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Etre-enseignant-au-college-en-histoire-geographie

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Ê T R E
E N S E I G N A N T
A U C O L L È G E
E N
H I S T O I R E
G É O G R A P H I E
JEAN-JACQUES CL AUDE
L AURENCE MARION
M A Î T R I S E R
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE
EN HISTOIRE-GÉOGR APHIE
ÊTRE
ENSEIGNANT
AU COLLÈG E
EN HISTOIRE
GÉOGR APHIE
JEAN-JACQUES CL AUDE
L AURENCE MARION
M A Î T R I S E R
LES AUTEURS
Directeur de publication
Gilles Lasplacettes
Après avoir suivi un double cursus de Lettres
modernes (CAPES) et d’Histoire (agrégation), JeanJacques Claude a exercé aussi bien en collège qu’en
lycée. Il a également été en poste à l’Université et
formateur dans un IUFM, avant d’occuper des postes
d’encadrement, qui l’ont notamment conduit à
superviser des dispositifs de diffusion des usages du
numérique à l’école. Il enseigne actuellement dans
l’académie de Toulouse. Il a codirigé un manuel de
terminale publié chez Magnard en 2013.
irectrice de l’édition transmédia
D
Stéphanie Laforge
Laurence Marion est diplômée en Histoire. D’abord
conseillère principale d’éducation et formatrice, puis
adjointe au délégué académique à la formation des
personnels (DAFPEN) de l’académie de Montpellier,
elle est aujourd’hui personnel de direction. Elle est
l’auteur de plusieurs articles et ouvrages relatifs à la
vie scolaire, dont « Accompagner les délégués » (en
collaboration avec Olivier Briffaut, Canopé, 2014).
Avertissement
Les numéros entre crochets dans le texte renvoient à la
numérotation de la bibliographie.
Directeur artistique
Samuel Baluret
Suivi éditorial
Corinne Bernardeau
ise en pages
M
Stéphane Guerzeder
Conception graphique
DES SIGNES studio Muchir et Desclouds
ISSN : 2416-6448
ISBN : 978-2-240-04509-6
© Réseau Canopé, 2017
(établissement public à caractère administratif)
Téléport 1 – Bât. @ 4
1, avenue du Futuroscope
CS 80158
86961 Futuroscope Cedex
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pour tous pays.
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des articles L.122-4 et L.122-5, d’une part, que les « copies ou
reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et
non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que
les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et
d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou
partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants
droit ou ayants cause, est illicite ».
Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que
ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français de
l’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins,
75006 Paris) constitueraient donc une contrefaçon sanctionnée
par les articles 425 et suivants du Code pénal.
SOMMAIRE
7
INTRODUCTION
11
S’APPROPRIER LES VALEURS ET LE FONCTIONNEMENT
DU SERVICE PUBLIC D’ÉDUCATION
31
45
71
13
Exercer les missions et les responsabilités de l’enseignant
15
Les missions et le référentiel de compétences
17
Faire vivre les valeurs et les principes du système éducatif
23
Connaître les objectifs des politiques d’éducation
25
Savoir se repérer dans l’organisation du service public d’éducation
29
Comprendre les démarches de suivi et d’évaluation de l’école
PENSER SON ACTION DANS LE CADRE DE L’ÉPLE
33
Prendre la mesure de l’ÉPLE comme environnement professionnel
35
Intégrer les choix politiques de l’établissement
37
Collaborer à la mise en œuvre des nouveaux dispositifs
39
Coopérer au sein de différentes équipes
43
Prendre en compte les usages numériques de son établissement
PRÉPARER SON ENSEIGNEMENT
47
Conforter son expertise disciplinaire
53
Définir et organiser ce que l’on veut faire acquérir aux élèves
57
Penser les connexions interdisciplinaires
63
Choisir les supports documentaires
67
Intégrer le numérique
FAIRE TRAVAILLER ET PROGRESSER LES ÉLÈVES
73
Construire la relation pédagogique
77
Problématiser
79
Varier les modalités de mise en activité des élèves
85
Travailler l’expression orale et écrite
89
Évaluer pour faire progresser les élèves
6
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
93
INTERAGIR AVEC LES PARTENAIRES DE L’ÉCOLE ET LES PARENTS
107
95
Enrichir son enseignement par des interventions extérieures
99
Connaître les droits des parents d’élèves
101
Œuvrer à la construction d’une relation de confiance avec les parents
105
Communiquer sur la progression dans les apprentissages
DÉVELOPPER SES COMPÉTENCES PAR UNE POSTURE PROFESSIONNELLE RÉFLEXIVE
109
Formaliser son enseignement
111
Observer et analyser les pratiques
115
Organiser une veille professionnelle
117
Expérimenter et innover
119
Se former tout au long de sa carrière
121
CONCLUSION
123
BIBLIOGRAPHIE
126
SITOGRAPHIE
INTRODUCTION
S’inscrivant dans la lignée de la Loi d’orientation et de programmation pour la refondation
de l’école de la République [23], la réforme du collège se veut globale et entend actionner
tous les leviers pour réformer en profondeur notre système éducatif, jusque dans les classes
et dans l’expérience scolaire des élèves. Elle vise donc en particulier un changement des
pratiques des enseignants. Et si l’arrêté du 16 juin 2017 en assouplit les modalités de mise
en œuvre, il n’en remet pas fondamentalement en cause les grands principes.
Cette volonté de réforme est née des résultats convergents de plusieurs enquêtes qui font
ressortir le caractère inégalitaire du système éducatif français 1. Ces inégalités constituent
aussi une injustice sociale, puisqu’elles frappent davantage les jeunes Français issus des
milieux les plus défavorisés, l’échec scolaire venant alors notamment renforcer la pauvreté
ou les difficultés d’intégration. Ainsi a-t-on pu constater que les performances des élèves de
troisième varient selon leur origine sociale. Presque un tiers des enfants d’origine sociale
défavorisée figurent en effet parmi les élèves qui réussissent le moins bien, alors que leur
proportion n’est plus que de dix pour cent chez ceux qui sont issus de milieux très favorisés.
Les performances dépendent également de l’environnement culturel : une corrélation a été
établie entre la réussite scolaire et le nombre de livres disponibles au domicile. Enfin, les
élèves en retard dès la sixième sont aussi les plus faibles en fin de classe de troisième, ce
qui tend à montrer que le collège ne parvient pas à corriger ces tendances [8].
L’objectif de la Loi de refondation de l’école de la République, et de tous les textes qui
viennent la décliner, est donc de faire évoluer l’ensemble du système éducatif pour l’amener
à mieux prendre en charge la difficulté scolaire et à œuvrer à la « réussite pour tous ». Il n’est
pas anodin qu’elle ait introduit cet objectif dans le premier article du Code de l’éducation,
qui pose les principes généraux que se donne la nation dans ce domaine.
Pour autant, l’entreprise de refondation ne fait pas table rase de l’existant, de l’histoire
et des réussites du service public d’éducation. Sur certains points, elle vient renforcer ou
infléchir des textes antérieurs ou des évolutions déjà en cours. C’est par exemple le cas du
référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation,
rénové – et non créé – en 2013 pour prendre en compte à la fois des changements institutionnels (modification des concours de recrutement, création des écoles supérieures du
professorat et de l’éducation – ESPE) et des évolutions avérées des attentes et des pratiques.
Ce référentiel explicite ce qui doit fonder le métier d’enseignant en début de carrière et
également sur le long terme.
1L’une des plus connue est PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), qui
s’intéresse aux acquis des élèves en fin de scolarité obligatoire dans une perspective comparative au sein
de l’OCDE. Elle tend à montrer que, si la France est en capacité de produire de l’excellence scolaire, les
écarts de résultats se sont creusés entre 2003 et 2012. À titre d’exemple, en 2012, les scores moyens en
mathématiques des élèves accédant à la seconde générale étaient parmi les meilleurs, alors que ceux des
élèves restés avec du retard en troisième équivalaient aux performances d’élèves issus de pays nettement
moins favorisés, tels que le Mexique. Même si les conclusions de PISA font l’objet de discussions et
de critiques, d’autres indicateurs internes, qui croisent résultats aux examens et catégories socioprofessionnelles, vont dans le même sens.
SOMMAIRE
8
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
La réforme du collège introduit néanmoins des évolutions majeures [11]. Tout d’abord, sur
les contenus enseignés : nouveaux programmes [6] adossés au socle commun (lui-même
redéfini [16]), progressions par cycles pour renforcer la continuité des apprentissages (avec
un cycle 3 constituant un véritable pont entre le premier et le second degré), introduction
d’une logique curriculaire (les parcours [3, 5, 9 et 10]) qui met l’accent sur des compétences construites dans le temps et modifie le rapport aux évaluations sommatives habituelles. Ensuite, la réforme insiste sur la nécessité d’offrir une diversification pédagogique.
L’accompagnement personnalisé (AP) concerne tous les élèves et rompt avec la logique de
« soutien » qui prévalait jusque-là dans le traitement de la difficulté scolaire. Elle met en
avant non pas une remédiation fondée sur la répétition ou le renforcement de l’horaire
en groupe restreint et homogène, mais des approches alternatives, permettant à tous les
élèves de progresser à leur rythme, tout en garantissant le respect de la mixité dont on
connaît aujourd’hui les bénéfices en termes de cohésion sociale 2. Enfin, la réforme introduit une obligation d’interdisciplinarité, et ceci sous plusieurs formes : les enseignements
pratiques interdisciplinaires (EPI) mais aussi la contribution des différentes disciplines aux
quatre parcours (« avenir », « citoyen », « d’éducation artistique et culturelle » et « éducatif
de santé ») et aux enseignements transversaux (enseignement moral et civique, éducation aux médias et à l’information, éducation au développement durable, par exemple).
Contrairement à ce qu’une représentation hâtive pourrait laisser croire, elle recentre ainsi
l’activité sur la discipline enseignée puisque l’accompagnement personnalisé et les enseignements pratiques interdisciplinaires s’inscrivent dans l’horaire disciplinaire et ne s’y
ajoutent pas. Elle invite donc non pas à la négation de la discipline, mais à son intégration
dans un projet pédagogique et éducatif commun, de nature à lui conférer la légitimité d’un
savoir ou de compétences que l’on peut réinvestir dans des situations multiples.
Il nous a semblé dès lors que la réforme du collège était l’occasion de réinterroger la pratique
du métier d’enseignant aujourd’hui, et en l’occurrence celle du professeur du second degré,
celui-ci demeurant le spécialiste d’une discipline et déployant son action dans le cadre de
la transmission de savoirs définis. Cependant, il nous a paru également pertinent de tirer
pleinement les conséquences des évolutions de la profession, et de la décrire en abordant
sa complexité et son aspect multidimensionnel (les géographes diraient ici « multiscalaire »). Plus que jamais, la réforme du collège invite le professeur à ne pas traiter l’heure
de cours comme une unité close et à considérer ses missions comme participant d’un
véritable processus, lui-même inscrit dans un système. Ce dernier repose aujourd’hui sur
trois niveaux, ceux de l’État (le ministère), de l’académie (le rectorat) et de l’établissement
public local d’enseignement (EPLE), terme générique désignant aussi bien les collèges que
les lycées, et qui renvoie à un cadre juridique particulier dans la fonction publique, notamment en termes d’autonomie. Cette organisation détermine en fait directement l’action de
l’enseignant dans la classe.
Mais, au-delà de la commande institutionnelle, nous pensons que les professeurs ont tout
intérêt à se saisir de l’occasion que leur donnent les évolutions en cours pour déployer une
pratique plus aboutie. Tout d’abord, la réforme offre une opportunité intellectuellement
stimulante, y compris et surtout d’un point de vue disciplinaire. Elle s’accompagne en effet
d’une refonte des programmes qui ouvrent des perspectives nouvelles. Non seulement les
contenus enseignés continuent de s’adosser aux renouvellements de la recherche, mais
ils sont clairement articulés avec les objectifs du socle commun, lui-même redéfini. Sur
le plan didactique, outre la place qu’elles réservent au numérique et à ses potentialités
encore largement sous-exploitées, les directives ministérielles introduisent l’opportunité de
2Nous renvoyons ici aux travaux du Conseil national de l’évaluation du système scolaire sur la mixité
sociale à l’école, accessibles depuis son site [135]
SOMMAIRE
9
INTRODUCTION
renouveler les démarches pédagogiques, en sollicitant la créativité des enseignants tout en
réservant un rôle accru aux élèves dans la construction de leurs connaissances et de leurs
compétences. Elles affirment la nécessité, lorsque le besoin s’en fait sentir, de différencier
les rythmes comme les objectifs d’apprentissages, et elles invitent à concevoir une partie
des enseignements dans le cadre de projets dont les élèves sont pleinement porteurs. Il
s’agit de rendre visibles les interactions multiples qui existent entre les différents champs
disciplinaires, et de favoriser la construction d’une culture et de savoir-faire en phase avec
un monde complexe aux connexions sans cesse élargies.
La réforme prend par ailleurs acte de ce qui se dessine dans la fonction publique depuis deux
décennies : la nécessité de s’appuyer sur les acteurs pour faire changer les organisations.
Le succès se mesure autant aux modifications des pratiques qu’à la lecture des résultats
et plus personne ne pense qu’il est possible de piloter une institution aussi complexe que
l’Éducation nationale à seuls coups de textes réglementaires. Autrement dit, non seulement
la réforme ne se fera pas sans les enseignants, mais elle ne se fera que par les enseignants.
La reconnaissance de leur rôle décisif se lit dans l’appel à leur mobilisation.
Enfin, nous sommes convaincus que réduire la pratique professionnelle à une transmission traditionnelle de connaissances au sein de la classe, sans placer résolument le
public accueilli au centre des préoccupations pédagogiques ni bénéficier de l’éclairage
que la communauté scolaire peut apporter à une meilleure prise en charge des élèves,
condamne l’enseignant à une solitude difficile et l’enferme dans une impasse. Le choix
d’une approche globale du métier d’enseignant est donc loin de proposer une dispersion
des missions. Au contraire, la prise en compte de la complexité nous semble la meilleure
voie pour réunir les moyens nécessaires à la réussite dans l’exercice du cœur de métier
et au rayonnement de la discipline enseignée.
Il nous a donc paru évident qu’il était indispensable de ne pas nous limiter à une présentation du métier d’enseignant centrée sur la didactique, complétée à la marge par une
évocation de l’institution qui l’abrite. C’est pourquoi le lecteur ne s’étonnera pas de ce
que les parties consacrées à la préparation de son enseignement (partie III) et à sa mise
en œuvre (partie IV) soient précédées par celles qui concernent les valeurs et le fonctionnement du service public d’éducation (partie I) ainsi que le cadre de référence pour l’exercice du métier que constitue l’ÉPLE (partie II), puis que l’on revienne sur les interactions
avec les parents (partie V). Les pratiques professionnelles et la posture réflexive qui en est
inséparable (partie VI) restent cependant au cœur de notre propos. Cet ouvrage s’attache à
mettre en évidence les liens, les effets de système, en leur restituant le caractère concret
qu’ils prennent pour un professeur dans sa classe, tout en inscrivant le geste d’enseigner
dans un projet plus global. Des encadrés proposent régulièrement des illustrations ou des
approfondissements, qui renforcent sa dimension pratique.
Nous avons également fait le choix d’une approche conjointe à partir de deux fonctions
distinctes : celle d’un professeur et celle d’un personnel de direction. La complémentarité
de ces regards nous a semblé répondre à l’esprit de la réforme, qui confirme l’autonomie
des établissements dans le domaine pédagogique et confère de fait un rôle majeur aux
professeurs dans la mise en œuvre locale d’orientations nationales. Elle nous paraît en effet
de nature à modifier la façon dont les fonctions de pilotage et d’enseignement s’articulent
sur le terrain, en offrant des occasions de collaboration nettement moins bureaucratiques
et beaucoup plus proches d’un fonctionnement par projet, dans lequel les objectifs sont
communs et les contributions de chacun, avec ses compétences spécifiques, nécessaires.
Nous avons donc tenté dans ces pages de restituer la réalité d’un dialogue qui s’instaure
entre deux professionnels – chacun conservant sa place, ses missions et ses compétences
spécifiques – quand ils sont confrontés aux mêmes questions, aux mêmes difficultés, aux
SOMMAIRE
10
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
mêmes objectifs, aux mêmes défis, aux mêmes réussites aussi. C’est que nous sommes
animés par la conviction que les mutations introduites par la réforme du collège supposent
une évolution profonde de notre culture professionnelle et que l’institution éducative ne sera
en mesure de répondre à l’obligation de résultat qui lui est assignée qu’à cette condition,
dans laquelle nous voyons un enrichissement du métier de professeur.
SOMMAIRE
S’APPROPRIER
LES VALEURS
ET LE
FONCTIONNEMENT
DU SERVICE
PUBLIC
D’ÉDUCATION
L AURENCE MARION
SOMMAIRE
12
TITRE OUVRAGE
Nombre d’enseignants gardent un souvenir mitigé de la partie dite « transversale » de leur
formation initiale, jugée trop abstraite, manquant d’intérêt et coupée de la réalité du métier.
Il se peut en effet que les professeurs débutants, très préoccupés par la préparation de leurs
cours et les premières confrontations avec les élèves, ne trouvent pas dans leur quotidien
immédiat un ancrage à une vision plus large de leur mission. Par ailleurs, c’est souvent la
« perte de sens » qui est évoquée par les enseignants chevronnés comme l’un des risques
du métier. Or ce sens ne se construit pas uniquement dans la relation pédagogique ; il s’alimente aussi d’une participation à un projet collectif, d’ambition nationale. C’est pourquoi
les pages qui suivent visent à revisiter le cadre d’exercice au sens large, la réforme du collège
s’inscrivant – et devant se comprendre – dans une politique d’éducation globale. Elles ne
prétendent pas à l’exhaustivité, mais les choix effectués s’efforcent d’établir des liens avec
les gestes professionnels quotidiens des enseignants ou des questionnements qui se posent
nécessairement à eux.
Partir des principes, des missions et du cadre institutionnel pour aller vers les pratiques
professionnelles peut paraître une gageure tant tout ce qui est assimilé à « l’administration »
est souvent perçu comme essentiellement préoccupé de politique, de réglementation, de
gestion, et assez peu en prise avec ceux qui exercent le métier et considèrent encore souvent
que leur « véritable » mission est la transmission de savoirs nécessaires à la construction
d’une vie d’adulte. Il est vrai que le ministère de l’Éducation nationale est une énorme
machine de plus de un million de fonctionnaires (c’est le plus gros employeur de France) et
que cela n’est pas sans conséquences. Le choix de la centralisation1 amène inévitablement
une division du travail – car tout le monde ne peut pas s’occuper de tout – et une structure
à relais, chacun ne pouvant à tout instant dialoguer avec l’ensemble des parties prenantes.
Cette organisation accroît cependant le risque, en bout de chaîne, d’une déperdition du sens
de l’action et d’un sentiment distendu de concourir à une mission commune.
Pour autant, l’enseignant tire sa légitimité de son statut de fonctionnaire de l’État. Il est
placé auprès des élèves pour exercer une mission qui dépasse sa personne, commune à
l’ensemble de ses collègues, et portée par une institution. L’exercice plein et entier de son
métier passe donc par une appropriation des objectifs assignés par la nation au système
éducatif et par une insertion au sein de l’organisation qui concrétise leur mise en œuvre, à
savoir l’établissement scolaire.
1C’est celui qui est fait en France pour la plupart des grandes administrations d’État. Il en garantit le
caractère national.
SOMMAIRE
EXERCER LES MISSIONS
ET LES RESPONSABILITÉS
DE L’ENSEIGNANT
DES DROITS ET DES OBLIGATIONS
L’enseignant exerce son métier dans un cadre réglementaire plus complexe qu’il n’y paraît. En tant que
titulaire de la fonction publique d’État, il est bien sûr
tenu par tout ce qui relève de la loi, bien au-delà du
strict champ éducatif. Il se retrouve ainsi – mais il
n’est pas une exception en la matière – au croisement d’un maillage de dispositions qui peuvent également relever, pour ne citer que quelques exemples,
du droit administratif au sens large, de la protection
de l’enfant ou de la propriété intellectuelle. Maîtriser
toute cette matière est certes difficile. C’est pourquoi
le professeur gagnera à s’informer le plus régulièrement possible, mais aussi à s’appuyer sur les autres
professionnels qu’il côtoie dans l’établissement, et
dont les compétences spécifiques viennent compléter
les siennes.
droits et les obligations, les évolutions de carrière. Les
seconds renvoient davantage aux contenus de l’activité professionnelle. Comme la plupart des fonctionnaires, les enseignants bénéficient d’un statut régi
par plusieurs textes définissant un tronc commun et
des parties spécifiques. Ces dernières figurent dans le
Code de l’éducation. Paradoxalement, c’est souvent le
statut général des fonctionnaires (le tronc commun)
qui est le plus méconnu des professeurs, et c’est pourquoi nous nous y arrêterons ici. Il est défini par la loi
n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (titre Ier) et par la loi n° 84-16
du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires
relatives à la fonction publique d’État (titre II). Dans
le tableau ci-dessous, nous reprenons succinctement
les principales dispositions en matière d’obligations
et de droits, que nous illustrons en les reliant à la
pratique du professeur.
Dans cette perspective, la consultation des textes
officiels prend toute son utilité. Leur mise en ligne
a rendu cette opération beaucoup plus commode
qu’auparavant. L’ensemble des textes spécifiques à
l’éducation est désormais regroupé dans le Code de
l’éducation, accessible depuis le site Légifrance [139].
Ce code comprend une partie législative (textes référencés L-…) et une partie réglementaire (référencés
D- ou R-). Les textes de la première partie ont une
portée supérieure. À l’intérieur de chacune de ces
subdivisions, un classement thématique permet de
se repérer aisément ; il est identique pour chacune
des parties. Mais, pour suivre l’actualité réglementaire, le plus simple pour le professeur est encore de
s’abonner en ligne au Bulletin officiel, avec une adresse
électronique professionnelle à laquelle le sommaire
est envoyé chaque semaine. Il suffit ensuite de suivre
les liens actifs dans ce document pour accéder aux
sujets voulus.
Le métier d’enseignant est lui-même encadré par une
série de textes qui précisent à la fois son statut et ses
missions. Le premier fixe les conditions d’exercice, les
SOMMAIRE
14
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
OBLIGATIONS
Exercer sa fonction
et s’y consacrer
Le cumul d’emplois – même occasionnel – doit faire l’objet d’une déclaration par l’agent et d’une
autorisation par la hiérarchie (sous couvert du chef d’établissement).
Obéissance
Elle reste primordiale dans une structure hiérarchisée. L’on ne peut s’y soustraire que dans le cas
d’un ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public (les
deux conditions sont cumulatives). Mais la contestation est possible après coup, si cet ordre
contrevient par exemple aux droits ou au statut de l’agent.
Loyauté
Elle comporte une dimension plus morale et repose sur une confiance réciproque. Elle s’exerce
surtout envers l’institution que l’on sert.
Respect, correction
et dignité
Elle concerne les rapports avec la hiérarchie, les collègues, les élèves et les usagers-citoyens. En
principe, elle va de soi.
Discrétion ou
secret
professionnel
Elle protège les données personnelles que l’administration détient sur ses usagers.
Cependant, l’article 40 du Code de procédure pénale en délie l’agent, qui doit obligatoirement
signaler tout crime ou délit dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions (cas de
maltraitance, par exemple). L’agent est également tenu de coopérer avec la justice si celle-ci lui
en fait la demande.
Information du
public
Il faut obligatoirement communiquer (les résultats des élèves, les punitions prononcées à leur
encontre, les copies d’examen, les données faisant l’objet de la constitution d’un fichier
informatisé) et motiver ses décisions par écrit.
Neutralité et laïcité
Voir page 17 « Faire vivre les valeurs et les principes du système éducatif ».
Rémunération
du service fait
Le paiement par anticipation (d’heures supplémentaires, par exemple) n’est pas possible.
Protection
fonctionnelle
Elle est accordée au fonctionnaire victime de violences, voies de fait, injures, diffamations à
l’occasion de ses fonctions. Cela signifie, par exemple, qu’elle protège un enseignant quand bien
même les faits se seraient déroulés hors de l’établissement et du temps de service, à condition
qu’ils soient bien reliés à sa qualité. Cette protection fonctionnelle couvre aussi le fonctionnaire
en cas de poursuite civile à son encontre, du moment qu’aucune faute personnelle ne peut lui être
attribuée. Dans les deux cas, ce soutien n’a rien d’automatique : il faut en faire la demande.
Transparence
sur son dossier
Le professeur peut accéder à son dossier administratif s’il en fait la demande, en compagnie d’une
personne de son choix. Les pièces qu’on lui présente doivent être numérotées et classées.
Opinion et
expression
Ces droits s’exercent sous réserve des obligations de discrétion et de neutralité dans les relations
avec les usagers. Ils renvoient notamment à la possibilité pour le fonctionnaire de se syndiquer et
de s’exprimer librement vis-à-vis de sa hiérarchie, notamment sur ses conditions de travail.
Formation
La formation professionnelle continue est un droit, mais celui-ci reste soumis à la « nécessité de
service ». Un chef d’établissement peut donc ponctuellement reporter son exercice.
DROITS ET LIBERTÉS
Ces obligations sont certes nombreuses mais l’enseignant ne doit jamais oublier que, en dépit de la
diminution du prestige social attaché à son métier,
il continue à représenter une institution dotée d’une
portée symbolique d’autant plus forte qu’elle touche
au savoir, à la compétence et qu’elle concerne l’ensemble de la société, dont elle contribue à porter les
valeurs et à forger l’avenir. Le statut général vient
nous rappeler que les liens qu’il crée entre les agents
et leur administration dépassent le cadre d’un contrat
de travail. Ils sont d’une autre nature. Parce qu’il participe à une entreprise collective qui se construit en
accord avec les choix de la nation, le fonctionnaire
SOMMAIRE
n’est pas un simple salarié 1 entretenant avec son
travail une relation exclusivement économique. Il
s’engage dans un projet d’ensemble reposant sur des
valeurs.
