements sociaux et politiques du pays (A), mais plus encore sauvegarder les intérêts communs des ivoiriens (B) A- Le besoin d’adaptation de la tradition aux changements sociaux et politiques du pays. Depuis la colonisation, certains Africains comme HOUPHOUETBOIGNY Denise42 estiment que les difficultés des sociétés africaines proviennent de la culture africaine qu’il faut révolutionner. Aussi, pour l’économiste africaine ETOUNGA-MANGUELLE Daniel : « La révolution culturelle est devenue pour 1 l’Afrique une impérieuse nécessité si ses populations veulent survivre »43. C’est ainsi que, dans une Côte d’Ivoire nouvellement indépendante ayant de nouvelles réalités, et de nouveaux projets, le législateur de 1964, voulant par le moyen de la loi réaliser le dessein que les gouvernants se sont fixés, estima que les réalités et les objectifs du pays ont connu une évolution marquante. « La principale préoccupation de nos leaders consistait à résoudre, dans l’intérêt de nos populations et le plus rapidement possible d’important problèmes fondamentaux de notre siècle intéressant d’une part l’ouest du pays avec le patriarcat et d’autre part l’Est avec le matriarcat. Le but recherché était avant 41 Cf. Annexe Le rapport fait au nom de la commission des Affaires Générales et Institutionnelles élargie à l’ensemble des Députés sur le projet de loi (1) relatif aux dispositions diverses applicables aux matières régies par les lois sur le nom, l’état civil, le mariage, l’adoption, les successions, les donations entre vifs et les testaments et portant modification des articles 11 et 21 de la loi n° 14-12-61 sur le code de la nationalité. Cette commission était composée de MM. ACHI Jérôme et ZAMBLE BI ZAMBLE Cf. HOUPHOUET-BOIGNY (D.), cité par Débats courrier d’Afrique de l’ouest, revue mensuelle n° 45, CERAP/INADES, mai-juin 2007, p 17 42 ETOUNGA- MANGUELLE (D), L’Afrique a–t-elle besoin d’un programme d’ajustement culturel ? Yvry /Seine, Editions nouvelles du sud, 1991, p. 17. 43 20 tout le rapprochement de nos différentes communautés en vue de mieux consolider notre unité nationale »44. En somme, le législateur précise que cette évolution rend caduque certaines coutumes telles que la dot et la polygamie puisqu’il déclare : « combien important de supprimer certaines coutumes qui ne correspondaient plus aux exigences de notre évolution politique, économique et sociale »45. Partant de là, et sans toutefois dire clairement ce qu’il entend par ‘ évolution politique, économique et sociale’’, le législateur laisse transparaitre une urgence de reformer le ‘’corpus iuris’’46. En clair, pour le législateur ivoirien de 1964, la pratique de la dot ne rime plus avec les nouvelles réalités comme les nouveaux objectifs et le besoin urgent d’adaptation de la tradition aux changements financiers sociauxpolitiques du pays impose la suppression de la dot. Une seconde raison dans ce champ d’idée est la sauvegarde des intérêts communs des ivoiriens. B- La sauvegarde des intérêts communs des Ivoiriens. Dans la même veine des raisons sociales et politiques données par le législateur dans le seul souci de justifier le changement qu’il a apporté dans le corps juridique du pays, est comme il l’a si bien affirmé dans l’annexe du procèsverbal : « La somme de nos efforts, une forte majorité s’étant dégagée pour la sauvegarde de nos intérêts communs, a donné naissance au nouveau code civil Ivoirien »47. 44 Cf. Annexe 45 M.FOLQUET (J.) (Député), assemblée nationale, deuxième session extraordinaire 1964. Annexe au procèsverbal de la séance, du 26 Aout 1964, p 1. Le rapport fait au nom de la commission des Affaires Générales et Institutionnelles élargie à l’ensemble des Députés sur le projet de loi relatif aux dispositions divers applicables aux matières régies par les lois sur le nom, l’état civil, le mariage, l’adoption, les successions, les donations entre vifs et les testaments et portant modification des articles 11 et 21 de la loi n° 14-12-61 sur le code de la nationalité. Cette commission était composée de MM. ACHI Jérôme et ZAMBLE BI ZAMBLE 46 Cf. CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, 8ème éd revue et augmentée, Paris, PUF, 1987, p 230. Terme latin qui signifie ‘’corps de règles’’ et désigne un ensemble cohérent de règles ou un recueil de textes de loi au souvenir des grandes compilations justiniennes. 47 Cf. Annexe 21 En effet, le législateur, après avoir estimé qu’aucune raison politique ne justifie la codification de la pratique de la dot, étant donné que la Côte d’Ivoire a, à son actif une pluralité d’ethnies impliquant indiscutablement une différence notable de la pratique de la dot puisque la dot est un fait culturel, a décidé dans un souci d’unité nationale, de soumettre tous les citoyens à une règle unique. Aussi, il ne manque pas d’affirmer dans son argumentation, sa volonté de conduire le peuple de Côte d’Ivoire à son émancipation sociale48. Force est de constater en effet que le nombre d’ethnies en côte d’Ivoire est approximativement une soixantaine et l’on pourrait trouver des coutumes différentes d’un groupe à un autre (par leur culture, leur origine, leurs institutions, leurs structures, ces ethnies sont essentiellement différentes.) Ce qui explique le fait que la pratique de la dot varie d’une ethnie à une autre. En conséquence, le législateur a jugé de l’incompatibilité entre la pratique de la dot et la réalisation de l’unité du pays et ses projets de modernisation. Ce projet qui ne laissait plus de place à certaines pratiques de la tradition comme la dot et la polygamie que n’acceptaient plus les nouveaux dirigeants49 pour qui, le seul modèle était l’occident. Cependant, le législateur ivoirien, ne s’est pas contenté de donner des raisons internes à son acte de prohibition, il a en plus des raisons internes, énoncé des raisons internationales. Section 2 : Les raisons fondées sur des considérations internationales Deux raisons internationales sous-tendent la position hostile du législateur ivoirien comme celle de certains de ses pairs en Afrique de l’ouest à l’égard de la Il nous semble important de préciser ici que c’est un abus de langage d’utiliser dans le cas de la Côte d’Ivoire, l’expression ‘’ code civil’’ puisque l’expression qu’il serait juste d’employer à notre avis est ‘’recueil de loi’ cependant nous utiliserons l’expression ‘’code civil’’ pour être en phase avec tous. 48 Cf. Annexe 49 Ibidem 22 dot. Il s’agit primo, de la violation des droits de l’Homme (paragraphe 1) ; secundo de la suprématie institutionnelle du droit colonial (paragraphe 2). Paragraphe 1 : La violation des droits de l’Homme « L’individu, dans l’accomplissement de son devoir doit trouver en même temps son compte, son intérêt personnel ou sa satisfaction et, de sa situation dans l’État, résulte un droit par lequel la chose publique devient en même temps sa chose particulière ». 50 C’est dire que l’intérêt personnel doit être accordé à l’intérêt général. Dès 1945, « les droits de l’Homme » 51 cesse d’être une affaire purement interne de la législation Française pour devenir un objet de la coopération internationale Un principe supra législatif. Cela est d’autant vrai qu’en Côte d’Ivoire, les droits et libertés tels que définis dans la Déclaration universelle des droit de l’homme de 1948 et dans la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples de 1981 sont des lois constitutionnelles. 52 Ainsi dans la vision du législateur Ivoirien relativement à la dot, il est clair que « Cette institution sur le mariage traditionnel…étant devenu contraire aux principes les plus élémentaires de la dignité humaine sera immédiatement abolie […]»53. Et cela se fonde sur deux 50 HEGEL Georg. (W. F.), Principes de la philosophie du droit. Traduit par André Kaan, Coll. « Tel n°147 » 51 DECAUX (E.), Les Droits fondamentaux, Paris, AUPELF- UREF- UNISAT, p 1. « Dès 1945, au nom des ‘’peuples’’, le préambule de la Charte des Nation Unies proclame : « notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes… ». La déclaration universelle des droits de l’homme, sera adoptée par un vote massif de l’assemblée générale des Nation Unies, le 10 décembre 1948 au palais de Chaillot, à Paris, avec 48 voix pour, aucune voix contre et 8 abstentions. 52 Cf. le préambule de la constitution ivoirienne de 2016 53 M.FOLQUET (J.) (Député), Assemblée nationale. Deuxième session extraordinaire, 1964. Annexe au procèsverbal de la séance du 26 Aout 1964, p 2. Le rapport fait au nom de la commission des Affaires Générales et Institutionnelles élargie à l’ensemble des Députés sur le projet de loi relatif aux dispositions divers applicables aux matières régies par les lois sur le nom, l’état civil, le mariage, l’adoption, les successions, les donations entre vifs et les testaments et portant modification des articles 11 et 21 de la loi n° 14-12-61 sur le code de la nationalité. Cette commission était composée de MM. ACHI Jérôme et ZAMBLE BI ZAMBLE 23 éléments à savoir : la dot comme violation des droits de la femme (A) et la dot comme un obstacle à la liberté des jeunes (B). A- La dot : violation des droits de la femme Les traditions africaines considèrent le mariage comme l’union de deux familles contrairement à la définition légale du mariage qui est celui de l’union de deux personnes. Ainsi, selon la tradition, la femme mariée appartient à sa bellefamille en raison de la participation de cette belle-famille à sa dot54. Laquelle dot qui dans la pensée du législateur ivoirien comme dans celle de Sylvia Marina APATA, Juriste, Experte en Droits de l’Homme et Action Humanitaire, spécialiste des droits des femmes en Afrique, s’apparente dans plusieurs cas extrêmes à un ‘’achat-vente de la femme’’. On aboutit ainsi à ‘’la ‘’chosification de la femme’’ et même des enfants en milieu rural. Cette ‘’chosification’’ s’explique de trois manières. D’abord, la femme est la propriété de la famille de son époux par l’effet de la dot. Ensuite, la compensation matrimoniale qui symbolise la dot reçue par les parents de la femme n’est pas sortie des seules mains de son époux, toute la bellefamille y a contribué. Enfin, lors du décès, « les hommes de la famille du défunt, héritent de la femme. Estimant alors avoir le droit de décider de ce qui est convenable pour elle, ils s’érigent en maitre de sa vie. »55 La dot est une vieille tradition africaine qui est encore pratiquée aujourd’hui et comme c'était le cas il y a des siècles. […] La dot est un procédé de négociation complexe et très formel entre les deux familles pour parvenir à une entente mutuelle sur le prix que le fiancé aura à verser pour pouvoir épouser la fiancée. Cela peut se voir comme un achat vente, mais cette coutume n'a rien à voir en principe avec une transaction commerciale. Ce qui rend la dot si importante pour le mariage en Afrique est qu’elle est basée sur un procédé qui relie les deux familles. Le respect mutuel et la dignité sont présents tout le long du procédé, et l’amour entre l’homme et la femme est élargie pour y inclure la famille proche et large. Mais, comme pour toutes les coutumes traditionnelles, elle est exposée aux abus et aux distorsions. 54 http://mariage.missnianga.com consulté le 25 juin 2019 55 Cf. APATA Sylvia marina, Le lévirat : resocialisation ou déshumanisation de la veuve en milieu rural ? https://www.nofi.mediaConsultée en juin 2019 24 Considérer la dot comme prix ‘’d’achat de la femme,’’ signifie qu’il existe un marchandage, un contrat de vente qui a pour objet, la femme, voire une chosification de la future épouse. Dans ce cas, C’est une atteinte à la dignité de la femme. Or, la déclaration universelle des droits de l’homme dispose : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité »56. La pratique de la dot est alors interdite et cette interdiction est une réponse du législateur à des impératifs de protection des droits de la femme. Le but visé était de faire respecter la dignité de la femme prônée par la déclaration universelle des droits de l’homme, en lui permettant de sortir de la désespérante position d’infériorité dans laquelle la coutume la maintient57. Un autre élément que nous dégageons est : la dot est pour le même législateur, à la base des viols et des violences conjugales 58 et lorsque la femme qui en est victime tente d’en sortir, sa propre famille s’y oppose du seul fait de la dot versée par l’époux et sa famille59. Cette façon de voir la coutume doit être nuancée. Car par exemple au Bénin, au cours de la cérémonie de dot, s'il y a une injonction que les "grandes tantes" ne cessent, ni ne se lassent de faire à la famille du futur époux présente à la cérémonie de la dot c'est : l'interdiction "de porter "main à leur fille. 56 Article premier de la déclaration universelle des Droit de l’Homme du 10 decembre1948 57 Cf. LAGOUTTE (S) et SVANEBER(N), op.cit. p 239. Et BLANC-JOUVAN (X.), Le droit du mariage dans les pays de l'Afrique noire francophone, Ius Privatum, Festschriftfür Max Pheinstein, zum 70 Geburtstagam, 1969, p.928 Cf. La violence à l'égard des femmes est définie par la déclaration de l'ONU sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes (1993) comme : « Tout acte de violence sexo-spécifique qui entraîne ou est susceptible d'entraîner des lésions ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques aux femmes, y compris les menaces de tels actes, la coercition ou la privation arbitraire de liberté, qu'elles aient lieu dans la vie publique ou privée ». 58 59 Cf. « Au cœur des réalités : Les droits des femmes dans la lutte contre le Sida », Human Right Watch, mars 2005, https:// hrw.org/backgrounder/ord. Consulté le 25/09/2008. 25 Il s'agit là d'une mise en garde. Elles affirment en effet que l'acceptation de la dot n'est pas synonyme de maltraitance de leur fille, et si par hasard les époux sont confrontés à un problème ou si particulièrement la femme venait à manquer de respect à son époux, celui-ci n’a d'autres alternatifs que de venir se plaindre auprès du chef de famille de cette dernière. Il lui est formellement interdit de battre sa femme sinon cela peut constituer une cause de divorce60. En dehors des cas précités de la violation des droits de la femme dans le foyer, la dot porte également atteinte à la liberté des femmes divorcées et les veuves. Cela est perceptible dans certaines régions comme au nord et à l’ouest du pays. Car c’est bien de cela qu’il s’agit constamment, puisque, la liberté des femmes veuves ou divorcées est compromise tant que la dot n'est pas remboursée. Étant donné que la dot joue le rôle principal de sceller le lien matrimonial entre les deux familles, tant qu'elle n'est pas restituée après la mort ou la séparation de l'époux, la femme est toujours considérée comme appartenant à la famille de celui-ci. Cependant Malgré le poids des coutumes et des traditions, certaines veuves meurtries parviennent souvent à refuser de se remarier avec le beau-frère imposé par la belle-famille. Elles sont alors battues par leur belle-famille. Généralement, elles ne reçoivent pas de soutien de leurs familles à elles qui bien des fois les rejettent également. Obligées de rembourser la dot aux belles-familles, elles se retrouvent rejetées par leur propre famille et répudiées avec leurs enfants par les belles-familles. C’est pourquoi, APATA Sylvia Marina finit par conclure que “ dans une telle société, où les femmes dans leur généralité sont reléguées au second plan, les femmes […] peinent sous le poids des stéréotypes et des coutumes qui portent fortement atteinte à leur intégrité et dignité. Ces femmes sont également des êtres 60 Cf. APATA Sylvia marina, le lévirat : resocialisation ou déshumanisation de la veuve en milieu rural ? https://www.nofi.mediaConsultée en juin2019 26 humains au même titre que les hommes. Rien ne justifierait alors qu’elles soient si exposées à de telles pratiques qui les déshonorent car une femme qui pleure, c’est toute l’Humanité qui est enrhumée.” B- La dot : un obstacle à la liberté des jeunes La dot pourrait d’une certaine manière constituer une violation des droits de l'homme en ce sens qu'elle est un obstacle pour les jeunes hommes sans grands moyens financiers, donc dans l’incapacité de payer la dot. Ceux-ci ne pourront donc pas se marier. Le paiement de la dot devient ainsi un obstacle à l’accès au mariage pour les jeunes. C’est dans le fond, ce que soulignent KONE Mariatou et KOUAME N’Guessan, en faisant allusion au paiement de la dot par les jeunes et les pauvres : « son paiement est devenu un problème existentiel pour les couches les plus défavorisées de la société assaillie par les problèmes de la vie moderne […] »61. Ils sont rejoints par DESALMAND qui estime que la dot aboutit « à maintenir la majorité des jeunes gens de façon prolongée et parfois pour toute leur vie dans le célibat avec tous les inconvénients qui peuvent en résulter pour l’hygiène et les mœurs. »62 En clair, Le paiement de la dot étant un processus auquel nul ne peut déroger dans le droit traditionnel, l’obtention de la jeune dame comme épouse est refusée au jeune homme dont les moyens financiers ne peuvent pas couvrir les dépenses imposées par le chef de la famille de celle-ci. En réalité, dans le but d’être en mesure de payer la dot, les jeunes hommes s’organisaient et quittaient leur contrée pour l’aventure à la recherche d’argent et KONE Mariatou et KOUAME N’Guessan, Sociologie-anthropologie de la famille en Afrique. Evolution des modèles en Côte d’Ivoire, Abidjan, CERAP, 2005, p 94 61 62 DESALMAND Paul, Lémancipation de la femme en Afrique et dans le monde, les nouvelles éditions Africaines, Abidjan-Dakar, 1977, p 81. 27 de richesse. Il s’en suit naturellement l’accroissement du phénomène de l’exode rural. En plus, s’agissant de la jeune dame, le paiement imposé de la dot, aboutit, d’une certaine manière à supprimer le libre choix du conjoint. En effet, la dot aboutie à livrer les femmes, y compris de jeunes filles à peine nubiles à des vieillards souvent malades, impuissants ou gâteux63. Par manque de moyens, si le jeune qui a librement construit le projet de se marier avec une fille, ne parvient pas à payer la dot demandée, il sera contraint de se séparer de cette dernière pour attendre une autre quand il sera capable de payer la dot demandée pour son mariage. En résumé, d’une certaine manière, la dot apparait comme un obstacle à la liberté des jeunes. Paragraphe 2 : La supériorité du droit colonial Rappelons avant tout qu'en Occident, le système de dot a bel et bien existé et était largement diffèrent de celui qui est pratiqué en Afrique. Pendant très longtemps, le régime dotal a été modifié en Europe en fonction de la pluralité des coutumes qui ont dû s'harmoniser au fur et à mesure du brassage des populations d'origines diverses. « La culture africaine, riche de la diversité des peuples et ethnies, se perpétue en se renouvelant au contact des colonisateurs. La créativité collective et individuelle reste vivace en dépit du processus d’aliénation culturelle »64 Ainsi en France par exemple, les Francs ont pratiqué un régime inverse de celui des Romains. Chez eux, c'était l'époux qui payait la dot de sa femme. C'est la forme que l'on rencontre actuellement dans de nombreux pays en Afrique surtout dans les anciennes colonies françaises. Pour se faire, le législateur Cf. DESALMAND Paul, L’émancipation de la femme en Afrique et dans le monde, les nouvelles éditions Africaines, Abidjan-Dakar, 1977, p 80. 63 LOUCOU Jean-Noël, la Côte d’Ivoire coloniale 1893-1960, les éditions FHB et les éditions du CERAP, 2016, p 223 64 28 ivoirien a purement rejeté la conception africaine de la dot (A) et s’est adonné à un mimétisme du droit français (B). A- Un pur rejet de la conception africaine de la dot Les règles du droit romain en matière de mariage ont considérablement inspiré l’Europe médiévale65 et moderne : « Le régime dotal romain inspirera des articles du code de 1804 […] »66 . Ainsi, dans la culture romaine comme le dit Thomas Sixte K. YETOHOU : « les charges du mariage ou dot sont supportées en général par le chef de famille de la mariée (le père de l’épouse) »67 c'est la femme qui apportait la dot à son mari lors du mariage. Selon Martine Segalen, la dot contribuait ainsi au mariage par un apport économique nécessaire au bon fonctionnement du ménage, puisque « dans la conception romaine, la dot est destinée à compenser les charges financières résultant de la femme et des enfants qui naitront du mariage »68. La dot pouvait venir soit d'un héritage pré-mortem que la femme recevait de sa propre famille en se mariant et qui la déshéritait du reste du patrimoine familial ou alors un échange de nature quasi mercantile entre les deux familles des époux. Au XIXe siècle, et jusqu'à l'extinction de cette pratique aux alentours de 1950, la dot sera un instrument privilégié des stratégies matrimoniales. L'ancien Régime français a privilégié la coutume romaine et cette pratique dotale a survécu quasiment jusqu'au XXe siècle. La synthèse des coutumes franques et romaines a donné aujourd'hui naissance au régime matrimonial de la communauté dans la législation française moderne. Le régime matrimonial de la communauté, 65 Cf. Le petit Larousse illustré, Paris, cedex 06, 2001, p 719Médiéval : Relatif au Moyen Age. 66 GAUDEMET. (J.), Droit privé Paris, Paris, Montchrestien, 2000, p 39. Voir aussi YETOHOU (T), aux origines des systèmes juridiques modernes, l’harmattan, Paris, 2016, p 90 67 YETOHOU (T), Aux origines des systèmes juridiques modernes op.cit., p 90 ROBAYE. R, Le droit romain, tome I : Sources du droit –personnes- successions- biens, Bruxelles, 2ème éd, 2001, Cité par YETOHOU Thomas Sixte. K, Aux origines des systèmes juridiques modernes, le harmattan, Paris, 2016, P 92 68 29 d'une certaine manière est le reflet des contributions respectives des deux conjoints69. En Afrique, par contre, différentes interprétations concernant la signification de la dot ont été avancées par de nombreux auteurs travaillant sur ce sujet. Parmi les différentes définitions données, on retrouve ces trois appellations à savoir gage d'alliance, compensation matrimoniale et paiement de mariage. Même si elles paraissent être synonymes, ces trois appellations insistent chacune sur un aspect différent de la dot. Force est de constater avec KONE. M et KOUAME N’G que « le législateur ivoirien en 1964et 1983 a fait des efforts d’innovation par rapport aux coutumes traditionnelles qui régissaient les populations ivoiriennes et par rapport au droit français dont il s’est en partie inspiré. La loi du 7 octobre 1964 relative au mariage et à la famille, en interdisant la polygamie, la dot, le mariage forcé, la filiation matrilinéaire condamne le « code familial traditionnel »70. Le professeur ASSI-ESSO Anne Marie le dit en ces termes : « dans le droit traditionnel africain, le mariage est une convention […] Cette conception traditionnelle a été abandonnée par le législateur ivoirien pour une conception occidentale. »71. Ce fait est justifié pas les résultats recueillis au cours de nos enquêtes. Il en est ressorti différentes réponses. QUESTION : quelle est pour vous la somme convenable au paiement de la dot ? 69 Cf. M. Segalen, Sociologie de la famille, Paris, 5ème éd, Armand Colin, 2004, p.122 KONE (M.) et KOUAME (N’G.), Sociologie-anthropologie de la famille en Afrique. Évolution des modèles en Côte d’Ivoire, Abidjan, CERAP, 2005, p.84 70 71 ASSI-ESSO (A-M.), Précis de droit civil. Les personnes-la famille, 2e éd, librairie ivoirienne de droit et de jurisprudence, Abidjan, 2002, 439 p 30 Nb.cit. Fréq. ATTITUDES OU OPINIONS3 Non réponse 1 0,9% 0-10000 5 4,4% 10000-50000 6 5,3% 50000-100000 14 12,4% 100000-150000 0 0,0% 150000-200000 3 2,7% 200000-+ 6 5,3% PAS DE SOMME CONVENABLE 78 69,0% TOTAL OBS. 113 100% AT T IT UDES OU OPINIONS3 1 5 6 Non réponse 0-10000 14 10000-50000 50000-100000 3 100000-150000 150000-200000 200000-+ PAS DE SOMM E CONVENABL 6 Analyse : 78 Ce tableau montre cent treize (113) personnes observées. Nous avons soixante-dix-huit (78) personnes pour qui il n’y a pas de somme convenable pour le payement de la dot et 14 personnes pour qui la somme normale pour le paiement de la dot est entre l’intervalle de 50 000 à 100.000 FCFA. Les pourcentages sont : 69% pour aucune somme convenable et 12,4 % pour la somme allant de 50 000F CFA à 100 000F CFA Interprétation : Ces chiffres nous renseignent objectivement sur le montant de la somme versée pour la dot. Ce constat est fondamental. En effet, une large majorité des enquêtés confirme que la dot est symbolique. Donc, il ne convient pas de fixer à cette institution un montant ou un prix qui lui ferait perdre son caractère symbolique. Par ailleurs, une grande part est laissée à l’escroquerie. En définitive, selon le code civil français, en son article 1406, « la dot est donc la fortune accordée à l’homme par son épouse ou par un autre individu pour le compte de l’épouse, dans le but de soulager le mari du poids du mariage ». Cette disposition législative française a largement influencé les législateurs, quatre ans après l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Cette pratique française allant 31 à l’encontre des coutumes ivoiriennes était de nature à cette époque à perturber la compréhension des choses des familles ivoiriennes. De ce fait, on peut très bien imaginer la logique dans laquelle s’est positionné le législateur, lorsqu’il a interdit la dot dans le droit ivoirien. Ce n’est plus un secret pour personne, car, il est clair que la plupart des lois de nos jeunes États démocratiques en construction sont calquées sur les lois françaises, en ce qui concerne les pays africains francophones72. B- Le mimétisme du droit français La compensation matrimoniale n'est pas un contrat d'achat d'une femme. "La propriété de la femme" ne passe pas du clan de la femme à celui du mari. La femme est toujours membre de son propre clan. Cette conception est récusée par plus d'un auteur. D'ailleurs dans son livre Lucy Mair dénonce le fait que ce mot ait été utilisé par les auteurs britanniques et français pour désigner des paiements qui ont pour but de créer des liens de famille. Elle fait la différence entre ce qui est appelé le prix de l'épouse et la dot. En effet c'est en Afrique du Sud que les Européens ont découvert pour la première fois la "coutume du prix de l'épouse" au début du XIXe siècle. Depuis cette époque, des défenseurs des droits de la femme dénoncent cette coutume qui prétendent-ils réduit la femme, ainsi achetée, à une situation d'esclavage73. D’abord le mimétisme du droit français, qui lui a interdit la dot. Le mariage dans la conception occidentale est le résultat exclusif de la volonté des deux conjoints et la dot annihile cette conception du mariage. Elle ne peut donc être tolérée. « Chacun des futurs époux doit consentir personnellement au mariage. » martèle l’article 3 de la loi relative au mariage en Côte d’Ivoire. 72 Cf. DAGRY (M.), La dot interdite dans la loi ivoirienne mais toujours pratiquée, https:// fr.allafrica.com Consulté les 05 juin 2019, 73 Cf. MFOUNGUE (B.), Le mariage africain entre tradition et modernité : étude socio-anthropologique du couple et du mariage dans la culture gabonaise, mai 2012, p106. 32 Pratiquement, après l’accession à l’indépendance des anciennes colonies de la France en Afrique, la Côte d’Ivoire passe pour être le plus francophone des pays francophones d’Afrique au sud du Sahara, du fait que, des législateurs africains de 1960, celui de la Côte d’Ivoire est sans ambiguïté de ceux qui ont le moins œuvré pour la sauvegarde de leurs pratiques culturelles. Pour ainsi dire, le législateur ivoirien dans l’avant-projet de loi de 1964, note clairement que : « les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 1er du présent texte ne sont pas applicable en ce qui concerne la dot. Cette institution sur le mariage traditionnel, vidée de son noble contenu symbolique d’antan, étant devenue contraire aux principes les plus élémentaires de la dignité humaine sera immédiatement aboli après le vote de notre code civil ».74Il marquera ensuite que : « ce texte signifie enfin que notre progrès social correspond à une aspiration profonde d’innovation originale et d’adaptation à la réalité sociale d’un pays aux traditions particulières et complexes »75. L’analyse de ces expressions du législateur laisse entrevoir clairement que L’esprit qui a présidé à l’élaboration de ces lois est celui d’une forte référence au Droit français et une légère considération du Droit spécifique issu du contexte ivoirien car, il est clair, avouons-le : ce n’est pas la pratique de la dot en elle-même qui a subi un changement pour de ce fait devenir contraire aux principes élémentaires des droits de l’homme comme l’affirme le législateur, mais c’est visiblement le regard que porte le législateur sur cette institution qui a subi un changement puisque celui-ci qualifie cette institution au regard de la législation française et non au regard des réalités du droit traditionnel qui existait. En effet, le colonisateur, dans sa politique d’assimilation ayant entrepris d’appliquer sa loi et par la même, a éradiqué certaines pratiques traditionnelles, 74 Cf. FOLQUET (J.) (Député), Assemblée nationale, deuxième session extraordinaire 1964. Annexe au procèsverbal de la séance, du 26 Aout 1964, p. 6. 75 Ibidem. 33 telles que la polygamie, les rites de veuvage, la dot ou l’excision 76. Mais lorsque la Côte-d’Ivoire a accédé à l’indépendance, il lui a fallu s’organiser en tant qu’État, c’est-à-dire se donner une constitution et des institutions et, plus particulièrement, adapter le droit des personnes et de la famille. Le législateur ivoirien se trouvait devant une situation délicate : une minorité de personnes étaient justiciables du Droit civil français, alors que la quasi-totalité de la population était régie par le droit coutumier. Il a donc opté pour la primauté du droit du colonisateur sur le droit traditionnel d’alors, dans l’élaboration des textes. Le droit adopté en Côte d’Ivoire avait donc été fortement calqué sur celui du droit français77. 76 Cf. Loi Française du 24 avril 1833 disposait dans son article premier : « Toute personne née libre ou ayant acquis sa liberté jouit dans les colonies françaises, des droits civils, des droits politiques sous les mêmes conditions prescrites par la loi ». Cette loi impliquait le principe de l’application directe des textes métropolitains dans les colonies françaises. 77 Cf. RAULIN (H.), Le droit des personnes et de la famille en Côte d’Ivoire. Publié le 7 janvier 1969, https://www.documentation.ird.fr consulté le 05 février 2014. 34 CHAPITRE 2 : LES SANCTIONS PRÉVUES PAR LE LÉGISLATEUR IVOIRIEN Afin d’harmoniser la vie en société et d’assurer la protection efficace des exercices des droits et libertés de chaque individu qui la compose, tout en ménageant l’intérêt général, les législateurs ont constitué une sorte de voie qui donne force à la loi. Cette voie, c’est la sanction qui peut être pénale ou civile. Pour parler de la sanction pénale liée à la pratique de la dot, le législateur Ivoirien, considérant la dot comme un avantage matériel, a donné à cette institution une apparence négative pour la société ivoirienne. Raison pour laquelle il l’a interdit immédiatement après l’indépendance du pays et ont été prévues pour la pratique de la dot, des sanctions que le même législateur a jugé nécessaires pour mettre un terme à cette pratique. Il va donc matérialiser ces sanctions au travers des articles 21 et 22 et 23 de la loi N° 64-381 du 7 octobre 1964 sur le mariage78. Il faut néanmoins distinguer dans cette loi, les sanctions civiles des sanctions pénales énoncées par le législateur. Cf. Art 21 de la loi n°64-381 du 7 octobre1964 : « […] sera puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende double de la valeur des promesses agréées ou des choses reçues ou demandées, sans que ladite amende puisse être inférieure à 50000 francs, quiconque aura, en violation des dispositions de l’article précédent, soit directement, soit par personne interposée, que le mariage ait eu lieu ou non : 78 . Sollicité ou agréé des offres ou promesses de dot, sollicité ou reçu une dot ; . Usé d’offres ou de promesses de dot ou cédé à des sollicitations tendant au versement d’une dot […] » Art 22 de la loi n°64-381 du 7octobre 1964 : « […] Sera puni des peines portées à l’article précédent, quiconque, agissant comme intermédiaire, aura participé à la réalisation des infractions prévues audit article […] ». Cette loi va encore plus loin en disant qu’en cas de divorce selon l’article 23, « les dots versées à l'occasion des mariages contractés antérieurement à la promulgation de la présente loi ne pourront donner lieu à répétition. Toutefois, en cas de divorce prononcé aux torts et griefs exclusifs de l'épouse, le tribunal pourra en ordonner la restitution partielle ou totale ». 35 Section 1 : Les sanctions pénales La sanction pénale est définie dans un sens restreint comme « une peine79 infligée par une autorité à l’auteur d’une infraction, une mesure répressive destinée à le punir »80. En effet, la sanction pénale tire sa raison d’être dans le fait de la commission d’une infraction pénale qui trouve sa source dans un fait réprimé par la loi. Aussi, « la souffrance, élément essentiel de toute peine, peut consister dans la privation […] de biens acquis, tels que les droits de propriété, des biens naturels tels que les libertés ».81 Ainsi, nous pouvons distinguer au niveau des sanctions pénales : les peines privatives de liberté (l’emprisonnement) et les peines pécuniaires (l’amende). Il importe de noter qu’une infraction dans sa commission, peut n’avoir infligé en apparence aucun dommage à un individu, et sa sanction est fixée par la loi. C’était le cas de l’incrimination de la pratique de la dot dont la sanction se révélait par une peine d’emprisonnement et le paiement d’une amende. À cet effet, la loi N° 64-381 du 7 octobre 1964 sur le mariage en ces articles prévoyait des sanctions pour tous ceux qui vont contre l’interdiction de la dot en Côte d’Ivoire82. Cette loi allait encore plus loin en disposant qu’en cas de divorce selon l’article 23, « les dots versées à l'occasion des mariages contractés GARRAUT (R.), Précis du droit criminel, explication du code pénal, du code d’instruction (Ed. 1885), deuxième édition (revue et corrigée), LAROSE ET FORCEL, Paris, 1885, p 6 79 Le mot « peine » indique, dans son acception ordinaire, une douleur ; dans le sens technique, que nous lui donnons ici, la peine est, la peine est une souffrance, que le pouvoir, au nom de l’intérêt publics, fait subir à l’homme reconnu coupable d’un délit prévu par la loi, en vêtu d’un jugement proclamant la culpabilité, en retour et, autant que possible, en proportion du mal dont cet homme est lui-même l’auteur ou le complice. 80 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 12e éd, Paris, PUF, 2018, p 792 GARRAUT (R.), Précis du droit criminel, explication du code pénal, du code d’instruction (Ed. 1885), deuxième édition (revue et corrigée), op. Cit., p 6 81 Cf. MELONE (S.), Encyclopédie juridique de l’Afrique. Doit des personnes et de la famille, nouvelles éditions Africaines, Abidjan. Dakar. Lomé, tome sixième, 1982, p. 177. 82 36 antérieurement à la promulgation de la présente loi ne pourront donner lieu à répétition. Toutefois, en cas de divorce prononcé aux torts et griefs exclusifs de l'épouse, le tribunal pourra en ordonner la restitution partielle ou totale ». À cette étape de notre recherche, notre analyse portera d’une part sur la peine d’emprisonnement (paragraphe 1), et d’autre part sur la peine d’amende (paragraphe 2) Paragraphe 1 : La peine d’emprisonnement La peine d’emprisonnement, nous dit le vocabulaire juridique, est une peine privative de liberté qui s’exécute généralement dans une maison d’arrêt et/ou de correctionnelle 83 . La peine d’emprisonnement a été instaurée « afin d’harmoniser la vie en société et d’assurer une protection efficace de l’exercice des droits et libertés de chaque individu qui la compose, tout en ménageant l’intérêt général, les législateurs ont constitué une sorte de code moral du comportement et l’enfreindre exposerait l’auteur de cette infraction à une sanction pénale »84. Ainsi il ressort des articles 21 et 22 de la loi précitée, deux éléments principaux à savoir : l’échelle de la peine(A) et les personnes visées par la peine(B) A- L’échelle de la peine privative de liberté L’échelle de la peine est la durée pendant laquelle la sanction pénale doit en principe être appliquée au délinquant. En vertu du principe de la légalité criminelle85, l’échelle de la peine est définie par la loi. 83 84 Cf. CORNU (G.), vocabulaire juridique, 12e éd, Paris, puf, 2018 p 627 ACCAD (L.), Définition des comportements délictueux, in, MANGIN (G.), op.cit., p19 Cf. Article 13 du code pénal ivoirien : « le juge ne peut qualifier d’infraction et punir un fait qui n’est pas légalement défini et puni comme tel. Il ne peut prononcer d’autres peines et mesures de sureté que celles établies par la loi et prévues pour l’infraction qu’il constate. 85 L’application par analogie d’une disposition pénale à un fait qu’elle n’a pas prévu est interdite ». 37 C’est ainsi que dès 1964, Les législateurs ivoiriens et gabonais qui se sont prononcés sur l’abolition de la dot, n’ont pas manqué de prévoir des sanctions pénales pour en assurer le respect. En effet, l’Assemblée nationale gabonaise a voté à l’unanimité l’interdiction de la dot sous peine d’un emprisonnement de trois (3) mois à un (1) an86. Quant à la Côte d’Ivoire, Le 7 octobre, le législateur ivoirien a suivi l’exemple de son homologue gabonais ; Cependant, il s’est montré particulièrement plus sévère, étant donné qu’il a édicté une peine d’emprisonnement de six (6) mois à deux (2) ans 87 « […] sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans […] ». En effet, la sévérité de la peine d’emprisonnement fait montre de la logique dans laquelle s’est rangé le législateur quand il a interdit la dot : faire disparaitre totalement et le plus rapidement possible cette institution coutumière du droit ivoirien. En outre, dans sa volonté de réaliser l’accord du droit avec ses projets politiques et économiques liés au capitalisme libéral, le législateur ivoirien, a montré une fois de plus sa volonté indéniable d’éradiquer la pratique de la dot par une conception extensive de la participation criminelle pour élargir la répression au milieu coutumier : « Que le mariage ait eu lieu ou non »88. B- Les personnes visées Le législateur Ivoirien, dans la loi du 7 octobre 1964 relative au mariage, a pris soin de prévoir les parties (qui à l’opération de la dot) contre qui devait s’appliquer les sanctions : 86 Cf. Loi gabonaise n° 20-63 du 31 mai 1963, JO, 1er juillet 1963. 87 Cf. Lois n° 64-378 et 64-381 (art. 20-22) relatives au mariage, JO, 27 octobre 1964. 88 Ibidem 38 « Quiconque aura soit directement, soit par personne interposée : 1°) sollicité, agréé des offres ou promesses de dot ; sollicité ou reçu une dot ; 2°) usé d’offres ou de promesses de dot, ou cédé à des sollicitations tendant au versement d’une dot » et l’article 22 de la même loi ne manque pas de préciser que les personnes agissant comme « intermédiaire » ou ayant simplement « participé » à la réalisation de l’infraction, encourent les mêmes peines. En effet, l’incrimination frappe d’un côté les parties principales à l’opération de paiement de la dot et de l’autre côté, les intermédiaires à l’opération. Dans la première catégorie, c’est-à-dire les parties principales à l’opération, sont classées d’abord les personnes qui paieront, offriront ou accepterons de payer la dot. En général, ce sont les personnes ayant autorité sur la femme promise en mariage. Les concernant, la faute consiste en ce qu’ils ont enfreint la loi en exigeant une dot, qu’elle leur ait été remise ou non et l’infraction se trouve constituée du seul fait que le versement de la dot a été posé comme une condition de l’union des deux conjoins. Ensuite, viennent les personnes qui paieront, offriront ou accepteront de payer la dot. Ici l’incrimination porte non seulement sur le paiement effectif de la dot et l’intention de faire une offre ou une promesse. Mais plus encore, sur l’acceptation ou le non refus d’une demande de paiement émanant de l’autre partie. Dans la seconde catégorie, c’est-à-dire, la catégorie des intermédiaires, sont classées les personnes proches et les intérimaires désignés soit par un parent soit par un ami. Ces intermédiaires encourent les mêmes peines que les parties principales. 39 En clair, en incriminant la dot, le législateur n’a pas manqué de prévoir une sanction pour toute personne qui aurait une part active ou non dans le paiement de la dot. Paragraphe 2 : La peine d’amende La peine d'amende est considérée sur le plan juridique comme une sanction pécuniaire qui oblige la personne condamnée à payer une somme d'argent à l'État. Nous allons voir en détail en quoi elle consiste exactement. Cette peine qui s’applique aussi bien aux personnes physiques qu’aux personnes morales, est encourue à titre principal en matière contraventionnelle et correctionnelle (A) et à titre complémentaire en matière criminelle (B). Son montant dépend de la gravité de l’infraction89. A- La peine d’amende, une peine à titre principal L’amende est une « pénalité pécuniaire consistant dans l’obligation de verser au trésor public une somme d’argent déterminée par la loi et le plus souvent fixée par le juge entre un maximum et un minimum légal »90. L’amende est prononcée à titre de peine principal lorsqu’elle est prévue par la loi pour une infraction donnée. Or, dans le cadre de notre étude, selon l’article 21, de l’ancienne loi sur le mariage précité, la peine d’amende avait été prévue par le législateur ivoirien au double de la valeur des promesses agréées ou des choses reçues ou demandées, sans que celle-ci puisse être inférieure à 50000fcfa. D’ailleurs, pour fixer et prononcer le montant de l'amende, le juge tient compte du maximum prévu par le texte de loi, les ressources ainsi que les charges de la personne qui est condamnée. 89 Cf. Direction de l’information légale et administrative (premier ministre), Amendes, https://www.service-pulic.fr, consulté le 20 mai 2019 90 CORNU Gérard, Vocabulaire juridique, 8e éd. Revue et augmentée, Paris, Puf, p 51 40 C’est assurément dans cette optique que s’inscrit le législateur ivoirien quand il fixe une amende double de la valeur des promesses agrées ou des choses reçues ou demandées, cette amende ne pouvant pas dépasser 50.000f CFA91. Il nous est important de préciser de notre part que l’amende édictée ici par le législateur est une peine accessoire qui est rattachée automatiquement par la loi à la peine d’emprisonnement. B- Une peine accessoire « Les peines accessoires sont des peines qui résultent de plein droit de la condamnation et qui s’applique, en conséquence, sans que le juge les prononce. »92. Elles se différencient des peines complémentaires, en ce sens que : « Les peines complémentaires sont des peines prévues pour certaines infractions et destinées à compléter les peines principales. Elles ne sont pas automatiques et doivent être prévue par la loi ou le règlement et être expressément prononcées par le juge »93 . Mais le législateur va encore plus loin en prévoyant au moyen de l’article 23 de la loi précitée : « les dots versées à l'occasion des mariages contractés antérieurement à la promulgation de la présente loi ne pourront donner lieu à répétition. Toutefois, en cas de divorce prononcé aux torts et griefs exclusifs de l'épouse, le tribunal pourra en ordonner la restitution partielle ou totale »94 Pour ainsi dire, le droit ivoirien de l’indépendance, tout en faisant allusion aux dénonciations faites contre les abus de la dot, s’intéresse moins à la prévention des systèmes traditionnels contre les séquelles de la colonisation et les spéculations des sociétés modernes que de promouvoir de nouvelles valeurs fondées justement sur un type d’économie. 91 Cf. Art 21 op.cit. 92 BEZIZ-AYACHE (A.), Dictionnaire de la sanction pénale, Paris, ELLIPSE, 2009, p 108 93 Idem, p 110 94 Cf. Art 23. Op.cit. 41 De ce fait, cette sanction montre bien que pour le législateur ivoirien, la dot est un gaspillage de biens, et doit de ce fait être combattue dans son rapport à une économie de sous-développement95. Section 2 : Les sanctions civiles de la pratique de la dot En droit moderne, la responsabilité civile apparait comme un mécanisme visant à rétablir par compensation en nature ou en dommages-intérêts l’atteinte portée à une valeur patrimoniale ou extrapatrimoniale d’autrui. Elle se distingue de la responsabilité pénale par le fait qu’elle est essentiellement protectrice des intérêts de la victime alors que la sanction pénale est conçue dans l’intérêt de la société96. En ce qui concerne l’infraction liée à la dot versée à l’occasion du mariage, le législateur, ne voulant pas permettre aux bénéficiaires de la dot de la conserver injustement et pour lutter efficacement contre cette pratique a prévu la restitution du prix versé. Par conséquent, Après avoir considéré l’acquisition de la dot comme un avantage matériel pour ceux qui la reçoivent, le législateur ivoirien n’a pas manqué d’assortir l’interdiction de la dot de sanction civile au travers de l’article 23 de la loi sur le mariage de 196497. Il a volontairement semble-t-il laisser toute latitude aux magistrats de régler le sort des dots versées en contradiction de la loi a l’occasion des litiges devant les tribunaux. Cf. MANGIN (G.), Le droit pénal de la famille et des personnes. L’escroquerie à la dot, in, encyclopédie juridique de l’Afrique. Droit pénal et procédure pénale, tome deuxième, Abidjan. Dakar. Lomé, les nouvelles Editions Africaines, 1982, p 141 95 96 Cf. AGBOYIBOR (Y.), Généralités sur le droit de la responsabilité civile, In, BOYE Abd-EL, encyclopédie juridique de l’Afrique. Droit des contrats et de la responsabilité, Dakar, 9éme tome, les nouvelles éditions africaines, 1982, p279 Cf. Article 23 alinéa 1 de la loi de 1964, dispose que « les dots versées à l’occasion des mariages contractées antérieurement à la promulgation de la présente loi ne pourront donner lieu à répétition. ». 97 42 Il semble alors que le demandeur peut agir en justice de deux différentes manières : Soit, il agit devant les juridictions civiles en invoquant la nullité du versement de la dot ou en s’appuyant sur d’autres moyens comme la responsabilité délictuelle. Soit, il se constitue partie civile à l’occasion d’une poursuite pénale devant le juge répressif, pour obtenir la réparation du préjudice qui lui est causé par l’infraction du versement de la dot98. La restitution est fondée premièrement sur la nullité de la dot que ce soit devant le juge civil ou devant le juge pénal (A) et secondairement sur d’autres causes (B). Paragraphe 1 : La restitution de la somme versée fondée sur la nullité de la dot Le législateur de 1964, après avoir clairement prohibé la dot, n’a pas expressément mentionné dans la loi la nullité de la dot. Mais cette nullité découle de l’esprit même du texte, puisque, l’acte principal consistant au versement de la dot était prohibé. Il est notoire que le bon sens suffit pour dire qu’il y a nullité implicite de la dot. C’est la raison pour laquelle après avoir déterminé la nature de cette nullité (A), nous nous ferons forts de traiter de la restitution de la somme versée à la dot(B). A-La nature et le domaine de la nullité A la question de savoir si la somme versée pour la dot est frappée d’une nullité absolue ou d’une nullité relative, puisque le principe en matière de nullité est clair quand il établit d’une part qu’en matière de nullité relative, la sanction est dirigée vers toute règle violée relative à un intérêt privé : il s’agit d’une nullité de protection. D’autre part, en matière de nullité absolue, la sanction est dirigée Cf. l’action civile devant le juge répressif : article 2 de la loi N°60-366 du 14 novembre 1960, portant institution d’un code de procédure pénale, modifiée par la loi N° 66-231 du 29 juin 1962. 98 43 vers toute violation d’une règle relative à l’intérêt générale intéressant l’ordre public ou les bonnes mœurs : il s’agit d’une nullité de direction ; Nous admettons la thèse de la nullité absolue99. La raison de ce choix réside dans le fait que le texte qui consacre la prohibition de la dot est une loi de convenance politique et sociale, étant donné qu’elle est l’expression d’un intérêt général et que le législateur visait à faire disparaitre cette coutume qui selon lui serait contraire à l’ordre publique nouveau qu’il voulait instaurer en ces temps-là. Cependant, on ne peut pas rejeter catégoriquement celle de la nullité relative. Tout contre fait, qu’il s’agisse de la nullité relative ou absolue, l’objectif visé par le législateur est de faire disparaitre cette pratique du quotidien des ivoiriens. C’est-à-dire, une fois un jugement prononce la nullité du versement de la dot, elle effacera l’acte comme s’il n’avait jamais exister. Ensuite, pour parler du domaine de la nullité, il y a lieux de dire en un premier temps que l’annulation de la dot peut se faire d’un commun accord entre les parties qui sont les principaux acteurs, c’est-à-dire d’un côté la femme et sa famille et de l’autre côté, l’homme et sa famille qui ont tous deux un intérêt moral et pécuniaire. En un second temps, qu’à défaut d’accord amiable, l’on doit recourir au juge pour obtenir l’annulation de la dot puisque nul ne doit se fait justice soit même. Le principe de la nullité absolue étant que celle-ci peut être invoquée par toute personne justifiant d’un intérêt, une fois le versement de la dot effectuée, les personnes qui ont le droit d’agir en justice sont notamment les parties elles même, les tiers et le ministère du public étant donné que le versement de la dot en vertu de l’article 21 de la loi de 1964, est une infraction. Ainsi le juge pourra ordonner la restitution du versement soit totalement soit partiellement. 