1Il ne perçoit d’ailleurs pas un salaire, mais un traitement.
LES MISSIONS
ET LE RÉFÉRENTIEL
DE COMPÉTENCES
Les missions de l’enseignant sont définies aujourd’hui
par la circulaire n° 2015-057 du 29 avril 2015,
« Missions et obligations réglementaires de service
des enseignants des établissements publics d’enseignement du second degré » [14]. Celle-ci distingue
clairement le service d’enseignement (correspondant aux heures devant les élèves, et précisément
contingenté en fonction du statut de chacun) et les
« missions liées », à savoir « les travaux de préparation et de recherches nécessaires à la réalisation des
heures d’enseignement, l’aide et le suivi du travail
personnel des élèves, leur évaluation, le conseil aux
élèves dans le choix de leur projet d’orientation en
collaboration avec les personnels d’éducation et
d’orientation, les relations avec les parents d’élèves,
le travail au sein d’équipes pédagogiques constituées
d’enseignants ayant en charge les mêmes classes ou
groupes d’élèves, ou exerçant dans le même champ
disciplinaire ». La circulaire énonce également les
« missions particulières », activités acceptées ouvrant
droit à un complément de traitement, les indemnités pour mission particulière (IMP), telles que,
par exemple, celle de référent TICE ou de référent
culture. Ce texte présente l’intérêt de reconnaître un
ensemble d’activités, prises en charge de fait et de
longue date par les enseignants, comme participant
de leur mission. Si certains y ont vu un risque d’alourdissement de la charge de travail sans compensation,
on peut aussi penser que cet éclaircissement devrait
contribuer à faire évoluer dans l’esprit du public les
représentations du métier, trop souvent ramené à
« dix-huit heures de travail par semaine ».
Aux textes dédiés particulièrement aux missions
des enseignants il convient d’ajouter ceux qui organisent la mise en œuvre des politiques pédagogiques
et éducatives, et qui précisent le cadre dans lequel
s’inscrit l’action du professeur, notamment en termes
de buts et d’esprit. Sur ces deux derniers points, la
référence aux textes est d’autant plus importante
qu’il s’agit d’éléments susceptibles de variations
dans le temps, et que les adaptations réalisées dans le
cadre de l’établissement éloignent parfois de l’esprit
originel et du sens premier. Pour être correctement
exercées, les missions doivent s’appuyer sur un référentiel de compétences qui permet à chacun de mieux
cerner les savoirs et savoir-faire à mobiliser. Pour les
enseignants, le texte en vigueur est issu de l’arrêté
du 1er juillet 2013 [21]. Il s’applique aux professeurs,
professeurs documentalistes et conseillers principaux d’éducation, et se présente comme un tronc
commun complété par des déclinaisons spécifiques.
Il ne concerne pas seulement les stagiaires en phase
de titularisation. Il dresse bien la liste des compétences que les professeurs « doivent maîtriser pour
l’exercice de leur métier » et qui sont donc exigibles.
Ces dernières sont décrites selon une organisation
thématique ; il n’est sans doute pas anodin que les
deux premiers thèmes situent la pratique professionnelle bien au-delà de la salle de classe et du champ
disciplinaire : « 1- Faire partager les valeurs de la
République ; 2- Inscrire son action dans le cadre des
principes fondamentaux du système éducatif et dans
le cadre réglementaire de l’école ».
Le référentiel déploie donc une série de compétences attendues, qui balaie l’ensemble des activités
du professeur, depuis la maîtrise de son enseignement disciplinaire jusqu’à la relation avec les parents
d’élèves, en passant par la conduite de la classe. Nous
nous arrêterons sur le sixième item, « agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques »,
qui renvoie explicitement à une dimension morale et
dépasse la portée d’un texte réglementaire. On peut y
voir une autre référence aux valeurs de la République,
qu’il ne s’agit plus seulement de « faire partager »
mais de faire vivre, de mettre en actes dans les gestes
professionnels, pensés dans toute leur profondeur
et leurs implications en termes éducatifs. De façon
générale, l’ensemble de la fonction publique est
actuellement traversé par des questions d’éthique,
les citoyens étant devenus plus exigeants sur le plan
de la probité, de l’impartialité, de l’exemplarité et de
la transparence. Le statut général des fonctionnaires a
SOMMAIRE
16
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
d’ailleurs été récemment complété par la loi n° 2016483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux
droits et obligations des fonctionnaires (Journal officiel
n° 0094 du 21 avril 2016). Certains se sont interrogés
sur l’intérêt que présenterait l’élaboration d’une
déontologie propre à la profession d’enseignant et il
peut être intéressant de connaître ces recherches [67].
Car le métier n’est pas exempt de conflits de valeurs.
L’un des principaux s’articule, par exemple, autour
de l’opposition que peut prendre le respect des droits
individuels des élèves, et la conscience de l’intérêt du
collectif (exclure un élève pour préserver une classe,
renoncer à faire modestement progresser un autre
pour délivrer les savoirs que la majorité est en capacité d’acquérir…). La justice scolaire est également le
lieu de dilemmes (préférer l’impunité à la sanction
sans preuve, etc.). Rappelons enfin que les professeurs
sont des cadres de catégorie A qui, dans la fonction
publique, renvoie à un niveau de diplôme, certes, mais
aussi de responsabilité, où l’autonomie et l’initiative
doivent pleinement jouer, à l’opposé de pratiques
répétitives ou procédurales qui ne nécessiteraient
pas le même degré de qualification. C’est donc à
chacun de construire un positionnement réfléchi, de
s’interroger régulièrement, de vérifier la cohérence
de son action au sein d’un projet collectif adossé à
un système de valeurs et de principes.
Contribution de sa discipline
aux différentes missions : un fil conducteur
Les enseignants, qui ont souvent choisi leur
métier par goût de la transmission de leur discipline, sont parfois décontenancés face à certaines
missions qui leur paraissent ne pas en relever
directement, et qu’ils vivent comme concurrentielles, notamment en termes de partage de
temps. Il n’est pourtant pas attendu du professeur qu’il s’égare dans l’exercice d’un métier qui
ne serait pas le sien. C’est de sa place, avec ses
compétences particulières, qu’il participe à une
démarche globale d’éducation. Les tensions qui
pourraient surgir à la lecture du référentiel sont
en effet considérablement réduites si l’on aborde
ces missions additionnées en s’interrogeant
du point de vue de sa discipline. Que puis-je
apporter à tel ou tel objectif ? Comment peut-il se
traduire dans mon enseignement ? C’est ce que
nous entendons ici par le mot « contribution ».
SOMMAIRE
L’enseignement du professeur d’histoire-géographie, par exemple, renvoie souvent à des situations concrètes de la vie des élèves (la conquête
et l’exercice de droits, l’existence d’aires culturelles, les questions d’urbanisme, etc.). Les
savoirs dispensés rejoignent alors les missions
d’éducation à la citoyenneté ou au développement durable ainsi que l’éducation culturelle.
Mais ils peuvent aussi alimenter le « parcours
avenir » (découverte de métiers particuliers, de
branches économiques). Le travail sur documents, quant à lui, permet d’aborder des points
fondamentaux de l’éducation aux médias et
à l’information. Enfin, l’enseignant d’histoiregéographie contribue à la maîtrise de la langue
par l’acquisition d’un vocabulaire spécifique,
mais aussi par l’exigence qu’il porte lors des
phases de rédaction (de la trace écrite pendant le
cours, de la réponse en évaluation) ou de formalisation orale. On pourrait proposer de même des
connexions pour les enseignements de lettres
ou de langues vivantes. Ces deux disciplines
peuvent par exemple s’emparer aisément de la
« semaine de la presse » pour réaliser un travail
s’inscrivant dans leurs programmes respectifs et
contribuer tout à la fois à l’éducation aux médias.
Tout en poursuivant leurs objectifs propres, elles
sont en capacité de travailler les stéréotypes de
genre, à travers la littérature, ou dans d’autres
cultures. De nombreuses activités réalisées
dans leur cadre trouveront à s’insérer dans le
« parcours culturel », etc. Jusque dans la relation avec les parents, la référence à la discipline
peut rester présente : en quoi présente-t-elle de
l’intérêt pour la formation de leur enfant, dans
quelles activités est-il en réussite ou plus en difficulté ? Les résultats obtenus dans la discipline
sont-ils en adéquation avec le projet d’orientation ? Concevoir sa mission de façon élargie ne
se traduit donc pas nécessairement par de l’activité supplémentaire mais conduit à repenser son
action quotidienne au sein de son enseignement
disciplinaire, de façon à l’inscrire dans les objectifs confiés à l’ensemble des acteurs du système
éducatif.
FAIRE VIVRE
LES VALEURS
ET LES PRINCIPES
DU SYSTÈME ÉDUCATIF
Le préambule de notre constitution pose que « la
Nation garantit l’égal accès […] à l’instruction, à la
formation et à la culture ; l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïc […] est un devoir de
l’État ». C’est dire le lien fort qui existe entre notre
société et son système éducatif. L’éducation est donc
un droit, garanti par un service public qui obéit à des
principes fondamentaux conformes aux valeurs de la
République telles que la liberté, l’égalité, la neutralité,
la laïcité, auxquelles il faut ajouter le respect du droit.
Le premier article du Code de l’éducation rappelle
également que « le service public de l’éducation […]
reconnaît que tous les enfants partagent la capacité
d’apprendre et de progresser ». Et plus loin : « Outre
la transmission des connaissances, la Nation fixe
comme mission première à l’école de faire partager
aux élèves les valeurs de la République. Le service
public de l’éducation fait acquérir à tous les élèves
le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la
liberté de conscience et de la laïcité. Par son organisation et ses méthodes, comme par la formation des
maîtres qui y enseignent, il favorise la coopération
entre les élèves. Dans l’exercice de leurs fonctions,
les personnels mettent en œuvre ces valeurs ». Mais,
comme tout ce qui est posé a priori, valeurs et principes sont parfois difficiles à faire vivre à l’épreuve
de certaines réalités comme la relativisation ou la
contestation dans un monde multiculturel, la montée
de l’individualisme ou la prégnance de considérations
économiques. Le risque est grand, en effet, de glisser
vers un enseignement pensé comme une prestation
de service ou de former des individus et non des
citoyens, c’est-à-dire de délaisser l’apprentissage des
comportements et des principes partagés qui fondent
notre société parce qu’ils entrent en tension avec les
forces centrifuges des aspirations de chacun à être
reconnu dans sa particularité. Il s’agit donc, périodiquement, de revisiter les valeurs de la République.
LIBERTÉ, OBLIGATION ET GRATUITÉ
Il peut paraître paradoxal de partir du droit à l’éducation pour arriver à l’obligation d’instruction. Ce glissement peut s’expliquer par l’intérêt reconnu pour une
nation – y compris sur le plan économique - d’élever le
niveau de compétences de ses citoyens. Mais l’obligation s’impose aussi aux responsables légaux de l’enfant, de façon à lui garantir le plein usage de ce droit
et à contenir les abus qui adviendraient d’un exercice
mal compris de l’autorité parentale. L’instruction est
donc obligatoire pour tous les enfants présents sur le
territoire, français et étrangers, entre six et seize ans.
L’instruction, et non la scolarisation. Les modalités
d’instruction des enfants relèvent en effet de la liberté
des familles, qui peuvent opter pour l’enseignement
public, privé, ou pour la scolarisation à domicile.
Même si la formule peut paraître choquante en
empruntant à l’univers économique, les établissements scolaires publics ne sont donc pas en situation de « monopole » et une offre alternative existe
bien dans le domaine de l’éducation. Cet état de fait
ne doit pas effrayer mais plutôt aiguillonner le désir
d’innover, y compris et surtout dans le secteur public.
Les familles doivent cependant faire connaître officiellement leur choix et se soumettre aux contrôles de
la réalité de l’instruction lorsqu’elle ne s’effectue pas
dans un établissement scolaire (public ou privé). Cette
vérification relève des services de l’État et des enseignants peuvent donc être mobilisés pour y participer.
Dès lors qu’un enfant est inscrit dans un collège,
l’obligation d’assiduité se déduit de celle d’instruction
[37]. Celle-ci est contrôlée par la remontée systématique et précise des appels, qui incombe aux enseignants ; la responsabilité de ces derniers est d’ailleurs
engagée dès lors que des élèves leur sont confiés [24].
Cette vérification ne doit pas être vécue comme l’exigence d’une administration tatillonne ; elle sert en
SOMMAIRE
18
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
fait l’intérêt de chacun, l’assiduité constituant l’une
des clés de la réussite scolaire. La présence en cours
ne va pourtant plus forcément de soi, notamment
pour certaines familles qui développent des comportements consuméristes (prévalence de l’organisation familiale sur l’organisation scolaire, stratégies
d’absence aux évaluations pour conserver l’entier
bénéfice des premières bonnes notes, etc.). La question de l’absentéisme et du décrochage est d’ailleurs
bien souvent, dans les collèges, un objet privilégié du
travail en équipe. Il s’agit d’échanger des informations
et de ne pas passer à côté des premiers signes d’alerte,
mais aussi de réfléchir collectivement au lien entre
absentéisme et motivation, à la façon dont le cours
peut recréer de l’envie ou aux dispositifs internes
qui peuvent, avec l’appui de partenaires et l’accord
des familles, offrir aux élèves fragiles des activités
qui les remobilisent (emplois du temps aménagés,
prolongation d’une période de stage, valorisation de
la participation aux activités périscolaires…).
Le principe de gratuité, enfin, est au cœur de la notion
de service public. En collège, il s’applique notamment
au matériel pédagogique à usage collectif (manuels
scolaires), aux photocopies distribuées aux élèves
et aux frais de correspondance avec les familles.
Restent à la charge de ces dernières les fournitures
à usage individuel et surtout les sorties, voyages et
échanges scolaires quand ils revêtent un caractère
facultatif. Cette distinction doit entrer en ligne de
compte lors de l’élaboration des projets, les inégalités
sociales pouvant alors devenir des facteurs de sélection particulièrement injustes. Une analyse objective
des inscriptions aux voyages facultatifs le démontre
aisément et le fossé se creuse d’autant plus que le
coût restant à la charge des familles est élevé. Dans
ces conditions, ne vaut-il pas mieux, par exemple,
faire profiter l’ensemble d’une classe ou d’un niveau
de l’exploration du patrimoine local plutôt que d’organiser le déplacement de quelques-uns sur des
destinations plus éloignées, qui seraient plus prestigieuses mais qui ne garantissent pas une exploitation pédagogique nécessairement plus riche ? On
s’aperçoit, là aussi, que la mise en œuvre de valeurs
auxquelles nous nous rallierions sans conteste dans
l’absolu vient parfois compliquer nos pratiques. Il faut
pourtant bien veiller alors à ce que l’affirmation de
ces valeurs ne se limite pas à la posture, et ne pas
hésiter à privilégier les décisions les plus conformes
à l’éthique.
SOMMAIRE
L’ÉGALITÉ : UN COMBAT PERMANENT
Héritage historique de la Révolution française, le principe d’égalité est fondamental en France. Les usagers
sont particulièrement sensibles à son respect dans
leurs relations avec les administrations, qui s’illustre
dans « l’égalité de traitement ». Dans l’Éducation
nationale, il concerne par exemple l’inscription dans
un établissement scolaire ou aux examens, l’orientation, mais aussi la gestion des personnels et l’information aux parents.
Cependant, les déterminismes socioculturels agissent
fortement en matière d’éducation et c’est pourquoi
est apparue la nécessité de les contrebalancer, à
travers notamment l’éducation prioritaire, que la Loi
de refondation pour l’école de la République prévoit
de renforcer. Celle-ci est née dans les années 1980
d’une conception nouvelle du principe d’égalité. Il
s’agissait alors, selon une formule qui a perduré, de
« donner plus à ceux qui ont moins ». L’article inaugural du Code de l’éducation (L. 111-1) précise que « la
répartition des moyens du service public de l’éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique et sociale ». Il justifie
également l’attribution de bourses. Il est à noter que
le Conseil constitutionnel, pourtant très attentif aux
ruptures du principe d’égalité, a validé dans certaines
de ses décisions la possibilité pour le législateur de
régler « de façon différente des situations différentes »
(voir, par exemple, la décision du 28 avril 2005).
On aurait tort cependant d’imaginer que le principe d’égalité est tenu pour acquis, de même que
les valeurs de fraternité et de solidarité qui le soustendent. Le sociologue François Dubet [54] montre
que le recul des comportements solidaires, qui nous
pousseraient à souhaiter l’égalité sociale et pas
seulement l’égalité de droit, ne sont pas seulement
la conséquence de nos difficultés économiques. Ils
sont plutôt dus au délitement social qui ne nous
permet plus de nous reconnaître dans les concitoyens que nous croisons. Nous sommes entrés dans
des systèmes où la compétition puis la défense de
la place acquise prennent le pas sur l’aspiration au
sentiment du « juste ». De plus – nous l’avons dit
en introduction –, le système scolaire français reste,
malgré les principes, l’un des plus inégalitaires au
monde. C’est pourquoi la Loi de refondation de l’école
insiste beaucoup sur la question de la mixité sociale
et scolaire. Cependant, le Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO), dans une enquête
publiée en 2015 [61], montre combien la ségrégation
s’approprier les valeurs et le fonctionnement du service public d’éducation
scolaire joue fortement, notamment au collège, par le
simple regroupement des élèves selon leurs options 1.
Ces pratiques ne sont pas toujours suffisamment
combattues par les équipes ou les conseils d’administration. Les textes sont pourtant clairs : il reviendra
à chaque acteur de soutenir les politiques d’amélioration de la mixité qui seront mises en œuvre dans
son établissement.
Grande avancée sur la déclinaison du principe d’égalité dans notre société, la loi du 11 février 2005 pour
l’égalité des droits et des chances, la participation et
la citoyenneté des personnes handicapées [33] est,
quant à elle, traversée par la logique de compensation. Ce texte a produit dans le cadre scolaire des
conséquences considérables. C’est lui, en effet, qui
pose les principes de l’inclusion en classe ordinaire
des enfants à besoins éducatifs particuliers et des
mesures d’accompagnement mises en œuvre, en
lien avec les maisons départementales des personnes
handicapées (MDPH). Un important bouleversement
des pratiques s’est ensuivi (même si des progrès
restent encore à faire), qui a vu notamment l’entrée
dans la classe d’un matériel adapté ou d’un adulte
supplémentaire (les auxiliaires de vie scolaire ou
AVS), mais aussi la prise en compte pédagogique de
ce nouveau public par des démarches adaptées 2. Dans
les faits, l’inclusion a encouragé le développement de
la différenciation pédagogique.
Enfin, les politiques éducatives contribuent à l’affirmation de l’égalité femmes-hommes, à travers
notamment une lutte contre les stéréotypes de genre
et une attention particulière portée à l’ambition
scolaire des filles [140].
1Sur cette question, on se reportera utilement aux travaux
de Marie Duru-Bellat et Alain Mingat [57].
2Le certificat complémentaire pour l’adaptation scolaire
et la scolarisation des élèves handicapés (2CA-SH) a
d’ailleurs été créé pour valider l’engagement d’enseignants
volontaires dans ce champ. Il repose sur le suivi d’une
formation d’environ cent cinquante heures et s’obtient par
un examen consistant en la réalisation d’une séance devant
un public comprenant des élèves à besoins particuliers et
en la soutenance d’un mémoire professionnel. Plusieurs
options correspondent à l’intégration d’élèves sourds ou
malentendants (A), aveugles ou malvoyants (B), présentant
une déficience motrice grave ou un trouble de la santé
évoluant sur une longue période et/ou invalidant (C),
présentant des troubles importants des fonctions cognitives
(D), et enfin (option F) à l’enseignement en établissements
régionaux d’enseignement adapté (EREA) et des sections
d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA). Le
2CA-SH ouvre l’accès à des postes à profil, notamment en
unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS).
19
LA NEUTRALITÉ ET LA LAÏCITÉ
Le principe de neutralité vise le respect des opinions
de tous. Il se traduit dans la fonction publique par
l’interdiction faite aux personnels de divulguer leurs
choix politiques, philosophiques ou religieux. Il s’agit
même pour le fonctionnaire, au-delà de l’abstention
dans le discours, de veiller à ce que ses convictions
d’individu n’interfèrent pas dans ses actes d’une
manière qui contreviendrait à l’esprit ou à la lettre de
sa mission. Pour les élèves, si la liberté d’expression
est un droit [37], elle doit cependant ne s’accompagner d’aucune démarche prosélyte et respecter les
obligations inhérentes à son usage (notamment par
rapport à la diffamation, l’injure, l’apologie des crimes
contre l’humanité ou du terrorisme, etc.). S’astreindre
à une stricte neutralité est plus ou moins facile selon
les postes que l’on occupe. De nombreux champs
disciplinaires sont traversés par une dimension politique – même au sens le plus neutre du mot. Certains
professeurs sont donc plus exposés que d’autres à
laisser transparaître des convictions personnelles.
L’objectivité inhérente à leur démarche scientifique,
jointe à leur sens de l’éthique, doit cependant leur
permettre de respecter les réserves qui s’imposent
à eux.
Peut-on présenter la laïcité comme une simple déclinaison du principe de neutralité appliqué à la religion ? Sans doute serait-ce réduire la portée de cette
valeur fondatrice et spécifique de la République
française, que l’actualité récente a mise en lumière
de manière crue. Sont ainsi apparues également
les contestations dont elle fait l’objet, au nom de la
liberté de croyance. Il n’est en effet pas toujours facile
de faire comprendre à des élèves ou à leurs parents
que la laïcité, en rejetant les questions de foi dans
la sphère privée et hors de l’espace public, représente la meilleure garantie de la liberté religieuse,
et ne permet pas qu’une confession domine l’autre
sur le plan du droit. La difficulté est encore redoublée du fait que l’école est sans doute l’espace le
plus laïcisé de la société. La loi du 15 mars 2004 a en
effet clarifié la question du port de signes religieux à
l’école, du moins pour les élèves. Rappelons que les
parents ne sont pas concernés par les interdictions
qu’elle énonce, mais que les pratiques religieuses
des familles ne sauraient entrer en concurrence avec
l’obligation d’assiduité. La liste des fêtes confessionnelles donnant droit à une autorisation d’absence
ponctuelle est limitative. La France a fait ainsi le choix
d’une application particulièrement stricte des principes de la laïcité à l’école, afin de garantir aux élèves
SOMMAIRE
20
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
qui la fréquentent une construction de leurs choix
philosophiques futurs dans le climat le plus neutre
et apaisé possible, le plus protégé des influences
militantes ou familiales, le plus respectueux de leur
liberté de conscience et de l’exercice de leur esprit
critique en formation.
travaillé son propre argumentaire 4 et de ne jamais
omettre de rappeler que parler d’une loi, l’expliquer,
ne lui retire pas son caractère incontournable.5
Cependant, face à la montée de certaines remises
en cause et à la difficulté, parfois, à transmettre
une valeur qui n’a pas d’équivalent dans certaines
cultures, le ministère a souhaité renforcer l’outillage
des enseignants, et plus généralement de l’ensemble
des personnels. La Charte de la laïcité [19], qui doit
être affichée dans les établissements et, si possible,
annexée au règlement intérieur, permet ainsi de
réaffirmer les principes tout en encourageant le
dialogue et l’explication. Elle décline en particulier
les implications de l’application de la laïcité à l’école.
Des ressources pédagogiques ont également été
produites 3 et des formations développées. Le sujet
reste cependant délicat, et les débats se rouvrent
régulièrement (assimilation du port d’une jupe longue
à un signe d’appartenance religieuse, participation de
mères « voilées » aux sorties scolaires en tant qu’accompagnatrices, par exemple). Là encore les professeurs, amenés à évoquer cette question à travers les
sujets d’actualité qu’ils traitent, sont particulièrement
exposés. En formation initiale et continue, on assiste
à une multiplication des questions sur ce qu’il est
« légal » de faire ou d’exiger, sur la « réalité » de la
présence de telle ou telle prescription dans les textes
fondateurs des religions révélées, sur les stratégies de
contournement possibles pour maintenir un climat
acceptable dans la classe, sur l’intérêt de la coercition, sur la façon de dialoguer avec des parents se
réclamant de telle ou telle doctrine, etc. Il n’y a pas
de réponse simple à l’ensemble de ces interrogations.
Nous pensons cependant qu’il est de la responsabilité
de chacun de ne pas refuser l’obstacle et de prendre
le risque de la discussion, à condition d’avoir bien
Contrairement aux universités du Moyen Âge,
les collèges n’ont pas de statut juridique exorbitant du droit public. La loi s’y applique comme
en tout point du territoire 5. Cette affirmation qui
peut sembler évidente entraîne cependant des
conséquences en matière de règlement intérieur,
et impose notamment que les élèves soient traités
dans le respect d’un certain nombre de principes.
3Certaines ressources sont accessibles sur Eduscol [136], en
entrant simplement le mot « laïcité » dans le moteur de
recherche du site ; d’autres sont regroupées sur le site de
Réseau Canopé consacré à la Grande mobilisation de l’école
pour les valeurs de la République (www.reseau-canope.fr/lesvaleurs-de-la-republique).
SOMMAIRE
Les principes de l’État de droit
en matière de justice scolaire
Ceux-ci garantissent l’équité des décisions, favorisent leur acceptation par les élèves et leur famille
et affirment la dimension éducative de toute sanction susceptible d’être prononcée. Leur application
systématique participe ainsi d’un climat scolaire de
qualité. Il s’agit notamment du respect :
– de la légalité des fautes et des sanctions (qui
doivent être mentionnées dans le règlement
intérieur) ;
– du non bis in idem (pas de double sanction pour
les mêmes faits) ;
– du contradictoire (l’élève incriminé doit être
entendu et peut être défendu) ;
– de la proportionnalité et de l’individualisation
qui imposent d’examiner chaque situation de
manière particulière et d’y répondre de même,
ce qui entre parfois en conflit avec des pratiques
reliant systématiquement des comportements
répréhensibles à telle ou telle sanction (même
le Code pénal s’exprime en termes de « fourchettes » !).