99 Cf. SCARANO (J-P.), dictionnaire de droit des obligations, ellipses, paris, 1999, p 144 44 B- La restitution de la somme versée Pour mener la lutte contre la dot qu’il qualifie plus ou moins d’infraction économique, le législateur fait recours à la restitution comme sanction au versement de la dot100. En effet, en se fondant sur le fait que le versement de la dot est un délit pénal et que sa nullité tire sa source dans le caractère délictuel de l’institution, le juge de la partie civile peut allouer une somme constituant la réparation. C’est pourquoi l’homme peut demander la restitution de la dot qu’il a dû verser à sa belle-famille. Puisque dans l’article 23 précité en son alinéa 2 : « Toutefois, en cas de divorce prononcé aux torts et griefs exclusifs de l’épouse, le tribunal pourra ordonner la restitution partielle ou totale ». Ainsi la restitution ne peut être prononcée qu’aux torts de l’épouse donc en faveur de l’époux. Il serait bon de dire qu’en Côte d’ivoire, les juges ont jusqu’à ce jour rejeté toutes les demandes en restitution de la dot fondée sur la nullité. Qu’en est-il alors du demandeur qui fonde son action sur des causes autres que la nullité. Paragraphe 2 : La restitution de la somme versée fondée sur d’autres causes L’action du demandeur est ici fondée sur la responsabilité délictuelle101. Par conséquent, il sollicite des dommages – intérêts pour par exemple cause de rupture ou de divorce. Cf. Art 23 de la loi du 7 octobre 1964 : « Les dots versées à l’occasion des mariages contractés antérieurement à la promulgation de la présente loi ne pourront donner lieu à répétition. 100 Toutefois, en cas de divorce prononcé aux torts et grief exclusifs de l’épouse, le tribunal pourra en ordonner la restitution partielle ou totale. » 101 Cf. L’art 1382, 1383 et 1384 du recueil de loi ivoirien. 45 C’est ce qui est fait cas dans l’arrêt de la cour d’appel d’Abidjan du 17 avril 1970, ou les fiancés ont vécu en concubinage. Le demandeur prétendait que ses relations avec la défenderesse sont consécutives à des fiançailles. Parlant de la rupture des fiançailles 102 , nous notons que les fiançailles n’ont aucune force obligatoire. De cela, il découle comme principe : la liberté de rupture affirmée par la jurisprudence ivoirienne103. Ce principe connait une exception relative à la rupture abusive qui donnera lieu à réparation sous le fondement de l’article 1382 du code civil ivoirien. Les magistrats ont fait une juste application dans l’arrêt de la cour suprême précité. En l’espèce, ils ont accueilli la demande de dommages-intérêts de la fiancée, parce qu’aucune faute ne pouvait être reprochée à celle-ci. On peut déduire de cet arrêt que, si la faute de la rupture des fiançailles est imputable à la femme, l’homme pourra se voir allouer des dommages et intérêts. Enfin, selon, une jurisprudence française, les libéralités ayant pour cause impulsive et déterminante la formation, la continuation ou la reprise de relations immorales sont illicites et doivent être annulée en application de l’article 1133104 du code civil ivoirien, par conséquent elles devraient être restituées105. A- La responsabilité délictuelle La responsabilité délictuelle est définie selon le vocabulaire juridique comme : « toute obligation pour l’auteur d’un fait dommageable (ou la personne désignée par la loi), de réparer le dommage causé par un délit (que celui-ci soit 102 Cf. Vocabulaire juridique de Gérard Cornu : « les fiançailles est une promesse mutuelle de mariage, généralement entourée d’certain cérémonial qui ne constitue pas un engagement contractuel civilement obligatoire, mais dont la rupture abusive engage la responsabilité délictuelle de son auteur et qui crée une situation parfois dotée d’effets juridique. » 103 Cf. Cour suprême Abidjan, 4 avril 1969 R.I.D. 1970, n°2 p.30, In, ASSI-ESSO (A-M.), Précis de droit civil. Les personnes- la famille, 2éme Edition, 2002, p246 104 Cf. Article 1133 du code civil ivoirien : « la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public ». 105 Cf. Arrêt : 2 octobre 1973, C.A. Rouen, Sirey 1974 p.378, note M. Philippe le Tourneau ; Crim. 7juin 1945-1215 : Paris 3 décembre 1968 G.P 1968 – 16141 ; Civ. 14 octobre 19840, G.P 1940 – 2 – p. 165. 46 ou non un délit pénal), en indemnisant la victime, presque toujours par le versement d’une somme d’argent à titre de dommages-intérêts ». Elle est consacrée par le code civil ivoirien en ces articles 1382 et 1383. En effet, aux termes des dispositions de l’art. 1382 : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Pour sa part, l’art 1383 dispose : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence ». Par conséquent, dans le régime juridique de la dot, le législateur avait prévu une amende dont la valeur était le double des choses reçues ou de la valeur des promesses agréées sans qu’elles puissent en tout état de cause être inférieure à 50.000fcfa, contre d’abord toutes personnes qui versent la dot, ensuite celles qui la reçoivent, enfin les intermédiaires. B- La révocation des libéralités conditionnelles Ici, le demandeur fonde son action sur l’article 45106 de la loi du 1964 et invoque la caducité des donations qu’il a faites, pour cause d’inexécution de la condition du mariage. Au terme de cet article, les libéralités sous condition de mariage seraient révocables, s’il est démontré que le projet de mariage abandonné a réellement déterminé les donations. En réalité, l’application de ce texte en la matière met à nu le fait selon lequel la preuve d’aucune faute imputable au défendeur ne saurait être exigée par exemple. Cf. Art. 45 ; loi n°64 – 380 du 7 octobre 1964 : « la donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause d’inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite et pour cause d’ingratitude ». 106 47 Or dans la réalité, les faits ne semblent pas faciles pour les juges. C’est ce que nous révèlent deux arrêts de la cour d’appel d’Abidjan107. En effet, dans la première affaire, il avait été convenu entre deux fiancés que l’homme disposant de revenue professionnelle, verserait des subsides à sa fiancée pour lui permettre de terminer ses études en France. Mais le projet de mariage ayant été abandonné, le fiancé demandait le remboursement des dépenses qu’il a faites. Le juge de la cour, après avoir qualifié le versement effectué de donation sous condition de mariage, le lui accorda. Cependant dans la deuxième affaire, la cour d’appel écartait le raisonnement des premiers juges qui avaient qualifié les dépenses litigieuses de donation, en invoquant un argument de procédure108a rejeté l’action. Les deux articles présentent en effet des différences. Ainsi, dans le premier, l’accord des fiancés ne fait l’objet d’aucune moralité puisque ceux-ci avaient l’âge matrimonial et aucune obligation de mariage n’était faite à la fiancée. En clair, les juges ivoiriens sont favorables à la révocation des donations en matière de mariage. Toutefois, il faut faire la différence entre les libéralités de grande valeur comme les bijoux, les fortes sommes d’argent… et les souvenirs, qui ne sauraient être soumis aux règles de donations109. Enfin, il parait juste que les dépenses d’entretien de la fille assumées par le fiancé, soient remboursées par le père de celui-ci. Pour tout dire, après les indépendances, le législateur ivoirien à travers la loi n° 64-384 du 7 octobre 1964 relative au mariage a de prime abord supprimé purement et simplement la dot. Ensuite, cette prohibition est assortie de sanctions Cf. C.A d’Abidjan, 16 juin 1972 n°1 – 2 P. 18 et C.A d’Abidjan, 18 février 1977, R.I.D 1978 n°3 – 4 P. 39, note de M. le doyen VEAUX. 107 Cf. L’article 52 alinéas 4 de la loi du 21 décembre 1972 portant code de procédure civile, qui interdit au juge de changer non seulement l’objet, mais aussi la cause d’une demande 108 109 Cf. C.A de Paris, 22 novembre 1949, D.jp gle P.97 48 civiles et pénales que le législateur juge nécessaires pour mettre fin à cette pratique. Cependant, la population semble complètement l’ignorée, volontairement ou involontairement depuis plus d’un demi-siècle. C’est ce constat qui fait l’objet de notre analyse dans le prochain chapitre. 49 PARTIE II : LA RÉHABILITATION ET L'ENCADREMENT JURIDIQUE DE LA DOT 50 En côte d’Ivoire, la colonisation eut pour effet de modifier profondément les structures internes110. Dans le cadre de la poursuite de sa politique d’assimilation, le législateur colonial interdit la dot et imposa une nouvelle culture que l’élite ivoirienne formée à son école devait progressivement travailler à sa diffusion dans tout le corps social en édifiant cette nouvelle culture sur ses réalités et idéaux111. « Ce qui exprime la ferme volonté du parlement de supprimer radicalement et définitivement la dot »112 Ainsi, le législateur ivoirien fidèle à cette mission, interdit la dot immédiatement après l’indépendance. La dot qui est pourtant « l’une des institutions les plus originales, située au centre de la vie familiale traditionnelle »113 sera abolie par la loi du 7 octobre 1964 sur le mariage. C’est pourquoi cette partie de notre travail est titrée : la réhabilitation et l'encadrement juridique de la dot. Il s’agira, plus exactement de montrer dans un premier temps la raison de la réhabilitation législative de la dot (chapitre 1) et dans un second temps la nécessité de l'encadrement juridique de la dot (chapitre 2). Cf. LOUCOU Jean-Noël, « la côte d’Ivoire colonial 1893-1960 », 2° éd, Abidjan, les éditons FHB. Les éditions CERAP, p175 110 111 Ibidem 112 Cf. annexe: au procès- verbal de la séance du 26 Aout 1964 p 6, le rapport de la deuxième session extraordinaire 1964 de l’Assemblée Nationale, 113 GONIDEC P.-F, Les systèmes constitutionnels en Afrique, 2ème partie, Paris, LGDJ, 1975. Cité par MELONE Stanislas, droit des personnes et de la famille, op.cit., p 177 51 CHAPITRE 1 : LA RAISON DE LA RÉHABILITATION : L'INADÉQUATION ENTRE LA PROHIBITION DE LA DOT ET LA PRATIQUE L’Inadéquation peut se définit comme le caractère d’une chose qui n’est pas appropriée. Ainsi, l’inadéquation entre la prohibition de la dot et la pratique se perçoit à travers deux points essentiels : D’abord, La dot et le respect de la dignité humaine (Section1). Ensuite la dot et l’escroquerie respect de la dignité humaine (section 2) Section1 : La dot et le respect de la dignité humaine Dans l’un de ses discours Mgr Vincent Nichols tente de définir la dignité humaine. Pour le faire, il se pose la question de savoir : « Qu’est-ce que la dignité humaine ? »114. Il essaie ensuite d’y apporter lui-même une réponse en disant : « Le problème se pose très simplement : la signification précise de la notion de « dignité humaine » est de plus en plus remise en question, notamment dans les domaines de l'éthique et du droit. Nous n'avons pas ici affaire à un simple débat académique. C'est, en réalité, un débat essentiel puisque, comme vous le savez, la notion de dignité humaine joue un rôle fondamental et dans notre compréhension de la vie morale et dans les conventions internationales. La façon dont nous nous attachons à développer une compréhension commune de ce concept clé dans notre société pluraliste peut avoir une immense influence sur la qualité du développement moral et social de la population »115. Il paraphrase ensuite la définition donnée par Michael Rosen116. Selon lui : '' la dignité humaine’’ représente « le cœur de la valeur transcendantale d'un individu 114 Cf. Discours de Mgr Vincent Nichols, Qu'est-ce que la dignité humaine ? la crois https:// www.downspeedtest.com, Consulté le 11semptembre 2018 115 Ibidem 116 Cf. Michael Rosen, Dignity: Its History and Meaning, p. 9 Cité par Mgr. Vincent Nichols. Ibidem 52 simplement parce qu'il est humain, indépendamment du fait de ce qu'il croit valoir ou de ce que d'autres pensent qu'il vaut »117 Le législateur ivoirien quant à lui, sans n’avoir donné ni la définition ni la composition de l’expression : « dignité humaine », invoque celle-ci comme une raison de l’interdiction de la dot en Côte d’Ivoire : « Cette institution sur le mariage traditionnel, vidée de son noble contenu symbolique d’antan, étant devenue contraire aux principes les plus élémentaires de la dignité humaine sera immédiatement abolie […] »119. En effet, le législateur semble dire, qu’à l’origine, la dot n’était nullement contraire aux principes de la dignité humaine, mais qu’elle l’est devenue avec l’évolution du pays. En réalité, cette affirmation du législateur suscite une question épineuse : Quel rapport existe-t-il entre la dot et les principes de la dignité humaine aujourd’hui ? Cette question nous conduit à une réponse présentant d’une part, l’existence d’une affinité remarquable entre la dot et les droits de l’homme (Paragraphe1) et d’autre part, l’interdiction de la dot comme une violation des droits culturels (paragraphe 2). Paragraphe 1 : L’existence d’une affinité remarquable entre la dot et les droits de L’homme. Le concept de dignité humaine est un concept étendu et ouvert à de multiples interprétations. Ainsi, pour Francis Delperée la dignité humaine peut être présentée comme ‘’ la source des autres droits et spécialement des droits économiques, sociaux et culturels’’. Un principe général axiologique : la dignité humaine est « inhérente » 117 119 Cf. Michael Rosen, Dignity: Its History and Meaning, p. 9 Cité par Mgr. Vincent Nichols. Cf. Annexes 53 (Innée) et « inaliénable ». C’est pourquoi le titulaire lui-même ne peut pas y renoncer et le pouvoir public y compris législatif ne peut pas l’en priver.118 Pour sa part, la Cour européenne a défini la notion juridique de « dignité humaine » comme une notion qui englobe non seulement le droit fondamental à la vie, mais aussi la qualité de vie, une façon digne de vivre. Force est de constater que toutes les déclarations internationales qui tentent de donner une définition à cette notion, placent la « dignité humaine » comme principe fondamental des droits humains. La ''dignité humaine '' occupe une place prépondérante voir centrale dans les déclarations de l'ONU, précisément en tant qu'outil pour le respect des droits fondamentaux des citoyens dans chaque État, et pour le soutien des institutions sociales nécessaires afin de garantir la dignité humaine de tous. En tant que telle, la dignité humaine est, et doit rester, un cri de ralliement efficace pour la protection des droits humains fondamentaux. Aussi, lorsque nous parcourons les principes fondamentaux de la dignité humaine et les droits de l’Homme, il ressort clairement l’existence d’une affinité entre la pratique de la dot en Côte d’Ivoire et les droits de l’Homme. Cette étroite affinité est perçue d’une part dans les caractères de la dot en Côte d’Ivoire à savoir : la dot en Afrique, une expression du respect de la dignité de la femme (A) et la dot africaine, une expression du respect du droit culturel (B). A- La dot africaine, une expression du respect de la dignité de la femme Dans son exposé des motifs, le législateur de 1964 affirme que « Les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 1er du présent texte ne sont pas applicables en ce qui concerne la dot. Cette institution sur le mariage traditionnel, vidée de son noble contenu symbolique d’antan, étant devenu contraire aux principes les plus élémentaires de la dignité humaine sera immédiatement abolie après le vote de notre code civil. » 119 . Cette affirmation qui suscite une préoccupation 118 119 Krukowsk. (J), op. cit., p. 50; L. Garlicki, Polskie prawo konstytucyjne, T. 1, Varsovie 1997, pp. 109, 110. Cf. Annexe 54 majeure, à savoir : que voulait dire le législateur à travers la phrase : « étant devenu contraire aux principes les plus élémentaires de la dignité humaine ?»120 En parcourant l’exposé des motifs, nous percevons aisément que le législateur n’explique nulle part le sens de cette phrase mais il met à nu ses intentions puisqu’il affirme dans un premier temps que « nos structures fondamentales de jadis ont peut-être fait leur preuve et correspondaient bien à une époque donnée mais nous avons finalement admis qu’elles appelaient des modifications importantes pour être applicables aux conditions de la Côte d’Ivoire nouvelle ». 121 Cette affirmation prouve en effet que le législateur de concert avec le gouvernement ivoirien, en abolissant la dot aspirait à la réalisation d’un projet commun aux deux et non à la réalisation des projets du peuple dont ils en sont les représentants. Cela est d’autant plus vrai que lui-même (le législateur) exprime sa satisfaction juste après avoir légiféré sur la dot « nous venons ainsi une fois de plus d’affirmer notre volonté et notre personnalité en nous débarrassant du poids du passé révolu afin de sortir résolument de notre stagnation séculière. »122. Il ne faut pas omettre de souligner premièrement que le désir du législateur en 1964 était sans ambiguïté celui de se conformer à la mode, à la mouvance de ce temps-là. En effet, Cette mouvance à caractère politique et juridique était la déclaration des droits de l’homme et du citoyen adoptée par les Nations Unies en 1948. Le législateur lui-même donne la confirmation en ces termes : « Ce texte signifie bien que notre progrès social correspondant à une aspiration profonde d’innovation originale et d’adoption à la réalité sociale d’un pays aux traditions particulières et complexes. »123 Il y a lieu de souligner secondairement, que le législateur était tellement investi à donner à la Côte d’Ivoire une législation conforme aux désirs du législateur colonial124, qu’il a délibérément trahi la mission à lui confier par la population 120 121 122 123 Cf. Annexe Ibidem Ibidem Ibidem Le législateur colonial devait poursuivre sa politique d’assimilation en intervenant dans le domaine de la dot : Il y a eu pour cela le décret Mandel qui mettait l’accent sur le consentement des futurs époux et déclarait nul de 124 55 ivoirienne pour satisfaire aux projets de l’ancien colon en supprimant purement et simplement la dot.125 Ainsi, conscient de cette trahison que nous appelons : « une trahison législative », mais très attaché à son projet, le législateur dira par la suite que « le peuple de Côte d’Ivoire saura et comprendra, verra et admettra que ce n’est pas contre lui que toutes ces lois ont été édictées mais c’est pour lui, pour son émancipation sociale et pour son bonheur ». Peut-on faire le bonheur de quelqu’un malgré lui ? Il est ainsi clair que le législateur de ce temps-là n’avait non seulement pas consulté le peuple avant d’édicter ces lois mais plus encore avait édicté ces lois sans tenir compte des réalités contemporaines. En revanche, après cinquante-quatre (54) ans d’existence de cette loi, le peuple n’a pas encore compris et admis l’acte de prohibition de la dot, puisque depuis toujours la dot conserve son caractère sacré dans la tradition africaine et surtout en Côte d’Ivoire. Aussi c’est elle (la dot) qui fait le mariage et qui fonde la paternité. 126 De cette façon, la femme devient titulaire des droits en tant qu’épouse et femme mariée. Dans cette logique, comme auparavant où l’influence des modifications sociales et économiques de la colonisation altéraient la nature de la dot, à tel point que certains auteurs l’ont défini comme le « prix d’achat de la femme »128. plein droit toute convention matrimoniale sur la jeune fille pubère qui n’avait pas consenti au mariage. C’est surtout le décret de Jacquinot de 1651 qui marquait l’hostilité du législateur colonial à la dot : il déclarait que la fille majeure de vingt et un ans et la femme dont le précédent mariage avait été légalement dissout pouvait librement se marier sans que quiconque puisse prétendre en retirer un avantage matériel, à l’occasion des fiançailles ou du mariage. Toute opposition fondée sur le non-paiement de la dot était désormais irrecevable, si du moins l’exigence de la dot était excessive (la dot était excessive quand le taux exigé était supérieur à 5000F CFA, d’après l’arrêté du 1er mars 1954). Voir également MELONE Stanislas, Encyclopédie juridique de l’Afrique. Droit des personnes et de la famille, op.cit. p 176 125 Les déformations du rôle de la dot par la colonisation ont suscité de nombreuses réactions. Les personnes déclarent inutile toute intervention législative. Voir cour d’appel, AOF, 30 juin, Penant, 1914, I, 328 qui décide que, « malgré le caractère inhumain de l’achat des épouses, il n’y a pas lieu de réprimer cette pratique (la dot) qui est conforme au droit local de certains pays d’Afrique et il n’est pas opportun d’amender ces usages séculaires. Il faut laisser l’évolution se produire toute seule au contact de l’occident, sans la compromettre par des principes ne reposant sur aucun texte. » 126 Cf. POUGOUE. P.G et ANOUKAHA (F.), « Législation comparée, Cameroun. Mariage. Filiation », JurisClasseur, fasc.2, 1996, In, Josette Nguebou Toukam, Les droits des femmes dans les pays de tradition juridique française, l’Année sociologique, (Vol. 53), 2003, pages 89 à 108 https://www.cairn.info/revue-l-anneesociologique-2003-1-page-89.htm. Consulté le 01/ 10/ 2018 56 S’appuyant sur cette réflexion, le législateur a alors déclaré la dot comme une institution contraire aux principes élémentaires de la dignité humaine donc contraire aux droits de l’homme. Face à cette vision de la dot, des auteurs se sont dressés contre et nient cette vision de la dot. Dans une approche différente, ces auteurs 129 prônent une complicité entre le droit international des droits de l’homme et les valeurs culturelles locales, en l’occurrence la pratique de la dot. Voilà pourquoi, comme le dit Mgr Vincent Nicholas127, La « dignité humaine » occupe une place centrale dans les déclarations de l'ONU, précisément en tant qu'outil pour la reconstruction du rôle de l'État afin qu'il ne prive pas ses citoyens de leurs droits fondamentaux, et qu'il n'échappe pas à sa responsabilité de soutenir les institutions sociales nécessaires afin de garantir la dignité humaine de tous. En tant que telle, l'idée de la dignité humaine est perçue comme le fondement des droits; Elle représente et exprime une conviction profonde et universelle sur la vie humaine et les limites propres à tout pouvoir étatique. En revanche, la dignité humaine est et doit rester, un cri de ralliement efficace pour la protection des droits humains fondamentaux. » Parler de la dignité humaine, c’est aussi parler de la dignité de la femme. Finalement, nous pouvons admettre qu’à voir de plus près, certaines pratiques traditionnelles comme la dot, véhiculent des valeurs compatibles avec les droits humains. Ainsi, si la protection des droits culturels consiste à la sauvegarde des 127 Cf. Gérard Vincent Nicholas, né le 8novembre1945à Crosby au Royaume-Uni, est un évêque catholique britannique, archevêque de Westminsterdepuis 2009, cardinal depuis 2014. Ordonné prêtre le 21 novembre 1969, il a été élu secrétaire général de la Conférence épiscopale d'Angleterre et du Pays de Galles en 1983. Le 5 novembre 1992, il a été nommé évêque auxiliaire de Westminster et, le 15 février 200O, archevêque de Birmingham. Mgr Vincent Nichols a été nommé, vendredi 3 avril, par le pape Benoît XVI à la tête de l'Eglise catholique d'Angleterre et du Pays de Galles, succédant au cardinal Cormac Murphy O'Connor, a indiqué le Vatican. Mgr Nichols a fait observer que l’idée de dignité humaine a une longue histoire, remontant à Cicéron, saint Augustin et saint Thomas d’Aquin. Elle a ensuite été développée par l’école de Salamanque des Dominicains en Espagne au moment de la colonisation de l’Amérique. Par la suite, aux alentours du siècle dernier, elle a fait l’objet des encycliques sociales de l’Église. La dignité humaine a également une grande importance en dehors de l’Eglise, a-t-il ajouté. La Déclaration des droits de l’homme des Nations Unies, à l’article 1, stipule : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». https://fr.zenit.org/articles/dignite-humaine-signification-et-exigence/ Consulté le 01/ 10/ 2018 57 cultures, alors l’interdiction de la dot Côte d’Ivoire constitue sans encombre et en elle-même une violation de ces droits culturels. B- La dot Africaine, un élément d’honneur et de valorisation de la femme L’auteur Abdoulaye BARA DIOP remarque que « comme pour les cadeaux de fiançailles, elle (la dot) est un signe et même un facteur de valorisation de la femme. La dot et d’autres dons permettent à celle-ci d’avoir des biens précieux (bijoux en or, habits de valeur) qui satisfont sa coquetterie et auxquels il lui aurait été difficile d’accéder autrement »128 Autrement dit, « Instituée par le droit traditionnel comme l’étape la plus importante du mariage traditionnel, la dot, principale cérémonie marquant l’union officielle de l’homme et de la femme dans les cultures ivoiriennes, est de plus en plus célébrée dans le pays surtout avec les mêmes codes organisationnels qu’un mariage civil, voire plus »129. « C’est un choix qu’on assume parfaitement », affirme Odile, qui parle ici au nom des femmes. Elle estime que « le mariage traditionnel est plus important que le mariage à la mairie parce qu’il unit les familles, il est reconnu par la Bible et représente une façon d’honorer les parents ». Dans le même sens, Macaire DAGRY remarque que : « En Côte d’Ivoire, les femmes ne jurent que par la dot. Certaines considèrent qu’elle est beaucoup plus importante que le mariage civil 128 BARA DIOP (A.), Le mariage Wolof : tradition et changement, KARTHALA Editions, 1985, p.113 Location de salle de réception, demoiselles d’honneur, dame de compagnie, parrains de cérémonie, dragées… Vêtue d’un pagne Kita et parée d’or de la tête aux pieds (principaux signes distinctifs du peuple Akan de Côte d’Ivoire), la femme apparaît avec une tenue soignée qu’elle changera deux fois, pour « représenter » ses origines et celles de son époux, pendant cette cérémonie que ses proches et elles ont voulu « grandiose ». En plus, Les tenues traditionnelles, coûtent cher. Il faut prévoir au moins 100.000 FCFA » pour la location et les « accessoires » (bijoux, etc.), indique Espérance, qui se réjouit d’avoir pu « gérer » les imprévus liés à l’organisation. 129 Son mariage traditionnel a coûté environ un million de FCFA pour 150 invités attendus. La décoration du lieu de réception et les dragées ont gracieusement été offerts par sa famille. KOUAME Odile et son conjoint Hervé ont dépensé « au minimum » trois fois plus pour l’organisation de leur cérémonie avec 300 invités. À leur dot, chacun a arboré six tenues traditionnelles. Un gâteau de quatre étages, une maquilleuse professionnelle pour Odile, une salle de réception avec décoration florale et lumière tamisée, un shooting de haute qualité numérique, ont émaillé la cérémonie. Il ne manquait plus que la robe blanche et le maire pour donner un caractère « civil » à ce mariage. 58 ou religieux par exemple. Pourtant, cette pratique est juridiquement interdite sur l’ensemble du territoire ivoirien et sanctionnée de forte amende »130 En effet, la pratique de la dot est tellement enracinée dans nos mœurs que dans toutes les ethnies, la majorité des jeunes filles et des femmes rêvent d’être dotées. De ce fait, celles qui sont dotées sont respectées et félicitées dans leur communauté par toutes les autres femmes. C’est pourquoi Odile continue en disant que « Tout dépend de la valeur qu’on accorde à la dot » et précise ensuite que la cérémonie civile, considérée comme une « formalité administrative » peut se faire « à quatre », c’est-à-dire uniquement en présence du couple et ses deux témoins. Mais jamais une dot ne se fera « à quatre ». C’est en effet face à ce constat et suite à une étude approfondie sur la pratique de la dot que Madame N’GUESSAN-ZEKRE Haddad. S, Membre d’honneur et membre fondateur de l’AFJCI131 affirmera dans son discours de présentation que : « La dot ou mariage traditionnel est une pratique courante dans toutes les régions de la Côte d’Ivoire. Elle est en argent ou constituée de biens dont la remise à la famille de la femme, consacre le lien de mariage entre les futurs époux et, un lien entre les deux familles. » La constitution de la dot varie suivant les régions, les tribus et les coutumes… Malgré tout, l’on constate la persistance de cette pratique qui précède les 99% de mariage civil dans le pays. A la vérité, ce qu’il faut reconnaître en faveur du mariage traditionnel, c’est qu’il constitue un gage de réussite du mariage des époux, c’est l’alliance de deux familles qui sauront encadrer les époux et si besoin se fait sentir, de leur prodiguer de bons conseils. C’est ainsi que certaines paroisses catholiques ivoiriennes demandent aux futurs époux, avant de célébrer leur mariage religieux, d’effectuer le mariage traditionnel, fait en présence et, surtout en accord des deux familles. 130 Cf. DAGRY Macaire, La dot, interdite dans la loi ivoirienne, mais toujours pratiquée, Fratmat.info, mars 20018 Httpps://www.fratmat.info /index. PHP/focus, Consulté le 01/10/ 2019 Cf. Discours de N’GUESSAN-ZEKRE Haddad. S, Membre d’honneur et membre fondateur de AFJCI : Association des Femmes Juristes de Côte d’Ivoire. 131 59 En effet, un mariage scellé par la dot, donne une longue durée, un fondement solide à l’union et de nombreux recours en cas de crise dans le mariage. En outre, la cérémonie de dot à travers les gestes accomplis, est pour l’homme l’occasion rêvée pour manifester et prouver à toute la communauté, à quel point il est amoureux de celle qu’il désire prendre comme épouse. De même du côté de la jeune dame, c’est le moment pour elle, de réaliser que parmi toutes les filles, c’est sur sa personne que s’est posé le choix de ce dernier. Elle se sent ainsi valorisée et honorée. Cette pratique est tellement importante pour les personnes en Côte d’Ivoire que même les plus hautes autorités de notre pays 132 ne s’empêchent pas de la pratiquer. Car comme tous le disent : « l’amour n’a pas de prix »133 Or, nous sommes tous sans ignorer que la pratique de la dot à laquelle se livrent à cœur joie tous les ivoiriens et bien d’autre personnes vivant dans le pays, en occurrence les autorités administratives, était interdite par la loi n°64381 du 7 octobre 1964 portant modification des articles 11 et 21 sur le Code de la nationalité. In fine, la pratique de la dot est une pratique culturelle qui transcende les époques et les générations. Elle est une institution traditionnelle qui valorise l’Homme et tout l’Homme. En des termes plus explicites, la dot fait la fierté des peuples car elle honore et valorise la femme, ses parents et son clan, fait la fierté et le bonheur des jeunes hommes et de leur famille et le tout pour le tout, par la dot, les enfants sont légitimes ou légitimés au regard de la communauté et de la tradition. 132 Le 12 mars 2012, le président de l'Assemblée nationale, ce qui fait de lui le deuxième personnage de l'État. Guillaume SORO est le 6e président de l'Assemblée nationale. À la suite de vives tensions qui l'opposent au président OUATTARA, SORO annonce sa démission le 8 février 2019, au cours d'une session extraordinaire de l'Assemblée nationale. Pour ainsi dire, il a célébré son mariage traditionnel avec sa compagne Sylvie TAGRO dans la sous-préfecture de Daloa (chef-lieu de région du Haut Sassandra, au centre-ouest). À cet effet, il a librement donné comme dot : « Cent pintades, quatre bœufs et plus de cinq millions de nos francs ont représenté la dot ». https://fr.wikipedia.org, consulté le 4 septembre 2019 133 Ibidem 60 Paragraphe 2 : La dot, expression de respect du droit culturel Les traditions « contribuent à donner une âme à la personnalité culturelle d’une société. En tant que telles, elles méritent d’être préservées et consolidées » 134 . Les traditions africaines contiennent parfaitement de nombreux aspects positifs qu’il est important de ne pas négliger, « il y a des valeurs morales et sociales telles que la solidarité familiale, le sens communautaire et le respect de l'autorité, qui sont propres à l'Afrique noire et qu'il importe avant tout de sauvegarder. Une réforme qui conduirait donc à l'abandon de ces valeurs ne pourrait donc qu'être nocive »135. Dans cette partie de notre travail, nous nous appuierons foncièrement sur les analyses et travaux de Isabelle Akouhaba Anani, vu le degré de leur pertinence. Ainsi, la dot comme une expression du respect du droit culturel se comprend par le fait que la dot soit d’abord un droit culturel prôné par les droits de l’homme(A), ensuite qu’elle soit une institution sévèrement interdite mais toujours pratiquée (B) A- La dot, un droit culturel prôné par les droits de l’homme « Dans le domaine familial, le contrat de mariage, conclu entre deux familles plutôt qu’entre deux individus, était fortement influencé par l’idée de dot […] »136 L’institution de la dot est une pratique que l’on rencontre dans la culture de toutes les ethnies en Côte d’Ivoire. Les droits culturels qui font partie des droits de l’homme, sont parmi, les moins développés. Cependant pour certains auteurs, ils 134 Cf. La dot chez les Bantous et en Afrique, un symbole de valorisation du mariage et de la femme, http://www.yevol.com/afrique/dot.aspx614k (consulté le 15/10/2008). 135 BLANC-JOUVAN (X.), Le droit du mariage dans les pays de l'Afrique noire francophone, Ius Privatum,Festschrift für Max Pheinstein, zum 70 Geburtstag am, 1969, p.928. Cité par isabelle akouhaba ANANI, la dot dans le code des personnes et de la famille des pays d’Afrique occidentale francophone cas du bénin, du Burkina-Faso, de la côte d’ivoire et du Togo, 136 KOUASSIGAN, « Quelle est ma loi ? » p.210 et s. Citer par GONIDEC (P.-F), les droits africains. Evolution et sources, tome1, 2ème éd, Paris, librairie générale de droit et de jurisprudence, 1976, p11. 61 sont « aujourd’hui la force de l’évidence et, même ceux qui l’entravent se croient obligés de se justifier »137. Mais qu’entend-t-on par droits culturels ? Avant toute tentative de définition du droit culturel, commençons par celle de la culture. Les définitions de la culture sont nombreuses et assez complexes. D’une part, L’UNESCO, par exemple, la définit dans son sens le plus large comme « un ensemble des traits distinctifs, spirituels, matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances »138. De cette définition, il ressort clairement que la dot qui est une pratique ancestrale dont on ne peut indiquer l’année de naissance, est admise et pratiquée dans toutes les traditions en Côte d’Ivoire et même en Afrique. D’autre part, Le dictionnaire « Webster’s New Collegiate Dictionary » offre quant à lui, trois définitions parmi lesquelles deux seront retenues dans le cadre de ce travail compte tenu de leur pertinence. Ainsi dans la première définition, la culture est perçue comme « un ensemble intégré des comportements humains, y compris le pensée, le langage, l’action, et les artefacts qui repose sur la capacité de l’être humain d’apprendre et de transmettre ses connaissances aux générations suivantes ». Dans la deuxième définition, la culture est conçue comme : « les croyances traditionnelles, les convenances sociales, les caractéristiques matérielles d’un groupe racial, religieux ou social ». Rodolfo STAVENHAGEN quant à lui, apporte dans un ouvrage collectif publié par l’Unesco en 1998, une définition qui envisage la culture sous trois angles : Tout d’abord, comme un capital, l’ensemble des créations passées et présentes, un patrimoine qui est le reflet de la vie d’un peuple ou d’un groupe ; 137 ANDRAU (R), Les droits culturels parachèvent-ils ou minent-ils les droits de l’homme, juin 2004, https://www.communautarisme.net (consulté le 04 octobre 20018). 138 Cf. Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico city, 26 juillet – 6 août 1982. https://www.jura.ch/acju/Departements/DED/OCC/Documents/pdf/Unesco.pdf (Consulté le 04/10 /20018). 62 Ensuite, sous l’aspect de la créativité : « la culture est ainsi un processus, un acte créatif dont le domaine peut être aussi bien celui de l’art que de la recherche scientifique : un créateur individuel, dans un contexte historique donné, exprime une vision singulière du monde »139; Enfin, une définition anthropologique : « la culture est un mode de vie », aspect que retient la Déclaration Universelle sur la Diversité Culturelle rendue publique le 16 novembre 2001 par l’Unesco. La culture, selon certains anthropologues désigne également « l’ensemble des croyances, connaissances, rites et comportements d’une société donnée »140. Partant de ces définitions très générales de la culture, que peut-on dire des droits culturels ? La définition des droits culturels est aussi multiple et varie suivant les auteurs. Rodolfo STAVENHAGEN, en la matière, admet que : « le droit culturel consiste dans ce cas à pouvoir maintenir un ensemble de pratiques traditionnelles menacées par l’évolution du monde moderne que la mondialisation a accélérée, ce qui est une chose ; et des systèmes de valeurs […]»141. En d’autres termes, la pratique de la dot qui renferme de nombreuses valeurs, se doit d’être protégée. Aussi, au plan universel, « les droits culturels sont actuellement et pour l’essentiel compris dans le droit de participer à la vie culturelle et dans le droit à 139 STAVENHAGEN (R.), cité par ANDRAU (R), Les droits culturels parachèvent-ils ou minent-ils les droits de l’homme, juin 2004. http://www.communautarisme.net (consulté le 04 octobre 20018). 140 http://www.devoir-de-philosophie.com/dissertation-peut-parler-bon-droit-homme-sans-culture-217.html (Consulté le 21/10/2018). 141 http:// ://www.communautarisme.net (Consulté le 21/10/2018) 63 l’éducation. Il faut aussi ajouter à cela les dimensions culturelles des libertés classiques142»143. En clair, la dot est un droit culturel prôné par les droits de l’homme et protégé par l’UNESCO et en raison de leur importance, Les instruments internationaux, protègent un nombre de droits fondamentaux associés à la culture. Il s’agit essentiellement du droit à la culture, du droit de s’assurer que la culture est conservée et développée ; du droit d’être protégé des pratiques culturelles négatives ou encore de l’importance de la coopération culturelle internationale144. Vu dans sa profondeur, le droit de s’assurer que la culture est conservée et développée comme un droit culturel, la pratique de la dot pourrait bien trouver sa place au sein des droits culturels, puisque, la dot par essence fait partie des traditions africaines, traditions que l’UNESCO considère comme partie intégrante de la culture. Or, dans le droit traditionnel africain, il n’y pas de mariage sans cette institution qu’est la dot. Elle est ainsi l’élément le plus fondamental du mariage selon la culture des peuples, des ethnies et des clans encore aujourd’hui en Côte d’Ivoire. C’est le cas chez les malinkés, les akans, les krou…pour ne citer que ceux-ci. Ensuite, la définition du droit culturel donnée par Rodolfo STAVENHAGEN. C'est-à-dire, un ensemble de pratiques traditionnelles menacées par l’évolution du monde moderne, le droit de s’assurer que la culture est conservée et développée, le droit de pratiquer la dot apparaît de façon évidente comme un droit culturel, puisqu’il est sans ambigüité l’institution fondatrice du mariage coutumier car, c’est elle qui scelle l’union des conjoints. C’est pour toutes ces raisons que plusieurs conventions internationales et régionales ont consacré les droits culturels à travers certaines de leurs dispositions. Nous pouvons valablement citer entre autres sur le plan international : les traités et déclarations tels que : la Déclaration Universelle des 142 Cf. Liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 18 de la DUDH), art. 18 PIDCP. Cf. Plateforme d’ONG sur la diversité et les droits culturels, Situation des droits culturels. Proposition argumentaire, 143 http:// www.oidel.ch, (consulté la 08/12/ 08). 144 www.hrea.org/fr (consulté le 28/10/2018). 64 Droits de l’Homme 145 , le Pacte International relatif aux Droits économiques, Sociaux et Culturels146, le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques147ou encore la Déclaration Universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle148. Sur le plan panafricain, les droits culturels sont reconnus par la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples en ses articles 17 et 22. En effet l’article 17 dispose : « […] Toute personne peut prendre part librement à la vie culturelle de sa communauté. La promotion et la protection de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la communauté constituent un devoir de l’État dans le cadre de la sauvegarde des droits de l’Homme ». De part cet article, il ressort sans ambiguïté que la charte Africaine des droits de l’homme offre une liberté de pratiquer des institutions culturelles telle que la dot qui fait partir de la vie culturelle de toutes les communautés vivantes en Côte d’Ivoire. Aussi, l’article 22 dispose que : « Tous les peuples ont droit à leur développement économique, social et culturel, dans le respect strict de leur liberté et de leur identité, et à la jouissance égale du patrimoine commun de l’humanité ». De plus la Charte de la Renaissance Culturelle Africaine(CRCA) adoptée par le sixième session ordinaire de la conférence de l’Union Africaine(UA) tenue le 24 janvier 2006 à Karthoun au Soudan, faisant sienne la définition de la culture de l’UNESCO rappelle « qu’en dépit de la domination culturelle qui, au cours de la traite des esclaves et de la colonisation, a entraîné la négation de la personnalité culturelle d’une partie des peuples africains, falsifié leur histoire, 145 Cf. Article 27 de la DUDH : « Toute personne a droit de prendre par librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent ». Article 15 du PIDESC : « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent à chacun le droit : de participer à la vie culturelle » 146 Cf. Article 15 du PIDESC : « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent à chacun le droit : de participer à la vie culturelle » 147 Cf. Article 27 : « Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langage ». Cf. Article 4 « Les droits de l’homme, garants de la diversité culturelle. La défense de la diversité culturelle est un impératif éthique, inséparable du respect de la dignité de la personne humaine… », Et l’article 5 : « Le droits culturels, cadre propice de la diversité culturelle. Les droits culturels sont partis intégrante des droits de l’homme, qui sont universels, indissociables et interdépendants 148 65 systématiquement dénigré et combattu les valeurs africaines et tenté de remplacer leurs langues par celle du colonisateur, les peuples africains ont pu trouver dans la culture africaine les forces nécessaires à la résistance et à la libération du continent ». Elle poursuit de nombreux objectifs, entre autres « affirmer la dignité de l’homme africain et de la femme africaine ainsi que le fondement populaire de leur culture », « développer toutes les valeurs dynamiques du patrimoine culturel africain qui favorisent les droits de l’homme, la cohésion sociale et le développement humain ». Les pays faisant l’objet de cette étude ont tous signé ces conventions et chartes : le Bénin149, le Burkina Faso150, la Côte d’Ivoire151, le Togo152 ; certains les ont même intégrées dans leur constitution153. Ils font tous parties de l’Union Africaine (UA) et donc ont participé à son élaboration et ont signé la Charte de la Renaissance Culturelle de l’Afrique (CRCA). Tous ces instruments auxquels sont partis ces pays, à travers les différents articles suscités prônent la protection et la promotion des valeurs culturelles. Aussi, ces États ontils l’obligation de prendre des mesures nécessaires pour la protection, le respect et la promotion afin d’assurer la pleine réalisation des droits culturels. Il ressort de tout ceci que les traditions reflètent les normes des responsabilités et de comportement fondé sur l’âge, le sexe, le rang social. Alors que beaucoup de traditions font la promotion de la cohésion et de l’unité sociale, d’autres greffent la santé physique et psychologique des membres de la communauté ainsi que de leur intégrité »154 l’exemple des mutilations génitales féminines peut être cité ici. Néanmoins, nous considérons que la question de la dot est plus subtile, car la dot en elle-même comme l’ont reconnu plusieurs auteurs n’est pas nuisible. Il serait également facile de remédier à ses aspects négatifs soulignés dans les raisons de l’interdiction de la dot à travers une règlementation. Force est de remarquer cependant que la culture n’est pas figée ; elle est en perpétuelle transformation, se conformant et se reformant au gré des situations. 149 Cf. Les pactes jumeaux (PIDESC et PIDCP) du 12 mars 1992, et la CADHP en 1986. 150 Cf. Le PIDESC et le PIDCP le 04 janvier 1999 et la CADHP en 1984. 151 Cf. Le PIDESC et le PIDCP 26 mars 1992 et la CADHP en 1992. 152 Cf. Le PIDESC et le PIDCP le 24 mai 1984 et la CADHP en 1982 Cf. Le Bénin par exemple a intégré la CADHP dans sa Constitution 154 159Cf. 152 Rapport conjoint d’OMS/UNICEF/FNUAP sur La mutilation génitale des femmes, www.advocatesforyouth.org (consulté le 28/10/2018). 153 66 En somme, la prohibition de la dot est en réalité un outrage aux droits culturels donc aux droits de l’homme. Il paraissait alors contradictoire qu’un État comme la Cote d’Ivoire qui se veut être un État de liberté, de prohiber la pratique de la dot : une pratique si chère aux différentes ethnies qui sont dans le pays comme en Afrique. B- La dot, une pratique sévèrement interdite mais toujours pratiquée La dot, élément principal et central du mariage coutumier, avait été qualifiée d’infraction et incriminée comme délit pénal par les articles 20, 21, 22 et 23 de la loi n° 64-381 du 7 octobre 1964 relative au mariage, pour dit-il, le souci d'émancipation de la femme ivoirienne et le progrès économique et social du pays155. Au vu de la réalité, Il ne peut être nié que la réception du droit quant aux populations aux pratiques traditionnelles surtout à celle de la dot, va provoquer l’échec de cette loi car la dot se pratique encore aux quatre coins du pays pour presque tous les mariages qu’ils soient civils, religieux ou coutumiers de sorte qu'on aurait pu créer une présomption de versement ou de perception de dot interdite dès lors qu'il y a eu mariage coutumier et « pas un jour ne passe sans que nous croisions nos autorités, garant de cette loi, dans différents mariages traditionnels ou coutumiers. Certains vont jusqu’à l’enfreindre sans toutefois être poursuivis ».156 Malgré la pratique de plus en plus accélérée de la dot et les nombreux abus constatés, Jusqu’ici personne presque, n’a fait l’objet d’une condamnation pour avoir payé une somme ou des présents à sa belle-famille afin d’avoir les faveurs de celle-ci. C’est une analyse faite par ASSI-ESSO Anne-Marie qui a mené une étude sur les sanctions liées à la dot et les raisons du non application de la loi prohibant la dot. Elle dit à cet effet : « Les exemples de sanctions prononcées à l’encontre des différentes parties sont cependant rares »157. 155 Cf. Annexe DEHI, Ariel [Tribune], La dot en côte d’Ivoire : pour ou contre sa sanctionlégale, https://www.village-justice.com/, consulté le 26 /08/2018 157 Cf. Abidjan, Ch. correct. 29 avril 1969 R.I.D. 1970, II. P. 57 constitue en réalité une fausse application de l’article 21 de la loi n° 64-381 ; section du tribunal de Bouaflé, jugement civil n° 95/96 du 9 octobre 1996, recueil 156 67 En effet, pour ASSI-ESSO, dans la pratique le constat est clair : la dot demeure l’une des formalités préliminaires du mariage. Il y a un divorce entre la pratique et la loi ainsi « l’ineffectivité de la législation prohibant la dot s’explique par son inadéquation aux mœurs actuels de la population »158puisque pour l’Ivoirien, il est inconcevable d’épouser une jeune fille sans avoir payer la dot. Puis, affirme Maître KAUDJHIS-OFFOUMOU F.A, 159 avocat au Barreau d'Abidjan, Côte d’ivoire, les peines 165 frappent toute personne qui « directement ou par personne interposée, que le mariage ait eu lieu ou non, a sollicité ou agréé des offres ou promesses de dot, ou cédé et des sollicitations tendant au versement d'une dot »160. Ainsi se pose dans la pratique, une réelle difficulté pour déterminer la victime ; le Juge est donc obligé de s'appuyer sur la règle «Nemo auditur propriam turpitudinem allegans»161, sauf en cas de preuve d'un versement de dot effectué sous la contrainte. Au fond, la sanction est sévère parce que le législateur a voulu faire rentrer plus facilement dans la pratique le principe de l'interdiction et éviter les abus. Mais il faut avouer que tout cela révèle la volonté délibérée du législateur ivoirien de fait de la loi, la traduction d’un projet d’un projet politique visant à rejeter les règles coutumières.162 Les pratiques traditionnelles africaines ont comme nous l’avons souligné subi les assauts de la colonisation, pourtant elles persistent et se de jurisprudence C.N.D.J. 1996, n°2, p. 183 à 188. Le tribunal, se fondant sur la prohibition de la dot, a en l’espèce, refusé au requérants le remboursement le remboursement de la dot versé. 158 ASSI-ESSO Anne-Marie (H), droit civil la famille, Abidjan, 4ème éd, Collection Précis de Droit Ivoirien, Edition UIBA, 2018, p79 op.cit. p79. 159 KAUDJHIS-OFFOUMOU. F.A, De la réceptivité du Droit ivoirien du mariage et des successions en milieu rural, in Rapport d'un séminaire tenu à Libreville du 1er au 5 février 1988 organisé conjointement par la Commission internationale de juristes et la Fédération des juristes africaines, Les services juridiques en milieu rural (Afrique centrale), Genève, Copyright, 1989, p 48-49 https://www.icj.org/wp-content/uploads/1999/01/Africa-services-juridiques-milieu-rural-1988-f, Consulté le 10/08/2018 165 160 Cf. Rapport de la Commission Internationale de juristes sur ledit séminaire publié en 1987, p. 141. KAUDJHIS-OFFOUMOU, op. Cit., p 48 161 Nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans est une expression latine qui peut se traduire par : « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », le terme « turpitude » signifiant négligence, faute, comportement illégal ou fraude. 