4Au besoin, on pourra tout d’abord s’appuyer sur
l’anthologie de textes fondateurs sur le sujet dressée
par Henri Pena-Ruiz [65]. Pour une mise en perspective
historique, on se tournera vers les travaux de Jean Baubérot
[75]. L’abécédaire commis par Patrick Cabanel [44] fournira
un complément judicieux à ces deux premières références.
Notons enfin l’existence de l’Observatoire de la laïcité.
Il a pour mission d’assister le gouvernement dans son
action visant au respect du principe sur le sol français et
propose une documentation fournie (guides, rapports, etc.)
accessible en ligne [142].
5Les forces de police ou de gendarmerie peuvent y intervenir
si le contexte le nécessite (enquête diligentée, par exemple),
même si une concertation avec le chef d’établissement doit
avoir lieu sur les modalités de cette intervention.
s’approprier les valeurs et le fonctionnement du service public d’éducation
21
Quels que soient la gravité des faits commis
et leur retentissement émotionnel, individuel
ou collectif, ces principes de droit doivent être
respectés, parce qu’il en va de la cohérence de
toute action éducative. Comment enseigner
certains principes si nous nous montrons incapables de les appliquer ? Il convient aussi de
rappeler que les sanctions sont des actes administratifs susceptibles de recours. Leur motivation écrite est donc obligatoire. Cela explique en
particulier la nécessité pour les chefs d’établissement de disposer de « rapports d’incidents » de la
part des adultes qui en sont les témoins.
Cependant, comme tous les principes que nous
venons d’évoquer, ceux qui président à l’exercice d’une justice scolaire conforme aux lois
de la République ne sont pas toujours faciles à
appliquer. On peut mentionner ici, par exemple,
le cas toujours délicat de l’absence de preuve
et d’aveu qu’il faut prendre en considération,
quand bien même elle irait contre une conviction intime. Depuis plusieurs années, le site sur
le climat scolaire hébergé par le réseau Canopé
(www.reseau-canope.fr/climatscolaire) propose
des ressources, y compris sur les apports de
la recherche, afin d’améliorer les pratiques en
établissement. Certaines sont exploitables dans
le cadre de l’enseignement moral et civique
(EMC). Le respect des règles de droit dans les
établissements contribue en effet grandement à
l’amélioration du climat scolaire, qui constitue,
rappelons-le, l’un des objectifs de la Loi de refondation de l’école de la République. Les liens entre
la qualité des apprentissages et les conditions
dans lesquelles ils s’effectuent ne sont plus à
démontrer, et ces questions ne sont nullement
l’objet exclusif de spécialistes hors de la classe
mais bien l’affaire de tous les membres de la
communauté éducative.
SOMMAIRE
CONNAÎTRE
LES OBJECTIFS DES
POLITIQUES D’ÉDUCATION
Aujourd’hui, les finalités du système éducatif, telles
que définies dans le premier article du Code de l’éducation sont les suivantes : « Le droit à l’éducation est
garanti à chacun afin de lui permettre de développer
sa personnalité, d’élever son niveau de formation
initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et
professionnelle, d’exercer sa citoyenneté. […] L’école
garantit à tous les élèves l’apprentissage et la maîtrise
de la langue française. L’acquisition d’une culture
générale et d’une qualification reconnue est assurée
à tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale,
culturelle ou géographique ». Les politiques d’éducation élaborées entendent donc préciser les conditions
de la mise en œuvre de ces finalités. Elles sont décrites
dans des textes officiels, en une architecture parfois
complexe, visant tantôt la définition d’objectifs (lois
et décrets), tantôt leur mise en œuvre (circulaires le
plus souvent). Nous en dressons ci-dessous un panorama d’ensemble qui va du général (loi d’orientation,
décret instituant le socle commun) au particulier
(dispositifs développant des politiques spécifiques).
La Constitution, dans son article 34, stipule que c’est
la loi qui détermine les principes fondamentaux de
l’enseignement. Il s’agit donc d’une compétence
du législateur, exprimant les choix de la nation.
S’agissant d’objets de portée générale, le recours à des
lois dites « d’orientation » s’est développé. Celle qui
est actuellement en vigueur est la Loi pour la refondation de l’école de la République [23], dont l’idée
maîtresse est la lutte contre les inégalités de réussite
scolaire. La priorité donnée à l’école primaire où s’installent aussi de nouveaux rythmes scolaires, la rénovation des programmes, la lutte contre le décrochage,
le renforcement de l’éducation prioritaire, le développement d’une stratégie du numérique, l’amélioration
du climat scolaire, la modernisation des métiers et la
formation des enseignants (avec la création des écoles
supérieures du professorat et de l’éducation ou ESPE)
constituent les axes forts de ce texte. La réforme du
collège en est une émanation directe.
Si la loi fixe des objectifs généraux de nature politique,
les contenus d’enseignement sont souvent déterminés
par décret. Il en va ainsi du « socle commun de connaissances, de compétences et de culture », qui vient d’être
redéfini [16] en même temps que les programmes et l’organisation des différents cycles. Cinq grands domaines
regroupent les acquisitions en jeu : les langages pour
penser et communiquer, les méthodes et outils pour
apprendre, la formation de la personne et du citoyen, les
systèmes naturels et les systèmes techniques, enfin les
représentations du monde et de l’activité humaine. Mais
la nouveauté consiste aussi dans la façon dont s’articulent ces différentes composantes : pour la première
fois en effet, le socle commun précède les programmes.
Les contenus sont donc placés, pour chaque discipline,
au service de l’acquisition d’un ensemble plus vaste
organisé autour de la notion de compétence. Cette
approche représente l’un des changements majeurs
introduits par les réformes en cours et va faire considérablement évoluer les modes d’évaluation des élèves.
Parallèlement aux grandes orientations que nous
venons de rappeler, le ministère élabore également des
politiques éducatives plus particulières, précisant des
axes de la loi d’orientation ou – toujours en cohérence
avec elle – développant des orientations correspondant à des besoins sociaux repérés, souvent dans une
logique interministérielle. Ces politiques font généralement l’objet de circulaires paraissant au Bulletin
officiel. On peut prendre l’exemple de la promotion de
l’égalité femmes-hommes, de la lutte contre le harcèlement en milieu scolaire, mais aussi de la mise en
place des différents parcours (avenir, citoyen) ou de
la lutte contre l’illettrisme. Ces dispositifs spécifiques
traduisent la confiance de la société dans le processus
éducatif pour former des citoyens plus éclairés. Ils
constituent également un lien entre des savoirs
scolaires et le monde dans lequel ils devront être mobilisés. À ce titre, l’enseignement moral et civique (EMC)
ainsi que les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) peuvent devenir les espaces privilégiés du
déploiement de certaines de ces politiques publiques,
SOMMAIRE
24
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
caractérisées par leur transversalité. Un exemple de
déclinaison en établissement d’un axe de politique
éducative est présenté dans la deuxième partie [voir
encadré page 36].1 2
Un exemple de politique éducative :
La grande mobilisation de l’école
pour les valeurs de la République
Suite aux attentats perpétrés en janvier 2015 et
à la mobilisation citoyenne qui s’est ensuivie, le
ministère a souhaité relancer la transmission
des valeurs républicaines au sein des établissements scolaires. Onze mesures ont été annoncées en février 2015. Il ne s’agit pas ici d’en
détailler l’ensemble, aisément accessible sur le
site ministériel, mais plutôt de voir comment les
acteurs peuvent se les approprier. Cette mobilisation intéresse l’ensemble des enseignants.
Mais il n’est pas question d’ajouter de nouveaux
contenus à transmettre. Il s’agit plutôt d’intégrer
cette préoccupation à un enseignement régulier,
en choisissant les modalités de travail les plus
adaptées au public et à l’établissement concerné.
Il n’est pas anodin que le ministère ait choisi de
ne pas passer par la voie d’une circulaire – les
dispositifs permettant la mise en œuvre existant déjà –, mais plutôt par celle d’un dossier
rassemblant les propositions pour des déclinaisons locales 1. Relance de la formation continue
sur la laïcité et l’enseignement laïque du fait religieux, travail en direction des parents d’élèves,
poursuite des partenariats avec les collectivités
locales pour la réussite éducative, développement
du lien avec les associations agréées de lutte
contre le racisme, dynamisation des conseils de
la vie collégienne 2, intensification des mesures
de lutte contre le décrochage scolaire, de prise en
compte de la grande pauvreté et en faveur de la
mixité sociale à l’école : on le voit, la commande
consiste à mettre des savoir-faire déjà éprouvés
au service d’un objectif d’éducation à la citoyenneté et de renforcement de la cohésion nationale.
1Un site regroupe des ressources pour accompagner cette
déclinaison en établissement : www.reseau-canope.fr/les
valeurs-de-la-republique.
2Ces conseils sont institués par le décret n°2016-1631 du
29 novembre 2016. Leurs attributions, composition et
fonctionnement sont précisés par la circulaire n°2016-190
du 7 décembre 2016 (B.O. n° 45 du 8 décembre 2016). Il est
prévu que deux représentants au moins des personnels y
siègent, dont un enseignant.
SOMMAIRE
Cette mobilisation se traduit aussi par la mise en
œuvre du parcours citoyen. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais la notion de parcours est
très emblématique de cette nouvelle approche
de l’acquisition des savoirs et des compétences,
préconisée par la réforme du collège, c’est-àdire la formalisation par l’élève de ses acquis
sur des objets, qui ne sont pas des matières
d’enseignement mais se construisent progressivement, à travers elles, mais aussi en dehors.
L’institutionnalisation de temps forts et symboliques doit également être soulignée : journée de
la laïcité (9 décembre), participation accrue aux
opérations mémorielles existantes (semaine
d’éducation et d’actions contre le racisme et
l’antisémitisme – autour du 21 mars –, journée de
la mémoire des génocides et de la prévention des
crimes contre l’humanité – le 27 janvier –, etc.),
cérémonie républicaine de remise des diplômes
du DNB à partir de la rentrée 2016 [voir encadré
page 27]. Il s’agit ici de remettre à l’ordre du jour
des rituels propres à développer le sentiment
d’appartenance à une communauté de culture et
de valeurs. Citons enfin le développement d’une
« réserve citoyenne », c’est-à-dire d’un vivier de
bénévoles agréés par les autorités académiques,
disponibles à la demande des enseignants, et
dont le parcours antérieur les prédispose à intervenir en milieu scolaire [voir encadré page 96].
L’ensemble de ces dispositions visent donc à
renforcer les valeurs républicaines au sein de
l’École, en complétant les savoirs déjà inscrits
dans les programmes (de l’éducation morale et
civique notamment) par des dispositifs pouvant
concerner tous les membres de la communauté
éducative et visant à donner de ces valeurs des
illustrations « en actes », capables d’en démontrer le caractère vivant et opérationnel pour notre
société démocratique.
SAVOIR SE REPÉRER
DANS L’ORGANISATION
DU SERVICE PUBLIC
D’ÉDUCATION
Le système éducatif articule trois modes d’organisation : la centralisation, la déconcentration et la décentralisation. Cette combinaison répond à des objectifs
d’efficacité : si l’éducation reste une affaire nationale,
les évolutions dans les différentes administrations,
en France comme à l’étranger, montrent qu’on peut
attendre de la proximité et de la capacité d’initiative
des acteurs une amélioration du service rendu.
LE MINISTÈRE
L’Éducation nationale demeure une organisation
très hiérarchisée. À sa tête, le ministère conserve des
compétences qui garantissent l’unité et la cohérence
des politiques d’éducation conduites sur le territoire
et en particulier la définition et la mise en œuvre des
objectifs, la détermination des programmes d’enseignement, l’organisation des examens et la délivrance
des diplômes, le recrutement, l’organisation de la
carrière des personnels (hors certains personnels
techniques et de service), et leur formation.
La Direction générale de l’enseignement scolaire
(DGESCO) regroupe les services centraux. C’est le
centre névralgique du système, d’où partent les
instructions et où remontent les résultats. Son champ
d’action est vaste, puisqu’il couvre aussi bien, et entre
autres, le dialogue de performance avec les académies
(qui fixe les objectifs et les moyens alloués en conséquence), le pilotage des examens, la personnalisation
des parcours scolaires, la recherche et l’innovation
dans le domaine éducatif, que la vie lycéenne et collégienne, la prévention de la lutte contre la violence, ou
le numérique pour l’éducation.
Les deux inspections générales, l’une de l’Éducation
nationale (IGEN), l’autre de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche (IGAENR), forment
un autre pilier de l’administration centrale. La première
est organisée en groupes disciplinaires (histoiregéographie, lettres, etc.) et thématiques (Premier degré,
Établissements et vie scolaire, etc.). Elle a pour mission
« d’assurer le suivi des méthodes pédagogiques et
des politiques éducatives. Elle évalue également leurs
résultats pour l’enseignement primaire et secondaire ».
Elle accompagne à ce titre les inspections territoriales
(inspections pédagogiques régionales et inspections de
circonscription du primaire) et peut programmer des
visites dans les classes pour observer des pratiques
innovantes, ou statuer sur la candidature d’un enseignant à un poste en classe préparatoire. La seconde,
divisée en groupes territoriaux, « a compétence sur
tous les aspects administratifs du système éducatif, de
l’enseignement supérieur et de la recherche. Elle suit la
mise en œuvre des politiques éducatives et leur impact
général 1 ». Les inspections générales peuvent travailler
conjointement. Leur programme de travail est arrêté par
le ministre, mais elles sont indépendantes quant à leurs
conclusions, ce qui en fait des organes de conseil très
précieux. Leurs rapports sont publics et accessibles en
ligne ; ils constituent pour les enseignants une source
d’information et de réflexion très stimulante.
Le ministère s’appuie également sur des organismes rattachés (comme le Conseil national des
programmes, qui possède des fonctions de propositions et d’avis) ou des établissements publics sous
tutelle qui remplissent des missions particulières. Ils
sont généralement bien connus des enseignants : le
Centre national d’enseignement à distance (CNED),
le Centre de liaison de l’enseignement et des moyens
d’information (CLEMI), Canopé (ex-CNDP ou Centre
national de documentation pédagogique), l’Office
national d’information sur les enseignements et les
professions (ONISEP) ou l’Institut français de l’éducation (IFE, ex-INRP ou Institut national de recherche
pédagogique).
1Source : site du ministère.
SOMMAIRE
26
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
LE PREMIER ÉCHELON DE LA
DÉCONCENTRATION : L’ACADÉMIE
L’Éducation nationale bénéficie de circonscriptions
administratives propres : les académies dirigées par
des recteurs nommés en conseil des ministres. Le
rectorat est le premier niveau de la déconcentration,
c’est-à-dire de cette organisation en pyramide qui
permet à une administration d’être représentée sur
l’ensemble du territoire, au plus près de ses usagers,
sans pour autant renoncer à ses compétences. Les
rectorats gèrent donc à peu près les mêmes domaines
que le ministère, mais à un échelon plus limité.
Les enseignants sont en relation régulière avec
l’administration académique, ou avec ses services
départementaux, les anciennes « inspections académiques » appelées aujourd’hui directions des services
départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN).
C’est là que se réalisent les opérations de gestion les
concernant : paye, mutations pour les phases intraacadémiques, avancement, évaluation, remplacement, formation, et toute mise à jour de leur situation
personnelle. L’ouverture du service à distance I-prof
a représenté une amélioration nette dans le dialogue
entre les services académiques et les agents, qui
peuvent par cet intermédiaire communiquer directement avec la personne en charge de leur dossier sans
même connaître son nom (de fait, il y a beaucoup de
rotation sur les postes en rectorat). La consultation
de l’organigramme de son rectorat, disponible sur
tous les sites académiques, peut constituer une aide
pour mieux comprendre l’organisation d’ensemble et
repérer les différents services ainsi que leurs champs
de compétences.
Le rectorat gère également les moyens alloués, suite
au dialogue de performance 2 qu’il conduit avec le
ministère. C’est donc à ce niveau que se répartissent
les dotations horaires globales (DHG) – pour assurer
les enseignements prévus par les textes –, mais aussi
les indemnités pour missions particulières (IMP)
et différents crédits de soutien à l’activité pédagogique et éducative. On retrouve, entre le rectorat et
les établissements scolaires, des fonctionnements
similaires à ceux qui existent entre le ministère et
l’académie : déclinaison des politiques nationales
2On désigne par dialogue de performance, les échanges
entre le Ministère et les rectorats qui aboutissent à
l’attribution des moyens annuels, en fonction des projets
académiques et des engagements pris pour la réalisation
des objectifs définis en commun.
SOMMAIRE
en fonction du contexte spécifique au territoire (les
besoins ne sont effectivement pas les mêmes en
milieu rural ou en centre-ville ou encore en zone
d’éducation prioritaire), dialogue de gestion et de
performance débouchant sur un contrat d’objectifs
passé entre le recteur et les chefs d’établissements,
évaluation conjointe des résultats. Si le rectorat lui
paraît parfois bien lointain, le professeur exerce en
réalité dans un environnement quotidien largement
conditionné par des décisions qui y sont négociées
(avec les organisations syndicales, ou avec les personnels de direction) ou simplement arrêtées. Or pour
prendre des décisions éclairées, les services académiques ont besoin d’informations ; c’est pourquoi il
est entré dans la culture professionnelle de formaliser
– en particulier des projets – et d’évaluer les coûts
et les retombées attendues des actions conduites
pour échanger aussi sur des éléments quantitatifs et
qualitatifs.
Le rectorat exerce enfin des missions de conseil aux
établissements et aux personnels, notamment sur le
plan juridique. Cela peut prendre la forme de ce que
l’on appelle un « contrôle de légalité », lorsque les
services académiques vérifient par exemple qu’aucune disposition d’un règlement intérieur récemment
modifié ne contrevient à la loi. Il peut également
s’agir de la mise en œuvre de la protection juridique
dont bénéficie, sur simple demande, tout enseignant
victime de violences dans l’exercice de ses fonctions
[voir tableau p. 14]. Le conseil peut également déboucher sur l’accompagnement ; nous pensons ici au
rôle du service social des personnels, des médecins
de prévention ou plus largement des services d’aide
aux personnels en difficulté, qui existent sous des
formes variées dans les différents rectorats. Enfin, un
médiateur académique peut intervenir pour accompagner des parties en conflit vers une issue acceptée
par tous.
LA DÉCENTRALISATION
DANS LE SYSTÈME ÉDUCATIF
Les grandes lois de décentralisation 3 ont progressivement accordé des compétences aux collectivités
territoriales dans le domaine éducatif. C’est le conseil
départemental qui intervient pour les collèges. Ses
3Lois Defferre en 1982-1983, puis loi du 13 août 2004 relative
aux libertés et aux responsabilités locales, et loi n° 20101563 du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités
territoriales.
s’approprier les valeurs et le fonctionnement du service public d’éducation
prérogatives portent sur la construction, l’équipement
et l’entretien des établissements (une subvention de
fonctionnement est allouée chaque année), la mise à
disposition des personnels de service et de certains
personnels techniques, la restauration scolaire pour
les élèves (c’est notamment lui qui fixe le prix des
repas facturés aux familles), la carte scolaire (secteurs
de recrutement des élèves).
Les relations avec le conseil départemental passent
beaucoup par l’adjoint-gestionnaire, qui veille à
toutes les questions matérielles au sein du collège.
Cette collectivité territoriale peut intervenir également sur des dimensions éducatives, notamment
à travers des politiques publiques qui ont un fort
ancrage territorial (numérique éducatif, réussite
éducative, politiques de prévention dans le domaine
de la santé, etc.). Le conseil départemental dispose
d’ailleurs de représentants au conseil d’administration des collèges. C’est aussi le cas de la commune
d’implantation de l’établissement, avec laquelle des
synergies existent également (partenariats avec les
structures culturelles locales, par exemple).
Les lois de décentralisation ont conduit à donner, dès
1985, un nouveau statut aux établissements scolaires
du second degré, devenus établissements publics
locaux d’enseignement (EPLE). Les collèges disposent
de ce fait d’une certaine autonomie, notamment sur
leur organisation et sur une déclinaison des objectifs nationaux adaptée à la spécificité de leur public.
Cependant, leur positionnement dans l’organisation
du service public d’éducation les place précisément
au confluent des trois modes d’organisation que nous
évoquions plus haut, et qui viennent s’y articuler. Les
compétences du chef d’établissement illustrent bien
la complexité de ce montage, puisque celui-ci est à
la fois le représentant de l’État dans l’établissement,
son directeur, le président de son conseil d’administration, mais aussi le responsable fonctionnel de
personnels mis à sa disposition (agents de service,
auxiliaires de vie scolaire).
Y A-T-IL ENCORE UNE ÉDUCATION
NATIONALE ?
Dans ce schéma d’ensemble, peut-on alors encore
parler d’une éducation « nationale » ? Oui, car l’État
conserve les compétences majeures que constituent le choix des programmes, la définition et la
délivrance des diplômes, ainsi que le recrutement,
la rémunération et la formation des enseignants. En
27
collège, c’est également lui qui subventionne l’achat
des manuels scolaires choisis par les équipes, et qui
seront prêtés aux élèves. L’État garde donc la main
sur tout ce qui touche aux contenus, aux objectifs,
et aux modalités d’enseignement et d’évaluation.
Ainsi, quels que soient le point du territoire et les
modes d’organisation retenus, les élèves sont assurés
de recevoir un enseignement dont le socle commun
reste indiscutable.
Le diplôme national du brevet
Le diplôme national du brevet (DNB) est le
premier examen que les élèves rencontrent dans
leur scolarité. Il a été totalement rénové pour la
session 2017 [4]. Il continue cependant à conjuguer
contrôle continu et contrôle final, selon la configuration du tableau page suivante.
Les évolutions vont plus loin que la simple redéfinition des épreuves. Certaines disciplines entrent
désormais dans le contrôle final. Les épreuves
écrites reposent sur une combinaison de disciplines articulées autour d’un thème en fil rouge.
En durée cumulée, les exercices sont plus longs.
L’épreuve orale porte sur un projet choisi par
l’élève, qu’il aura mené dans le cadre des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) ou
de l’un des parcours qu’il aura suivis. Enfin, ce
sont les compétences du socle commun qui fourniront les points du contrôle continu, et non les
moyennes obtenues dans les différentes disciplines. Ces nouveautés imposent une concertation importante dans les établissements, qu’il
s’agisse de déterminer la meilleure façon de
préparer les élèves aux épreuves, de s’entendre
sur ce que peuvent recouvrir les différents niveaux
de compétence dans une perspective interdisciplinaire ou de la façon d’évaluer l’épreuve orale.
Dernière nouveauté que nous avons déjà
mentionnée : l’instauration d’une cérémonie républicaine de remise des diplômes [2] qui doit avoir
lieu de préférence dans la quinzaine précédant les
vacances de Toussaint, dans l’établissement d’origine. Il s’agit de donner une certaine solennité à l’obtention de ce premier examen national, et peut-être
aussi de réintroduire une forme de rite de passage à
l’achèvement de la scolarité obligatoire et commune
à toute une classe d’âge. Les établissements sont
invités à donner une large assise à ce temps de la vie
de l’établissement, en y associant par exemple des
SOMMAIRE
28
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
élus et des partenaires de l’école. La mise en
œuvre de cette disposition est intervenue à la
rentrée 2016 pour les lauréats de la session 2016.
À compter de la session 2017, la remise devrait
être accompagnée de celle du « livret citoyen » qui
« associera aux textes fondateurs de leur vie de
citoyen toutes les formes d’engagement qu’ils
auront prises durant leur scolarité obligatoire, en
faisant référence à leur espace personnel dans
l’application Folios 4 »
4
CONTRÔLE CONTINU
SUR 400 POINTS
Évaluation des compétences dans :
Pour chacun des champs de compétence décrits ci-contre :
– Les quatre sous-domaines du domaine 1 : langue
française, langues vivantes étrangères ou régionales,
langages mathématiques, scientifiques et informatiques,
langage des arts et du corps
– 10 points pour « maîtrise insuffisante »
– Les quatre autres domaines : méthodes et outils pour
apprendre, formation de la personne et du citoyen,
systèmes naturels et systèmes techniques,
représentations du monde et de l’activité humaine.
– 25 points pour « maîtrise fragile »
– 40 points pour « maîtrise satisfaisante »
– 50 points pour « très bonne maîtrise ».
CONTRÔLE FINAL
– Épreuve écrite de français, histoire-géographie et
enseignement moral et civique (3 heures + 2 heures).
– Épreuve écrite de mathématiques, SVT, physique-chimie
et technologie (2 heures + une heure).
– Épreuve orale de présentation d’un projet interdisciplinaire
conduit dans le cadre des EPI ou des parcours (5 minutes
d’exposé environ et 10 minutes d’entretien avec le jury).
SUR 300 POINTS
– Sur 100 points.
– Sur 100 points.
–S
ur 100 points (50 pour la maîtrise de l’expression orale
et 50 pour celle du sujet présenté).
4« Folios » est une application de type porte-folio ou classeur
numérique, créée par l’ONISEP pour accueillir les travaux
réalisés dans le cadre du parcours Avenir. Elle est accessible
depuis le site de cet organisme [138]. Les établissements
sont invités à s’en servir également pour compiler les
productions des élèves sur les autres parcours. Cette
application présente l’avantage d’un outil national : l’élève
pourra ainsi revenir à son espace personnel quel que soit
son lieu de scolarisation. Elle dispose d’une ergonomie
simple, et permet à l’enseignant d’accéder aux documents
déposés par ses élèves. Les référents TICE de chaque
établissement sont en principe formés pour accompagner
le déploiement de cet outil.