162 Cf. ASSI-ESSO Anne-Marie (H), droit civil la famille, Abidjan, 4ème éd, Collection Précis de DROIT Ivoirien, Edition UIBA, 2018, 373 p 68 pratiquent malgré toutes les mesures prises pour leur éradication. Il s’agit essentiellement des pratiques qui ont trait au droit de la famille. À cet effet, DECOTTIGNIES a chanté le « Requiem pour une famille africaine » en affirmant que : « l’indépendance avait seulement deux ans à peine lorsque sonnait le glas de la famille africaine »163 mais il faut reconnaitre « malgré cette condamnation (celle de la famille africaine) de mort qui semble irréversible » 164 avec Michel ALLIOT « la grande force de résistance du droit traditionnel »165. Camille KUYU MWISSA complète en affirmant que « c’est ainsi que des institutions comme la dot et la polygamie bien que supprimées officiellement dans certains pays sont pratiquées ouvertement par toutes les couches sociales, y compris par ceux-là même qui sont chargés de faire appliquer et respecter la loi »166. Ainsi, certains législateurs conscients de cette résistance qui n’est plus à démontrer dans les sociétés africaines, surtout en côte d’ivoire, se doivent de trouver une solution. De ce fait, avec surtout les articles 21, 22 et 23 de la loi N°64-381 du 07 octobre 1964 sur le mariage, comment comprendre que malgré la sévérité des peines, la dot est depuis 1964, pratiquée ouvertement sans être punie ? La réponse qui découle de nos enquêtes est claire. En Côte d’ivoire, le mariage est identifié à la dot et comme le mariage, la société ne peut en aucun cas, s’en passer de la pratique de la dot. En effet, la répression de la dot se trouvait être une aberration vue que celleci n’a jamais été appliquée de toute l’histoire de la législation ivoirienne sur le 163 DECOTTIGNIES (R.), Requiem pour la famille africaine, in Annales africaines, Université de Dakar, Paris, Pedone, 1965, cité par COSTA-LASCOUX (J.), La nouvelle famille africaine dans les droits des indépendances, l’Année Sociologique, 1971, p.172. Pénale contre le sous-développement », Recueil Penant, 1967, n° 716, p.173, 164 N'DIAYE Youssoupha, Le nouveau droit africain de la famille, Ethiopiques, n°14, article publié sur http://www/refer.sn/ethiopiques (consulté le 21/10/20018). 165 ALLIOT (M.), Le problèmes de l’unification des droits africains, en ligne sur : http://www.jstor.org/pss/744455. (Consulté le 04 octobre 2018 166 Cf. KUYU MWISSA (C.), Parenté et famille dans les cultures africaines : points de vue de l’anthropologie Juridique, Karthala, 2005, p.71. 69 mariage. Pourtant la force de la loi est aussi évaluée par l’adéquation et l’application des sanctions liées à cette dernière. Par conséquent, toute la population ivoirienne s’est depuis toujours livrée à une pratique massive et généralisée de la dot. Section 2 : La dot et l’escroquerie Entre la dot et l’escroquerie, une relation qualifiée ‘’d’escroquerie à la dot’’ a été établie Comme nous l’avons signalé plus haut, cette relation n’a cependant, pas été établie par le code Pénal ivoirien mais : « l’infraction de l’escroquerie à la dot qui ne figurait pas dans le code Pénal, français, applicable en métropole, avait été créée par le code pénal indigène de 1944, puis ajoutée, sous forme d’un quatrième alinéa, à l’article 405 relatif à l’escroquerie, par le décret du 19 novembre 1947, pour les territoires d’Outremer de l’AOF, de l’AEF et ceux sous tutelle du Cameroun et du Togo. Le délit d’escroquerie à la dot ne concernait que les habitants de ces territoires ayant conservé leur statut particulier et mariés selon la coutume locale. C’était une illustration extrêmement nette du principe de la spécialité législative ; Le législateur français avait voulu assurer la répression d’une pratique considérée comme immorale et qui aboutissait à la dénaturation de cette institution coutumière qu’est la dot. »167. Après les indépendances, il revenait au législateur Ivoirien de qualifier à nouveau la relation entre la dot et l’escroquerie. Chose que celui-ci n’a pas manqué de faire quatre (4) ans après l’indépendance à travers la prohibition de la dot. Car, dans le fond, l’une des raisons qui ont incité le législateur à prohiber la dot est selon lui, l’ouverture de cette dernière (la dot) sur l’infraction de l’escroquerie. Pour traduire cette réalité, certains auteurs utilisent dans leurs 167 MANGIN (G), « Le droit pénal de la famille et des personnes », Encyclopédie juridique de l'Afrique, Tome X, les nouvelles éditions africaines, 1982, p. 130 70 ouvrages, les expressions comme : « délit d'escroquerie à la dot » 168 , « escroquerie au mariage »169. De ce part, quand en est-il vraiment de la relation entre la dot et l’escroquerie ? Pour donner une réponse à cette préoccupation nous prendrons comme repère la monétarisation. La monétarisation est définie par le petit Larousse comme « L’introduction de nouvelles formes de moyen de paiement dans le circuit économique »170 . Précisément, en côte d’Ivoire, c’est la valeur marchande en FCFA. L’abbé Constantin Gbané DABIRE, philosophe et anthropologue au CDFA de Diébougou l’a situé dans le temps. Pour lui, la valeur marchande des composantes de la dot a commencé avec l’apparition du FCFA imposé par le colon171. Mener une réflexion sur la relation établie entre la dot et l’escroquerie, nécessite d’envisager d’abord, cette relation avant la monétarisation (paragraphe 1), ensuite l’envisager à partir de la monétarisation (paragraphe 2). Paragraphe 1 : La dot et l’escroquerie avant la monétarisation « Symbole fort du mariage coutumier, la dot, une pratique ancestrale était, jadis, incontournable à l’union des couples. Quoique diversement appréciée aujourd’hui, elle garde son prestige et reste une marque de grande considération pour la future épouse »172, disait Estelle DJIGRI. 168 MANGIN (G), « Le droit pénal de la famille et des personnes », Encyclopédie juridique de l'Afrique, Tome X, les nouvelles éditions africaines, 1982, p. 130 SADA Mbodj, Escroquerie au mariage : Elle empoche la dot du prétendant, et refuse de consommer l’union, https://www.seneweb.com/news/Faits-Divers/escroquerie-au-mariage-elle-empo2che-la-dot. 170 Cf. : Le petit Larousse illustré, Paris, cedex 06, 2001, p 750 169 171 Cf. SOME François, dot en pays dagara : Le mercantilisme a-t-il pris le pas sur le symbole ? https://lefaso.net/spip.php?article40862, Consulté le 22 /05/ 2019 172 Cf. DJIGRI Estelle, La dot au bénin | un signe de respect et d’honneur pour la future mariée https://www.eduactions.org/arts-et-patrimoine/147-la-dot-au-benin-un-sig e-respect. Consulté le 14/04/2019 71 Pour comprendre s’il existait une relation entre dot et l’escroquerie avant la monétarisation, nous allons faire une analyse au plan économique (A) et une autre au plan social et politique (B). A- Au plan économique La dot, au sens purement africain du mot, est un ensemble de présents faits par la famille du futur époux à la famille de la fiancée ; Autrefois, comme l’a exposé Mr. le Garde des Sceaux, ministre de la justice de la république du Niger, dans une communication, la dot n’avait qu’une valeur symbolique et servait de preuve au mariage. « Cette institution était adaptée à l’économie traditionnelle, toute la famille étant constituée par l’ensemble des personnes d’une même origine et menant une vie commune sous l’autorité d’un chef qui était en principe l’homme le plus âgé. »173. C’est un exemple de la composition de la dot. Cette dot était clairement précisée par chaque coutume et différait selon celle-ci. La dot n’avait alors rien d’exorbitant et personne ne pouvait la qualifier ni de prix d’achat de la femme174, ni d’une source potentielle d’escroquerie. Cependant, « quand on avance que la dot était symbolique dans les sociétés traditionnelles situées hors de la monétarisation, cela ne veut pas dire que les prestations dotales étaient de moindre valeur. Dans certaines contrées, il s’agissait de croisettes de cuivre, de cauris, dans d’autres d’une vache, de chèvres, de poules ou alors de labours de champs. Ce n’était donc pas nécessairement des valeurs négligeables »175 En ce temps-là, la dot avait deux principales modalités, à savoir : la dot en nature, et la dot en prestation de service. Premièrement, la dot en nature était la plus répandue en Afrique noire ; elle était constituée de biens matériels autres que l’argent. Ces différents biens varient MANGIN Gilbert, le droit pénal de la famille et des personnes, in, encyclopédie juridique de l’Afrique. Droit penal et procedure pénal, tome deuxième, Abidjan. Dakar. Lomé, les nouvelles éditions Africaine, 1982 p 130. 173 174 Ibidem 175 MOUAMBA Bitota Joséphine, Recherches sur le statut juridique des femmes en Afrique, Thèse de doctorat en droit, Université des sciences sociales de Toulouse, octobre 2003, p. 145. http://www. biu-toulouse.fr, consulté le 08 août 2008 72 suivant les régions, les tribus et les coutumes. Ces biens sont le plus souvent consomptibles176 ou non consomptibles177. C’est le modèle de composition de dot chez les Tagbana de Côte d’Ivoire. En effet comme le décrit Migan Christine KONE-YOHA, la cérémonie de dot se fait en sept étapes et à chaque étape, correspondent des offres bien précises. Plus clairement les biens qui sont afférent sont : des coqs, des poules, des jarres de vin de palm (Bangui), des pintades en fonction de la beauté de la fille, des centaines de cauris, des morceaux de viande fumée, un morceau de sel gemme, des colas, du maïs, du poivre […]178 Chez les Agni de Côte d’Ivoire par contre, la dot est versée suivant un ordre chronologique bien déterminé, généralement en trois étapes successives. Ainsi seront offerts deux grandes bouteilles de liqueur, des morceaux de pagnes traditionnels (KITA), du sel, du tabac, des ignames […] Force est de constater que la dot en nature est faite dans d’autres pays que la Côte d’Ivoire. À cet effet nous pouvons citer l’exemple des ethnies installées à Lomé, une ville du Togo. C’est alors que la liste des éléments constitutifs de la dot en nature versée par un homme à la famille de sa fiancée, était composée de : une malle, quatorze (14) bouteilles de boissons, trois (3) chapeaux, huit (8) complets de pagnes, trois (3) paires de chaussures, six (6) foulards, un sac à main179 etc.180 Au-delà de tous ces biens de consommation, il en existe qui sont plus symboliques pour la dot tels que les colas et épices découpées en petits morceaux et sont partagés entre tous ceux qui ont participé à la cérémonie de la dot. Il s’agit des biens « qui se consomment par le premier usage, leur utilisation provoquant leur destruction », définition tirée de GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridique, Dalloz, 1988, p.83. Exemple de biens consomptibles dans le cas d’espèce : le sel, le maïs, le sucre, le vin de palme… 176 Les biens non-consomptibles sont ceux pour lesquels, il est possible d’avoir un usage prolongé, par exemple des costumes, des pagnes, des malles, etc. 178 Cf. KONE-YOHA Migan Christine, cérémonies traditionnelles a pays Tagbana, éd I corrigée, copyright, Août 2015, p 35-43 ; 177 179 Cf. DJOBO (B.), La dot chez les Kotokoli de Sokodé, op. Cit. p.584. Cf. MOUAMBA Bitota Joséphine, Recherches sur le statut juridique des femmes en Afrique, Thèse de doctorat en droit, Université des sciences sociales de Toulouse, octobre 2003, p 89. http://www. biu-toulouse.fr, consulté le 08 août 2008 180 73 « Dans la société malinké vivant au nord de la côte d’Ivoire, la dot comprenait une génisse, 100 noix de kola distribuées aux membres du clan et aux alliés, une dotation de tabac pour le père de la femme et du sel pour la mère… Un mariage scellé par la Kola devient une union sacrée, une union difficile à rompre »181 Secondairement, la dot pouvait être payée par prestation de service. À ce niveau, « le prétendant est amené à accomplir diverses tâches nécessitant la force physique, tels les travaux champêtres, la construction des cases etc. »189. Par exemple, le jeune fiancé suivant la coutume des peuples à vocation agricole, en Côte d’Ivoire, notamment les peuples du nord ainsi que ceux du centre « Chaque année venir aider son futur beau-père à cultiver au moins trois fois consécutives. Et le jour du mariage, sa dot est ainsi réglée sous forme de prestation de travail, signe d’entente et de paix entre les clans »182 . Chez les Senoufo, « le fiancé qui cultive avec ses amis de génération et tous les jeunes gens du village invités à cette occasion, ne mange pas depuis le matin jusqu’à la tombée de la nuit, il ne boit que l’eau que sa fiancée lui apporte ; d’autre part et autant que possible, il ne doit jamais se laisser surclasser par d’autres jeunes au cours de cette journée de travail ». Ce type de dot permet de vérifier le degré de responsabilité du futur époux. C’est à dire, ses qualités, essentiellement celles à nourrir sa future famille ou plus exactement son obligation alimentaire envers son épouse.183. Cependant, pour certains auteurs comme Alexis DEDE 184 , la prestation de services n’est pas une modalité de paiement de la dot pour deux raisons spécifiques ; selon eux, dans un premier moment, la prestation de service à caractère non exclusif au paiement de la dot car quel que soit le mode principal de paiement de la dot, la plupart des futurs gendres sont souvent sollicités pour 181 KONE (M.) et KOUAME (N’G.), Socio- anthropologie de la famille en Afrique. Evolution des modèles en Côte d’Ivoire. Evolution des modèles en Côte d’Ivoire, Abidjan, CERAP, 2005, pp 84-85 182 TRINCAZ (J.) et TRINCAZ (P.), « L’éclatement de la famille africaine. Religions et migrations, dot et polygamie », Cahiers de l’O.R.S.T.O.M, sciences humaines, vol XIX, n°2, Côte d’Ivoire, 1983, p.196 www.horizon.documentation.ird.fr (consulté le 26/08/08). Cf. AKOUHABA (A.), La dot dans le code des personnes et de la famille des pays d’Afrique occidentale francophone cas du Benin, du Burkina-Faso, de la côte d’Ivoire et du Togo 183 184 Cf. DEDE (A-F), Le contrat réel des arrhes du mariage (dot) et le statut de la femme en Afrique Noire, Thèse doctorat, Université Lovanium, Kinshasa, 1962, cité par BITOTA Muamba (J.), Recherche sur le statut juridique de la femme en Afrique, thèse de doctorat en droit, Université des sciences sociales de Toulouse, octobre 2003, p.91. 74 rendre des services à la belle-famille indépendamment du paiement de la dot. Dans le second moment et relativement au remboursement de la dot en cas de séparation. Les biens peuvent être remboursés tels qu’ils ont été donnés. Il devient difficile de ce fait de procéder au remboursement d’une prestation des services.185 En somme, la dot était composée de biens qui avaient un sens culturel selon chaque peuple. B- Au plan social et politique Dans nos sociétés traditionnelles, la dot est une institution unique en son genre puisqu’elle n’unit pas seulement deux personnes. De cette union, naitra la cellule de base de la société (une famille), mais plus encore, deux villages, deux clans, deux tribus, deux royaumes… C’est la raison pour laquelle le paiement de la dot était une obligation morale. Elle était si importante que dans cette sociétélà, les facilitations de paiement sont proposées à l’homme et/ou à sa famille.186Ce qu’il faut reconnaître en faveur de la dot qui fait le mariage traditionnel, c’est qu’elle constitue un gage de réussite sociale des époux, c’est l’alliance de deux familles qui sauront encadrer les époux et leur prodiguer, si besoin est, de bons conseils. C’est ainsi que la cérémonie de la dot se faisait toujours en public et aux moyens de matériels autre que l’argent dont la remise consacre le lien de mariage entre les futurs époux. Car, la remise totale de la dot est la condition de légitimation de toute union. Le lignage du jeune homme doit s’acquitter de cette obligation coutumière puisque la jeune fille est considérée comme une source de richesses humaines par sa fécondité et par son travail187. La dot s’impose alors comme « une obligation sociale et morale qui consacre le mariage »188. AKOUHABA Isabelle Anani, La dot dans le code des personnes et de la famille des pays d’Afrique occidentale francophone : Cas du Bénin, du Burkina-Faso, de la Côte d’Ivoire et du Togo 185 KONE Mariatou et KOUAME N’Guessan, sociologie-anthropologie de la famille en Afrique. Evolution des modèles en Côte d’Ivoire, Abidjan, CERAP, 2005, p 85 187 L’institutionnalisation de la dot répond à un besoin de compensation de la perte que subit de la famille qui 186 Cède l’une de ses membres en mariage, car la femme joue un rôle clé dans la production et la reproduction des Acteurs sociaux. On peut lire à ce sujet l’analyse de Cheick ANTA DIOP in : L’unité culturelle de l’Afrique, Présence Africaine, 1982, p. 33. 188 MUNZELE MUNZIMI (J-M), Les pratiques de sociabilité en Afrique, Editions Publibook, 2006, p. 35. KONE Mariatou et KOUAME N’Guessan, Socio-anthropologie de la famille en Afrique. Evolution des modèles en Côte d’Ivoire, op.cit. p 94 75 Elle était également un cadeau, un symbole. De concert, les deux enseignants à l’université, Mariatou KONE anthropologue et N’Guessan KOUAME sociologue, confirment qu’avant la monétarisation, en Côte d’Ivoire, la dot était une pratique dont la société, quelle que soit l’ethnie, ne pouvait se passer pour la seule raison que la dot avait la fonction de conférer à l’union des deux conjoints, un caractère légitime et officiel. Elle a aussi pour effet de rendre plus durable les unions étant donné que, les conjoints et leurs parents seraient dans l’obligation de donner une explication de leur divorce à toute la communauté, les parents veillant constamment sur le comportement de leurs enfants pour éviter une telle éventualité. Ainsi, un conjoint peut toujours compter sur le concours des parents de son conjoint pour le ramener à la raison lorsqu’il y a un conflit dans le ménage. Il est de ce fait, clair que nul ne peut occulter la fonction sociale de consolidation de la famille qu’exerce la dot. Faisant presque les mêmes observations relativement à la dot d’hier et celle d’aujourd’hui, Muhima Sikilivu affirme que : « Une dot ce n’est pas de l’argent, ni de la richesse pour la famille. Mais c’est un symbole sacré qui représente : l’honneur, le respect, la reconnaissance ou la gratitude d’une famille envers une autre. Quand une famille donne sa fille à un homme d’une autre famille, en échange, ce symbole coutumier de la dot doit être réalisé en conséquence. Une dot n’est pas de l’argent. Si c’était le cas la famille serait en train de vendre sa fille. C’est pourquoi elle est donnée toujours en nature (représentée par des objets) pour symboliser quelque chose. Tout dépend du clan. »189 C’est le paiement de la dot qui est devenu un problème et non la dot elle-même. Paragraphe 2 : La dot à partir de la monétarisation L’arrivée des colons en Côte d’Ivoire a engendré de nombreux bouleversements culturels, économiques, sociaux, culturels…, dès lors le pays 189 MATETE Joëlle, La dot: un symbole traditionnel en perdition à Goma, https:// habarirdc.net 76 connaitra de nombreuses mutations sociales et économiques. Ainsi le domaine du mariage traditionnel plus précisément la composition de la dot, ne restera pas en marge de ces mutations. A- La valeur économique de la dot L’abbé Jean Marie Dabiré en parle vivement et y met un accent particulier car pour lui « la valeur marchande des cauris a commencé avec l’apparition du F CFA imposé par le colon. Cette situation a débouché sur une convertibilité du cauris en F CFA. Il y a 30 ou 50 ans de cela, 20 cauris correspondaient à 5 F CFA, mais de nos jours un cauris se négocie 5 ou 10 F CFA, fait-il savoir. En effet, à partir de cette apparition du F CFA dans l’économie de la côte d’Ivoire, au sein des sociétés traditionnelles, le goût de la richesse démesurée et le désir de paraitre conduisent désormais à des dépenses somptueuses manifestées à l’occasion des cérémonies qui font partie de la reconnaissance sociale du groupe et de l’individu. L’exemple palpable est la cérémonie de dot »190. Car, il arrive que certains parents de la femme demandent des sommes colossales pour le payement de la dot de leur fille ou dressent une longue liste des objets à fournir pour le paiement de la dot. Dans ce cas de figure, pour effectuer de telles dépenses, beaucoup de personnes s’endettent et certains n‘hésitent pas d’une part, à utiliser des moyens ou des procèdes irréguliers comme l’émission de chèques sans provision et l’usure. Il peut arriver que, les parents de la femme, inventent des procédés pour percevoir la dot à plusieurs reprises « Certains chefs de famille n’hésitent pas, en effet, à proposer en mariage à de nouveaux prétendants une fille déjà donnée ou promise en mariage »191. À ces propos, des auteurs ont trouvés suite à leurs travaux de recherche qu’avec la monétarisation, le contenu de la dot varie désormais en fonction de la position sociale du jeune marié et peut être estimé en moyenne à 250000f CFA. 190 SOME François, dot en pays dagara : le mercantilisme a-t-il pris le pas sur le symbole ? https://www.lefaso.netconsulté le 22 mars 2015 MANGIN Gilbert, le droit pénal de la famille et des personnes, in Encyclopédie juridique de l’Afrique, tome X, les Nouvelles éditions africaines, Abidjan. Dakar. Lomé, 1982, p 130. 191 77 Comme le note Paul Désalmand192, le terme dot justement adopté et utilisé par les Africains (Ethnologues et les juristes.), désigne en fait quelque chose d’inverse à ce qui est appelé dot dans l’usage européen.193 En effet, dans la tradition européenne occidentale, c’est le père de la fille promise qui donne à son futur gendre, une dot, une somme d’argent, terres ou autres biens qui aideront à l’établissement du jeune ménage « A remarquer que dans ce cas, on n’a jamais dit que la femme achetait son mari »194 Ainsi, en Europe, ce système qui ne concernait pas vraiment les classes populaires avait fait naitre des « coureurs de dot » qui se mariaient pour le magot195 et disparaissaient ensuite196 Dans l’usage africain au contraire, il s’agit d’un des traits culturels caractéristiques des civilisations 197 les plus rependus et les plus partagés par presque tous les peuples. Ici c’est le fiancé ou son père qui doit apporter aux parents de la future épouse sa dot198. En clair, la dot européenne, même si elle semble ressembler à la dot africaine en ce sens qu’il y a échange de biens à l’occasion d’un mariage, est foncièrement différente de la dot africaine. Cependant, après les indépendances les deux types de dot (européenne et africaine), avaient le même sort. De ce point de vue, Jean Hilaire, avait recherché en 1964 la source d’inspiration des règles de droit créées dans les États de tradition française depuis l’indépendance199. Il finit par conclure que : « l’activité Cf. DESALMAND Paul, l’émancipation de la femme en Afrique et dans le monde, les nouvelles éditions Africaines, Abidjan-Dakar, 1977, p78 192 193 Ibidem LABICHE, un chapeau de paille d’Italie, cité par DESALMAND Paul. Op.cit., p 83 Cf. Magot : « Somme d’argent plus ou moins importante amassée peu à peu et mise en réserve », In petit Larousse op.cit., p 614 194 195 196 Cf. LABICHE, « un chapeau de paille d’Italie », cité par DESALMAND Paul. Op.cit., p 83 197 Civilisation : Ensemble cohérent de sociétés ou de cultures ; ensemble de caractères sociaux, culturels, etc., qu’elles partagent. C’est aussi un ensemble des comportements, des valeurs supposées témoigner du progrès humain, de l’évolution positive des sociétés. Cf. Le petit Larousse illustré, Paris, cedex 06, 2001, p 222 Cf. DESALMAND Paul, l’émancipation de la femme en Afrique et dans le monde, les nouvelles éditions Africaines, Abidjan-Dakar, 1977, p78 198 199 Cf. JEAN Hilaire, nos ancêtres les Gaulois, Annales africains, 1964. Voir GONIDEC. P.-T, op.cit., p 40. JEAN Hilaire est un historien, professeur à la faculté de Droit de Dakar. 78 législative des premières années de la décolonisation fait apparaitre une nette tendance à se rapprocher de ce dernier modèle (français)et à dépasser les limites que l’on n’avait jamais osé franchir antérieurement ». Une dizaine d’année après lui, KOUASSIGAN abouti à la même conclusion et parle de « triomphe du droit européen ». Il faut dire que nous sommes en présence d’une vaste réception volontaire 200 du droit français, ce qui n’exclut pas, il faut l’admettre, des différences en certaines matières201 En outre, la différence entre conception de dot africaine 202 et l’institution européenne du même nom, est perceptible à travers la fonction de la dot dans chacune des deux parties. En effet, nous ne le dirons pas assez, « l'objectif essentiel de la dot africaine n'est pas le même que celui de la dot européenne, la consolidation des liens matrimoniaux mais aussi les liens entre les deux familles (celle de l'homme et de la femme) se trouve être le mobile fondamental. Elle (dot) est en quelques sortes le moyen instrumental établissant l'alliance alors que la dot classique personnalise le mariage… La dot est encore une preuve, publique du libre consentement que les parents apportent à l'alliance envisagée. Elle est enfin une garantie de la stabilité de l'union des époux et des alliés »203. Ainsi pour J. Binet, la dot est la somme versée par le fiancé ou par sa famille au père de la fiancée. La dot peut être parfois en nature, en produits alimentaires ou artisanaux, parfois en objets traditionnellement réservés à cet usage : bijoux, objets en cuivre ou en fer.204 200 Sur la réception des droits étrangers, voir : BLAGOJEVIC B.T, La réception globale des droits étrangers, rapport général au Congrès international de droit comparé, Pescara, 1970. SAND. P.H, current trends in african legal geography, communication au Colloque de l’Association internationale de droit africain, Rome, 1972. Sur la réception du droit administratif français au Cameroun, voir l’étude de BIPOUN-WOUM dans R.J.P.I.C. 1972, p 359 et suiv. Shoeffer, Aliénation, réception, authenticité, R.P. 1974, p 359 et suiv. ZAJTAY, J.-N., La réception globale des droits étrangers, in « Etudes de droit contemporain », PARIS, 1970 Cf. En matière commerciale, en matière d’assurance et avec l’avènement de l’OHADA, beaucoup d’efforts sont entrepris dans ce sens. 201 Cf. PENE (G), La dot traditionnelle en Côte d’Ivoire, R.I.D. 1971, n°2, p 11 et suiv. SOLUS (H), le problème actuel de la dot en Afrique noire, Rev. Jurid. Et polit de l’Union française 1950 p. 453 et suiv; Dumetz (M), le droit du mariage en Côte d’Ivoire, p.69, n° 79 et suiv ; cité par ASSI-ESSO Marie (H). Op. Cit. P 78 202 203 NZOLAN LUSUNGUL Nana, Evolution de la conception et de la pratique de la dot dans la ville de Kinshasa., Op. Cit. P 7204 Cf. BINETI. J, Mariage en Afrique Noire, CVA, Paris, 1973, p.11 79 Pour la tradition africaine et dans l’entendement de la majorité de la population Ivoirienne, la dot, comme la célébration du mariage devant l’officier de l’État civil, est l’institution sociale qui fait passer du statut de célibataire à celui de marié. ASSI-ESSO établie la différence entre la dot africaine et l’institution Européenne du même nom « La dot africaine est distincte de l’institution Européenne du même nom. Dans les systèmes européens, […] Le rôle de la dot africaine constitue un second élément de distinction des deux institutions. À l’origine, la dot africaine avait un double rôle. Elle était d’abord une compensation matrimoniale de la perte subie par la famille de la jeune fille. Le départ de la jeune fille représentait la perte d’une main d’œuvre pour sa famille d’origine. Ensuite, la dot constituait une preuve tangible de la conclusion du mariage »205. Il est vrai qu’avec le développement de l’économie monétaire, on assiste dans la pratique à une exagération par moment des sommes demandées pour le paiement de la dot. Cependant, considérer la dot comme la violation des droits de l’homme et un facteur de comportements antiéconomiques, c’est en vérité, sortir de la considération africaine de la dot, violer sa valeur, faire monte d’un manque d’objectivité vis-à-vis de la tradition des peuples et retenir la dot africaine seulement dans ses conséquences néfastes206 à l’instar du législateur français et colonial207. 205 ASSI-ESSO (A-M), op. Cit p 78 Cf. COSTA (J.), « Quelques aspects nouveaux du droit des pays africains d’expression française ; une politique Pénale contre le sous-développement », Recueil Penant, 1967, n° 716, p.173, cité par Jacqueline COSTA – 206 LASCOUX, « La nouvelle famille africaine dans les droits de l’indépendance », op. Cit. p.177. 207 Les éléments constitutifs de ce délit sont décrits à l'alinéa 4 de l'article 405 du code pénal français de 1810: Il faut 1) avoir donné ou promis une fille en mariage, 2) que le mariage ait été célébré selon la coutume locale, 3) que l'auteur du délit, selon la coutume, ne puisse pas ou plus disposer de la fille, 4) qu’en donnant ou en promettant la fille en mariage, l'auteur a perçu ou tenté de percevoir tout ou partie de la dot fixée par la coutume et qu’il y ait une intention délictueuse. Cette infraction avait été créée par le code pénal indigène de 1944, puis ajouter, sous 80 B- La valeur sociale et politique de la dot Question : pour-vous, quelle est la valeur de la dot pour les ivoiriens ? ATTITUDES OU OPINIONS Nb.cit. ATTITUDES OU OPINIONS Fréq. 83 1 0,9% TRÈS IMPORTANT 83 73,5% IMPORTANT 21 18,6% PEU IMPORTANT 7 6,2% PAS IMPORTANT 0 0,0% NÉFASTE 0 0,0% JE NE SAIS PAS 1 0,9% 113 100% Non réponse 21 TOTAL OBS. 7 1 1 0 Nonréponse TRESIMPORTANT IMPORTANT PEUIMPORTANT PASIMPORTANT 0 NEFASTE JENESAISPAS Analyse Parmi les 113 enquêtées, 83 déclarent que la dot est très importante, soit 73,5% des enquêtés. Pour 21 enquêtés, la dot est seulement importante. Interprétation Les États africains, avant l’arrivée des colons, avaient chacun, leurs propres coutumes qui régissaient chaque société En s’installant, le colonisateur entreprit d’appliquer sa propre loi dans ses colonies par l’éradication de plusieurs pratiques du droit coutumier des peuples colonisés. Ainsi, sont interdites des pratiques comme : la dot, la polygamie…Mais face à la résistance farouche des autochtone208, « Le législateur français, contraint à reconnaître l'importance des coutumes devint plus tolérant forme d'alinéa à l'article 405 relatif à l'escroquerie, par le décret du 19 novembre 1947, pour les territoires d'outremer de l'AOF, de l'AEF et les territoires sous tutelle du Cameroun et du Togo. Il ne concerne que les habitants des territoires ayant conservés leur statut particulier et marier selon la coutume locale. Autochtone : se dit d’une personne qui est originaire du pays qu’il habite. In Le petit Larousse illustré, Paris, cedex 06, 2001, p 100 208 81 en élaborant le décret du 20 mai 1857 qui reconnaissait l’application des coutumes dans les colonies françaises »209. Cependant, le législateur français ayant vu en certaines de ces pratiques une atteinte à la dignité de la femme, a revu sa position sur les législations applicables aux populations autochtones. Aussi décida-t-il de restreindre l’application de ces législations dans le but d’atténuer les effets pervers dont la femme serait victime. Plusieurs décrets avaient été pris dans ce sens. Alors pris en vue "d’humaniser" certaines pratiques à l’égard de la femme. Il s’agit essentiellement du décret Mandel du 15 juin 1939210, le décret Moutet du 20 février 1964211, le décret Jacquinot du 14 septembre 1951212. Notons que l’infraction de la dot, précisément l’escroquerie liée à la pratique de la dot, qui ne figurait pas dans le code pénal français, dans le code Ivoirien applicable en métropole, avait été créée par le code des indigènes de 1944, puis ajouté sous forme d’un quatrième alinéa, à l’article 405 relatif à l’escroquerie, par le décret du 19 novembre 1947, pour les territoires d’outremer de l’AOF, de l’AEF213. Force est de constater qu’avec l’indépendance le législateur africain précisément celui de la côte d’Ivoire qui était supposé connaitre sa coutume et de ce fait la valoriser, avait une grande occasion de rétablir certaine pratique de valeurs pour la population telle que la dot. 209 Ce décret est rendu applicable dans la colonie dahoméenne par celui du 16 décembre 1894 qui « étendit au Dahomey (actuel Bénin) « la législation civile et commerciale du Sénégal ». Le décret du 6 août 1901 a confirmé le processus (cf. KOUASSIGAN (G. A.), « Quelle est ma loi ? Tradition et modernisme dans le droit privé de la famille en Afrique francophone cité par DJOGBENOU (J.), « Les personnes et la famille en République du Bénin : de la réalité sociale à l’actualité juridique » in La personne, la famille et le droit en République du Bénin : contribution à l’étude du code des personnes et de la famille, Editions Juris OUANILO, 2007 p. 17). 210 Décret qui prescrit le consentement des époux et surtout celui de la femme pendant la cérémonie de mariage, Publié au JO de la République française du 16 juin 1939. 211 Cf. Décret qui qualifie de mise en servitude la réclamation de veuve dans une succession. Cf. Décret qui a été le premier texte à réglementer la dot et poser le principe de l’option du mariage, publié par le JO de la République française du 18 septembre 1951 212 Cf. MANGIN Gilbert, le droit pénal de la famille et des personnes. L’escroquerie à la dot, In, encyclopédie juridique de l’Afrique. Droit pénal et procédure pénale, tome deuxième, Abidjan. Dakar. Lomé, les nouvelles Editions Africaines, 1982, p129 213 82 Voilà pourquoi, des auteurs affirment que « le mariage traditionnel en Afrique de l’ouest, a toujours été scellé par le versement de la dot. Le paiement de celle-ci est un acte qui permet de rendre le mariage légal aux yeux de la communauté…La dot est une pratique très ancienne qui perdure dans toutes les sociétés africaines » 214 . Mais contre toute attente le législateur ivoirien a systématiquement adopté la conception du colon, c’est-à-dire prohibé la dot. Cela dit, il interprète la dot comme ‘’le prix d’achat de la femme’’. Cependant, plusieurs auteurs vont se dresser contre cette conception de la dot en évoquant plusieurs raisons. D’abord, ils soulèvent « l’inadmissibilité de la femme comme objet de contrat »215 . En effet, considérer le paiement de la dot comme ’’le prix d’achat de la femme’’ implique l’existence d’un contrat de vente dont la femme est l’objet. Pour BITOTA Joséphine cette conception est inadmissible puisqu’en se basant sur les éléments constitutifs du contrat de vente, elle conclut que l’être humain étant sacré, et inviolable, la femme ne peut être considérée comme objet de contrat de vente216. Elle ajoute que : « dans un contrat de vente, la propriété est transférée du vendeur à l’acheteur moyennant le paiement du prix ; ce qui entraine l’extinction des obligations synallagmatiques entre les contractants. Or, à la réalité et en dépit du versement de la dot, il y a toujours cette continuité des relations réciproques entre d’une part le père et la fille, et de l’autre entre le père et le gendre »226. À cela il faut ajouter qu’en Côte d’Ivoire, les femmes ressentent plus de bonheur à être dotées, qu’à être mariées au civil devant le maire. C’est cette pensée qui ressort de nos enquêtes. KONE M et N’GUESSAN K, socio-anthropologie de la famille en Afrique. Evolution des modèles en Côte d’Ivoire, Abidjan, Editions du CERAP, 2005, p.89 215 LAGOUTTE Stéphanie et SVANEBERG Nina, op.cit. p 231 214 Selon la définition de l’article 1582 du code civil français, les trois éléments constitutifs du contrat de vente sont : la chose, le prix et le transfert de propriété. En ce qui concerne la « chose », objet du contrat de vente, l’auteur affirme sans équivoque que « la nature de la personne humaine est incompatible avec un bien et de ce fait elle est hors commerce juridique. Il en découle que quel que soit le montant versé, on ne peut assimiler une jeune fille à marier à une chose ». BITOTA Muamba Joséphine, recherches sur le statut juridique des femmes en Afrique, Thèse de doctorat en droit, Université des sciences sociales de Toulouse, note 19, 2003, p. 97 226 Ibidem. 216 83 Question : Pour vous, la dot est-elle une transaction commerciale (acheter la femme) ? ATTITUDES OU OPINIONS1 107 Nb.cit. Fréq. Non réponse 1 0,9% OUI 5 4,4% NON 107 94,7% TOTAL OBS. 113 100% ATTITUDES OU OPINIONS1 5 1 Non réponse OUI NON Analyse 107 personnes sur les 113 qui ont répondu au questionnaire disent que la dot n’est pas une transaction commerciale donc pas l’achat de la femme. Ce qui représente 94% de la population de l’étude. 5 personnes conçoivent que la dot est une transaction commerciale. Ce qui représente 4,4% de l’effectif total des enquêtés. Interprétation Le taux de personnes qui ne conçoivent pas que la dot soit ‘’ l’achat de la femme ‘’c’est à dire une transaction commerciale (94%) est très élevé. Cela peut être dû au sens et à la valeur réelle de la dot aux yeux de la population. Mais, malgré les grands débats soulevés autour de la question de pratique de la dot, seulement 4,4% pensent que la dot est l’achat de la femme. De ce fait, Il est fort raisonnable de remarquer que l’institution de la dot est indissociable de la notion de coutume et prend sa source dans le mariage. Or, 84 Pour le doyen Carbonnier, la coutume « est une règle de droit qui s’établie […] par une pratique répétée des sujets […]. C’est du droit qui s’est constitué par habitude »217. Il ressort de cette définition que les coutumes sont issues d’un processus de création spontanée du droit. Ainsi la dot, au sens africain est l’institution qui confère au mariage un caractère légitime et officiel. En le faisant, elle assure la sécurité matrimoniale, et légitime traditionnellement les enfants qui naîtront du mariage. Cette conception a été abandonnée par le législateur qui a préféré à l’instar du colon, considérer la dot comme une institution sur le mariage traditionnel, contraire aux principes élémentaires de la dignité humaine. 217 Carbonnier Jean., Droit civil, introduction, Paris, PUF, 2004, p. 16 85 CHAPITRE 2 : LA NÉCESSITE D'UN ENCADREMENT JURIDIQUE DE LA DOT « Les valeurs traditionnelles africaines sont en train d’être minées et même dépassées par la culture mondiale. Les générations africaines présentes n’ont plus de repères […]>>. En effet, l’africain d’aujourd’hui est à la recherche d’un difficile équilibre socioculturel. Mais l’Afrique noire en général et la Côte d’Ivoire en particulier peut rectifier son chemin, inventer des solutions nouvelles afin d’éviter les errements des générations actuelles dans les actes traditionnels qu’ils veulent poser… »218. Voilà une urgence à laquelle il faut absolument trouver une réponse. Puisque comme le dit François MITTERRAND : « C’est blesser un peuple au plus profond de lui-même que de l’atteindre dans sa culture et sa langue ». Force est alors de reconnaitre que « une prise de conscience est impérative, une remise en question s’impose et des actions se doivent d’être menés afin de sauvegarder les valeurs traditionnelles et culturelles ivoiriennes voire telle que le droit traditionnel et la dot dans le but de préserver notre identité africaine sans mimétisme ni syncrétisme. »219. Alors, il nous semble nécessaire que le législateur procède à un encadrement juridique et la nécessité de l'encadrement juridique dont il est question, répond à une question d'effectivité et d'efficacité de la loi. Pour le faire, il serait judicieux que le législateur procède à l'encadrement juridique de la dot (section 1) qui lui-même nécessite la réalisation d'une synthèse entre le droit traditionnel et le droit modern (section 2) 218 KONE-YOHA (M.), Cérémonies traditionnelles au pays Tagbana, Edition I corrigée, copyright, Aout 2015, p 11 219 Ibidem 86 Section 1: L'encadrement juridique de la dot en droit Ivoirien Depuis le 26 juin 2019, l’article 104 de la loi numéro 2019-570 du 26 juin 2019 relative au mariage dispose en effet : « La présente loi abroge la loi numéro 64-375 du 7 octobre 1964 relative au mariage modifiée par les lois numéro 83800 du 2 aout 1983 et numéro 2013-33 du 25 janvier 2013 et la loi numéro 64381 du 7 octobre 1964 relatifs aux dispositions diverses applicables aux matières régies par la loi sur le mariage et aux dispositions particulières applicables à la dot220.>> En côte d’Ivoire comme dans de nombreux pays Africain, pour la majorité des familles, le mariage coutumier demeure plus important que le mariage civil. Il est célébré soit uniquement, soit avant tout autre mariage, de sorte que, si les conjoints célèbrent le mariage civil uniquement ou avant le mariage traditionnel, cet acte est considéré par la société comme un affront à l’égard de la tradition et de la famille, un manque de considération des parents. En plus, leur mariage est considéré par la société comme étant sans fondement et fragile. Force est donc de constater que le mariage coutumier dans la société ivoirienne est tellement avéré et encré dans les mœurs que non seulement les mariés coutumiers sont reconnus et acceptés comme tel par tout leur entourage au point où ils n’ont point besoin d’apporter une autre preuve de leur mariage. Par ailleurs, les parents n’ont nullement besoin d’encourager leurs enfants à s’unir coutumièrement, puisque la nécessité du mariage coutumier est consacrée dans les mentalités. Or, le fondement du mariage coutumier, c’est la remise de la dot. C’est pourquoi, disons-le, la dot est au centre de tous les mariages ; qu’ils soient traditionnels, civils ou religieux et tout le monde la pratique (Juristes, fonctionnaires, sans emplois…). 220 Cf. Annexe 87 La loi étant l’élément par excellence de régulation de la société, il convient donc dans un premier temps que le législateur procède à l’uniformisation de la dot en droit Ivoirien (paragraphe 1). Dans un second temps, le même législateur prévoit des sanctions aux actes qui compromettent la pratique de la dot (paragraphe 2). Paragraphe 1 : L’uniformisation de la dot en droit Ivoirien. L'uniformisation de la dot en droit ivoirien est une œuvre qui permettra au législateur d'assurer la sécurité juridique en matière de pratique de dot. L'une des voies pour y parvenir consiste à fixer un montant maximal au paiement de la dot (A) et à instituer de la dot comme une faculté en droit ivoirien (B) A- La fixation d'un montant maximal au paiement de la dot Selon Bertrand Mathieu : « l’amélioration des conditions de l’application des lois peut être le fruit de l’évaluation ex post des effets d’une loi. Les conditions d’application de la loi sont également un des éléments déterminants du jugement que l’on peut porter sur sa qualité. Mais de manière générale, une loi, indépendamment de sa valeur intrinsèque, a vocation à être appliquée. Cette application exige de la détermination de la part du gouvernement qui en est responsable et une certaine surveillance de la part du parlement, auteur de la loi »221. En effet, Bertrand estime que le parlement doit s’intéresser à l’effectivité de l’application des textes de loi222. Ainsi, il nous semble évident que : « Pour éviter le divorce entre la pratique et la loi, le législateur doit, dans une reforme éventuelle de réglementer 221 222 MATHIEU (B.), La loi, 3e éd, Dalloz, Paris, 2010, p 127 MATHIEU (B.), La loi, 3e éd, Dalloz, Paris, 2010, p 127 88 la dot qui est incontestablement une formalité préliminaire du mariage ivoirien ».223 Inscrite dans une vision claire de cette question, ASSI-ESSO, parlant de la prohibition de la dot, montre de façon persuasive que la réglementation de la pratique de la dot est inévitable pour le législateur ivoirien puisque dans le même temps s’impose à celui-ci l’établissement des mesures afin d’éviter la mercantilisation de la dot. En effet selon le législateur de 1964, la première des raisons qui ont présidé à l’abolition de la dot était la fixation du montant. Laquelle fixation non contrôlée conduit à l’infraction de l’escroquerie, à des problèmes économiques et surtout à la violation de la dignité de la femme. Au demeurant, l’abolition de la prohibition de la dot est un premier pas posé par le législateur et cet effort est louable ; cependant, le législateur en tant que dépositaire de la législation ivoirienne, se doit de garder et de défendre nos coutumes, us et pratiques en les adaptant au contexte social du pays. En effet la loi ne doit pas rester silencieuse sur une telle pratique qui a, et prend encore de l’ampleur dans la société ivoirienne. Puisque comme le dit Bertrand Mathieu : « Rendre la loi plus efficace, c’est faire de meilleures lois et les appliquer…Une meilleure loi, c’est une loi utile, adaptée au but qu’elle poursuit, bien insérée dans l’ordre juridique. Une loi bien appliquée, c’est une loi mise effectivement en œuvre par les mesures réglementaires appropriées » 224 . Pour l’auteur en effet, la qualité d’une loi dépend nécessairement, d’une part, de son adaptation au contexte dans lequel elle s’applique et d’autre part, de son adaptation aux objectifs poursuivis. 223 ASSI-ESSO (A.-M.), Droit civil la famille, Abidjan, 4ème éd, Collection Précis de DROIT Ivoirien, Edition UIBA, 2018, p79 224 MATHIEU Bertrand, La loi, Op.cit. P 123 89 Pour se faire, il s'avère impératif qu'en plus de l’article 104 de la nouvelle loi sur le mariage, le législateur enchérisse la législation relative à l'organisation de la dot. Ainsi, en parlant d’organisation de la dot, nous entendons dire qu'il serait judicieux que le législateur fixe un prix maximal au paiement de la dot puisque « si la fixation de la dot en numéraire pose déjà un problème éthique du fait des allures mercantiles qu’elle prend dans le contexte actuel, elle ne manque pas de poser des difficultés surtout aux prétendant époux à cause de la surévaluation de son taux. »225. En plus, les résultats des enquêtes attestent la généralisation du prix élevé dans le marché matrimonial au sein de toutes les ethnies. Comme nous pouvons le constater, le montant de la dot, de plus en plus exorbitant, devient hors de portée des prétendants. Raison pour laquelle prenant appui sur la valeur que le peuple accorde à la dot et de son caractère symbolique, ainsi que sur la réalité socio-économique, nous proposons au législateur la somme symbolique de 10.000 Fr CFA comme montant maximal au paiement d’une dot, tout en laissant à la charge de la culture de chaque ethnie de désigner les personnes susceptibles de recevoir ce paiement. Cette vision est partagée par KONE-YAHA (M.) qui déclare dans son ouvrage paru le 14 février 2017 que : « Le but de la dot n’est pas l’enrichissement personnel : mais l’argent reçu par la famille de la mariée est comme une compensation symbolique pour combler le vide créé par le départ de leur enfant »226 MAFUSANA M.), Phénomène d’union libre et scolarisation des enfants, TFC en sociologie, FSSAP, Unikin, 2003. 225 https:/www.researchgate.net Consulté le 25/ 02/ 2019 KONE-YOHA (M..), Cérémonies traditionnelles au pays Tagbana. I- Le mariage traditionnel, côte d’ivoire, 2017, p 35. 226 90 Elle poursuit et dit : « la dot est aussi un geste de gratitude de la part de la famille du marié envers la famille de la mariée pour avoir élevé et pris soin de cette dernière. » 227 À sa suite, Anna-Claude (C.) ajoute que la dot est « Un symbole d’alliance entre les familles. En droit traditionnel Africain, la dot fait de la femme une épouse »228. C’est à dire, « la femme devient épouse lorsque la dot est versée partiellement ou intégralement. Elle est la condition de légitimation de toute union. Le jeune homme doit s’acquitter de cette obligation coutumière puisque la jeune fille est considérée comme une source de richesses humaines par sa fécondité et par son travail. La dot s’impose comme une obligation sociale et morale qui consacre le mariage »229. Par ailleurs, doit-on dire que la valeur symbolique de la dot va-t-elle de pair avec un caractère modique de la somme versée pour le paiement de la dot ? La réponse donnée par, Joséphine BITOTA MUAMBA est claire : « quand on avance que la dot était symbolique dans les sociétés traditionnelles situées hors de la monétarisation, cela ne veut pas dire que les prestations dotales étaient de moindre valeur. Dans certaines contrées, il s’agissait de croisettes de cuivre, de cauris, dans d’autres d’une vache, de chèvres, de poules ou alors de labours de champs. Ce n’était donc pas nécessairement des valeurs négligeables »230. KONE-YOHA (M..), Cérémonies traditionnelles au pays Tagbana. I- Le mariage traditionnel, côte d’ivoire, Op.Cit., p 35. 227 CAVIN (A-C.), Droit de la famille burkinabé, le code et les pratiques à Ouagadougou, Paris, l’Harmattan, 1998, p.92. L’institution de la dot répond à un besoin de compensation de la perte que subit de la famille qui cède l’un de ses membres en marge. Car la femme joue un rôle clé dans la production des acteurs sociaux. Voir à ce sujet CHEICK (A.), L’unité culturelle de l’Afrique, Paris, présence africaine, 1982, p.33. 228 229 Cf. MUNZELE (M.), Les pratiques de sociabilité en Afrique, Paris, Editions publibook, 2006, p. 35. Citer par LAGOUTTE Stéphanie et SVANEBERG Nina, les droits de la femme et de l’enfant réflexions Africaines, op.cit. p 224 230 Cf. BITOTA (M.), Recherche sur le statut juridique de la femme en Afrique, thèse de doctorat en droit, Université des sciences sociales de Toulouse, octobre 2003, p 145. 91 Sur ce sujet, le législateur togolais s’est montré plus explicite au travers de certains articles231 de sa loi portant sur les conditions de forme du mariage. Ainsi, il consacre la dot en relevant le caractère facultatif 232 , le caractère symbolique, les différents aspects et la tarification233ainsi que les bénéficiaires de la dot234. 231 Cf. Articles 57, 58 et 59 du code des personnes et de la famille togolaise 232 Cf. Article 57 du CPF togolais : « un acte attestant du paiement de la dot ou une déclaration conjointe des parents de la future épouse renonçant à la dot ». 233 Cf. Article 58 du CPF togolais : « La dot a le caractère de symbole. Elle peut être payée en nature ou en espèces ou sous les deux formes. En aucun cas son montant ne peut excéder la somme de dix mille francs ». 234 Cf. Article 59 du CPF togolais : « La dot est payée aux père et mère de la future épouse ; à leur défaut, à la Personne ne qui a autorité sur elle. En cas de dissentiment des père et mère, ce partage emporte acceptation », La tendance de croire par rapport à cet article que le législateur togolais a plagié l’article 148 du code civil français dont la disposition est « Les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte consentement. » est très forte. 