SOMMAIRE
COMPRENDRE
LES DÉMARCHES DE SUIVI
ET D’ÉVALUATION
DE L’ÉCOLE
La culture de l’évaluation a été lente à pénétrer dans
l’Éducation nationale mais, si des progrès restent
encore à accomplir, son développement sur les vingt
dernières années est indéniable. Contrairement à une
idée reçue, l’évaluation des politiques publiques en
général, et des politiques éducatives en particulier
constitue un espace toujours ouvert de recherche 1, et
elle ne se préoccupe pas seulement de statistiques et
de données quantitatives, loin s’en faut.
Par ailleurs, les exigences constitutionnelles en
matière de finances publiques 2 rejoignent aujourd’hui
celles du contribuable. Il est devenu normal de
rendre compte, surtout lorsque l’on bénéficie du
premier budget de l’État en volume (65 milliards
d’euros environ en 2015, hors enseignement supérieur et recherche) et de pouvoir décrire l’utilisation
des crédits. La Loi organique relative aux lois de
finances (LOLF), votée en 2001, a donné à la représentation nationale un outil de contrôle plus conforme
à une démocratie avancée, en lui permettant de
relier les budgets alloués aux politiques mises en
œuvre, et en disposant de moyens pour vérifier leur
emploi. Organisant la façon dont doivent s’élaborer
les budgets prévisionnels et se présenter les lois de
règlement (rendu des comptes après dépenses), elle
fonctionne selon un schéma de définition d’objectifs,
de moyens attribués, d’indicateurs de réussite et de
remontée des résultats. C’est également avec la LOLF
que sont apparues des nuances entre l’efficacité (ai-je
atteint mon objectif ?), l’efficience (ai-je bien utilisé
les moyens mis à ma disposition pour atteindre mon
1C’est ce que montre notamment Xavier Pons, dans une
synthèse très accessible sur l’évaluation des politiques
éducatives [66]
2Faut-il d’ailleurs rappeler que la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789 stipule en son article 15
que « la société a le droit de demander compte à tout agent
public de son administration » ?
objectif ?) et la performance qui combine efficacité,
efficience et qualité du service rendu.
Entrer dans une démarche d’évaluation constitue
aussi un accélérateur de la réflexion sur son métier.
Il ne faut pas non plus négliger l’usage qui peut en
être fait dans le domaine de la communication :
l’effort de formalisation et de transparence qu’elle
suppose est généralement apprécié par les interlocuteurs. Enfin, mettre en place une évaluation
interne de ses pratiques professionnelles permet de
compléter voire de nuancer celles qui sont produites
par des observateurs externes. Ainsi le ministère a
réussi, par le biais d’enquêtes statistiques réalisées
en son sein, à relativiser dans l’esprit du public la
notion de « classement des lycées » en apportant
d’autres éléments que le simple taux de réussite
au baccalauréat : valeur ajoutée en mesurant les
écarts entre résultats obtenus et résultats attendus
(en fonction notamment des catégories socioprofessionnelles et du retard scolaire), taux de réussite des
cohortes valorisant les efforts des établissements
gardant tous leurs élèves, etc. Ces informations ont
permis à l’opinion publique (et aux journalistes) de
comprendre que la notion de réussite devait également prendre en compte le public accueilli. Dans les
établissements scolaires, on retrouve d’ailleurs cette
complémentarité entre évaluations internes (prévues
dès l’élaboration des projets) et externes (suivi et
analyse d’indicateurs fixes fournis par les rectorats,
par exemple). La comparaison des données de l’EPLE
avec celles qui sont produites sur le plan national,
par exemple, fournit des repères et vient éclairer
des données brutes, qui en elles-mêmes ne sont pas
toujours signifiantes.
Le souci de mieux cerner les évolutions du système
éducatif et de les objectiver se lit dans le développement, au cours des dernières décennies, de l’activité
des principaux acteurs ministériels de l’évaluation.
SOMMAIRE
30
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
La Direction de l’évaluation, de la prospective et de
la performance (DEPP) édite par exemple des notes
d’analyse statistique très synthétiques (quatre à six
pages comprenant des graphiques), des dossiers 3,
ainsi que des études récurrentes, ce qui permet de
dégager des tendances dans le temps (L’état de l’école,
par exemple, qui paraît tous les ans)4. Le Conseil
national d’évaluation du système scolaire (CNESCO),
ensuite, a été créé par la Loi pour la refondation de
l’école de la République et installé le 28 janvier 2014.
« Il assure un triple rôle : un rôle de production d’évaluations et de synthèses d’évaluations, notamment
dans une perspective internationale, un rôle d’expertise méthodologique des évaluations existantes
et un rôle de promotion de la culture de l’évaluation
en direction des professionnels de l’éducation et
du grand public 5 ». Les deux inspections générales,
enfin, agissent dans ce domaine en fonction d’un
programme arrêté par le ministère. Elles produisent
notamment des rapports qui présentent de l’intérêt
pour les enseignants. Ils sont généralement bâtis sur
le même plan : le rappel de la commande ministérielle, une introduction qui constitue bien souvent un
résumé du rapport, une explicitation de la démarche
et du panel d’enquête retenus, une description des
phénomènes observés, leur interprétation et des
préconisations, qui peuvent être présentées au fil du
texte mais sont généralement récapitulées en fin de
volume. Les méthodes utilisées sont très diverses et
se veulent volontairement complémentaires : recours
à des données statistiques existantes, analyse de la
réglementation en vigueur, interviews des acteurs
impliqués aux différents échelons concernés, études
de situations à partir de grilles communes, apport
de la recherche. Ce choix, qui est bien éloigné d’une
entrée exclusive par les chiffres, montre assez la
volonté de disposer d’évaluations qualitatives portant
aussi bien sur des pratiques, des processus, des organisations que sur des résultats, en un mot : sur des
politiques.
Signalons enfin que, toujours dans un souci de mise
en perspective, les évaluations produites par le ministère sont régulièrement croisées avec les résultats des
études internationales, menées notamment au sein
3Par exemple : « Lecture sur support numérique en fin de
collège : un peu plus d’un élève sur deux est capable de
développer des stratégies d’appropriation de l’information »
(note n° 43, novembre 2015).
4Ces productions sont téléchargeables depuis le site du
ministère (onglet « Études & Stats » de la page d’accueil).
5Source : site du ministère.
SOMMAIRE
de l’OCDE (comme l’enquête PISA, déjà évoquée dans
notre introduction) ou avec toutes les formes d’évaluation externes auxquelles sont soumis les services
publics : rapports de la Cour des comptes, rapports
d’enquête parlementaire, par exemple.
PENSER
SON ACTION
DANS LE CADRE
DE L’ÉPLE
L AURENCE MARION
SOMMAIRE
La classe reste dans de nombreux esprits ce « sanctuaire » où la transmission des savoirs doit
se dérouler dans les meilleures conditions, le lieu le plus symboliquement attaché au métier
d’enseignant. Et, de fait, l’établissement scolaire continue à mobiliser la majeure partie
des processus et des compétences qu’il met en œuvre, en particulier chez les non-enseignants, au service de ce moment particulier qu’est le face-à-face pédagogique. Cependant,
les évolutions des savoirs pédagogiques et didactiques, des missions des professeurs et
même des attentes sociales envers l’école amènent à considérer le cours différemment :
de temps et espace clos, il devient un moment et un lieu ouverts aux influences externes.
Et c’est à l’enseignant d’établir le lien entre l’intérieur et l’extérieur, à penser les apports,
les échanges, les transitions. C’est pourquoi l’établissement scolaire, interface vers laquelle
convergent les problématiques sociales et les commandes institutionnelles, et qu’il traduit
en modalités d’organisation des apprentissages, est devenu le véritable cadre d’exercice
pour le métier d’enseignant.
Par ailleurs, la réforme du collège insiste sur la nécessité pour le professeur de donner du
sens aux apprentissages en ouvrant des perspectives plus larges que celles de son enseignement disciplinaire et même du cadre scolaire. Il va donc inscrire sa pratique, plus encore
qu’auparavant, dans des démarches collectives, ou du moins partagées. En réalité, il n’avait
déjà que rarement le monopole de la relation avec ses élèves, y compris sur le plan didactique, puisque ceux-ci sont souvent confiés, pour une même discipline, à des enseignants
différents chaque année. La réforme va probablement amplifier ce phénomène et complexifier les rapports pédagogiques au sein de la classe.
Enfin, les enseignants ressentent souvent la nécessité de prises de position communes,
notamment sur le plan éducatif (pourquoi faire respecter telle ou telle interdiction dans
mon cours si ce n’est pas le cas dans le cours suivant ?). Mais ils sont parfois démunis pour
trouver les outils qui garantissent une certaine homogénéité des attitudes tout en laissant à
chacun la liberté de conduire sa classe comme il l’entend. Nous pensons que l’établissement
scolaire peut être le lieu de cette cohérence. En s’appropriant les problématiques d’ensemble
qui traversent le collège, les enseignants peuvent ainsi rompre la solitude professionnelle,
source potentielle de difficultés.
Réussir la réforme du collège suppose des échanges nourris entre les professeurs, mais
aussi le développement d’un sens du collectif qui permettra de s’accorder sur des axes de
travail pour lesquels chacun se sente engagé (repères de progressivité dans une discipline,
par exemple, compétences à traiter prioritairement en accompagnement personnalisé dans
une classe, contribution des disciplines aux différents parcours, etc.). L’établissement doit
être alors un cadre professionnel rassurant, qui permette le débat sans le jugement, la
confrontation au réel sans la peur, la synthèse sans la frustration. La bonne connaissance
de son fonctionnement et des personnes qu’on y côtoie, le respect des missions et des
compétences de chacun contribuent très certainement à créer le climat de confiance, de
soutien, voire d’émulation, nécessaire tant à un développement professionnel harmonieux
qu’à la mise en œuvre de nouveaux dispositifs ou à l’amélioration des résultats des élèves.
SOMMAIRE
PRENDRE LA MESURE
DE L’ÉPLE
COMME ENVIRONNEMENT
PROFESSIONNEL
C’est au sein de l’établissement que se développe
l’espace relationnel immédiat de l’enseignant. Une
approche naïve et incantatoire de la notion de « travail
en équipe » a parfois laissé penser qu’un groupe est
nécessairement plus efficace et plus « confortable »
dans les situations de travail, ce qui ne reste vrai qu’à
certaines conditions, notamment d’adhésion et de
compréhension mutuelle. On peut observer dans les
faits deux formes de travail collectif. L’un est contraint
par les exigences de l’organisation : le professeur se
trouve ainsi automatiquement membre des équipes
pédagogiques des classes dans lesquelles il enseigne
ainsi que d’une équipe disciplinaire. L’autre relève
davantage de groupes d’affinités, qui se constituent souvent au gré de sensibilités pédagogiques
proches, peuvent fonctionner de façon informelle et
se retrouvent souvent à l’origine des projets. Ces deux
formes ne s’excluent évidemment pas et l’enseignant
doit savoir travailler dans ces différents contextes.
La réussite d’une équipe tient en réalité à sa capacité à rester concentrée sur les objets et les objectifs,
ainsi qu’à tenir à bonne distance les divergences et
les questions « de personnes ».
L’activité de l’enseignant au sein de son établissement
est également de nature à influencer son quotidien
professionnel. En participant à l’élaboration des décisions qui y sont prises, il peut en effet contribuer à
modifier les conditions matérielles dans lesquelles il
exerce ses fonctions, mais aussi peser sur des choix
de politique pédagogique et éducative qui impacteront jusqu’aux contenus de son enseignement. C’est
que l’établissement public local d’enseignement
(EPLE) est une structure administrative autonome,
personne morale décisionnaire sur des points aussi
fondamentaux que ses finances, son organisation, la
déclinaison locale des objectifs académiques et nationaux, ou les partenaires dont elle souhaite s’entourer.
Cette autonomie se concrétise dans trois grands documents : le budget prévisionnel, le règlement intérieur
et surtout le projet d’établissement. Nous reviendrons
sur les deux derniers.
Or les textes qui encadrent le statut juridique de
l’EPLE 1 prévoient que cette autonomie soit utilisée
et régulée par différentes instances ; certaines sont
décisionnelles, d’autres consultatives, mais les
enseignants y sont toujours représentés. Il s’agit du
conseil d’administration, du conseil pédagogique, des
conseils d’enseignement et des conseils de classe,
mais aussi du comité d’éducation à la santé et à la
citoyenneté (CESC) et du conseil de la vie collégienne
(CVC). Les professeurs ont tout intérêt à ce que l’un
des leurs y siège, car leurs compétences portent
notamment sur les questions éducatives et recoupent
souvent des problématiques irriguant les cours, telles
que l’enseignement moral et civique, l’éducation aux
médias et à l’information, l’ouverture culturelle ou
les relations avec le monde économique. Le CESC,
par exemple, analyse les besoins, arrête un certain
nombre d’opérations qui peuvent être conduites
sur des temps d’enseignement ou articulées à eux,
et construit à cet effet des politiques partenariales
(avec les représentants de la justice, de la police, de
la sécurité civile ou des pompiers, de certains services
des collectivités territoriales – des conseils municipaux de jeunes existent par exemple dans certaines
communes – mais aussi d’institutions culturelles ou
d’associations de prévention) [1]. Quant au conseil de
1Le premier de ces textes a suivi de près les lois de
décentralisation, puisqu’il s’agit du décret n° 85-924 du
30 août 1985. De nombreux autres ont suivi ; ils sont
regroupés dans le Code de l’éducation, dans la deuxième
partie, au titre IV – Les établissements scolaires. Il s’agit
d’un corpus volumineux dont la présentation et le
commentaire ne trouveraient pas leur place ici. Nous
faisons donc le choix d’évoquer les dispositions qui
concernent plus directement les enseignants et donnent
un peu mieux à saisir, nous l’espérons, l’architecture
d’ensemble.
SOMMAIRE
34
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
la vie collégienne, de création récente 2, il est l’occasion pour les élèves d’un apprentissage concret de
l’autonomie, de la citoyenneté et de la démocratie,
puisqu’il est force de proposition pour toute question
ayant trait à la vie scolaire dans l’établissement. Il est
important que les jeunes soient accompagnés par des
adultes dans ces démarches, et pas seulement par
des personnels spécialisés, pour éviter que ne s’installe une fracture dommageable entre la classe et « le
monde ».
Plus directement lié aux préoccupations premières
des enseignants, le conseil pédagogique a été institué
par la loi d’orientation de 2005 [32]. Il s’agit d’une
instance très souple, tant dans sa composition ou ses
objets de travail que dans ses modalités de fonctionnement, qui demeurent à la main du chef d’établissement qui le préside. Consultatif, il accueille en général
a minima le coordinateur de chaque discipline et un
représentant des professeurs principaux de chaque
niveau, un professeur-documentaliste et un CPE. Il
peut être élargi, notamment aux différents professeurs référents (culture, TICE…). Les débats et les
propositions qui en ressortent, exclusivement consacrés aux questions pédagogiques, intéressent directement l’ensemble des professeurs de l’établissement :
on peut donner comme exemple le bilan pédagogique
annuel 3, l’utilisation des indemnités pour missions
particulières (IMP) [15], la politique de formation de
l’établissement, l’organisation d’examens blancs ou
de devoirs communs, la mise en œuvre des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), la construction des parcours, etc. Les avis émis par le conseil
pédagogique permettent souvent d’éclairer les débats
en conseil d’administration. Les enseignants ont donc
tout intérêt à investir cet espace, ou à en alimenter la
réflexion par leurs échanges avec leurs représentants.
2Le décret n° 2016-1631 du 29 novembre 2016 instituant
les conseils de la vie collégienne est paru au Journal officiel
n° 0279 du 1er décembre 2016.
3Celui-ci doit être présenté au conseil d’administration qui
en vote l’approbation. Présenté par le chef d’établissement
qui en choisit l’organisation, il porte, entre autres, sur
les résultats de l’établissement (examens, passages,
orientations), les choix en matière de politique éducative,
la mise en œuvre des objectifs du projet d’établissement
et des différents dispositifs prévus par les textes, les
bilans des sorties pédagogiques et des associations
hébergées (association sportive, foyer socio-éducatif). Il est
transmis, comme tous les actes faisant l’objet d’un vote
au conseil d’administration, à la direction des services
départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN).
SOMMAIRE
Les collèges sont fortement marqués par une organisation reposant sur une forme de division du
travail, avec des grands « pôles » d’activité que l’on
peut regrouper autour de la pédagogie, la vie scolaire,
l’administration et le conseil (nous pensons ici à ces
acteurs que sont le psychologue de l’Éducation nationale, l’assistant social ou le médecin scolaire, qui
exercent à la fois dans l’établissement et en dehors).
Cependant, si la facilitation de l’acte d’enseignement
entre dans les missions de la plupart des personnels
présents dans l’établissement, ceux-ci ont aussi des
activités spécifiques dont il appartient en retour à
l’enseignant de faciliter le déroulement. La qualité de
la « remontée » des appels, par exemple, conditionne
le travail du service vie scolaire dans la lutte contre
l’absentéisme ; la précision des références sur un bon
de commande va améliorer la réactivité du service
d’intendance, et le respect des calendriers annoncés
l’efficacité du secrétariat. Il y va donc de l’intérêt de
tous que de connaître et respecter les missions et
les compétences présentes dans son environnement
professionnel immédiat.
INTÉGRER
LES CHOIX POLITIQUES
DE L’ÉTABLISSEMENT
Les modalités de pilotage préconisées aujourd’hui
invitent les chefs d’établissement à faire une large
place aux démarches reposant sur la participation
et la collaboration des enseignants, dans le domaine
des politiques conduites au sein du collège. Il s’agit
d’offrir des espaces leur permettant de porter des
propositions, à charge pour eux de s’en emparer. Les
choix pédagogiques et éducatifs de l’établissement
s’expriment dans deux documents majeurs, que tout
professeur doit connaître : le règlement intérieur et le
projet d’établissement.
La présence du règlement intérieur ici peut
surprendre. Pourtant, sa présentation et son organisation reflètent bien les choix éducatifs de l’établissement. De quelles valeurs souhaitons-nous faire
particulièrement la promotion et comment ? Quelle
philosophie applique-t-on à la gestion des transgressions ? Par quoi sont motivées les différentes
dispositions prises ? Comment le règlement est-il
présenté pour être le plus accessible possible ? Bien
conçu, il devient un véritable outil au service de l’action éducative, d’autant que son élaboration devrait
associer l’ensemble de la communauté scolaire. Il
participe alors pleinement à l’amélioration du climat
scolaire, voulue par la Loi de refondation de l’école
de la République. La qualité de ce texte ne relève pas,
bien évidemment, de la mission des professeurs, mais
ils peuvent soutenir les initiatives qui seraient prises
dans le sens d’un progrès ou être force de proposition. Pour jouer pleinement son rôle éducatif, le règlement intérieur doit régulièrement évoluer, non pas
pour faire varier son degré de permissivité, mais pour
s’adapter aux différents changements qui affectent
les établissements et conserver sa pleine actualité.
Quant au projet d’établissement, il s’agit du document
de référence qui expose et articule les différentes
activités au collège, en précisant la manière dont
celles-ci déclinent les directives nationales et académiques et contribuent à l’atteinte des objectifs fixés.
Nous n’ignorons pas que, là aussi, une grande disparité existe entre établissements en ce qui concerne
la qualité, la cohérence et la pertinence de ce texte.
Celui-ci souffre parfois également de contretemps
dans son élaboration ou sa révision par rapport à la
mise en œuvre des réformes. Rappelons néanmoins
qu’il est obligatoire depuis 1990 [38]. Pluriannuel,
approuvé par le conseil d’administration, il engage la
communauté éducative dans son ensemble et sert de
base à la négociation du contrat d’objectifs passé entre
le chef d’établissement et les services académiques.
Il se construit dans le cadre général de ce que l’on
nomme d’ailleurs « la démarche de projet ». Après une
phase de diagnostic partagé, des objectifs hiérarchisés
sont définis auxquels sont rattachées les actions
conduites par les équipes. Les résultats attendus sont
explicités et les modalités d’évaluation précisées. Il
s’agit ainsi de donner aux différents professionnels
présents dans l’établissement une feuille de route
commune, d’éviter l’éparpillement et d’expliciter la
contribution de chacun. Il permet aussi d’estimer à
l’interne les progrès accomplis et les difficultés persistantes. Les différents parcours prévus par la réforme
du collège doivent y figurer, au moins en annexe. Le
projet d’établissement n’interdit pas, bien sûr, de
conduire des activités qui ne figureraient pas dans le
programme qu’il décrit. Au demeurant, il vaut mieux
éviter les effets de catalogue que produit souvent
le désir de tout mentionner. Mais, expression d’une
volonté commune, il explicite les objectifs considérés
comme prioritaires par rapport aux besoins identifiés.
Déclinaison d’un axe politique :
l’exemple de la difficulté scolaire
Voici un tableau synthétique qui présente une
façon (et non un modèle) de s’emparer de la
difficulté scolaire telle qu’elle se présente dans
un collège donné. Il s’agit ici d’illustrer le caractère global du traitement du problème. Dans
la pratique, cette synthèse serait certainement
accompagnée d’une fiche détaillant chaque action.
SOMMAIRE
36
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
PRIORITÉ : FAIRE RÉUSSIR TOUS LES ÉLÈVES / AXE N° 2 : LUTTER CONTRE LA DIFFICULTÉ SCOLAIRE
DIAGNOSTIC
14 % des élèves sont en difficulté scolaire, c’est-à-dire :que leurs résultats ne leur permettront pas d’obtenir le DNB ; que
leurs chances d’obtenir en fin de 3e une affectation en premier vœu sont compromises.
Pour 10 %, ils sont entrés en 6e avec un an de retard. Pour 2 %, ils présentent des risques de décrochage (absentéisme élevé
à plus de 12 %). Pour 9 %, la difficulté est cumulée avec une difficulté d’ordre social (chômage des parents, séparation
conflictuelle, parent en prison ou décédé récemment, pauvreté, surendettement, etc.). Pour 4 % la difficulté est cumulée
avec des difficultés psychologiques (se traduisant par une démotivation ou des problèmes de comportement).
Le traitement de cette difficulté passe essentiellement par le recours à des dispositifs externes (orientation en SEGPA, en 3e
prépa pro, passage en classe relais) ; mais le faible nombre de places ne permet pas de s’en tenir à cette seule solution.
Les principales difficultés repérées sont : une maîtrise très insuffisante de la langue ; une grande difficulté à saisir et
comprendre les informations dans un texte (dans toutes les disciplines) ; t rès peu d’autonomie.
ACTIONS
Nature
Mesurer
Description
Qui ?
1/ Réaliser des diagnostics communs sur les
compétences dans le courant du premier mois
pour affiner la connaissance de la difficulté,
puis en vue de chaque conseil de classe.
2/ Consacrer un temps à chaque conseil
pédagogique pour travailler les résultats des
diagnostics.
Les enseignants de lettres, mathématiques,
histoire-géographie et SVT (tous niveaux).
Prévenir
Améliorer la connaissance du public accueilli
en 6e par une meilleure transmission
d’informations.
Les membres du conseil école-collège.
Remédier
1/ Programmer l’accompagnement personnalisé
en fonction des besoins repérés dans chaque
classe. Fonctionner par groupes de besoins
quand les emplois du temps le permettent.
2/ Proposer de sessions d’observation en
entreprises plus nombreuses en 4e et 3e pour
quelques élèves repérés.
Prioritairement : professeurs disposant de moyens
dédiés (exemple : barrettes en histoire-géographie
en 3e) – Professeur-documentaliste – Assistants
d’éducation
Groupe interne de lutte contre le décrochage (dont
professeurs de technologie) – Appui de la mission
de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS)
3/ Veiller à la mise en œuvre des actions prévues
dans le parcours avenir (bilans réguliers).
Coordinateur du parcours
Conseil pédagogique
4/ Utiliser les enseignements artistiques et les
activités culturelles pour remotiver les élèves, en
instaurant des temps de concertation spécifique
au sujet des élèves en difficulté.
Référent culture
Professeurs principaux
Professeurs des matières artistiques et professeurs
impliqués dans les EPI
Accompagner
Faire fonctionner la cellule de veille.
CPE – Infirmière – Assistante sociale –
Gestionnaire – Médecin scolaire – Psychologue
de l’Éducation nationale – Principal-adjoint.
Innover
Réaliser des observations croisées et échanges
de pratiques interdegrés sur
l’accompagnement personnalisé au cycle 3.
Équipe innovante.
Se former
Monter un stage d’établissement de deux jours
sur la lecture et la compréhension des
consignes (octobre).
Un professeur par discipline.
Le conseil pédagogique.
RÉSULTATS ATTENDUS
Diminution du nombre d’élèves non affectés à l’issue du premier tour des procédures d’orientation en fin de 3e. Diminution du
nombre d’élèves non affectés en premier vœu dans la voie professionnelle. Augmentation générale du niveau d’ambition scolaire.
Augmentation du taux de passage en 2de générale et technologique. Augmentation des résultats au DNB.
INDICATEURS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION
Taux de passage sur l’ensemble des niveaux. Résultats des élèves à l’issue de la classe de 2de (toutes voies). Résultats au
DNB. Évolution des vœux d’orientation en fin de 4e et de 3e. Diminution du nombre des élèves passant par la classe relais.