92 Question : Pour-vous, la dot dit-elle être remboursée en cas de divorce? SUGGEST ION Nb.cit. Fréq. SUGGESTION Non réponse 1 0,9% OUI 6 5,3% NON 106 93,8% TOTAL OBS. 113 100% 10 6 10 6 0 1 Non rép on se 6 OUI NON Analyse : 93,8% des personnes ayant répondu au questionnaire de sondage ont dit non au remboursement de la dot. Ils représentent 106 sur 113 enquêtés. Interprétation Ce constat est fondamental. En effet, une large majorité des enquêtés confirme le bien fondé du paiement de la dot. Le pourcentage écrasant des personnes qui refusent le remboursement de la dot certifie la bonne perception du caractère symbolique de la dot et le degré d’appropriation que les ivoiriens ont de cette institution. Enfin, le paiement de la dot n’étant ni fondé sur la qualité des familles, ni sur le niveau social des individus, mais sur la tradition et le caractère symbolique de l’institution, le législateur à notre avis, peut fixer le montant du paiement de la dot à 10 000 F CFA au plus. B- L'institution de la dot comme une faculté par le droit ivoirien. Au regard du droit, une faculté est << une liberté, incluant le droit de faire ou celui de ne pas faire par opposition à une obligation. >>235Appliquée à la dot, elle consiste dans le fait pour le législateur d'accorder au futures époux l'option de 235 Cornu (G.), Le vocabulaire juridique, Op. cit. p. 372 93 la pratique de la dot. Ainsi, s'inscrivant dans le respect de la liberté de chaque individu, le législateur donnera non seulement la possibilité aux futurs mariés qui sont attachés à la pratique de la dot de la pratiquer tout en respectant les modalités conformes à leurs coutumes et à la loi mais aussi, de permettre à ceux qui ne veulent pas pratiquer la dot, de ne pas la pratiquer en toute liberté. Cette proposition tire sa source des résultats de nos enquêtes. Question : Approuvez-vous la pratique de la dot en Côte d'Ivoire ? CONNAISSANCE SUR L A PRAT IQUE DE LA DOT ATTITUDE OU OPINION 79 Fréq. 79 Non réponse 0,9% OUI 93,8% NON 5,3% TOTAL OBS. 100% 32 0 2 Non rép on se OUI NON Analyse De ce tableau, il ressort que 79 des enquêtés ont approuvé la pratique de la dot soit 93% alors que 32 ont répondu non soit 5,3%. Interprétation Il s'ensuit que la majorité écrasante (93%.) des enquêtés sont pour la pratique de la dot contre 5,3% qui sont contre la pratique de la dot. Cette représentation inégale des enquêtés dans notre échantillon est une conséquence 94 logique du type d'échantillonnage retenu. Il nous est donné d’observer, qu’une forte majorité de la population ivoirienne est encore en ces jours profondément liée à la pratique de la dot à laquelle elle apporte de grandes considérations et un attachement profond. Cependant, une fine couche de la population n'admet pas cette pratique. En somme, la dot est pour la majorité de nos enquêtés, un symbole à la fois divin et social. Raison pour laquelle en consentant à donne un caractère facultatif à la dot, le législateur favorise une efficacité de la réglementation de la dot. Dans ce cas de figure, la dot ne constituera une condition de validité du mariage que lorsque les futurs époux l’auraient expressément décidé. Ainsi, la dot sera pour eux une condition de fond du mariage et la nullité de leur mariage pourra être prononcée pour non-paiement de la dot et cette action en nullité revient à la femme236 du fait que la dot dans notre pays est remise par l'homme En outre pourra également être procéder dans chaque circonscription, l'inscription du montant de la dot remis et les autres informations relatives à la dot de chaque couple dans un registre. Paragraphe 2 : La prévision des sanctions aux actes qui compromettent la pratique de la dot. << La sanction par sa finalité, est un outil juridique destiné à rétribuer un comportement particulier considéré, par l'autorité qui souhaite le sanctionner, comme contraire à l'ordre juridique, c'est-à-dire fautif. La finalité d'un tel mécanisme est double : il s'agit tout d'abord de dissuader l'agent de commettre l'acte envisagé par la menace que représente l'application d'un mécanisme rétributive ; puis, éventuellement de rétribuer son comportement si la dissuasion a échoué. On parlera de cette manière générique d'une finalité rétributive. >>237 236 Cf. Articles 86 et 87 du CPF du Togo. 237 DEFEUWER-DZFOSSEZ (F.), L'évolution de la sanction en droit de la famille, Paris, l'Harmattan, 2001, p. 48 95 Étant la force de la loi, la sanction se trouve dans tous les domaines de la loi. Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ dira alors que: << On le constate aisément, l'étude de la faute et de sa sanction en droit de la famille est l'un des meilleurs prismes qui soient pour observer les ressorts profonds de cette matière, car c'est à l'épreuve de la sanction que l'on voit en vérité se dégager l'importance attachée ou non par la société aux principes qu'elle pose.>>238 Il est clair pour François que l'importance que la société porte à un acte juridique se révèle à travers la sanction qui est liée à son inobservation. Ainsi, la sanction civile à laquelle nous faisons référence dans notre travail, est celle qui est la conséquence que la loi attache à la violation d'une norme. Elle n'exige point la démonstration d'une faute mais requiert simplement la démonstration de la violation de la règle à laquelle la sanction est attachée239. Nous pouvons noter deux sortes de sanctions à savoir : le paiement d'une amande (A) et la nullité pour non-paiement de la dot (B) A- Le paiement d'une amende. Il est important que le législateur prévoie qu'un mariage scellé par la dot en bonne et due forme soit reconnu par la loi après présentation des preuves devant l’officier de l’état civil. Par ailleurs, le défaut de règles prévues par le législateur pourra entrainer le paiement d'une amende selon les cas. D'abord, notons le défaut volontaire de constatation du mariage coutumier ne devra pas être sanctionné par la nullité mais par une sanction pécuniaire telle que l'amende. Aussi, la dot ne pourra être exigée que pour la conclusion du mariage que si les époux ont choisi le mariage traditionnel. Dans ce cas de figure, le mariage ne pourra être ainsi célébré que si la dot a été payée la somme fixée a été versée…. 238 Ibidem, p. 9 Cf. Les sanctions civiles/ Portail sur le surendettement, https://socialsante.wallonie.be. Consulté le 7/ 04/2020 239 96 Partant de la proposition faite relativement à la fixation de la somme maximale de la dot, la somme à verse²r et le payement de la dot devrait se faire avant la célébration du mariage. Ainsi, il serait judicieux que lorsque la somme versée pour la dot est supérieure à 10000FCFA, la loi impose aux futures le paiement d’une amende. B- La nullité du mariage coutumier pour défaut de paiement de la dot La nullité est la sanction encourue pour le non-respect des règles spécifique de formation du mariage. Ainsi, la violation des règles de formation du mariage à comme conséquence la nullité du contrat (le mariage). Alors, dès le moment où le mariage coutumier est considéré par le législateur comme un acte juridique et l'importance de la dot s'explique par le fait qu'elle scelle le contrat de mariage, le défaut de paiement de la dot dans un mariage coutumier sera sanctionné par la nullité de l'union célébré. C'est ce qui ressort de l'article 426 du code de la famille congolaise qui dispose:<< […] est nul le mariage contracté sans une convention relative à la dot. La nullité peut être demandée par les époux, les créanciers de la dot ou par le Ministères public du vivant des époux […] >>240. En effet, en droit congolais, le législateur, après avoir consacré la dot, l'a encadré juridiquement tout en prévoyant des sanctions encourues par tout contrevenant, ce qui n'est pas pour le moment fait par le législateur ivoirien. C'est pourquoi, étant donné que la dot est versée et reçue coutumièrement, nous proposons au législateur ivoirien de consacrer la nullité du mariage coutumier célébrée sans versement et réception coutumière de la dot. En outre, la nullité pourra être demandée par les époux, les rois et chefs traditionnels (garants des traditions et des coutumes en côte d'ivoire) ou par le Ministère public. 240 Cf. Article 426 du code de la famille congolaise 97 Section 2 : La réalisation d'une synthèse législative entre le droit traditionnel et le droit moderne Un peuple qui perd ces valeurs culturelles perd sa substance première : son âme. En effet, les traditions Africaines ont des aspects positifs qu’il est important sauvegardé. C’est ainsi que pour nombreux Africains, les traditions << contribuent à donner une âme à la personnalité culturelle d'une société. En tant que telles, elles méritent d'être préservées et consolidées >>.241 De ce fait, BLANC-JOUVAN conclut en affirmant que : << il y a des valeurs morales et sociales telles que la solidarité familiale, le sens communautaire et le respect de l'autorité, qui sont propres à l'Afrique noire et qu'il importe avant tout de sauvegarder. Une réforme qui conduirait donc à l'abandon de ces valeurs ne pourrait donc qu'être nocives. >>242 Or dans notre pays, depuis l'indépendance, le droit traditionnel a été cristallisé et jugé par le législateur, être incapable d'évoluer et constitue par conséquent, un frein au développement. Aussi, le même législateur a jugé le droit moderne apte à répondre aux problèmes posés dans la société ivoirienne. Cependant, la réalité de notre société laisse transparaitre une urgence de réaliser une synthèse législative entre le droit traditionnel et le droit modern. Cet acte passe nécessairement par la préservation de l'identité culturelle dans l'élaboration du droit de la famille (Paragraphe 1) et par la légalisation du droit traditionnel en matière de droit de la famille (paragraphe 2). 241 La dot chez les Bantous et en Afrique, un symbole de valorisation du mariage et de la femme, www.yevol.com/afrique/dot.aspx61k. Consulté le 10 /05/215 242 BLANC-JOUVAN (X.), Le droit du mariage dans les pays de l'Afrique noire francophone. op.cit.p. 917 98 Paragraphe 1 : La préservation de l'identité culturelle dans l'élaboration du droit de la famille en Côte d'Ivoire. « Chaque société est vectrice d’une culture ou civilisation. Une société qui en serait dépourvue est inconcevable […] La culture ou civilisation […] est totalité complexe qui comprend les connaissances, les croyances, les arts, les lois, la morale, la coutume, et toute autre capacité ou habitude acquises par l’homme en tant que membre de la société » 243 . Raison pour laquelle il serait bon de procéder à la valorisation législative de la tradition et de la culture (A) et à l'acculturation du corps juridique Ivoirien (B). A- La valorisation législative de la tradition et de la culture. Depuis la colonisation, l’Afrique a connu des transformations et le droit traditionnel a subi inévitablement le contrecoup dans l’évolution des États africains précisément dans le progrès de la société ivoirienne. Ce qui n’est pas en réalité le cas dans la conception traditionnelle et dans la mentalité des ivoiriens mêmes d’aujourd’hui. La majorité des auteurs qui réfutent la conception de la dot admise par le législateur ivoirien le font pour la raison principale de l’inadaptation des termes français pour l’interprétation de certaines réalités africaines. « Les termes français de la dot et de polygamie expriment mal la réalité très hétérogène de ces coutumes et rendent encore moins compte de leurs évolutions. Si certains ethnologues ont tendance à systématiser, dans des structures, les échanges de femme et la circulation des biens, qui lient entre eux les groupes de parenté, force est de reconnaitre que la signification des institutions coutumières a été singulièrement troublée et parfois détournée des mythes de l’origine. »244. 243 LABURTHE-TOLRA (P.) et WARNIER J.-P., Ethnologie anthropologie, 1ère édition, presses Universitaire de France, Paris, octobre 2003, p 11 244 COSTA-LASCOUX (J.), La nouvelle famille africaine dans les droits des indépendances, l’année Sociologie, 1971, p 172. 99 En effet, les peuples traditionnels qui vivent sous la gouvernance du droit traditionnel sont des peuples très organisés et qui prônent des valeurs sociales tendant à disparaitre aujourd’hui. Comme exemple, nous pouvons citer entre autres le respect des anciens, la promotion de la vie et le respect de la dignité humaine. Les traditions dans leurs diversités ont mis l'accent sur la sauvegarde des relations dans la résolution des conflits contrairement au droit moderne qui a l’art de trancher sans mettre en avant la sauvegarde des rapports entre les parties B- L'acculturation du corps juridique Ivoirien. Le dépérissement des mœurs et des valeurs dans la société moderne donne la preuve de l’urgence de l’acculturation du corps juridique ivoirien. La matière du mariage permet d’étayer nos propos dans la mesure où « la tradition du mariage considère le mariage comme une alliance ou un contrat entre deux familles et non seulement entre un homme et une femme »245 comme le considère le droit moderne. Aussi, contrairement au mariage vu par le droit moderne, le mariage en Afrique ne se fonde pas sur le consentement mutuel des époux, car il est essentiellement familial. Cela se reflète à travers le fait que deux familles peuvent s’entendre et conclure un mariage avec et entre leurs enfants. Pour toutes ces richesses culturelles et traditionnelles que détient le droit traditionnel, le droit moderne gagnerait à se laisser imprégner par les mœurs et valeurs véhiculés dans le droit traditionnel. En effet, il serait profitable à tous que le droit traditionnel en Côte d’Ivoire constitue le noyau des différents codes et lois. Le législateur pourra aussi s’inspirer du droit traditionnel en l’intégrant à l’acte législatif et les lois. 245 Ibidem 100 Paragraphe 2 : La légalisation du droit traditionnel en matière de droit de la famille. La famille est le domaine privilégié du droit traditionnel en Afrique. En côte d’Ivoire comme partout en Afrique, le droit traditionnel reconnait à la famille des symboles, des valeurs propres aux ethnies puisque lié à la culture et à l’histoire des peuples. Or depuis la colonisation, le droit colonial avait grignoté246 les droits traditionnels et la considération du développement a conduit à mettre en question le droit traditionnel. Ainsi on considère généralement qu’ils sont non pas des moteurs, mais un frein au développement national. En réalité, avec la modernisation et le droit moderne, il est fort de constater la perte de nombreuses valeurs morales et familiales. Nous pourrons citer par exemple le sens de la grande famille comme facteur principal d’unité et de communion prôné par le droit coutumier mais abandonné par le droit moderne au profit de la famille réduite qui fait fi de toutes ces valeurs. Il faut donc une volonté et une intervention accrue du législateur pour remettre sur les rails les grandes valeurs sociales perdues ainsi que celles qui sont en voie de perdition du fait du clonage juridique actionné par le droit moderne. Cette action du législateur qui favorisera un avenir législatif et social meilleur vers lequel tendent toutes les énergies et qui assurera la continuité et le changement, n’est rien d’autre que la constatation du mariage coutumier (A) et la codification du droit coutumier en matière de droit de la famille (B). A- La constatation du mariage coutumier. Le mariage coutumier encore appelé mariage traditionnel est aujourd’hui enfermé dans le flou par la loi ivoirienne or, légions sont les populations ivoiriennes qui adhèrent massivement au mariage coutumier. Cette réalité devait 246 Cf. NDIAYE (Y.), Le nouveau droit africain de la famille, Ethiopiques, n°14, article publié sur http://www/refer.sn/ethiopiques consulté le 21/10/20018. p.278 101 en principe inciter le législateur à offrir un cadre plus favorable au mariage coutumier. Il pourrait ainsi instaurer la constatation du mariage coutumier par l'officier de l'état civil ou par toute autre autorité déclarée compétente par la loi. En effet, à l'instars de l'article 114 du code civil sénégalais qui dispose : << selon le choix des futurs époux, le mariage peut être célébré par l'officier de l'état civil ou constaté par lui ou son délégué, dans les conditions prévues par la loi. Le mariage ne peut être constaté que lorsque les futurs époux observent une coutume matrimoniale en usage au Sénégal.>>247, en droit ivoirien, les futurs époux pourraient avoir le choix entre le mariage dans sa forme moderne, célébré par l'officier d'état civil et le mariage dans sa forme traditionnelle constater par l'officier de l'état civil ou son délégué. En la matière, la loi pourrait confirmer la compétence des rois et chefs traditionnels pour procéder au mariage coutumier qui serait ensuite constater. En clair, la loi n° 2014- 428 du 14 juillet 2014 portant statut des rois et chefs traditionnels, a Attribution compétence aux rois et chefs traditionnels pour assurer l'efficacité des mesures relatives à la dot. Ainsi, ils constituent des régulateurs de la vie et les garants de la culture ainsi que de la tradition dans leurs différentes circonscriptions. Au regard de l'article 9 de ladite loi << La chambre Nationale des Rois et chefs traditionnels de côte d'ivoire contribue à la valorisation de la fonction d'autorité traditionnelle et à la promotion des us et coutumes ainsi que des idéaux de paix et de développement. […] >>248, les rois et chefs traditionnels sont les interlocuteurs politiques et administratives du pays dans leurs contrées. Enfin, l'officier de l'état civil pourrait procéder à l'accomplissement des différentes formalités de publication. 247 248 Cf. Code civile Sénégalais Cf. Article 9 de la loi n°2014- 428 du 14 juillet 2014 portant statut des rois et chefs traditionnels, a Attribution compétence aux rois et chefs traditionnels pour assurer l'efficacité des mesures relatives à la dot. https://www.assnat.ci consulte le 12/ 09/2017 102 B- La codification du droit coutumier en matière de droit de la famille. Le législateur ivoirien est un des premiers du continent à avoir codifié le droit de la famille. Pendant cette codification, le législateur a estimé que certaines règles coutumières avilissent les individus et elles constituent un obstacle au libre développement économique du pays. Selon lui, si l’on voulait fonder le code sur les coutumes, il serait impossible de ne pas faire prévaloir la coutume d’une des ethnies, soumettant ainsi la majorité de la population à des règles étrangères. D’où sa préférence manifestée en faveur des solutions modernes et réformistes. Depuis de nombreuses années en Côte d’Ivoire, les élites politique se sont rendus compte que l'application des lois de 1964 est difficile, thème largement abordé dans la presse ivoirienne : « Il y a seize ans ; la dot à la vie dure»249, « Enquête treize ans après... Comment évolue la famille ivoirienne ? » 250 « Un mari pour deux femmes »251, « Huit ans après, la polygamie »252. Mais pour ABDOU Touré, les répercussions des lois de 1964 sur la population ne sont pas totalement caduques253. Or dans la pratique, les peuples ivoiriens ont manifesté leur enracinement, leur préférence pour les règles coutumières à travers le mariage traditionnel encore appelé mariage coutumier. Cependant, le dépérissement de mœurs et des valeurs dans la société moderne donne la preuve de l’urgence de la prise en compte du droit traditionnel dans le corps juridique ivoirien. La matière du mariage permet d’étayer nos propos dans la mesure où contrairement au droit moderne, « deux famille et non 249 Cf. Ivoire Dimanche, n° 555 - Septembre 1981. 250 Cf. I.D. n° 337 - Juillet 1977. 251 Cf.I.D. n° 175 - Juin 1974. 252 Cf. I.D. n° 76 - Juillet 1972. 253 VLÉÏ-YOROBA, Droit de la famille et réalités familiales : le cas de la Côte d'Ivoire depuis l'indépendance, Clio. Histoire‚ femmes et sociétés [En ligne], 6 | 1997, mis en ligne le 01 janvier 2005, consulté le 09 novembre 2019. http://journals.openedition.org/clio/383 ; DOI : 10.4000/clio.383., Consulté le 09 novembre 2019. 103 seulement entre un homme et une femme »254. La tradition du mariage considère le mariage comme une alliance ou un contrat entre Pour toutes ces richesses culturelles et traditionnelles que détient le droit traditionnel, le législateur gagnera à laisser le droit moderne être imprégné par les mœurs et valeurs véhiculés dans le droit traditionnel. En effet, il serait bon que le législateur s’inspirer du droit traditionnel en l’intégrant à l’acte législatif et les lois. Ainsi, le législateur ivoirien qui vient d’abolir la prohibition de la dot, laquelle dot reflète les spécificités culturelles de chaque peuple, pourra achever son œuvre en posent un regard positif sur la tradition et avoir une nouvelle approche entre rapports le droit coutumier et le droit moderne qui régît la société ivoirienne. Enfin, à la lumière des résultats recueillis de nos enquêtes, nous avons admis qu'en dépit de la diversité culturelle et de quelques particularités qui spécifient chacune des ethnies soumises à l'observation. Il se trouve en ce jour, une convergence dans la conception et la pratique des règles traditionnelles. Cette convergence relative aux coutumes ne cesse d'être un facteur de consolidation des peuples. Tel est le cas des coutumes en matière de mariage qui favorisent le mariage interethnique et sont des facteurs du brassage culturel. Aussi, ils permettent aujourd'hui de conjuguer le droit traditionnel et la modernisation. Toute cette évolution fonde alors notre espoir en l'avènement d'une nation de droit dans laquelle les règles de droit sont effectives et efficace. Puisque comme dit Montesquieu : « Il vaut mieux dire que le gouvernement le plus conforme à la nature est celui dont la disposition 254 COSTA-LASCOUX (J.), La nouvelle famille africaine dans les droits des indépendances, l’année Sociologie, 1971, p 172. 104 particulière se rapportent mieux à la disposition du peuple pour lequel il est établi. ».255 Montesquieu, en effet, critique cette manière de faire du législateur dont seuls ses objectifs et ceux du gouvernement servent de raisons pour ne part prendre en compte le droit traditionnel dans l'action législative. Montesquieu va même plus loin en posant le principe selon lequel : « […] Les lois politiques et civiles de chaque nation ne doivent être que les cas particuliers ou s’applique la raison humaine 256 . Elles doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont faites, que c’est un très grand hasard si celles d’une nation peut convenir à une autre. Elles doivent être relatives au physique du pays… au genre de vie des peuples…à leurs mœurs, à leur manière. »257 En clair, l’évolution de la loi, doit suivre celle du peuple pour qui elle est faite. Nous croyons que c'est à ce prix que la côte d’ivoire aura une législation acceptée et respectée par tout le peuple ivoirien et dans laquelle chacun y trouvera un intérêt légitime. 255 Montesquieu, De l’esprit des lois, Paris, 6ème éd, éditions sociales, pp 81-86 256 On retiendra le caractère normatif de cette définition 257 Montesquieu, De l’esprit des lois, Op.cit., pp 81-86 105 CONCLUSION « Nous avons dit que les lois étaient des institutions particulières et précises du législateur ; et les mœurs et les manières, des institutions de la nation en général »258. Pour ainsi dire, « De là, il suit que lorsqu’on veut changer les mœurs et les manières, il ne faut pas les changer par les lois… il vaut mieux les changer par d’autres mœurs et d’autres manières…c’est une très mauvaise politique de changer par les lois ce qui doit être changé par les manières…il n’avait donc pas besoin de lois pour changer les mœurs et les manières de sa nation : il lui eut suffi d’inspirer d’autres manières. En général, les peuples sont très attachés à leurs coutumes ; les ôter violemment, c’est les rendre malheureux : il ne faut donc pas les changer, mais les engager à les changer eux-mêmes »259. La dot est pour la population un symbole, une identité culturelle et traditionnelle, une pratique à laquelle la majorité de la population ivoirienne refuse de déroger. Cependant, elle est confrontée à une menace des dérives de la mercantilisation de la femme et à l’escroquerie. Raison pour laquelle la valorisation et l’encadrement législatif de la dot s’imposent à la législation en Côte d’Ivoire. Puisqu’à la lumière des réalités quotidiennes du mariage en Côte d’Ivoire, nous comprenons qu’en dépit de la diversité culturelle et de quelques particularités qui spécifient chacune des ethnies, il existe une convergence dans la conception et la pratique de la dot pouvant donner naissance à une parfaite organisation de la dot et du droit traditionnel dans le pays. Ainsi, dans le cadre du droit matrimonial en Côte d’Ivoire, en dépit de nombreuses années écoulées depuis la promulgation de la loi interdisant la dot le 7 octobre 1964 jusqu’à la loi abrogeant l’interdiction de la dot le 26 juin 2019, soit cinquante-quatre (54) ans et deux mois, la pratique de la dot, Sans doute l’auteur comprend-il dans celles-ci le droit coutumier par opposition aux lois positives et modernes dont l’auteur dans ce chapitre vise à limiter l’usage. 