SOMMAIRE
COLLABORER
À LA MISE EN ŒUVRE
DES NOUVEAUX DISPOSITIFS
La réforme du collège impose une réflexion collective
sur de nombreux objets (progression de cycle, enseignements pratiques interdisciplinaires, accompagnement personnalisé, parcours, enseignements transdisciplinaires tels que l’enseignement moral et civique
ou l’éducation aux médias et à l’information). Il s’agit
incontestablement pour les professeurs d’un déplacement de la charge de travail voire – comme souvent
lors de l’introduction de nouveautés – d’un accroissement au moins dans un premier temps, même si
l’on peut espérer qu’à terme la cohérence profite à
tous (on pense ici aux repères de progressivité dans
une discipline, qui intègrent la logique spiralaire, par
exemple). Ce faisant, la réforme introduit cependant
une dynamique qui renforce la capacité d’initiative
du professeur, et l’amène à entrer dans des élaborations collectives. Ces dernières peuvent requérir,
pour éviter la lassitude et la démobilisation, quelques
points de méthode et de vigilance. Nous en proposons
ci-dessous quelques-uns à l’usage des enseignants
qui prendraient la coordination de groupes de travail,
s’ils ne leur sont pas préalablement fournis 1.
1/ Le cadrage du travail est indispensable, formulé en
termes d’objectifs, de production attendue, de délais,
de participants 2, de méthode voire d’esprit. Le choix
d’un coordinateur est préférable.
représentée par différents professeurs au sein des
divers groupes de travail. Cependant, ceux-ci doivent
s’astreindre à tenir leurs collègues informés des avancées de chaque projet.
3/ Il ne faut pas faire l’économie d’une réflexion sur
les modalités de travail, et notamment sur l’aménagement de temps pour l’élaboration individuelle et
sur la possibilité d’échanges à distance.
4/ La formalisation est inévitable. Elle permettra, le
moment venu, de faire connaître aisément les travaux
du groupe. Elle facilite la régulation. Cependant, elle
n’a pas besoin d’être particulièrement volumineuse
ni élaborée.
5/ Des moments d’échanges et de régulation (avec
les autres groupes de travail, avec l’équipe de direction ou avec des instances comme le conseil pédagogique) doivent être programmés afin de s’assurer que
l’équipe répond bien à la commande initiale.
6/ Tout projet doit comporter dès sa conception les
modalités retenues pour son évaluation.
2/ La répartition de l’effort est toujours souhaitable.
Aussi vaut-il mieux qu’une même discipline soit
1Il est évident que l’impulsion et l’organisation d’ensemble
de ce travail collectif revient en principe aux équipes de
direction. Cependant, pour aller au bout de l’esprit d’une
réforme qui laisse une large place à la créativité des
enseignants, nous pensons qu’il faut laisser aux acteurs
les plus grandes marges de manœuvre possible, y compris
dans l’organisation et le cadrage de leur réflexion.
2
On sera particulièrement attentif à ce point quand les
objets de travail ne concernent pas seulement les temps
d’enseignement ; le parcours citoyen, par exemple, doit
pouvoir intégrer des activités périscolaires. Il s’agit
alors de s’assurer des collaborations nécessaires, même
occasionnelles, au sein même du groupe.
SOMMAIRE
COOPÉRER AU SEIN
DE DIFFÉRENTES ÉQUIPES
Nous l’avons vu, le collège abrite différents professionnels avec lesquels l’enseignant est amené à coopérer
pour remplir l'ensemble de ses différentes missions
et obligations. S’il est vrai que l’on ne choisit pas ses
collègues, les attitudes a priori positives que l’on peut
développer à leur égard garantissent généralement
un meilleur climat de travail. Nous supposerons donc
ici la compétence de chacun dans son domaine et
nous nous intéresserons aux collaborations possibles
sous l’angle de la complémentarité plutôt que de la
concurrence ou de l’incompatibilité. On parle généralement d’équipe pédagogique pour désigner l’ensemble des enseignants intervenant dans la même
classe, et d’équipe éducative pour décrire ces mêmes
équipes élargies aux non-enseignants. Dans les faits,
les équipes répondent à des géométries variables en
fonction des contextes et de la nature des problèmes
rencontrés. Des savoir-faire en matière de coopération
sont donc à mobiliser. Ils s’avèrent particulièrement
indispensables pour exercer les missions de professeur principal 1.
Il paraît important de nous arrêter sur un acteur
particulier des établissements scolaires (et qui n’a
quasiment pas d’homologue dans les systèmes
éducatifs étrangers) : il s’agit du conseiller principal d’éducation (CPE). S’il est toujours identifié, la
perception de ses missions est souvent approximative et souffre encore, plus de quarante ans après son
apparition, d’une assimilation à celles du surveillant
général auquel il s’est substitué. Associé à l’équipe
de direction, membre des différentes équipes pédagogiques (d’où sa présence aux conseils de classe),
responsable d’un service (celui de la vie scolaire), il
exerce un métier devenu complexe par les savoirs
et les compétences exigés. Il s’est progressivement
imposé comme un acteur incontournable pour traiter
des questions d’absentéisme ou de décrochage, pour
gérer les problèmes éducatifs et comportementaux
1Il n’est pas possible, dans le format d’un tel ouvrage,
d’aborder cette dimension du métier qui concerne de
nombreux enseignants. Nous renvoyons donc à la circulaire
sur le rôle du professeur principal [36].
qui peuvent se présenter – y compris dans la classe
– pour améliorer le dialogue avec les familles, pour
faire vivre la démocratie scolaire, pour organiser des
dispositifs à l’échelle de l’établissement et l’appui que
les assistants d’éducation peuvent y apporter. Il est
malheureusement encore trop souvent sollicité pour
des actions visant exclusivement l’application d’une
certaine forme de discipline. La nouvelle circulaire
qui définit ses missions [7] est sur ce point très claire :
« Les CPE ont également un rôle dans la prévention
et la gestion des conflits. Ils agissent en privilégiant
le dialogue et la médiation dans une perspective
éducative. Ils promeuvent une approche réparatrice
des sanctions ». Bien pensée, la coopération avec le
conseiller principal d’éducation peut donc s’avérer
précieuse pour les enseignants dans la prise en
charge des élèves en grande difficulté.
La collaboration avec les professeurs-documentalistes est d’autant plus aisée à construire qu’elle
rencontre des attentes fortes de la part de ces acteurs
aux compétences spécifiques. Le documentaliste est
souvent un pourvoyeur d’idées et de ressources. Il
connaît généralement l’offre patrimoniale locale,
s’implique très souvent dans les partenariats extérieurs et maîtrise les TICE. Formé à la pédagogie, il
peut coconstruire des séquences ou des séances et
prendre des groupes d’élèves en charge. Il fait enfin
évoluer son fonds, imprimé ou dématérialisé, en fonction de la demande. Cette palette de savoir-faire légitime totalement sa participation aux enseignements
pratiques interdisciplinaires ou à l’accompagnement
personnalisé.
La coopération entre enseignants et non-enseignants,
quant à elle, va s’avérer nécessaire dans la prise en
charge des difficultés individuelles des élèves, qu’elles
soient scolaires, sociales, psychologiques, médicales
ou autres. La logique d’inclusion qui prévaut désormais et qui impose l’intégration de tous les élèves
à l’école demande aux enseignants des efforts non
négligeables d’adaptation et de compréhension. Ils ne
doivent pas hésiter alors à s’appuyer sur les savoirfaire et les conseils des professionnels qu’ils côtoient
SOMMAIRE
40
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
2
et qui auront à cœur, dans la plupart des cas, de les
aider à rechercher des solutions opérationnelles
visant à faire progresser les élèves.
Parfois, l’équipe au sein de laquelle l’enseignant
aura à œuvrer est aussi constituée de collègues
qui exercent en dehors de l’établissement. Il s’agit
bien sûr des professeurs des écoles du secteur,
avec lesquels il va falloir construire les contenus
du cycle 3. La concrétisation de ce travail d’équipe
pourra revêtir plusieurs formes. L’une d’entre elles
est prévue par les textes : il s’agit du conseil écolecollège, qui réunit des représentants des premier et
second degrés [20]. Cette instance peut s’emparer de
tout objet de travail commun : repères de progressivité, développement des usages numériques, évaluation des acquis des élèves, mise en œuvre de l’accompagnement personnalisé… Elle peut s’organiser
en commissions qui travaillent parallèlement. Il est
souhaitable qu’un représentant de chaque discipline
enseignée en sixième y soit présent. Mais la coopération entre enseignants des deux degrés peut également se traduire par des projets communs ou par des
observations croisées des pratiques professionnelles
de chacun. L’objectif de ce rapprochement, outre
l’échange de compétences qu’il permet, est d’assurer
une forme de continuité des apprentissages pour les
élèves.
Pour finir, on ne saurait oublier que les enseignants
ont aussi à inscrire leurs pratiques dans un cadre
matériel, réglementaire et parfois financier. Sur tous
ces points, l’adjoint-gestionnaire est leur interlocuteur privilégié. Il faut savoir que ce professionnel est
soumis à des contraintes procédurales fortes ; ainsi
la réforme récente du plan comptable des établissements impose-t-elle par exemple de relier les
dépenses à des axes du projet de l’établissement, pour
une présentation budgétaire qui reprend l’esprit de la
LOLF. C’est pourquoi il peut être demandé aux professeurs de préciser la destination des dépenses qu’ils
souhaitent voir engager. Enfin, sous la responsabilité
du chef d’établissement, l’adjoint-gestionnaire est
souvent chargé de l’organisation de la sécurité dans
l’établissement, dimension qui a pris une importance
sans précédent ces dernières années (intrusions,
catastrophes climatiques, etc.). Dans ce domaine, la
France accusait un certain retard dans l’éducation
des populations et le contexte a entraîné une plus
grande implication de l’École sur ces questions ; les
exercices de prévention, durant lesquels les enseignants encadrent leurs élèves, ont été multipliés et
diversifiés à cette fin.
SOMMAIRE
Concevoir et mettre en œuvre
un plan d’accueil personnalisé
La différenciation a conduit à la mise en place
de dispositifs distincts pour les élèves en situation de handicap (les plans personnalisés de
scolarisation ou PPS), ceux qui sont atteints de
pathologies chroniques ou d’allergies (les protocoles d’accueil individualisé ou PAI), et ceux qui
souffrent de troubles modérés des apprentissages
(les plans d’accompagnement personnalisé ou
PAP). L’initiative de la mise en place d’un PAP peut
venir de l’équipe pédagogique ou de la famille,
qui doit dans tous les cas en faire la demande
au chef d’établissement. Destinataire des bilans
psychologiques ou paramédicaux concernant
l’élève, le médecin scolaire évalue la pertinence
de cette demande. Il formule un premier état
de la difficulté sur la page de garde d’un document 2 qui va ensuite suivre l’élève tout au long
de sa scolarité. Ce constat ne vise pas à dicter
des consignes aux enseignants mais plutôt à
leur proposer une traduction des bilans dressés
par des spécialistes en termes de difficultés
d’apprentissage.
L’élaboration du PAP est ensuite coordonnée par
le professeur principal, qui sollicite les membres
de l’équipe pédagogique pour proposer des
aménagements répondant aux besoins. Le formulaire comporte un certain nombre de propositions
que les enseignants choisissent ou non de retenir.
Outre un tronc commun (qui peut par exemple
porter sur le temps majoré en évaluation ou sur
l’explicitation du vocabulaire spécialisé), des
items spécifiques sont proposés pour les différentes disciplines, dont voici quelques exemples :
– utiliser les affiches et tableaux chronologiques
présents dans la salle (histoire-géographie) ;
– proposer à l’élève une lecture oralisée (enseignant ou autre élève) ou une écoute audio des
textes supports de la séance (lettres) ;
– adapter les quantités d’écrit (dictées à trous, à
choix multiples, etc.) ;
– u tiliser un enseignement multisensoriel :
entendre, lire, voir (images), écrire (langues
vivantes).
2Le formulaire est fourni en annexe de la circulaire n° 2015016 [17].
penser son action dans le cadre de l’Éple
41
Des aménagements qui ne figurent pas dans la
liste sont possibles. Une fois rempli, le formulaire
est signé par les parents et par le chef d’établissement. Il est diffusé de telle manière que les
professeurs de l’élève puissent s’y reporter. En
principe, le plan est révisé tous les ans, sur le
même document. Il ne constitue pas à lui seul
l’outil magique de remédiation aux difficultés
de l’élève ; la démarche n’a de sens que si les
familles entreprennent par ailleurs les suivis
médicaux ou paramédicaux nécessaires au traitement des troubles (orthophonie, ergothérapie…).
Les aménagements, au fil des ans, ont vocation à
devenir moins nombreux, voire inutiles.
Chez certains élèves, les troubles des apprentissages sont suffisamment sévères pour justifier
une reconnaissance de handicap. C’est alors un
PPS qui est mis en place, et qui peut déboucher
sur des aménagements aux épreuves du DNB, en
accord avec le service médical académique.
Les enseignants jouent donc un rôle essentiel
dans le repérage de la difficulté puis dans sa prise
en compte (les aménagements inscrits dans le
PAP les engagent). Mais le dépassement de cette
dernière est le fruit d’un travail collectif, qui
implique différentes équipes, notamment médicales, ainsi que les parents. Il s’agit bien de conjuguer des compétences dans l’intérêt des élèves.
SOMMAIRE
PRENDRE EN COMPTE
LES USAGES NUMÉRIQUES
DE SON ÉTABLISSEMENT
Le développement des technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement
(TICE) ne concerne pas seulement les usages pédagogiques. Elles se sont propagées à l’ensemble des
activités menées dans les établissements. Amenant
des gains considérables de temps et de fiabilité dans
les opérations administratives (exploitation des
bases de données des élèves, contrôle de l’assiduité
et alerte des familles en temps réel, échanges avec
les échelons nationaux et académiques, organisation
des examens, etc.), elles ont également introduit des
impératifs de maîtrise, de sécurité et de formation
sans précédent. La prolifération des applications
en réseau impose de plus une harmonisation des
pratiques et une discipline chez les utilisateurs, afin
que le partage quasi instantané d’informations ne
se retrouve pas rapidement bloqué par des manipulations malencontreuses. En principe, les référents numériques des établissements ne s’occupent
pas d’informatique « administrative », plutôt gérée
par des services spécialisés du rectorat. Cependant
la mise en place d’environnements numériques de
travail (ENT) et le développement de logiciels de vie
scolaire (gérant également les résultats des élèves et
la communication avec les familles) rendent certaines
frontières plus poreuses, et doivent amener chacun à
redoubler de vigilance quand il se connecte au réseau
de l’établissement.
Dans toutes les organisations qui se veulent efficaces,
les usages informatiques sont strictement encadrés.
Les référents numériques élaborent en principe une
politique numérique et un document de référence
sur les usages dans l’établissement, présenté et
validé en conseil d’administration, qui s’adresse à
tous, y compris aux parents. Chacun doit ensuite se
conformer aux procédures arrêtées et se servir des
applications préconisées, l’efficacité des outils étant
largement conditionnée dans ce domaine par la généralisation de leur usage. L’harmonisation des usages
doit en particulier s’appliquer à la communication
interne ; dans tel établissement on va choisir par
exemple de distinguer l’utilisation de la messagerie
académique pour les correspondances habituelles
de personne à personne, le recours à une messagerie
instantanée interne pour les situations d’urgence, et
la diffusion via les casiers numériques de toutes les
notes de service.
Autre situation où le respect des usages détermine
le bon fonctionnement du service : le signalement
des pannes au service compétent, et selon les règles
énoncées, pour que les réparations interviennent
dans les meilleurs délais. La complexité des opérations de maintenance et la disponibilité maximale
du matériel, y compris pédagogique, dépendent en
partie de cette « autodiscipline » collective, moyennant quoi l’apport des technologies numériques peut
s’avérer bénéfique à la pratique professionnelle des
enseignants. Parmi les avantages repérés, soulignons :
la rapidité de l’information des parents, la communication instantanée à l’intérieur de l’établissement, la
possibilité d’archiver et de retrouver aisément tous
les documents dont on peut être destinataire, l’amélioration du suivi individuel des élèves, le partage de
documents (voir ci-dessous), la valorisation du travail
des classes sur le site internet de l’établissement ou
sur des blogs dédiés. Cependant, outre le respect de
consignes techniques, l’usage des TICE suppose aussi
une vigilance quant au respect de certaines règles de
droit, notamment de la propriété intellectuelle et du
droit à l’image, mais aussi de celles qui encadrent la
liberté d’expression. Des formations sur ces sujets,
dont les enseignants ne sont généralement pas
spécialistes, peuvent être dispensées par le référent
numérique parfois, mais également par les équipes
du CLEMI. En dernier ressort, c’est le chef d’établissement qui est directeur de publication des différents
espaces numériques associés au collège. Il est donc
normal qu’il soit sensible au respect de sa responsabilité, et que sa validation soit nécessaire à la mise en
ligne de certains contenus.
SOMMAIRE
44
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
Utiliser un espace de travail collaboratif
Les espaces de travail collaboratif permettent
notamment de stocker et de rendre disponibles
des fichiers qui peuvent intéresser l'ensemble
d'une communauté, mais aussi, en utilisant des
fonctionnalités plus complexes, d'échanger sur
des documents collaboratifs et de travailler en
équipe à distance. De nombreuses solutions sont
proposées par des applications « grand public ».
Cependant, on peut préférer les outils dédiés,
fermés et sécurisés, inclus généralement dans
les ENT proposés aux établissements, ou, pour
les documents issus de formations, sur la plateforme M@gistère, gérée par les niveaux ministériels et académiques. L'application Folios, administrée par l’ONISEP, propose également ce type
de service, mais il n'est pas forcément souhaitable
de mélanger les genres en retenant une plateforme recommandée par ailleurs pour servir de
support aux parcours des élèves.
Quel que soit l'espace choisi, il s'agit bien de
mutualiser des ressources et de permettre ainsi
leur meilleure diffusion, dans des établissements où il est impossible que chacun participe
à tous les groupes de réflexion ou à toutes les
équipes de projets qui fonctionnent simultanément. Il serait illusoire de croire cependant que
de telles pratiques lèvent tous les obstacles à la
communication, et imprudent de ne pas penser
leur articulation avec des formes plus classiques
du travail en commun (réunions, par exemple).
La nature des documents partagés variera bien
entendu d'un collège à l'autre : ici on déposera les
supports ramenés de formation, là des situations
de différenciation pédagogique organisées en
« banques », ailleurs encore les sujets de devoirs
communs, les repères de progressivité arrêtés
par chaque discipline, etc. Pour que ces espaces
conservent leur intérêt, les utilisateurs doivent
s'astreindre à un minimum de règles, qui peuvent
être explicitées par le référent numérique ou tout
autre administrateur. Ce dernier veille de son côté
à les « désherber » régulièrement, pour emprunter
une expression chère aux professeurs-documentalistes, et les réorganise au besoin.
Ces pratiques collaboratives doivent faire un
minimum consensus dans les équipes pour
atteindre leurs objectifs. Le risque existe en tout
SOMMAIRE
cas de multiplier les plates-formes – car chacun a
ses préférences – ou de créer des procédures trop
lourdes ou trop redondantes pour leur fonctionnement (on pense ici, par exemple, à la notification systématique dans les boîtes électroniques
de tout nouveau dépôt, qui mérite d'être discutée
tant elle vient alourdir la réception du courrier).
Si l'usage retenu ne garantit pas la simplicité,
la cohérence et l'intérêt, il y a fort à parier qu'il
ne se maintiendra pas. Enfin, la mutualisation
des ressources ne doit pas constituer un horizon
en soi. Il vaut mieux restreindre les domaines
auxquels elle s'applique, en les adossant à des
besoins clairement exprimés et dont l'intérêt se
vérifie à l'usage. Ici aussi, la technique ne doit
pas se substituer à la réflexion ni être considérée
comme porteuse d'efficacité a priori. Quoi qu'il
en soit, les espaces de travail collaboratif doivent
s'appuyer sur une volonté collective : les enseignants n'y trouveront un intérêt que s'ils sont
régulièrement mis à jour mais, dans une logique
de cercle vertueux, c'est d'eux que va dépendre
leur alimentation permanente. Cependant, on
peut estimer que la réforme du collège, en cherchant à développer l'interdisciplinarité et la
coopération entre enseignants, créera des besoins
renforcés dans l'usage de ces technologies.
PRÉPARER SON
ENSEIGNEMENT
JEAN-JACQUES CL AUDE
SOMMAIRE
CONFORTER
SON EXPERTISE
DISCIPLINAIRE
L’enseignement dispensé au collège n’a pas vocation à
former des historiens et des géographes. Les activités
proposées aux élèves sont des exercices scolaires : si
elles peuvent ponctuellement s’inspirer des opérations conduites par le chercheur, elles restent tout
à fait distinctes de ces dernières. Le professeur ne
dispense donc pas une propédeutique aux protocoles
académiques de nos deux disciplines. Son ambition est tout autre : il vise à poser des jalons – qui
complètent ceux qui ont été acquis à l’école élémentaire et qu’approfondiront les classes de lycée – pour
comprendre l’histoire et la géographie du monde dans
lequel vivent les élèves. Aussi, on l’aura compris, point
n’est besoin pour eux de se préoccuper d’épistémologie ni du dernier état des savoirs scientifiques.
Il en va tout autrement pour l’enseignant. Il ne fait
aucun doute, en effet, que la maîtrise de ses deux
disciplines de référence ne soit la condition première
de son rayonnement pédagogique. Les liens entre les
acquis de la recherche et l’enseignement secondaire
sont certes plus ou moins étroits selon les questions
et les générations de programmes. Ainsi Christian
Grataloup [103] remarquait-il naguère que « la géographie du supérieur est dans les faits de moins en moins
une “discipline de référence” possible pour l’école et
le secondaire », car « les objectifs divergent ». De la
même manière, tous les nouveaux chantiers ouverts
par les historiens sont loin d’avoir trouvé leur traduction en termes d’objets d’étude abordés au collège.
Il suffit pour s’en convaincre de songer par exemple
aux « mutations » historiographiques mises en
avant dans À quoi pensent les historiens ? Faire de l’histoire au XXIe siècle [101]. Si ce que l’on enseigne dans
le secondaire ressortit donc bien à des « disciplines
scolaires » qui, par définition, obéissent à leur logique
propre1, il n’en reste pas moins que l’effort continu
pour conforter son expertise disciplinaire doit rester
une priorité pour le professeur tout au long de sa
carrière. Cela demande du temps et une détermination opiniâtre. Mais on doit se convaincre qu’il s’agit
là d’une exigence incontournable ; elle est d’ailleurs
désormais inscrite dans les statuts de la profession2.
Concrètement, l’assise disciplinaire est tout d’abord
une condition sine qua non pour interpréter convenablement les instructions officielles et garantir
l’exactitude de ce qu’on enseigne. Elle facilite ensuite
grandement la transposition didactique et les choix
qu’elle implique pour l’enseignant 3. Plus déterminant,
s’il se peut : elle permet de forger puis d’entretenir
son aptitude à rendre son magister vivant. Pour ce
1À partir de l’exemple du français, André Chervel [45] a
montré que les disciplines scolaires n’ont jamais été une
simplification des sciences qui portent le même nom. En
effet, comme le soulignent à leur tour Marc Deleplace &
Daniel Niclot [90], toute « discipline scolaire incorpore,
certes, des savoirs ou des méthodes issus de la science
homonyme en les adaptant à son projet, mais englobe
aussi des informations, des savoirs et des connaissances de
natures diverses, pour peu qu’ils lui permettent d’atteindre
ses finalités éducatives ».
2On lit en effet dans la seconde section de la circulaire
d’application des décrets n° 2014-940 et n° 2014-941
du 20 août 2014 intitulée « Missions et obligations
réglementaires de service des enseignants des
établissements publics d’enseignement du second
degré » [14] : « Relèvent ainsi pleinement du service des
personnels enseignants […], les travaux de préparation
et de recherches nécessaires à la réalisation des heures
d’enseignement […] ».
3Introduit en 1975 par Michel Verret dans sa thèse intitulée
Le Temps des études, le concept s’est largement diffusé
grâce à l’écho rencontré par les travaux d’Yves Chevallard
[46]. Il désigne l’opération qui assure le passage du
savoir savant au savoir enseigné et débouche donc, en
histoire-géographie, sur un savoir reconstruit autour de
quelques idées et faits marquants. On mesure là toute la
responsabilité de l’enseignant. Elle est d’autant plus grande
que sa réflexion ne peut se borner à transformer ses acquis
scientifiques en contenus adaptés aux élèves, mais qu’elle
doit également définir les modalités congruantes pour
assurer leur transmission.
SOMMAIRE
48
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
faire, il paraît judicieux de s’astreindre, chaque année
et pour chacun des chapitres que l’on doit traiter, à
lire au moins un ouvrage ou un numéro de revue 4
ou bien à participer à un MOOC 5, sans négliger la
consultation d’autres types de ressources en ligne,
dont l’offre ne cesse de s’accroître. Cet effort d’actualisation donne de l’assurance ; il fournit les éléments
d’information pour répondre plus aisément aux
questions des élèves ; il permet surtout d’enrichir la
matrice du cours, y compris au gré de l’inspiration
du moment, en apportant une analyse complémentaire ou en fournissant la matière de récits dont les
élèves sont si friands. Enfin, il serait regrettable que
les professeurs du secondaire se coupent des derniers
apports de l’épistémologie, ainsi que du renouvellement des connaissances qui en découle, à l’heure où
nombre d’historiens et de géographes entreprennent
d’éprouver les formes et les limites traditionnelles
de la production du savoir et initient de nouvelles
écritures 6. Il y a là, à n’en pas douter, une invitation à
féconder les approches didactiques mises en œuvre
au collège et à oser être créatif dans les classes.
Écoutons Patrick Boucheron [81] évoquer la naissance
de sa vocation lors de la leçon inaugurale de sa chaire
au Collège de France : « Je me souviens pourquoi j’ai
choisi d’enseigner l’histoire : parce que j’avais d’un
coup compris que c’était prodigieusement amusant. »
graphie qui s’est attachée, à partir des années 1970, à
rendre visibles les femmes comme actrices de l’histoire 8, ils confortent leur place en promouvant une
« histoire mixte », c’est-à-dire « une approche globale
des faits historiques [qui] doit éclairer à parts égales
la situation, la condition et l’action des femmes et
des hommes à chaque moment historique étudié ».