258 259 MONTESQUIEU, De l’esprit des lois, 6ème éd sociales, Paris, p 183-184 106 qui demande qu’une somme soit versée pour sceller le lien du mariage demeure intensément pratiquée dans la société africaine en général et ivoirienne en particulier. C’était le cas il y a des siècles. Depuis toujours ce qui fait de la dot une institution incontournable du mariage dans notre société est le fait qu’elle est fondée sur un procédé qui a pour finalité l’union d’un homme et une femme et la consolidation de cette union. La dot est en Afrique, le socle de l’union de plusieurs familles, de plusieurs clans ou/et de plusieurs tribus. Ainsi, tout au long de la cérémonie de dot, des valeurs tels que le respect mutuel, la dignité de l’homme et de la femme, la sauvegarde des valeurs culturelles et la protection des intérêts personnels et ceux de la société, sont prônés et protégés. Avec l'institution de la dot, l’amour entre l’homme et la femme prend une portion plus large pour y inclure la famille proche et la famille élargie. Cependant, cette institution est depuis longtemps à l’affût de nombreuses infractions et des déformations. Les recherches faites en vue de proposer une solution à cette préoccupation attestent que dans les temps qui ont suivis l'avènement de la nouvelle loi survenue le 26 juin 2019 qui abroge toutes les lois antérieures relatives à la dot, certaines des raisons qui avaient en 1945 incité le législateur à abolir la dot existent encore. Cette situation nouvelle, par faute d'encadrement juridique de la dot, crée une insécurité juridique. Pourquoi est-il nécessaire d’encadrement juridique de la dot en droit matrimonial ivoirien ? Ce chemin d’analyse emprunté dans nos travaux de recherche débute par une large étude de documents à travers laquelle des ouvrages et des enquêtes sur le terrain nous ont permis de mieux cerner dans un premier mouvement, l’interdiction de la dot par la loi, en posant deux étapes qui ont gouverné cette démarche documentaire. La première de ces deux étapes nous permis de donner les raisons de la prohibition avancées par le législateur ivoirien. La seconde étape pour sa part, a permis de donner les sanctions prévues par le législateur ivoirien. En effet, au titre des différentes raisons qui ont incité le législateur de 1964 à interdire la dot nous comptons : 107 Premièrement, les raisons fondées sur des considérations internes. Ce sont d’abord les raisons d’ordre économique qui ne sont rien d’autre que le coût élevé de la cérémonie de la dot qui est perçu comme une source de dépenses exorbitantes et le fait de considérer la dot comme une source d’escroquerie. Ensuite viennent les raisons sociales et politiques, au nombre desquelles nous notons : le besoin pour le législateur d’adapter la tradition aux changements sociaux et politiques du pays ainsi que la sauvegarde des intérêts communs des ivoiriens. Secondairement, nous avons mis à nu, les raisons fondées sur des considérations internationales. Ces raisons se révèlent d’une part à travers la violation des droits de l’Homme révélée par la violation des droits de la femme et la restriction de la liberté des jeunes et d’autre part, à travers la supériorité du droit colonial qui est perçu par un pur rejet de la conception africaine de la dot, ainsi que par le mimétisme du droit français. Relativement aux sanctions prévues par le législateur ivoirien, il est à noter que le législateur n’a pas prévu aucune sanction liée à la pratique de la dot. Ensuite, Les raisons justifiant la réhabilitation de la dot forment le second mouvement dans notre démarche scientifique. En cela, l’on se devait bien de dénouer premièrement l’inadéquation entre la prohibition de la dot et la pratique. Laquelle inadéquation est perçue dans la relation entre la dot et le respect de la dignité humaine. L’analyse faite, montre que pour le fait que cette pratique soit une expression du respect de la dignité de la femme et un élément d’honneur et de valorisation de la femme, il existe une nette affinité entre la pratique de la dot et le droit de l’homme. Aussi, la pratique de la dot se révèle comme une expression du droit culturel prôné par les droits de l’homme et une pratique qui, malgré qu’elle était sévèrement interdite, n’a jamais cessé d’être beaucoup pratiquée. Au final, nous proposons au législateur Ivoirien, des perspectives et solutions au problème posé. 108 À cet effet, nous proposons une réforme législative relative à la dot comportant entre autre: La fixation de la limite du montant de la dot à 10000 FCFA afin de préserver le caractère symbolique de la dot et pour éviter la menace des dérives de la mercantilisation de la femme, et des autres dangers économiques. Ensuite, la sanction étant la force de la loi, il serait bon, nous semble-t-il que le législateur édicte des sanctions au non-respect des règles édictées. Aussi, au-delà d’une législation bien fournie en matière de dot, vu l’inefficacité et l’ineffectivité de plusieurs lois surtout en matière de droit de la famille, il conviendra que pour le législateur instaure l'ouverture d'un registre du mariage traditionnel et l'inscription dans dots dans ce registre. Enfin, dans le but prendre en compte les mœurs, les traditions et coutumes ivoiriennes dans l’évolution législative et pour valoriser l'institution de la dot, nous proposons l’assistance des rois et chefs traditionnels aux cérémonies de dot au titre d’autorités administratives, afin que la loi ne soit pas une coquille vide sans effets dans la société ivoirienne. 109 BIBLIOGRAPHIE I- Ouvrages généraux ABOULAYE-BARA (D.), Le mariage Wolof : tradition et changement, 2ème éd, Karthala, 1985, 226pages. - ASSI-ESSO (A.-M.), Droit civil. 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IV- Cours et dictionnaires A- Cours - ASSI (A.), Cours de Modes alternatifs de règlements des conflits », Abidjan, UCAO/UUA, 2018/2019, 35pages. 114 - BONI (S), Cours de droit des obligations, Abidjan, UCAO/UUA, 2015/2016, 352pages. - DAVID (R.), Cours de droit judiciaire international, Abidjan, UCAO/UUA, 2017/2018, 57 pages. - DAVID (R.), Cours de méthodologie juridique préparation d’un mémoire professionnel ou de recherche, Abidjan, UCAO/UUA, 2017/2018, 43 pages. B- Dictionnaires - BEZIZ-AYACHE (A.), Dictionnaire de la sanction pénale, Paris, ELLIPSE, 2009 ,191pages. - BOYE Abd-EL (K.), Encyclopédie juridique de l’Afrique. 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V- Lois - Loi n° 64-381 du 7 Octobre1964 relative au nom, l’état civil, le mariage le divorce, les séparations judiciaires, la paternité, la filiation, l’adoption, - La succession, la donation et les attributions à cause de mort - Loi n° 14-12-61 sur le code de la nationalité ivoirienne. - La déclaration universelle des Droit de l’Homme du 10 decembre1948 - Loi Française du 24 avril 1833 - Loi gabonaise n° 20-63 du 31 mai 1963, JO, 1er juillet 1963. - Lois n° 64-378 et 64-381 (art. 20-22) relatives au mariage, J.O, 27 octobre 1964 - Les reforme, lois du 26 juin 2019, paru en le 12 Juillet, J.O.R.C.I - Décret qui prescrit le consentement des époux et surtout celui de la femme pendant la cérémonie de mariage, publié au JO de la République française du 16 juin 1939. 116 - Décret qui a été le premier texte à réglementer la dot et poser le principe de l’option du mariage, publié par le JO de la République française du 18 septembre 1951 - Loi n° 64- 375 du7 octobre 1964 relative au mariage en Côte d'Ivoire - Loi n° 64-381 du 7 octobre 1964 relative aux dispositions diverses applicables aux matières régies par les lois sur le nom, l'état civil, le mariage, le divorce et la séparation de corps, la paternité et la filiation, l'adoption, les successions, les donations entre vifs et les testaments en Côte d’Ivoire. - Loi n° 83-800 du 2 août 1983 relative aux dispositions diverses applicables aux matières régies par la loi sur le mariage et aux dispositions particulières applicables à la dot ». Voir J.O.R.C.I, paru le vendredi 12 juillet 2019, p 6 - Loi n°2013-33 du 25 janvier 2013 et la loi n°64-381 du 7 octobre 1964 relative aux dispositions diverses applicables aux matières régies par la loi sur le mariage et aux dispositions particulières applicables à la dot ». Voir J.O.R.C.I, paru le vendredi 12 juillet 2019, p 6. - Décret Mandel du 15 juin 1939 - Décret Jacquinot du 14 septembre 1951 VI- Jurisprudence - Abidjan, Ch. correct. 29 Avril 1969 R.I.D. 1970, II. P. 57 - C.A de Paris, 22 novembre 1949, D.jp - C.A d’Abidjan, 16 juin 1972 n°1 – 2 P. 18 et C.A d’Abidjan, 18 février 1977, R.I.D 1978 n°3 – 4 P. 39 - Cour suprême Abidjan, 4 avril 1969 R.I.D. 1970, n°2 p.30, 117 - V. Arrêt : 2 octobre 1973, C.A. Rouen, Sirey 1974 p.378, note M. Philippe le Tourneau ; Crim. 7juin 1945-1- 215 : Paris 3 décembre 1968 G.P 1968 – 16141 ; Civ. 14 octobre 19840, G.P 1940 – 2 – p. 165. VII- Webographie - Abbé MPEKE (S.), Ne vendez plus vos filles. 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La dot permet également d’obtenir la bénédiction des parents compte tenu de notre origine (l'Afrique) 2 : Oui, parce que c'est notre la tradition 3 : Oui, parce que la dot est une valeur qui doit être transmise de génération en génération 4 : Oui, parce que la dot est l'une de nos richesses culturelles 5 : Oui, c'est une sécurité pour les époux 6 : Oui, parce que faire la dot est un honneur pour la femme 7 : Oui, parce que la dot est le vrai mariage chez nous en Côte d'Ivoire 8 : Oui, parce que la dot est ne preuve solide du mariage dans toutes les ethnies en Côte d'Ivoire 9 : Oui, parce que c'est la coutume 11 : Oui, parce que c'est la coutume 12 : Oui, parce que même si dans certaines régions la dot est une institution traditionnelle très importante 13 : Oui, Parce que la dot est un fait culturel très important 14 : Oui, parce que la dot est une institution traditionnelle qu'il faut conserver 15 : Oui, Parce que la dot valorise la femme 16 : la dot est une pratique voulue par tous 17 : Oui, Parce que la dot est un facteur d'unité entre les peuples et les familles 18 : Oui, Parce que la dot fait partir de nos coutumes. C’est notre identité Africaine 19 : Oui, parce que la pratique de la dot est une règle coutumière 20 : Oui, parce que la dot est une richesse culturelle qui caractérise l'Afrique dans son originalité 123 21 : Oui, parce que la dot est un facteur d'unité 22 : Oui, parce que la dot a une valeur culturelle 23 : Oui, parce que la dot a une valeur symbolique 24 : Oui, parce que la dot est très utile pour le mariage 25 : Oui, parce que la dot permet de valoriser la femme 26 : Oui, parce que tout le monde pratique et veux pratiquer la dot 27 : Oui, parce que la dot reste une richesse pour notre culture 28 : Oui, parce que la dot est une richesse culturelle des africains et ivoiriens 29 : Oui, parce qu’elle n'est pas négative 30 : Oui, Parce que la dot est un fait culturel 31 : Oui, Parce que c'est la coutume 32 : Oui, parce que la dot est une coutume ancestrale 33 : Oui, parce qu’elle est pour moi une loi de la nature 34 : Oui, parce que la dot est le mariage traditionnel 35 : Oui, parce que c'est une pratique traditionnelle 36 : Oui, parce que la dot est un acte symbolique 37 : Oui, parce que la dote met en relation plusieurs familles 38 : Oui, parce que la dot a une grande valeur pour les africains en général et pour les ivoiriens en particulier 39 : Oui, parce que la dot est importante pour la femme et pour l'homme 40 : Oui, parce que la dot permet de légaliser le mariage 41 : Oui, parce que la dot est très importante pour les ivoiriens 42 : Oui, parce que la dot est une partie de nous 43 : Oui, parce que la dot est un élément de la coutume 44 : Oui, parce que contrairement à la dot qui a existée en Europe, la dot en Afrique n'est pas négative 45 : Oui, parce que la dot est menacée 46 : Oui, parce que la dote est un lien de rapprochement entre les communautés Ivoiriennes 124 47 : Oui, parce que la dot fait partir de nos valeurs traditionnelles que nous devons valoriser et pérenniser 48 : Oui, parce que la dot est la première phase pour accéder au mariage 49 : Oui, parce que la dot en côte est nécessaire pour le mariage 50 : Oui, parce que c'est la dot qui fonde mariage pour nous 51 : Oui, parce que c'est la dot qui fait le mariage 52 : Oui, parce que la dot valorise nos familles, la femme et son mari 53 : Oui, parce que la dot reste le seul vrai mariage 54 : Oui, parce qu’interdire la dot, c'est trahir nos traditions 55 : Oui, parce que la dot se pratique dans toutes les régions et les ethnies du pays 56 : Oui, parce que la dot est une étape primordiale pour le mariage 57 : Oui, parce que la dot s'impose pour la bonne marche du mariage 58 : Oui, parce que la dot est le vrai mariage 59 : Oui, parce que la dot est un acte sacré pour les pays africains 60 : Oui, parce que la dot doit est ne valeur culturelle en Côte d'Ivoire et en Afrique 61 : Oui, parce que c'est une institution qui scelle le mariage 62 : Oui, parce que la dot est un contrat, une caution et un pacte signé entre les deux familles 63 : Oui, parce que la dot est une pratique sacrée qui consolide les relations entre les familles ou les clans. 64 : Oui, parce que la dot valorise la femme et la prépare à bien vivre sa vie de couple dans son foyer 65 : Oui, parce que c'est l'expression de la culture 66 : Oui, parce que la dot est une institution culturelle 67 : Oui, parce que cela n'est pas trop important ; on peut s'en passer 68 : Oui, parce que cette pratique date de longtemps car faisant partie de la tradition africaine. 125 69 : Oui, parce que la dot fait partir de notre culture 70 : Oui, parce que la dot est une rencontre entre deux familles 71 : Oui, parce que la dot fait partir de nos mœurs et coutumes africaine acceptée par la religion 72 : Oui, parce que la dot fait partie de notre culture 73 : Oui, parce que la dot a une valeur culturelle 74 : Oui, parce que la dot valorise la femme 75 : Oui, parce que la dot fait partir intégrante nos traditions 76 : Oui, parce que dans nos cultures, est le mariage 77 : Oui, parce que la dot permet de maintenir une très bonne relation, et sécurise le couple 78 : Oui, parce que la dot permet de sauvegarder nos cultures 79 : Oui, parce que c'est notre tradition 80 : Oui, Parce qu’elle valorise la culture Africaine 81 : Oui, parce qu’interdire la dot, c'est aller contre la culture 82 : Oui, parce qu’elle fait partir de nos us et coutume 83 : Oui, parce que tout le monde aime pratiquer la dot 84 : Oui, parce que l'interdiction de la dot est une trahison à l'esprit du peuple 85 : Oui, parce que la dot est une richesse culturelle pour les Africains 86 : Oui, parce que la dot permet aux deux familles de se connaitre, de s'accepter et d'approuver l'union de leurs enfants 87 : Oui, parce que la dot est sacrée 88 : Oui, parce que grâce à la dot, il y a un rapprochement des deux familles et l'acceptation de l’union de leurs enfants 89 : Oui, parce que cela est contre nos cultures 90 : Oui, parce que la dot, est une richesse 91 : Oui, parce que c'est notre culture 92 : Oui, parce que la dot est bénéfique pour le respect des femmes 93 : Oui, parce que la dot a une valeur culturelle 126 94 : Oui, parce que la dot est une pratique culturelle très ancienne 95 : Oui, parce que la dot fait partir de nos us et coutumes 96 : Oui, parce que la dot officialise le mariage 97 : Oui, parce que la dot legitimise les enfants 98 : Oui, parce que la dot est une prescription divine 99 : Oui, parce que c'est la dot qui fait le mariage 100 : Oui, parce que la dot est une loi biblique 101 : Oui, parce que la dot est une loi divine 102 : Oui, Parce qu’en Afrique, c'est la dot qui fait le mariage 103 : Oui, parce qu’abolir la dot, c'est abolir la culture Ivoirienne. C’est effacer les traces de nos ancêtres 104 : Oui, parce que certaines personnes utilisent la dot pour s'enrichir 105 : Oui, parce que la dot à un caractère divin 106 : Oui, parce que la dot a une valeur symbolique en Afrique 107 : Oui, parce qu’en Afrique la dot est considérée comme le mariage au sens propre du terme 108 : Oui, parce que nous devons valoriser nos cultures 109 : Oui, parce que la dot renferme la sincérité de la famille et des futurs conjoints 110 : Oui, parce que la dot fait partie de nos us et coutumes 111 : Oui, parce que la dot est un acte sacré 112 : Oui, parce que la dot vient de nos ancêtres 113 : Oui, parce que la dot fait partir de notre tradition 127 QUESTION : QUEL EST VOTRE PROFIL PROFESSIONNEL ? Nb.cit. Fréq. IDENTIFICATION OU SIGNALETIQUE3 Non réponse 1 0,9% JUGE 4 3,5% AVOCAT 6 5,3% GREFFIER 8 7,1% HUISSIER DE JUST ICE 9 8,0% ET UDIANT 21 18,6% ENSIGNANT 17 15,0% CADRE 15 13,3% EMPLOYE 15 13,3% ENT REPRENEUR, SANS EMPLOI0 0,0% AUT RES(PRECISEZ) 17 15,0% TOTAL OBS. 113 100% IDENTIFICATION OU SIGNALETIQUE3 21 21 17 17 15 8 15 9 6 4 0 1 0 Nonréponse JUGE AVOCAT GREFFIER HUISSIERDEJUSTICE ETUDIANTENSIGNANT CADRE ENTREPRENEUR,SANSEMPLOI EMPLOYE AUTRES(PRECISEZ) 128 QUESTION : QUELLE EST POUR VOUS LA SOMME CONVENABLE AU PAIEMENT DE LA DOT ? Nb.cit. Fréq. ATTITUDES OU OPINIONS3 Non réponse 1 0,9% 0-10000 5 4,4% 10000-50000 6 5,3% 50000-100000 14 12,4% 100000-150000 0 0,0% 150000-200000 3 2,7% 200000-+ 6 5,3% PAS DE SOMME CONVENABLE 78 69,0% TOTAL OBS. 113 100% AT T IT UDES O U OPINIO NS3 78 78 14 0 1 5 6 3 6 0 Non ré pon se 0-10 00 010 00 0-500 50 00 00 0-100 10 00 00 0 00 -1515 0000 0000 -20 00 00 PASDESO 20 00 00 -+ MM ECONVENA 129 QUESTION : APPROUVEZ-VOUS L’INTERDICTION DE LA DOT PAR LA LOI EN CÔTE D’IVOIRE ? Nb.cit. ATTITUDES OU OPINIONS2 Non réponse OUI NON TOTAL OBS. Fréq. 1 0,9% 3 2,7% 109 96,5 % 113 100% AT T IT UDES O U OPINIO NS2 10 9 10 9 0 1 3 Non rép on se OUI NON 130 QUESTIONNAIRE DESTINE AUX PROFESSIONNELS ET AUX NON PROFESSIONNELS DU DROIT 131 TABLE DES MATIÈRES SOMMAIRE .......................................................................................................... I DÉDICACE .......................................................................................................... II REMERCIEMENTS ........................................................................................... III AVERTISSEMENT ............................................................................................ IV SIGLES ET ABRÉVIATIONS ............................................................................ V INTRODUCTION ............................................................................................... 1 PARTIE I : L’INTERDICTION DE LA DOT PAR LA LOI ....................... 8 CHAPITRE 1 : LES RAISONS DE LA PROHIBITION AVANCÉES PAR LE LÉGISLATEUR IVOIRIEN ............................................... 11 Section 1 : Les raisons fondées sur des considérations internes ...................... 12 Paragraphe 1 : Les raisons d’ordre économique ........................................... 12 A- Le coût élevé de la cérémonie de dot comme source de dépenses exorbitantes. .......................................................................................... 13 B- La dot, une source d’escroquerie. ......................................................... 17 Paragraphe 2 : Les raisons sociales et politiques .......................................... 19 A- Le besoin d’adaptation de la tradition aux changements sociaux et politiques du pays. ............................................................................. 20 B- La sauvegarde des intérêts communs des Ivoiriens. ............................. 21 Section 2 : Les raisons fondées sur des considérations internationales ......... 22 Paragraphe 1 : La violation des droits de l’Homme ..................................... 23 A- La dot : violation des droits de la femme ............................................. 24 B- La dot : un obstacle à la liberté des jeunes ........................................... 27 Paragraphe 2 : La supériorité du droit colonial............................................. 28 A- Un pur rejet de la conception africaine de la dot .................................. 29 B- Le mimétisme du droit français ............................................................ 32 CHAPITRE 2 : LES SANCTIONS PRÉVUES PAR LE LÉGISLATEUR IVOIRIEN ................................................................................. 35 Section 1 : Les sanctions pénales ..................................................................... 36 Paragraphe 1 : La peine d’emprisonnement ................................................. 37 A- L’échelle de la peine privative de liberté ............................................. 37 B- Les personnes visées ............................................................................. 38 Paragraphe 2 : La peine d’amende .............................................................. 40 A- La peine d’amende, une peine à titre principal .................................... 40 132 B- Une peine accessoire ............................................................................. 41 Section 2 : Les sanctions civiles de la pratique de la dot ................................. 42 Paragraphe 1 : La restitution de la somme versée fondée sur la nullité de la dot ................................................................................. 43 A-La nature et le domaine de la nullité ..................................................... 43 B- La restitution de la somme versée ........................................................ 45 Paragraphe 2 : La restitution de la somme versée fondée sur d’autres causes .................................................................................... 45 A- La responsabilité délictuelle ................................................................. 46 B- La révocation des libéralités conditionnelles........................................ 47 PARTIE II : LA RÉHABILITATION ET L'ENCADREMENT JURIDIQUE DE LA DOT ....................................................... 50 CHAPITRE 1 : LA RAISON DE LA RÉHABILITATION : L'INADÉQUATION ENTRE LA PROHIBITION DE LA DOT ET LA PRATIQUE ............................................ 52 Section1 : La dot et le respect de la dignité humaine ...................................... 52 Paragraphe 1 : L’existence d’une affinité remarquable entre la dot et les droits de L’homme. ............................................................... 53 A- La dot africaine, une expression du respect de la dignité de la femme 54 B- La dot Africaine, un élément d’honneur et de valorisation de la femme ........................................................................................... 58 Paragraphe 2 : La dot, expression de respect du droit culturel ..................... 61 A- La dot, un droit culturel prôné par les droits de l’homme .................... 61 B- La dot, une pratique sévèrement interdite mais toujours pratiquée ...... 67 Section 2 : La dot et l’escroquerie ................................................................... 70 Paragraphe 1 : La dot et l’escroquerie avant la monétarisation .................... 71 A- Au plan économique ............................................................................. 72 B- Au plan social et politique .................................................................... 75 Paragraphe 2 : La dot à partir de la monétarisation ...................................... 76 A- La valeur économique de la dot............................................................ 77 B- La valeur sociale et politique de la dot ................................................. 81 CHAPITRE 2 : LA NÉCESSITE D'UN ENCADREMENT JURIDIQUE DE LA DOT .............................................................................. 86 Section 1: L'encadrement juridique de la dot en droit Ivoirien........................ 87 Paragraphe 1 : L’uniformisation de la dot en droit Ivoirien. ........................ 88 A- La fixation d'un montant maximal au paiement de la dot .................... 88 B- L'institution de la dot comme une faculté par le droit ivoirien............. 93 133 Paragraphe 2 : La prévision des sanctions aux actes qui compromettent la pratique de la dot. .............................................................. 95 A- Le paiement d'une amende. .................................................................. 96 B- La nullité du mariage coutumier pour défaut de paiement de la dot .... 97 Section 2 : La réalisation d'une synthèse législative entre le droit traditionnel et le droit moderne .......................................................................... 98 Paragraphe 1 : La préservation de l'identité culturelle dans l'élaboration du droit de la famille en Côte d'Ivoire. ................................. 99 A- La valorisation législative de la tradition et de la culture. ................... 99 B- L'acculturation du corps juridique Ivoirien. ....................................... 100 Paragraphe 2 : La légalisation du droit traditionnel en matière de droit de la famille......................................................................... 101 A- La constatation du mariage coutumier. .............................................. 101 B- La codification du droit coutumier en matière de droit de la famille. 103 CONCLUSION ................................................................................................ 106 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................ 110 ANNEXE........................................................................................................... 122 TABLE DES MATIÈRES ................................................................................ 132 134