En géographie, cette fois-ci, ils préconisent l’introduction « des ressources de la prospective ». Au-delà
de ces inflexions, il nous paraît judicieux de revenir
plus longuement sur deux notions clés pour enseigner au collège aujourd’hui : « raconter » en histoire
et « habiter » en géographie.
Il ne saurait bien évidemment être question de
rappeler dans le cadre de cet ouvrage ne fût-ce que les
rudiments de l’épistémologie de nos deux disciplines
qui trouvent une traduction dans les programmes.
On soulignera toutefois deux évolutions présentes
dans ceux de 2015 7 [6]. Dans le sillage de l’historio-
Le récit a longtemps été décrié par la corporation
des historiens professionnels. Avec la création des
Annales (1929), il fut en effet assimilé à l’histoire
politique événementielle qui prévalait alors à la
Sorbonne et, à ce titre, regardé avec suspicion. Le
rejet du genre biographique en fut une des manifestations les plus significatives 9. Les héritiers de Marc
Bloch et de Lucien Febvre renforcèrent encore cette
condamnation initiale. Fernand Braudel [82] promut la
« longue durée » ; dans son sillage, Emmanuel Le Roy
4On notera que le portail cairn.info propose un accès aux
principales revues françaises de sciences humaines et
sociales. Une procédure très simple permet de recevoir par
mail le sommaire de chaque nouvelle livraison des titres
que l’on a sélectionnés.
5Un Massive Open Online Course, plus communément désigné
par l’acronyme MOOC est, comme son nom l’indique, un
type ouvert de formation à distance conçu pour pouvoir
être suivi intégralement en ligne. Introduit en France en
2012, le dispositif est proposé par un nombre croissant
d’universités.
6Que l’on songe, pour ne citer qu’un exemple issu de la
production éditoriale récente, aux ouvrages d’Ivan Jablonka
et notamment à l’Histoire des grands-parents que je n’ai pas
eus [105] qu’est venue compléter et mettre en perspective
sur le plan épistémologique L’Histoire est une littérature
contemporaine : manifeste pour les sciences sociales [106].
7Pour avoir une vue d’ensemble de ces nouveaux
programmes, on peut se rapporter à Histoire-Géographie
cycle 4, Progressions et séquences, dirigé par Valérie Dautresme
et Raphaële Lombard-Brioult [86].
SOMMAIRE
L’introduction de la première dans les programmes
remonte à 2008 [28] ; elle en constituait alors l’une
des principales lignes de force. Elle reste présente
dans ceux de 2015. Il y est en effet indiqué que les
élèves doivent « connaître les caractéristiques des
récits historiques […] et en réaliser » [6]. L’expérience
montre toutefois que l’accent mis sur le récit n’a
pas toujours été bien compris et qu’il n’a souvent
pas fait l’objet de l’attention escomptée. Aussi, pour
mieux saisir l’importance de sa maîtrise au collège,
convient-il de souligner la place acquise au cours des
dernières décennies par le concept dans la réflexion
sur les fondements épistémologiques de l’histoire.
8Sur cette question, on lira avec profit Françoise Thébaud
[123] ainsi qu’un numéro spécial de Vingtième siècle [126].
Signalons enfin l’existence d’un manuel scolaire original
[91], dont chaque chapitre est composé d’une première
partie étudiant la place des femmes dans l’époque étudiée
et d’une seconde constituée de dossiers documentaires
faisant le tour d’une question liée à l’histoire des femmes.
9Il convient cependant de nuancer ce rejet : Jacques Le
Goff [110] rappelle à juste titre que « Lucien Febvre a écrit
une biographie de Luther [et qu’] il a choisi pour éclairer
l’univers religieux des hommes du XVIe siècle un esprit
individuel, Rabelais ».
Préparer son enseignement
Ladurie [112] plaida pour une « histoire immobile 10 »
et François Furet opposa « l’histoire-problème » à
« l’histoire-récit » [98].
Des voix discordantes se firent pourtant progressivement entendre. Ainsi, dès le début des années
1970, Paul Veyne [125] affirma-t-il, de façon volontairement provocante, que l’histoire n’est « rien qu’un
récit véridique », un « roman […] vrai », avant d’insister sur la notion d’« intrigue ». Mais c’est l’œuvre
d’un philosophe, Paul Ricœur, qui contribua le plus,
dans la première moitié de la décennie suivante, à
reconsidérer la place du récit dans le champ de la
recherche historique. La publication de Temps et récit
[122] marqua effectivement une rupture à la fois par
la réhabilitation du concept qu’elle opéra et l’écho
qu’elle rencontra chez nombre d’historiens. On doit
en outre souligner avec François Dosse [92] que cette
œuvre fut contemporaine du retour en faveur du
genre biographique comme outil de connaissance.
Que nous apprend Paul Ricœur ? Pour élaborer sa
théorie du récit, il commence par constater le « caractère temporel de l’expérience humaine » au moyen
duquel, selon lui, nous accédons à la possibilité de
nous représenter notre existence et de lui donner du
sens. Ainsi écrit-il : « je vois dans les intrigues que
nous inventons le moyen privilégié par lequel nous
reconfigurons notre expérience temporelle confuse,
informe et, à la limite, muette ». Dans ce processus
de reconfiguration, le philosophe distingue trois
strates qui sont le fondement de son approche analytique. La première, « Mimèsis I », est constituée par
ce qu’il nomme le « temps préfiguré », à savoir les
événements bruts tels que nous les vivons, passés au
filtre d’une première compréhension sommaire. La
seconde, « Mimèsis II », est le travail de configuration
de ces événements qui opère leur mise en intrigue
selon une logique à la fois temporelle et causale ;
cette phase « a une fonction de médiation » : en effet
« l’arrangement configurant transforme la succession des événements en une totalité signifiante ». En
d’autres termes, c’est le récit qui rend le réel intelligible. « Mimèsis III » est le résultat de cette opération
qui aboutit à une « refiguration » du temps.
49
La vie humaine, on l’aura compris, s’avère ainsi être
inséparable de la narration dont elle fait constamment l’objet. Force est donc de reconnaître qu’il y a
« une authentique demande de récit » chez l’Homme.
Paul Ricœur va d’ailleurs plus loin, en postulant « une
structure prénarrative de l’expérience ». Dans ces
conditions, comment ne pas conclure avec l’auteur :
« nous racontons des histoires parce que finalement
les vies humaines ont besoin et méritent d’être
racontées » ? On ne peut bien sûr que mettre cette
remarque en relation avec le retour au premier plan
des acteurs, dans les problématiques des sciences
humaines en général et de l’histoire en particulier, dont témoigne également la rédaction des
programmes du secondaire.
La réflexion de Paul Ricœur ne se borne pas à cette
première approche théorique de la notion de récit.
Il revisite l’œuvre de Fernand Braudel qui était, de
l’avis unanime, tout sauf narrative. Or, le philosophe
établit avec brio que la rupture revendiquée avec
l’histoire événementielle ne signifie pas nécessairement l’abandon du paradigme narratif. En effet,
d’une part, il étudie comment les entités abstraites
utilisées par les historiens, si on les regarde de près,
sont souvent dotées des mêmes attributs qu’un
personnage. D’autre part, il démontre que « la notion
même d’histoire de longue durée dérive de l’événement dramatique […], c’est-à-dire de l’événement-misen-intrigue ». Il s’attache enfin à mettre en évidence
que « l’imputation causale » est au cœur du modèle
d’intelligibilité de l’écriture de fiction comme de celle
de l’histoire, preuve là encore de leur dette commune
à l’égard du récit.
On pourrait conclure (malicieusement) avec Roger
Chartier [84] que « montrer que l’histoire appartenait
à la classe des récits était rappeler que les historiens,
pas plus que les autres, ne font nécessairement ce
qu’ils croient faire et que des ruptures proclamées
peuvent, en fait, être inscrites sur des continuités
méconnues ». Plus pragmatiquement, on espère avoir
illustré que le retour du récit dans les programmes
ne doit rien au hasard mais que, bien au contraire,
il s’ancre dans les avancées de la réflexion épistémologique et devrait, à ce titre également, inciter
10Il ne faut pas se méprendre sur le sens de l’expression.
La « quasi-stabilité », que l’auteur se propose de décrire
entre le début du XIVe et le début du XVIIIe siècle, « n’est pas
l’immobilisme ». Il précise même : « il n’est pas question
dans cette perspective de nier les rôles novateurs de
l’évènement » [112].
SOMMAIRE
50
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
les enseignants à exploiter toutes les richesses qu’il
recèle 11.
Parmi elles figure au premier chef l’opportunité d’incarner notre enseignement, de lui donner de la chair
en restituant concrètement la situation, la condition
et l’action des hommes et des femmes à travers les
siècles. Mais le récit est certainement aussi un des
moyens privilégiés pour renouer avec cette « histoire
parlante » que Pierre Nora [88] appelle de ses vœux à
travers la mobilisation de « ces ressorts profonds de
l’investissement historique, ce noyau d’identification
mythique dont on est en train de s’apercevoir qu’il
n’est pas, sans eux, de pédagogie historique possible ».
Pour le maître d’œuvre des Lieux de mémoire, en effet,
« l’histoire ne peut pas exister socialement sans un
rapport affectif au passé ». Pire : « si l’on coupe ce
cordon affectif et dramatique au passé, il n’y a plus de
sens à l’histoire ». Il convient donc, à côté des finalités
intellectuelles assignées à notre enseignement, de
chercher à susciter « un rapport dramatique d’identification, un rapport imaginaire de filiation » qui
permet, selon notre auteur, de laisser « une empreinte
profonde » dans la conscience des élèves. Et force est
de constater que les enseignements d’une séance qui
a ponctuellement recours au récit sont généralement
plus durablement appropriés que ceux acquis à l’issue
d’un cours qui ne l’a pas utilisé.
Il est une deuxième notion essentielle sur laquelle
nous pensons utile de revenir, car sa montée en puissance dans le champ de la recherche est relativement
récente et qu’elle a conquis une place de choix dans
les programmes : c’est celle d’« habiter ». Non seulement elle structure l’ensemble de l’enseignement
de la géographie au cycle 3, mais elle est présente
dans l’intitulé des quatre thèmes que doivent aborder
les élèves en classe de 6e. Mais que recouvre-t-elle ?
Commençons par la situer brièvement dans l’histoire de la discipline. Nul doute qu’elle ne participe
11Dans cette perspective, on peut rappeler que si le récit
est longtemps resté un impensé pour les historiens, les
théoriciens de la littérature (Claude Bremond, Gérard
Genette, Algirdas Julien Greimas, Vladimir Propp, etc.)
ont, quant à eux, élaboré depuis longtemps nombre de
méthodes d’analyse qui permettent d’en saisir toutes les
subtilités en insistant sur leurs modalités de production,
qui ne sont jamais neutres. Les principales d’entre elles,
sous une forme adaptée aux collégiens, sont généralement
travaillées dans le cadre du cours de lettres. L’inscription
de la question du récit historique en tant que tel dans
les programmes invite donc aussi à mettre en œuvre des
approches interdisciplinaires autour de l’apprentissage de
la notion.
SOMMAIRE
de l’esprit du « tournant géographique » promu par
Jacques Lévy [113]. Elle s’inscrit en effet dans la
logique qui veut réinsérer pleinement la géographie
dans la famille des sciences sociales et témoigne de
la volonté de s’ouvrir à des références venues d’autres
disciplines. Autrement dit, il s’agit d’un concept né
d’une démarche interdisciplinaire – qui se nourrit
en l’occurrence des apports de l’anthropologie, de
l’architecture, de l’ethnologie, de la philosophie, de
la sociologie, de l’urbanisme… et bien évidemment
de la géographie.
À cette hybridation originelle se superpose une
variété d’approches chez les géographes qui se sont
emparés du mot, tous ne plaçant pas le centre de
gravité de leur réflexion au même endroit. Pour y
voir plus clair, on peut toutefois dégager avec Olivier
Lazzarotti [109] trois grandes orientations, qui sont
autant de tentatives de définition et auxquelles on
associera un nom emblématique. Pour la première,
« habiter, c’est être dans le monde ». « Elle provient
de la phénoménologie ontologique heideggérienne et
privilégie l’analyse et la prise en compte des rapports
aux mondes de chacun et chacune » (Augustin Berque
[77]). La seconde, qui regarde quant à elle vers la philosophie pragmatique, explore, « dans l’entrelacement
du sujet et du monde, […] l’expérience quotidienne
de la cohabitation. Habiter, c’est faire avec l’espace »
(Michel Lussault 12 [114]). La troisième, pour finir,
« insiste sur la portée existentielle et politique, anthropologique en un mot, de la dimension géographique
de l’humanité ». Pour elle, habiter, c’est se construire
en construisant l’espace (Olivier Lazzarotti [108]).
Les programmes du collège, on s’en doute, ne
démarquent pas trait à trait ces théories. Mais elles
ont servi de base pour forger une notion qui relève de
la « culture scolaire ». Dans ce travail de mise à plat
puis de reconfiguration conceptuelle, les promoteurs
de « l’habiter » ont voulu rompre avec les derniers
vestiges d’une approche encore marquée par des
héritages vidaliens, et par là trop descriptive, pour
privilégier une démarche plus dynamique et réflexive,
voire systémique. Pour Catherine Biaggi [78], la
« capacité intégrative » du concept « tient au fait que
sont combinées différentes dimensions de l’espace.
L’habitat, bien sûr, dans le contexte de la société qui
l’agence, mais également le rapport des habitants aux
12On rappellera que Michel Lussault a supervisé la rédaction
de l’ensemble des nouveaux programmes des cycles de
la scolarité obligatoire en tant que président du Conseil
supérieur des programmes.
Préparer son enseignement
lieux, au milieu et aux ressources, et la manière dont
ceux-ci les voient et les racontent ». C’est donc une
géographie ancrée dans les territoires et « profondément humaniste » que l’on se propose d’enseigner en
insistant sur les pratiques et les représentations des
acteurs 13, notamment à travers le recours à des études
de cas. Il faut insister sur ce point, car les corps d’inspection observent « que la géographie enseignée est
trop souvent désincarnée ». On doit tout au contraire
veiller à ce que les élèves apprennent à identifier
les hommes et les femmes qui agissent sur l’espace
et à comprendre la façon dont ils le font. Bref, il est
indispensable de les placer au cœur de nos analyses,
« si l’on veut donner chair et sens aux productions
spatiales » qui résultent de leur action.
Dans cette optique, le paysage s’avère un auxiliaire
précieux, à condition qu’il soit judicieusement
choisi. Là encore, les usages gagneraient à évoluer.
On constate en effet un recours massif aux vues
aériennes dans les pratiques pédagogiques. Or elles
présentent l’inconvénient de masquer les acteurs. On
prendra donc garde au contraire d’utiliser des photographies qui les mettent en évidence.
Précisons enfin qu’à travers la diversité des modes
d’habiter que proposent les quatre thèmes du
programme de 6e (à savoir « Habiter une métropole »,
« Habiter un espace de faible densité », « Habiter les
littoraux » et « Le monde habité ») il y a la « volonté
de “réenchanter” l’enseignement de la géographie en
proposant de partir à la découverte du monde ». Cette
invitation au voyage, est propice à l’éveil de la curiosité. Elle constitue en outre un levier précieux pour
faire accéder les élèves, à l’occasion de leur entrée
au collège, à une approche plus conceptuelle d’une
discipline qui se fixe pour objectif, loin des tableaux
d’antan centrés sur les continents et les États, de
mettre en évidence et de comprendre l’extraordinaire richesse de rapports que les sociétés entretiennent avec l’espace qu’elles s’approprient, transforment, aménagent, gèrent en fonction des projets
qui découlent de leurs besoins tout autant que de leur
imaginaire.
51
La Documentation photographique
Pour conforter son assise scientifique et enrichir ses cours, on ne saurait trop recommander
les numéros de La Documentation photographique.
Publiée par La Documentation française, éditeur
public, la revue paraît tous les deux mois ; un(e)
spécialiste y traite une question d’histoire ou de
géographie en lien avec les programmes d’enseignement du secondaire. Chaque livraison
comprend trois parties. On trouve tout d’abord
un état de la question ramassé en seize pages.
Une seconde section propose vingt-trois
doubles-pages de documents (photographies,
infographies, œuvres d’art, cartes, textes, etc.)
commentés par l’auteur(e). Enfin, chaque volume
se termine par une bibliographie sélective qui,
à côté des ouvrages et des sites de référence,
ouvre désormais, le plus souvent, des pistes
en direction de la littérature et du cinéma. Sur
abonnement on peut en outre avoir accès, en
version numérique, non seulement à l’ensemble
de la documentation rassemblée dans la version
papier mais également à divers compléments,
dont un livret d’accompagnement conçu par
un enseignant de terrain proposant des scenarii
pédagogiques.
À de rares exceptions près, les numéros se
distinguent par une qualité remarquablement
homogène et leur lecture est d’un accès aisé, y
compris, pour le versant documentaire, pour des
élèves des dernières classes du collège. Disons-le
sans détour : c’est une ressource qui devrait
figurer dans tous les CDI.
13On aura remarqué que cette option entre en résonance
avec la volonté de conduire un enseignement de l’histoire
proposant une histoire incarnée faisant toute leur place aux
acteurs.
SOMMAIRE
DÉFINIR ET ORGANISER
CE QUE L’ON VEUT FAIRE
ACQUÉRIR AUX ÉLÈVES
Il incombe au professeur, au seuil d’une nouvelle
année, de concevoir un projet annuel adapté à chaque
classe. La réflexion qui préside à son élaboration
débute par un diagnostic visant à cerner le profil des
élèves. L’opération permet de déterminer les lignes de
force de l’enseignement qui sera dispensé de façon
à s’assurer qu’il répondra au mieux à leurs besoins
spécifiques. En d’autres termes, le projet annuel
est l’occasion de formaliser, en lien étroit avec les
cadres réglementaires (socle commun, programmes,
parcours, etc.), à la fois les objectifs que l’on se fixe
et les moyens auxquels on recourra pour chercher à
les atteindre. Il agence les uns et les autres autour de
quelques axes qui structureront l’action du professeur
tout au long de l’année.
Le projet annuel rédigé, il faut ensuite établir une
programmation, c’est-à-dire projeter son enseignement dans le temps. La liberté pédagogique laisse une
grande marge de manœuvre pour effectuer ses choix
du moment que l’on peut les justifier. Il faut cependant rappeler les contraintes qui l’encadrent dans le
cas d’espèce.
On ne saurait trop insister tout d’abord sur la nécessité de traiter l’intégralité du programme. Cette obligation n’est parfois pas respectée et la cohérence du
parcours de formation des collégiens en pâtit. Ainsi,
pour se limiter à un seul exemple, devient-il épineux
d’aborder la contestation de l’absolutisme en 4e si le
dernier item du programme de 5e, « Du prince de la
Renaissance au roi absolu », n’a pas été travaillé.
Le professeur doit donc d’emblée s’efforcer d’être
réaliste lorsqu’il projette son enseignement sur
l’année scolaire. Celle-ci compte trente-six semaines,
mais il dispose d’un temps beaucoup plus restreint
dans les faits : il lui faut en effet anticiper sur la
suppression probable d’un certain nombre de cours
(suite à l’organisation de sorties et à d’autres activités pédagogiques entraînant la modification des
emplois du temps, ou bien encore du fait de départs
en formation). Par ailleurs, la fin de l’année est bien
souvent perturbée par le déroulement du diplôme
national du brevet (DNB) et les effectifs fondent dans
des proportions considérables après la tenue des
conseils de classes. On tablera donc plutôt sur une
petite trentaine de semaines utiles, quitte à mettre
à profit le reliquat de séances qui se dégagerait pour
procéder à des révisions ou approfondir tel ou tel
point qui le mérite.
D’ailleurs, être réaliste ne suffit pas ; il importe de
pouvoir modifier, semaine après semaine, le rythme
des apprentissages et de revoir en conséquence sa
programmation. C’est dire si ce document n’a rien de
figé et doit être continument amendé. Enseigner ne
peut se concevoir comme le déploiement d’un projet
gravé dans le marbre ; c’est tout au contraire avoir la
souplesse nécessaire pour s’adapter en permanence –
en un mot réguler – pour préserver non pas l’intégrité
initiale de son projet, mais sa cohérence d’ensemble.
Ce souci de cohérence doit en outre conduire à envisager les évaluations – qu’elles soient formatives ou
sommatives – comme une phase à part entière des
apprentissages et, à ce titre, on veille également à les
intégrer dans sa programmation, de même leur indispensable correction, qui donne lieu à des temps de
remédiations si le besoin s’en fait sentir.
Il faut enfin prendre soin d’alterner les chapitres
consacrés à nos trois domaines d’enseignement. On
n’entend pas par-là nécessairement une alternance
stricte, mais il est important que durant chaque
trimestre les élèves capitalisent des acquis aussi bien
en géographie qu’en histoire, sans oublier l’enseignement moral et civique. Dans ce cadre très souple,
si le professeur est libre, pour les trois disciplines,
de traiter les thèmes des programmes dans l’ordre
qui lui semble le plus pertinent au regard du projet
annuel qu’il a défini, il doit en revanche s’astreindre
à suivre l’ordre chronologique en histoire faute de
SOMMAIRE
54
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
quoi il s’exposerait à fragiliser une conscience de la
profondeur historique déjà incertaine chez nombre
de collégiens.
Il convient toutefois de bien distinguer le respect
de l’ordre chronologique de la continuité chronologique, qui a longtemps été érigée en dogme. Comme
le relèvent Dominique Borne et Patrick Garcia [80],
cette dernière « a régné sur l’enseignement de l’histoire jusqu’en 1945 pour prendre comme jalons les
premiers programmes discontinuistes et, en fait,
dans les esprits et la pratique, bien au-delà ». La vraie
rupture se situe effectivement plutôt dans les années
1960, suite à l’application des instructions officielles
pour le lycée publiées en 1959, dans la conception
desquelles Fernand Braudel pesa de tout son poids.
Avec ce nouveau cadrage, le choix de l’abandon de
la continuité est mieux assumé et l’on ne fera plus
machine arrière dans les préconisations ministérielles, le principe de l’échantillonnage étant adopté
aussi bien dans le secondaire que dans le primaire.
Toutefois, sur le terrain, mécompréhensions et résistances face à cette nouvelle orientation ont perduré,
si l’on en croit l’insistance qui est souvent de mise
depuis dans le discours institutionnel accompagnant les programmes sur la justification du bienfondé de cette conception. Celle-ci se conçoit pourtant aisément : puisqu’il n’est pas matériellement
possible d’embrasser en quatre ans, pour s’en tenir
à l’exemple du collège, l’ensemble de l’histoire de
l’humanité, ni même de la France, des origines à nos
jours, il convient de concentrer l’attention des élèves
sur quelques objets choisis avec soin pour leur capacité à caractériser des moments historiques précis
et à leur donner du sens. Dans cette optique, il faut
donc se convaincre non seulement de renoncer à être
exhaustif dans l’étude d’une période donnée, mais
encore de laisser dans l’ombre certaines périodes 1.
Et il n’en va pas autrement pour des aires culturelles
entières. Ce n’est qu’à ce prix, en effet, que l’on peut
espérer sortir de généralités desséchantes pour les
élèves et « tendre vers une histoire plus humaine
et plus concrète », comme le préconise l’Inspection
générale [104]. Bref, si nécessité fait loi, on peut également faire le pari qu’en procédant ainsi on contribue
à combattre « ce rétrécissement de l’imaginaire
1Le terme est polysémique. On ne renvoie pas ici aux
découpages canoniques qui segmentent les études
historiques depuis le XIXe siècle. Préhistoire, Antiquité,
Moyen Âge, Temps modernes, période contemporaine sont
en effet successivement abordés de la 6e à la 3e.
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historique », qui menace nos sociétés contemporaines
selon Alain Corbin [85].
Définir les objectifs d’apprentissage est autrement
plus exigeant que d’établir une programmation.
L’opération réclame, pour commencer, que l’on
établisse aussi précisément que possible ce que les
élèves ont vu et retenu dans les classes précédentes,
notamment à l’école élémentaire où l’on a déjà posé
des jalons sur un certain nombre de questions qui
sont à nouveau abordées au collège, l’enseignement
de nos disciplines reposant sur une conception
« spiralaire », du CE2 à la terminale. Pour ce faire,
on s’appuiera sur l’indispensable connaissance des
programmes des premières années du cycle 3 et les
échanges avec les professeurs des écoles. Toutefois,
les éléments tangibles sur lesquels on peut réellement s’appuyer pour avoir une idée précise des acquis
des élèves se révèlent en fait souvent assez minces si
l’on ne prend pas la peine de les évaluer en situation.
Ce n’est pourtant pas la principale difficulté à laquelle
doit faire face le professeur lorsqu’il entreprend de
définir ses objectifs. Établir la progression propre à
chaque chapitre demande en effet un soin tout particulier, car le libellé des nouveaux programmes est
particulièrement succinct. L’intitulé des thèmes et
des sous-thèmes qui s’y rapportent est certes accompagné d’une rubrique « démarches et contenus »,
mais les indications fournies restent relativement
sommaires et il n’y est pas fait mention des connaissances et des compétences qu’il convient de faire
acquérir aux élèves. Sur ce point, le professeur peut
se rapporter à la liste qui en est donnée au début
des instructions officielles de chaque cycle [6] ; il lui
revient en revanche de déterminer les connaissances
qu’il veut faire acquérir.
Dans cette configuration où la latitude laissée aux
enseignants est très grande, on peut considérer avec
Elie Allouche [69] de manière très simple que « se fixer
des objectifs revient à se demander ce que les élèves
doivent savoir et savoir faire à la fin de la séquence ».
Mais il est impératif de se garder de toute tentation
encyclopédique et, partant, d’effectuer une sélection
drastique parmi la masse des informations susceptibles d’être mémorisées. Les élèves conservent une
trace d’autant plus durable de l’enseignement qui leur
est dispensé que ce dernier a su mettre en relief un
nombre limité de points saillants clairement situés
dans l’espace et/ou le temps. La rigueur dicte donc
d’arrêter le plan du chapitre tout en déterminant
les objets qui seront étudiés puis de hiérarchiser à
Préparer son enseignement
l’intérieur de cette matière ce qui devra être maîtrisé,
tant en termes de compétences que de connaissances. En font partie des repères chronologiques ou
spatiaux mais aussi le lexique incontournable attaché
à la leçon. Dans tous les cas, on fera en sorte que la
liste en soit ramassée.
Concernant les repères temporels, l’objectif n’est pas
que les élèves retiennent telle ou telle date, qui n’a pas
d’importance en elle-même. Le but est d’être capable
de l’associer à quelques caractéristiques significatives
restituant la portée qui est la sienne et de la situer
par rapport à d’autres. En effet, comme l’explique
Antoine Prost [120], « une chronologie n’est pas une
énumération indifférente. C’est le condensé elliptique d’une forme de savoir. Elle représente l’équivalent d’une grammaire temporelle ; il s’en dégage un
sens ». Bref, elle présente une version expressive et
hiérarchisée des connaissances. Si, dans la présentation des nouveaux programmes, on ne trouve plus
de repères clairement identifiés (et c’est peut-être
précisément parce que l’usage s’était trop souvent
imposé, y compris dans les sujets du DNB, d’interroger les élèves sur des dates ou des périodes sans
leur demander d’expliquer le sens desdits repères),
nombre d’inspecteurs conseillent néanmoins aux
équipes pédagogiques d’en dresser une liste d’un
commun accord. Établie par niveau et matérialisée
dans un tableau qui rassemble repères et connaissances associées, elle aidera grandement les élèves à
conserver une trace durable de l’enseignement reçu
de la 6e à la 3e. Dans cette perspective, il peut s’avérer
pertinent que ces repères puissent faire régulièrement
l’objet d’une interrogation ponctuelle.
Un bon garde-fou pour être sûr de se concentrer sur
l’essentiel peut consister, une fois que la structure
globale du chapitre est arrêtée, à fixer ce qui fera
l’objet d’un contrôle voire à mettre au point l’évaluation elle-même. Procéder ainsi offre en outre l’avantage d’avoir continument à l’esprit lors de l’avancée
du chapitre où l’on souhaite précisément amener les
élèves et de pouvoir s’assurer que les objectifs visés
sont bien maîtrisés au fur et à mesure. Cela garantit
également que l’on dispose bien des documents
adaptés pour servir de supports à l’évaluation. En ne
concevant cette dernière qu’à l’issue du chapitre, on
s’expose effectivement au risque de ne pas parvenir
à réunir la documentation souhaitée pour cibler tel
ou tel aspect sur lequel on voudrait pourtant faire
porter l’interrogation du fait de l’orientation du cours.
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Un dernier point pour en finir avec cette question. S’il
importe que les objectifs soient clairement identifiés
par le professeur, faute de quoi son enseignement ne
pourrait avoir la rigueur requise, il faut également
qu’ils soient connus des élèves eux-mêmes afin qu’ils
puissent se les approprier et savoir où l’on veut les
conduire. On s’attachera donc, une fois la problématique du chapitre posée, à les expliciter. Il peut éventuellement être pertinent de s’appuyer dès ce stade
sur une grille d’auto-évaluation [voir encadré page 91]
qui servira ensuite aux élèves à organiser les révisions
en vue de l’évaluation sommative. Mais peu importe
la formule retenue, ce qui compte, comme y insiste
Philippe Meirieu [63], c’est que « l’enseignant annonce
à ses élèves : “Voilà ce qu’il nous faut apprendre,
construisons ensemble les moyens d’y parvenir” » – ou
du moins, on l’aura compris, que la classe comprenne
que telle est bien la préoccupation du professeur. On
fait également en sorte que les objectifs soient immédiatement identifiables (et donc aisément consultables) sur le cahier de texte de la classe.
Le cahier de texte
Le cahier de texte, dont des versions numériques
se sont imposées partout, est un outil de communication tourné vers les usagers : les élèves et les
familles. Il constitue un point d’appui essentiel
pour faciliter les apprentissages et leur suivi
hors du temps scolaire. Il doit donc être scrupuleusement renseigné par le professeur au fil de
l’année.
Au début de chaque nouveau chapitre, l’enseignant mentionne les connaissances et les compétences dont il vise l’acquisition, mais également
la problématique générale du cours, son plan
ainsi que, le cas échéant, les enjeux propres à
chacune de ses parties.
Ensuite, pour chaque séance, après avoir précisé
la partie du cours traitée, le professeur indique
les références des supports utilisés (manuel,
photocopie, site internet, etc.), caractérise brièvement les apprentissages réalisés puis rappelle
le travail demandé pour la ou les séances à venir
– ne serait-ce qu’apprendre la leçon.
SOMMAIRE
PENSER LES CONNEXIONS
INTERDISCIPLINAIRES
En France, lorsqu’on exerce en collège ou dans les
voies générales et technologiques du lycée, l’identité professionnelle se construit d’abord et avant
tout en référence au champ disciplinaire enseigné.
L’usage veut que l’on définisse le plus souvent son
métier par la spécialité du CAPES ou de l’agrégation
obtenu(e), bien davantage que par l’acte d’enseigner.
On se présente moins comme professeur que comme
professeur de lettres, de mathématiques, d’anglais, etc.
Les collègues d’histoire-géographie eux-mêmes, pourtant bivalents de longue date, mettent parfois quelque
coquetterie à spécifier qu’ils sont, de par leur formation, historiens ou bien géographes.
Cette tradition profondément ancrée dans la profession ne fournit pas un contexte a priori favorable
au développement des pratiques valorisant les
approches transversales ou interdisciplinaires. Si
l’on prend l’exemple du collège, ces pratiques sont
longtemps restées statistiquement assez marginales ;
dans un même établissement, elles étaient à tout le
moins rarement généralisées ou inscrites au cœur
des stratégies d’apprentissage. Peut-on par exemple
affirmer que la maîtrise de la langue est aujourd’hui
encore réellement l’affaire de tous à chaque heure
de cours dispensée, en dépit des injonctions ministérielles réitérées en ce sens ?
Des collaborations ont pourtant toujours existé entre
des enseignants de différentes disciplines. Ainsi,
traditionnellement, les professeurs de lettres et d’histoire-géographie se saisissaient des convergences
entre leurs programmes respectifs pour travailler
ponctuellement ensemble autour d’objets communs,
comme les mythes fondateurs ou le théâtre classique.
On pourrait multiplier les exemples impliquant
d’autres disciplines. Ces initiatives reposaient bien
plus fréquemment sur des affinités interpersonnelles
qu’elles ne s’adossaient à des cadrages ministériels
clairement identifiés et déclinés en tant que tels.
On assiste toutefois depuis plusieurs années à une
institutionnalisation croissante de l’interdisciplinarité. Des itinéraires de découvertes (IDD) ont ainsi
été introduits à l’intérieur du cycle central du collège
(i.e. les classes de cinquième et de quatrième) par
une circulaire en 2002 [34]. Ils constituent indéniablement un moment fondateur pour la période
récente – même si l’application du dispositif a connu
des fortunes diverses, avant de finir par tomber en
désuétude dans bien des cas. Plus récemment, dans
le cadre de la réforme du lycée appliquée à partir
de la rentrée scolaire 2010, ont été institués des
enseignements d’exploration en classe de seconde.
En complément des matières obligatoires du tronc
commun, les élèves choisissent deux de ces enseignements à raison de 1 h 30 par semaine chacun. Autour
de différents domaines, on multiplie les approches
croisées. Ainsi, pour le module intitulé « Littérature
et société », le programme [27] associe-t-il les lettres
et l’histoire-géographie, l’enjeu étant, y précise-t-on,
de « mettre en œuvre des démarches codisciplinaires
ouvertes à l’innovation pédagogique ». L’introduction,
en 2009, de l’enseignement de l’histoire des arts dans
l’ensemble des programmes [28] a également favorisé
les démarches interdisciplinaires.
L’ambition affichée est plus importante encore avec
la création des EPI. Présenté avec la généralisation
de l’accompagnement personnalisé comme la clé
de voûte de la réforme du collège, le dispositif se
distingue en effet par l’ampleur qu’il peut prendre
au cycle 4, où est laissée à l’appréciation des équipes
enseignantes et du conseil d’administration de
chaque établissement la possibilité de fixer le nombre
de modules que suivront les élèves1.
Contrairement aux précédents dispositifs interdisciplinaires qui étaient conçus comme un complément aux
enseignements obligatoires des disciplines instituées
– on a remarqué qu’il en va ainsi aujourd’hui au lycée
–, les EPI sont intégrés aux matières traditionnellement enseignées. Les heures qui leur sont dédiées sont
1
À titre indicatif, la première version des instructions du
Ministère prévoyait qu’ils en suivissent au moins six. Désormais,
il est loisible de se contenter d’un seul.
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ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
d’ailleurs issues des enveloppes desdites matières,
sans modification des grilles horaires existantes.
L’ambition qui a présidé à la création des EPI se donne
également à lire dans l’objectif qui leur est assigné. Le
Conseil supérieur des programmes (qui en a imaginé
les contours) fait le pari que le dispositif, en promouvant l’adoption de nouvelles modalités de travail,
permettra de favoriser la réussite des élèves en général
et de ceux qui sont le plus en difficulté en particulier.
Travailler autrement pour réussir mieux, donc.
Mais travailler autrement, qu’est-ce à dire ? Pour
aller à l’essentiel, on peut avancer quatre mots-clés :
projet, collaboration, autonomie, production. L’idée
consiste tout d’abord à sortir du seul déroulé linéaire
des programmes pour proposer aux élèves d’inscrire
leurs apprentissages dans une logique de projet clairement identifiée. Cette inscription peut se concevoir
dans le cadre de la classe prise dans son entier ou bien
à travers la constitution de groupes plus restreints qui
poursuivent chacun un but spécifique et que l’on veille
toutefois à réunir sous la bannière d’une thématique
commune. Ce choix de la démarche de projet a au
moins deux corollaires en termes de collaboration.
Les objets d’étude qui auront été retenus doivent
permettre de croiser les regards propres à plusieurs
disciplines. Et, au niveau des élèves eux-mêmes, la
coopération est au cœur des activités proposées. Ce
faisant, on s'efforce, autre exigence, à favoriser l’autonomie à tous les stades du travail. Enfin, le projet,
pour gagner en consistance et revêtir une légitimité
supplémentaire, notamment aux yeux de ceux qui le
conduisent, débouche sur une production, si possible
médiatisable au sein de l’établissement – voire au-delà
–, par exemple à travers une publication, une exposition ou des conférences.
Les EPI, conçus à l’origine pour s’organiser autour de
huit axes thématiques 2, sont susceptibles d’impliquer,
selon des configurations très ouvertes, toutes les disciplines enseignées au collège. On peut donc imaginer
un très vaste choix de déclinaisons possibles pour les
enseignants – et les élèves. Ainsi, une entrée centrée sur
la culture et la création artistique permet-elle aisément
de faire converger les apports de plusieurs domaines
du socle commun [16], tels « les langages pour penser
2Pour mémoire : développement durable ; corps, santé et
sécurité ; culture et création artistiques ; information,
communication, citoyenneté ; sciences et société ; langues
et cultures de l’Antiquité ; langues et cultures régionales et
étrangères ; monde économique et professionnel.
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et communiquer » (1), « les méthodes et outils pour
apprendre » (2), « les représentations du monde et
l’activité humaine » (5), voire « les systèmes naturels
et les systèmes techniques » (4). Les matières potentiellement concernées sont en l’occurrence également
nombreuses : les arts plastiques, les lettres, l’éducation
musicale, l’histoire-géographie, les langues (étrangères
et/ou anciennes), sans oublier l’histoire des arts. En
d’autres termes, les EPI peuvent offrir l’opportunité
d’approfondir la construction d’une culture humaniste
complexe et vivante chez chaque élève. Mais nos disciplines, par leur très large spectre de curiosité, peuvent
également contribuer à faire vivre des projets déclinant
bien d’autres thématiques : en annexe des programmes
proprement dits, on trouve une liste non exhaustive
de pistes de travail qui le démontre éloquemment 3.
L’assouplissement du cadrage ministériel initial, introduit en juin 2016, ouvre d’ailleurs encore les possibles.
Il existe d’autres enseignements transversaux
auxquels les enseignants d’histoire-géographie sont
tenus d’apporter leur contribution : l’éducation aux
médias et à l’information, bien sûr ; la maîtrise de
la langue, certainement ; enfin, l’histoire des arts
et l’enseignement moral et civique, qui disposent
l’un et l’autre d’un programme spécifique riche en
connexions possibles avec nos disciplines et sur
lesquels il paraît opportun de s’attarder un instant.
Généralisée à l’école élémentaire et dans le secondaire
à partir de la rentrée 2009, l’histoire des arts ne doit
pas être confondue avec l’histoire de l’art. En effet, elle
ne s’intéresse pas seulement à l’architecture et aux
Beaux-Arts, mais elle a vocation à embrasser toutes les
formes d’expression artistique, et surtout elle relève
d’une logique d’abord et avant tout pédagogique et
généraliste : il s’agit d’un pur produit de la « culture
scolaire ». Son enseignement ne requiert d’ailleurs
aucune spécialisation universitaire préalable dans les
domaines concernés. Les professeurs de nos disciplines y prennent souvent une part importante tant
les programmes fournissent de multiples occasions
d’établir des passerelles stimulantes. Ils veilleront à
ne pas se concentrer exclusivement sur le contexte de
production des œuvres au détriment des formes stylistiques qu’elles revêtent et de leur réception, y compris
à travers le temps, ces questions étant susceptibles de
recentrer l’intérêt sur le sens des œuvres dont il est
trop souvent fait l’économie. Lors des oraux dédiés à
3Étrangement, le programme de l’enseignement moral et
civique n’a pas fait l’objet d’une même recension.
Préparer son enseignement
cet enseignement, désormais possibles dans le cadre de
l’évaluation du parcours culturel, on constate en effet
parfois que les élèves se montrent diserts pour contextualiser les œuvres mais restent souvent muets lorsqu’il
s’agit d’évoquer leurs significations et les choix esthétiques qui les portent. Cette omission est aussi révélatrice de démarches qui ne mettent pas assez l’accent sur
l’appréhension sensible des œuvres par les élèves. C’est
oublier l’ambition qui a présidé à la création de l’histoire
des arts : non seulement connaître et comprendre les
œuvres mais aussi contribuer à forger le goût. Objectif
ambitieux mais plus que jamais nécessaire tant nombre
d’élèves ne sont plus aujourd’hui touchés que par les
seuls objets émanant des industries culturelles en particulier et de la culture de masse en général.
L’EMC, qui s’est substitué à l’éducation civique, a,
quant à lui, été introduit à partir de la rentrée 2015
[12], alors que la réécriture globale des programmes du
collège était en cours. Il a été conçu dans la foulée de
l’adoption de la Loi de refondation de l’école du 8 juillet
2013, et pensé comme un de ses axes forts. Il concerne
l’ensemble des enseignants et requiert de leur part un
investissement collectif important. Son programme est
prévu pour mobiliser, à un titre ou à un autre, toutes
les disciplines sur tous les niveaux 4. Or, il est libellé de
telle façon qu’il revient aux équipes pédagogiques de
définir pour chacune de ses entrées les champs disciplinaires et le niveau concernés. Pour le dire autrement : chaque établissement doit formaliser, à l’issue
d’une concertation, une progression par matière et
par année. (La tâche est plus délicate encore pour le
cycle 3, puisqu’elle suppose des échanges nourris avec
les collègues des écoles du secteur afin de réaliser le
même travail pour les classes de CM1, CM2 et 6e.) Loin
des usages établis qui faisaient de l’éducation civique
l’apanage des professeurs d’histoire-géographie, ce
sont bien de nouvelles pratiques que l’on cherche à
impulser. Cet enseignement centré sur les valeurs et la
citoyenneté a été conçu pour être l’affaire de tous et y
trouver une force supplémentaire – même s’il n’est pas
question, ce faisant, de minorer pour autant l’apport
4Il n’est peut-être pas inutile de citer le texte même des
programmes [12], tant ces instructions restent souvent
lettres mortes sur le terrain : « L’enseignement moral et
civique doit avoir un horaire spécialement dédié. Mais il ne
saurait se réduire à être un contenu enseigné “à coté” des
autres. Tous les enseignements à tous les degrés doivent y
être articulés en sollicitant les dimensions émancipatrices
et les dimensions sociales des apprentissages scolaires,
tous portés par une même exigence d’humanisme. Tous les
domaines disciplinaires ainsi que la vie scolaire contribuent
à cet enseignement. »
59
de notre corporation qui reste bien évidemment essentielle, à travers un horaire dédié.5
Une démarche d’EPI
Attardons-nous sur la thématique « culture et
création artistiques ». Elle présente un double
avantage : d’une part, elle permet d’établir des
connexions très étroites avec les programmes
d’histoire ; d’autre part, elle offre la possibilité
d’élargir l’horizon culturel des élèves.
Dans cette perspective, parmi les nombreux
champs artistiques pouvant être explorés, nous
avons retenu l’idée de travailler autour de la
musique. Pourquoi un tel choix ? Tout d’abord
parce que c’est une forme de création qui, en
dehors des séances d’éducation musicale, fait
souvent figure de parent pauvre dans les autres
disciplines au regard de la place que celles-ci
accordent à la littérature, aux arts plastiques et
même aux arts de l’espace. C’est particulièrement vrai dans le cours d’histoire-géographie :
les supports pédagogiques soumis à l’attention
des élèves comprennent toujours des sources
textuelles et iconographiques, régulièrement des
documents audiovisuels, mais beaucoup moins
fréquemment des extraits musicaux.
Des recherches menées dans le secteur de la
biomusicologie 5 ont pourtant mis en évidence
l’universalité de la musique en tant que mode
d’expression de l’Homme ; dans toutes les
grandes aires civilisationnelles (occidentale bien
évidemment, mais aussi arabe, indienne, japonaise, chinoise, etc.), il existe en effet, comme le
note Francis Wolff [132], « un domaine propre de
la culture fondé sur les sons ». Et, « dans l’immense majorité des cas, passés et présents, ici
comme partout ailleurs, la musique est accompagnée de paroles. » Cette réalité anthropologique
universelle ne mérite-t-elle pas à elle seule qu’on
s’y attarde, tout en s’efforçant de saisir certaines
des formes particulières qu’elle revêt à travers
l’espace et le temps ?
5Le terme a été forgé par le chercheur suédois Nils L. Wallin
[131] ; il désigne un champ d’étude qui envisage la musique
à partir d’un point de vue biologique en englobant les
questionnements et les acquis de plusieurs branches
connexes comme la psychologie et les neurosciences, et…
la musicologie.
SOMMAIRE
60
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
Ce langage, contrairement à d’autres, ne laisse
par ailleurs jamais indifférent 6. Alors que l’on
constate parfois dans le cadre de l’enseignement
de l’histoire des arts – et indépendamment du
degré de concentration des élèves qui n’est pas en
cause ici – que nombre d’adolescents éprouvent
une réelle difficulté à établir une relation sensible
avec un chef-d’œuvre de la peinture, de la
sculpture ou de l’architecture, la musique les
touche plus directement. Qu’ils l’apprécient ou
qu’ils la rejettent, ils se sentent personnellement
interpellés par ce qu’on leur fait écouter. Nous
avons donc un levier incomparable pour susciter
l’intérêt des élèves.
Elle cherche à comprendre les pratiques sociales
et les fonctions symboliques qui sont inséparables de l’inscription des œuvres dans un lieu
et un temps donnés. On souligne ainsi que leur
exécution et leur réception, tout comme leur
conception, participent de logiques qui, au-delà
de la seule sphère artistique, relèvent de problématiques propres à la religion, à la politique, à
l’économie, à la définition des identités sociales,
aux modes de vie et de divertissements, etc.
On s’aperçoit que cet intérêt est par ailleurs
stimulé par la nature du projet pédagogique qui,
dans le cas qui nous occupe, associe – conformément à la logique des EPI – plusieurs disciplines et donc différentes approches autour
d’un même objet. Nous nous proposons en
effet d’envisager la musique vocale du double
point de vue de ses formes esthétiques et de
ses usages sociaux. En éducation musicale,
les compositions sont abordées à partir d’une
grille de lecture à la fois sensible (l’analyse de
la réception par les élèves), technique (les dynamiques, la voix, les instruments, etc.) et stylistique (les différents genres, l’évolution des
codes qui les régissent, etc.). En s’appuyant sur
ces acquis, l’histoire entreprend, quant à elle,
de mettre en évidence la façon dont la musique
s’insère dans les sociétés qui la produisent.
sur un même objet d’étude, les deux disciplines se
rejoignent sur un plan : elles font toute leur place
à une approche sensible des œuvres. En effet, pardelà les démarches et les objectifs académiques,
l’enjeu est aussi de faire en sorte que les élèves
puissent établir un rapport direct avec les œuvres
et, à cette occasion, de leur donner la possibilité
de vivre des expériences esthétiques dans leur
dimension irréductiblement subjective ; bref, qu’ils
soient amenés à forger leur goût. Dans toutes
les activités pédagogiques qui leur sont proposées, les élèves auront à exprimer comment ils
reçoivent les morceaux écoutés, la façon dont ils
les apprécient ou non. C’est un apprentissage en
soi, – et particulièrement exigeant ! Pour le mener
à bien, il convient de favoriser l’acquisition d’un
vocabulaire adéquat et d’une expression rigoureuse, la précision du lexique et les techniques de
l’argumentation permettant d’associer émotion
et rationalité. La formation de la personne – troisième domaine du socle, faut-il le rappeler ? – ne
6
6Le philosophe Francis Wolff [132] explique très bien
pourquoi. « C’est parce que les sons ne se limitent pas à
nous informer sur ce qui se passe, mais qu’ils éveillent
ou réveillent à chaque instant notre système d’alarme
biologique, que l’univers sonore est immédiatement un
univers émotionnel – ce que n’est pas par lui-même le
monde des objets vus. Du moins tant qu’ils ne bougent
pas. Être à l’écoute, c’est, pour l’animal, être en position
d’attente des évènements. Un son, un bruit, c’est le signe
que chaque évènement a brisé la régularité rassurante
par laquelle la vie se conservait. […] Tension de l’écoute,
à laquelle succède la détente du retour au calme ou à la
régularité, la reconnaissance du familier – ou le silence.
[…] Cette opposition de la tension de l’être vivant face
aux évènements inattendus et de la détente face aux
évènements attendus ou au repos du monde est fondatrice
de la plupart de nos émotions. Elle est aussi au fondement
de toute émotion que nous pouvons éprouver à l’écoute
d’une musique. »
SOMMAIRE
Pourtant, si l’éducation musicale et l’histoire affirment leur spécificité à travers la façon dont elles
appréhendent les œuvres, la fécondité des EPI résidant dans le regard croisé, complémentaire, porté
saurait se concevoir sans cette ambition essentielle : l’approfondissement de la sensibilité et de
ses modes d’expression.
L’orientation de notre EPI étant ainsi définie, reste
à arrêter un corpus. Le répertoire de la musique
vocale est immense ; se pose alors la question
de la sélection des œuvres. Quels critères pour
retenir ou écarter celle-ci plutôt que celle-là ? En
dépit de la grande liberté laissée par la nature
même des EPI, il convient de déterminer notre
choix d’une part en nous référant à la lettre des
programmes respectifs de l’éducation musicale,
de l’histoire-géographie et de l’histoire des arts,
d’autre part en privilégiant les intersections
Préparer son enseignement
objectives entre ces différentes matières dès
qu’elles existent. Sans prétendre à une quelconque exhaustivité, nous pouvons par exemple
imaginer les programmations suivantes selon le
niveau retenu pour l’EPI :
=> Si l’on choisit la classe de 5e : Monachisme et
société rurale – Le Graduel d’Aliénor de Bretagne
(XIIIe siècle) ; L’art des troubadours ou l’imaginaire
des élites féodales – « No sap chantar qui so non
di », de Jaufré Rudel (XIIe siècle) ; Cathédrales,
liturgie et encadrement des fidèles en milieu
urbain – Messe Notre-Dame, de Guillaume de
Machaut (milieu XIVe siècle) ; Chansons profanes
de la Renaissance, humanisme et sécularisation
de la culture – « La Guerre », de Clément Janequin
(1555) ; La musique comme représentation de la
majesté royale sous Louis XIV – Le Bourgeois gentilhomme, de Molière et de Jean-Baptiste Lully (1670).
=> Si l’on choisit la classe de 4e : Negro spiritual
et esclavage en Amérique du Nord – « Go Down
Moses », anonyme (XIXe siècle) ; La circulation des
œuvres et des idées dans l’espace européen au
siècle des Lumières – Du Mariage de Figaro, de
Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1784)
aux Noces de Figaro, de Wolfgang Amadeus Mozart
(1786) ; Chant révolutionnaire et conscience nationale (fin XVIIIe – XXIe siècle) – La Marseillaise, de
Joseph Rouget de l’Isle (1792) ; Industrialisation et
nouvelle culture urbaine : les chansonniers et l’âge
d’or du music-hall – Chansons, d’Aristide Bruant ; La
musique comme culture politique sous la Troisième
République – Faust, de Charles Gounod (1894, la
millième représentation au palais Garnier).
61
ciblée, les élèves sont ensuite conviés à en
produire à leur tour. À travers l’étude des dossiers
documentaires (imprimés ou dématérialisés)
soumis à leur examen, l’objectif est bien qu’ils
rassemblent des connaissances et formulent des
opinions sur les objets qu’ils auront étudiés. Dans
cette perspective, l’utilisation des outils numériques est souhaitable. Non seulement parce
qu’ils permettent d’assembler des supports de
différentes natures (un texte, une image ou des
sons et leur commentaire, par exemple), mais
également parce qu’ils facilitent le travail à
plusieurs ou les échanges entre groupes. Mais le
recours au numérique offre surtout l’opportunité
de concevoir le travail réalisé dans un contexte
plus large que celui de la classe en assurant sa
diffusion par le canal de l’ENT ou bien encore
d’un blog. Ainsi, l’EPI ne se limite-il pas à une
suite d’exercices scolaires – dont il ne s’agit
toutefois pas de dénigrer la valeur intrinsèque.
C’est important, car on sait que les élèves sont
d’autant plus mobilisés qu’ils perçoivent que les
efforts qu’ils fournissent s’inscrivent dans un
projet susceptible de rencontrer un écho dans
le monde social – se bornerait-il à celui de leurs
pairs au sein de l’établissement.
Soulignons pour finir qu’en intégrant les TICE
dans la logique qui vient d’être décrite, on se
garde d’en faire une fin en soi, en dépit de la
place centrale qui leur est octroyée. En effet,
l’enjeu est bien que le travail effectué par les
élèves leur permette de raisonner et d’exercer
leur esprit critique, en général, et d’acquérir ou
d’approfondir la maîtrise de savoirs et de savoirfaire disciplinaires, en particulier.
Quant au projet qui permettra de fédérer les
énergies, il semble judicieux que le numérique en constitue la clé de voûte. Les TICE
sont donc sollicités tout au long de l’EPI, et ce
sur quatre plans différents : explorer, se documenter, produire, diffuser. La compréhension des œuvres étudiées se fait à travers leur
audition mais également grâce à l’examen de
sources textuelles, cartographiques, iconographiques et audiovisuelles. L’accès à une partie
d’entre elles se fait via Internet. Les élèves sont
invités à exploiter des sites institutionnels, tels
ceux de la Philharmonie de Paris, de France
TV éducation, de l’Opéra national de Paris,
etc. Mais s’ils consultent une documentation
SOMMAIRE
CHOISIR LES SUPPORTS
DOCUMENTAIRES
Durant la phase de préparation des cours, la sélection des documents qui leur serviront de supports
se détache comme une étape cruciale. Même si l’ensemble des séances n’a pas à en procéder et qu’on
se gardera de vouloir lui faire dire plus qu’elle ne le
peut 1, elle n’en occupe pas moins une place essentielle dans l’enseignement de l’histoire et de la
géographie. Les documents ne sauraient être réduits
au statut de simples illustrations des questions abordées ; ils doivent être étudiés pour eux-mêmes. À ce
titre, dès le moment où on les choisit, il faut les considérer comme des éléments centraux des processus
didactiques que l’on mobilisera et l’on doit s’assurer
qu’ils sont bien en mesure de jouer ce rôle. Aussi,
sur le plan scientifique, les meilleurs sont-ils les
plus emblématiques des faits historiques ou géographiques étudiés. Parfois perçus par le professeur
comme étant très connus, et partant galvaudés, ils
ne le sont en fait que rarement pour ses classes. Ils
ne sont donc jamais trop classiques ; au contraire, leur
portée patrimoniale est un critère de choix.
Au niveau pédagogique, cette fois, les plus pertinents,
comme le remarquent Gérard Granier & Françoise
Picot [102], sont ceux qui sont susceptibles « d’être
compris par des élèves et aussi de les intéresser, voire
de les surprendre ». Plus largement encore, ceux que
l’on rassemble dans le dossier documentaire doivent
fournir l’occasion, non seulement d’affiner les capacités de lecture et de compréhension de différents
langages, mais plus encore de mettre en œuvre une
démarche critique et de raisonner, voire de montrer
qu’ils ne peuvent être assimilés à la réalité. Il s’agit
de faire sentir aux élèves que les historiens et les
géographes élaborent des discours qui s’efforcent
de produire de l’intelligibilité à partir de questions
qu’ils se posent et qu’en conséquence lesdits discours
1Laurent Wirth [128], inspecteur général honoraire, déplore
à ce propos qu’il y ait eu « une dérive dans les pratiques,
particulièrement au collège : le cours tendait à devenir un
enseignement fermé sur des documents. » Et d’ajouter : « il
fallait donc rompre avec l’illusion pédagogique que l’élève
est un historien qui peut tout trouver dans les documents ».
recomposent nécessairement ce qu’ils cherchent à
comprendre. On ne saurait trop y insister en histoire
tant une approche naïve de la documentation conduit
souvent à entretenir l’idée qu’elle se superpose au
réel. Enfin, dans une perspective qui rejoint les finalités de l’enseignement moral et civique, l’étude des
documents – en les croisant, en comparant les informations et les situations dont ils font état – transmet
aussi aux élèves le sens du relatif et du complexe.
Elle s’impose donc comme une étape décisive dans
l’acquisition des compétences et des connaissances.
Bref, les documents doivent être envisagés comme
des points d’ancrage privilégiés des apprentissages et
du sens qu’ils construisent. Matière première d’une
grande partie du cours, ils sont également un élément
stratégique de son déroulement.
Mais que recouvre exactement la notion de documents
dans nos disciplines ? Il ne faut pas se méprendre : ceux
utilisés dans le secondaire ne peuvent être assimilés
aux sources du chercheur. Ces dernières ne prennent
forme en tant que telles que grâce à la démarche
intellectuelle de l’historien ou du géographe. Dans le
premier cas, pour s’en tenir à cet exemple, « la trace du
passé préexiste, c’est le questionnement et le raisonnement de l’historien qui lui confèrent le statut de source
historique en lui faisant produire des informations à
interpréter. Le document scolaire est, lui, ”convoqué“
car porteur d’informations a priori : l’enseignant le
choisit en fonction de la valeur des informations qu’il
contient et de leur adéquation avec le discours historique qu’il entend conduire ses élèves à construire. Il y
a inversion totale de la démarche », note Gérard Pinson
[119]. Autre différence de taille, les documents soumis
à l’examen de la classe sont le plus souvent décontextualisés. Le cadre de leur production est rarement
mentionné. On ne connaît pas le(s) fonds dans le(s)
quel(s) ils sont conservés et pas davantage s’il s’agit
de pièces isolées ou si elles appartiennent à une série.
Quand on a affaire à des ressources iconographiques,
des éléments aussi importants que leur date ou leurs
dimensions, et même fréquemment, dans le cas de la
photographie, leur auteur, sont en outre passés sous
silence dans les manuels qui sont à la disposition du
SOMMAIRE
64
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
professeur. Enfin, pour l’adapter à un usage scolaire, le
document est généralement accompagné d’un paratexte qui oriente la réception qu’on peut en avoir, sans
parler de la problématique qui délimite un horizon
d’attente nettement circonscrit. Mais il fait aussi l’objet
de transformations – pour ne pas dire d’altérations –
importantes, telles que, pour s’en tenir à quelques
exemples, une réécriture partielle, un reformatage
pour les images ou des coupures dans un texte.
Même entourés de toutes ces limitations, les documents utilisés en classe recèlent une extraordinaire
richesse. De par la diversité de leur nature, pour
commencer. On ne manquera pas bien sûr d’y avoir
recours pour composer les dossiers documentaires sur
lesquels travailleront les élèves. En histoire, le texte et
l’iconographie sont privilégiés. Il ne faut toutefois pas
se priver d’employer d’autres supports dès que cela
paraît judicieux, comme les données statistiques, les
graphiques, les schémas, les chronologies, les extraits
d’œuvres littéraires 2, de bandes dessinées, de films 3,
les photographies ou les reconstitutions de vestiges
archéologiques, etc. En effet, la variété de la palette des
ressources à laquelle sont confrontés les élèves stimule
leur agilité intellectuelle en multipliant les compétences mobilisées, ouvre de nouvelles perspectives et
maintient la curiosité en éveil. Le même constat s’impose en géographie. Mais force est de constater qu’à
côté des images satellitaires dont la généralisation est
plus récente 4 et des articles de presse qui permettent
de pallier l’obsolescence rapide des manuels, les cartes
et les reproductions de paysages occupent de longue
date une place de choix 5, tant il est vrai que les images
2Sur ce sujet, la réflexion épistémologique et l’historiographie
se sont profondément renouvelées ces dernières années.
Pour prendre la mesure des perspectives qui ont été
ouvertes, on pourra se reporter aux dossiers publiés
par Annales [70] et Le Débat [87], ainsi qu’à une synthèse
commode signée par Judith Lyon-Caen et Dinah Ribard
[115].
jouent un rôle crucial dans l’aptitude à construire des
représentations de l’espace.
La carte mérite qu’on s’y arrête un instant. Rappelons
d’abord avec Gérard Mottet [116] que c’est sous cette
forme que les hommes ont commencé à chercher « à
représenter l’espace de leurs déplacement, à mémoriser leurs découvertes ou affirmer leurs possessions », bien avant qu’ils n’inventent la vue paysagère 6. C’est que la carte, par l’effort de mise en ordre
de l’espace qu’elle représente, « en fournit un schème
d’intelligibilité » d’un intérêt heuristique remarquable. Saisir le sens du résultat de ce processus
intellectuel qui reconstruit le réel à travers un langage
spécifique implique « un constant va-et-vient entre
deux registres, celui du langage verbal et celui de la
visualisation ». Pour surmonter la complexité de cet
objet et faciliter son appréhension, on suivra une
méthode (que l’on prendra soin d’expliciter de façon
à ce que les élèves puissent de manière progressive
la faire leur sans que l’on ait finalement besoin de les
y renvoyer) qui isole, après Roger Brunet [83], quatre
étapes. La première balaye la vue d’ensemble, la
seconde se concentre sur le décodage de la légende,
la troisième est focalisée sur la reconnaissance des
formes signifiantes, la quatrième s’attache à interpréter les organisations spatiales. Ainsi, au cours de
ces différentes opérations, contrairement au texte
qui impose un parcours linéaire de lecture, la carte
invite à combiner le voir et le lire, le lire et le voir. En
effet, si comprendre le sens des signes graphiques
de la carte suppose de lire la légende qui en fournit
les équivalents verbaux, la distribution spatiale des
figurés de convention ne s’appréhende quant à elle
que sur le mode du voir. Intégrer que la carte est non
un simple reflet de la réalité mais un discours que l’on
élabore et dont il convient de décrypter le message
réclame donc du temps. C’est cependant à ce prix que
les élèves pourront en saisir la portée.
4On n’oubliera pas d’expliquer que ces documents ne sont
pas des photographies mais des images obtenues grâce au
rayonnement électromagnétique des corps terrestres capté
par des satellites de télédétection. Les couleurs qu’elles
utilisent n’ont donc rien de naturel ; elles répondent à des
codes qu’il convient d’expliciter, comme pour les figurés
d’une carte.
On le voit, en dehors de leur diversité, la richesse des
documents est également celle des approches qu’ils
suscitent et, de façon tout aussi évidente, s’ils sont
bien choisis, celle de leur contenu en termes d’informations à prélever. Vu leur potentiel, il suffit de
quelques-uns pour conduire une séance ; l’inflation
documentaire est donc à proscrire faute de quoi on se
condamne à rester superficiel et à lasser les élèves. On
recommande donc de n’en sélectionner qu’un nombre
5À la fin du XIXe siècle déjà, « cartes et vues paysagères
sont bien les deux modes privilégiés de figuration d’un
territoire : ainsi dans Le Tour de France par deux enfants, de
G. Bruno, elles constituent les principales illustrations du
récit », écrit Gérard Mottet [116].
6Le terme paysage remonte à l’italien « paesaggio » apparu
dans le champ lexical de la peinture à la Renaissance.
3Outre le livre pionnier de Marc Ferro, Histoire et cinéma [96], il
convient de mentionner ici les travaux récents de Christian
Delage et Vincent Guigueno [89] ainsi que d’Antoine de
Baecque [72 & 73].
SOMMAIRE
Préparer son enseignement
restreint de natures variées autour desquels on organisera un travail approfondi, notamment en privilégiant des textes plus longs que ceux des manuels. On
échappera de la sorte au risque de les enfermer dans
le rôle où ils sont trop souvent réduits, celui « d’un
support permettant de collecter des informations
[…]. Or il faut aussi que certains documents puissent
être travaillés dans le détail : entrer dans la pensée
de l’auteur, mettre au jour son argumentation, en
s’attachant à des termes clés… avant de commenter
(confirmer, critiquer, nuancer…) son idée directrice
et ses arguments », préconise un inspecteur général
[104]. En sorte qu’être ambitieux, contrairement aux
idées reçues, revient à ce qu’il y en ait moins, mais
qu’ils soient à la fois mieux exploités et compris 7.
Autrement dit : non multa sed multum.8
on l’assimile à la vérité 9) ; ensuite quand on
considère le fonctionnement propre aux images ;
enfin si l’on veut bien envisager la portée patrimoniale des œuvres qui implique, d’une part, de
porter attention à sa dimension esthétique et
donc subjective et, d’autre part, de réfléchir à sa
fonction mémorielle.
L’étude des images gagnerait donc à être envisagée de façon beaucoup plus approfondie. On
peut en effet lui assigner plusieurs finalités
importantes. La première est intellectuelle : il
s’agit de saisir les spécificités des productions
iconographiques et la manière dont elles véhiculent des informations (au premier chef historiques). Mais, dans le cas des œuvres d’art, ces
finalités sont également esthétiques et patrimoniales, l’œuvre d’art étant irréductible à la fonction de document que l’interrogation historienne
lui fait jouer 10. Il ne faut pas non plus omettre
la portée mnémotechnique des images : elles
laissent souvent une empreinte forte et s’offrent
comme une médiation efficace pour ordonner et
fixer les connaissances.
Quelle place pour l’image en histoire ?
La place et le rôle des images ont considérablement évolué dans l’enseignement secondaire
de l’histoire. Présentes depuis longtemps, ne
fût-ce que sous forme de vignettes, elles ont été
jusqu’à une période récente – et parfois jusqu’à
aujourd’hui – cantonnées à servir d’illustrations venant agrémenter et/ou corroborer l’écrit.
Depuis les années 1980, toutefois, leur place
n’a cessé de croître dans les manuels, avec des
fonctions diversifiées 8 ; elles sont désormais de
natures variées et on organise un questionnement à leur sujet.
Reste à s’interroger sur la pertinence de l’appareil didactique qui les accompagne. En fait, il
s’avère le plus souvent que l’analyse à laquelle
on invite les élèves reste rudimentaire : d’abord
concernant la construction du savoir historique
65
Dans tous les cas, il s’agit de faire en sorte que
l’élève soit amené à construire une signification
à ce qu’il voit, en intégrant que l’image reconstruit la réalité, qu’elle n’est pas un fragment du
monde lui-même mais sa représentation 11. On
l’aide donc à opérer un effort de distanciation
par rapport à un objet omniprésent dans son
environnement et qu’il consomme souvent sans
recul. Dans cette perspective, l’enjeu est bien de
9 10 11
(car l’on s’aperçoit que l’image est souvent
sollicitée comme « effet de réel » et que parfois
9
7Laurent Wirth [128] souhaiterait que, dans la même logique,
l’on s’attache désormais, « pour l’épreuve du brevet et pour
celle du bac, à limiter le nombre de documents ».
8Ainsi, en 1985, les programmes introduisirent-ils
« la maîtrise de l’image » comme un des objectifs de
l’enseignement dispensé au collège, mais la responsabilité
de ce nouvel apprentissage incombait principalement au
professeur de lettres.
C'est par exemple le cas des portraits dont la présentation,
lorsqu’elle n’est pas mise en perspective, assimile
implicitement la représentation au personnage lui-même,
alors que ce type de tableau ou de photographie répond
généralement à une construction très soignée, pour ne pas
dire orientée, qui est tributaire de l’intention de l’artiste
mais aussi des desiderata du commanditaire.
10On l’oublie trop souvent au prix d’une instrumentalisation
qui fait que l’œuvre d’art est niée dans son essence même.
11Pour les œuvres d’art abordées en classe, cette
représentation est elle-même mise en abîme par le recours
à la photographie ou à la vidéo utilisées pour les reproduire.
On ne travaille jamais que sur des représentations de
représentation – ce qui génère inévitablement une perte
d’aura pour reprendre une idée chère à Walter Benjamin
[132].
SOMMAIRE
66
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
s’intéresser au mode de production du sens dans
les images. Mais l’immense difficulté sur laquelle
on bute immédiatement, c’est que leur signification reste toujours implicite 12. Face à la complexité
de cet objet, la méthode d’étude la plus rigoureuse pour l’appréhender reste encore de considérer l’image comme un langage – un langage
non linguistique certes, mais un langage tout de
même ; en d’autres termes de faire de la sémiologie. Cette discipline doit beaucoup aux travaux
de Roland Barthes [129]. C’est lui, en effet, qui a
popularisé en France l’idée d’envisager l’image
comme un système de signes qu’il est nécessaire
de déchiffrer. Dans cette optique, à l’instar de ce
que Ferdinand de Saussure a établi concernant
le fonctionnement de la langue dans Cours de
linguistique générale, on propose, pour simplifier, de
distinguer dans les images ce qui relève du signifiant (ici sens littéral ; autrement dit le dénoté) et
ce qui relève du signifié (sens projeté que révèle
l’interprétation et qu’on peut appeler le connoté).
Mais il faut aller plus loin, car l’image rassemble
des éléments hétérogènes. Elle utilise différents
types de signes qui fonctionnent chacun en couple
signifiant/signifié et que l’on peut rassembler
en deux grandes familles : d’une part, les signes
iconiques ou figuratifs (i.e. les formes qui renvoient
par analogie à un référent dans la réalité qu’ils
figurent) ; d’autre part, les signes plastiques (qui
comprennent les couleurs, la texture, les formes,
la composition, l’angle de prise de vue). On doit
prendre en compte les signes plastiques comme
des signes à part entière et non comme la simple
matière d’expression des signes iconiques. Une
grande partie de la signification du message visuel
est déterminée par les choix plastiques. Ces deux
types de signes sont des signes visuels. Ils entrent
souvent en interaction avec une dernière catégorie
de signes : les signes linguistiques, à commencer
par le titre et la signature.
SIGNIFIANT
SIGNIFIÉ
Signes
figuratifs
Signes
plastiques
Signes
linguistiques
Comme on le constate, cette grille d’analyse peut
être mobilisée dans un cadre interdisciplinaire 13.
Il semble donc pertinent d’inviter les collègues
d’une même classe à l’utiliser, même si elle n’a
pas vocation à devenir la seule voie d’accès à
l’analyse des images, car il serait dommageable
d’enfermer les élèves dans des automatismes
réducteurs.
Pour conclure, l’enjeu principal est bien de faire
prendre conscience que les documents iconographiques ne sont pas de purs reflets du réel mais
des constructions réalisées à partir du réel avec
des moyens spécifiques et dont le résultat est
toujours une (re)création de la réalité à laquelle
ils font référence, bref que les images tiennent
toujours un discours sur ce qu’elles montrent.
Mais on veillera aussi, à chaque fois que celles
que l’on étudie ont une indéniable qualité artistique, à laisser toute sa place à la sensibilité de
chacun 14. Il faut en effet se convaincre que l’appel
au sensible ne s’oppose pas à l’intelligibilité ; bien
au contraire, souvent il mobilise les élèves et crée
de la sorte une situation propice au travail sur
la signification. Aussi paraît-il judicieux que le
déroulement adopté prévoie de commencer par
demander aux élèves de verbaliser leur façon de
voir et d’apprécier – ou non – l’œuvre avant de
les inviter à entrer dans une démarche formalisée destinée à décrypter de manière raisonnée
le sens de ce que l’on voit.
13 14
La conduite de l’analyse peut être facilitée par
l’utilisation d’un tableau qui permet d’ordonner
la prise d’informations dans un cadre rigoureux et
synthétique – pour ne pas dire systémique :
13Michel Thiébaut [124] remarque d’ailleurs : « l’image ne
relève d’aucune discipline universitaire particulière mais, à
des degrés divers, les concerne toutes. Transdisciplinarité,
tel est le principe fondamental ».
12
12Ainsi, « nous sommes tous 'aveugles' à la majeure
partie des messages visuels qui nous assaillent
quotidiennement », souligne Laurent Gervereau [100].
SOMMAIRE
14On ne peut en effet que suivre les chercheurs qui travaillent
autour de la manière dont on aborde l’art à l’école et
qui, telle Marie-Christine Baquès [74], regrettent que la
« sollicitation de l’affectif [soit] généralement banni de
l’enseignement ».
INTÉGRER LE NUMÉRIQUE
L’enseignement de nos disciplines a été lent à intégrer les nouvelles technologies ; longtemps, en effet,
la pratique du numérique a reposé sur le dynamisme
de quelques pionniers. Pourtant, dès 1995, les documents d’accompagnement des programmes d’histoire-géographie mentionnaient l’utilisation des TICE,
notamment pour l’accès aux ressources documentaires. C’est sous la pression de leur rapide diffusion
dans l’espace social, aussi bien professionnel que
privé, que l’école en a fait l’une de ses priorités. Ainsi
le ministère, souvent avec l’appui des collectivités
locales, a-t-il impulsé plusieurs plans numériques
successifs. Force est pourtant de constater que l’on
oscille toujours entre volontarisme et incantation.
Volontarisme car l’équipement des établissements
scolaires a beaucoup progressé et que les formations
à destination des enseignants se sont multipliées
dans les académies. Incantation aussi parce que
plusieurs freins s’opposent à un renforcement et un
approfondissement des usages dans les classes.
Le premier de ces obstacles est lié à des facteurs
techniques. Dans maints collèges, les professeurs
ne peuvent guère compter, en plus de l’unique ordinateur dont ils disposent dans leur classe, que sur
une seule salle rassemblant un nombre de postes
suffisants pour faire travailler tous les élèves dans
de bonnes conditions. Rapportés au nombre d’enseignants exerçant dans l’établissement, les créneaux
disponibles sont nécessairement limités. L’accès
régulier de quelques-uns repose donc actuellement
sur le moindre engagement du plus grand nombre.
L’enseignement par le numérique se généraliserait-il
que l’on serait confronté à l’étroitesse du parc existant. On est d’ailleurs souvent déjà pénalisé par un
débit insuffisant dès que l’on consulte des sites qui
proposent des ressources vidéos par exemple.
Seconde limite : nombre d’enseignants se montrent
encore sinon réticents, du moins très timides dans
leur utilisation du numérique. Il faut dire que, en dépit
de la maîtrise de l’outil lui-même, qui s’est considérablement améliorée du fait de la montée en puissance des usages domestiques et de l’obligation de
valider le C2I2E 1 avant la titularisation, les ressources
existantes sont assez restreintes et que le recours au
numérique suppose un engagement personnel qui
réclame du temps. On doit non seulement effectuer
un travail de veille afin d’identifier les sites ou les
applications pertinentes, mais encore concevoir les
activités qui les prennent comme supports, tout en
procédant ensuite à un continuel travail d’actualisation des exercices que l’on a créés, tant l’univers
numérique évolue rapidement. Ainsi est-il rare de
pouvoir réexploiter telle quelle une activité d’une
année sur l’autre.
Le troisième frein pose des questions de fond autrement plus complexes. Il tourne autour de la plusvalue éducative du recours au numérique. Au-delà
des usages peu discriminés qui sont encore fréquents,
c’est en effet la pertinence de la médiation de l’outil
lui-même, dont les retombées pédagogiques sont trop
peu documentées, qui est en cause. Ainsi, Stanislas
Dehaene [51], professeur de sciences cognitives au
Collège de France, souligne-t-il à propos des tablettes
que plusieurs études émettent des doutes sur leur
intérêt à l’école. Or, ajoute-t-il, « dans l’enseignement,
personne ne devrait pouvoir imposer une stratégie
pédagogique aux enfants sans avoir au moins un
début de preuve de son efficacité », avant de conclure :
« il est donc fondamental d’expérimenter avant de
généraliser ces dispositifs ». Ainsi n’est-ce pas parce
que les élèves sollicités dans le cadre d’un sondage
déclarent qu’ils apprennent mieux avec le numérique
qu’il en va réellement ainsi.
C’est dire que le numérique doit s’inscrire dans le
cadre d’une réflexion didactique approfondie et non
être conçu comme un complément dont la seule
existence et la dimension prétendument roborative
se suffisent à elles-mêmes. On voudrait insister ici sur
trois aspects qui font consensus. Les TICE en général
1Certificat Informatique et Internet de niveau 2
Enseignement [25]. « Le C2I2E atteste des compétences
professionnelles dans l’usage pédagogique des technologies
numériques, communes et nécessaires à tous les
enseignants et formateurs pour l’exercice de leur métier. »
SOMMAIRE
68
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
et l’Internet en particulier doivent faire l’objet d’une
approche raisonnée qui met en avant l’esprit critique.
C’est d’autant plus incontournable que les élèves ont
généralement des usages peu réfléchis et non distanciés de ces outils. Il convient donc de les habituer, à
l’instar de la démarche qui leur est familière pour les
autres types de sources sollicités dans le cadre du
cours, à identifier qui est l’auteur des informations
auxquelles ils ont accès et à en interroger la fiabilité.
Les activités proposées doivent donc systématiquement intégrer une étape qui conduit à déterminer le
« propriétaire » des contenus consultés à travers les
rubriques dédiées à ce type de mentions (que l’on
trouve sous différents intitulés, tels que « Crédits »,
« À propos », « Qui sommes-nous ? », etc.). On veillera
également à ce que les élèves diversifient et croisent
leurs sources en consultant plusieurs sites dûment
référencés. À ce titre, on ne peut que mettre en garde
contre l’utilisation souvent exclusive de Wikipédia
dans les recherches effectuées en marge du cours. On
sait en effet, comme le rappelle François Jarraud [107],
rédacteur en chef du Café pédagogique, que « puisque
tout le monde peut y écrire, l’encyclopédie en ligne
brasse des erreurs parfois grossières » et qu’« elle
encourage l’histoire la plus conventionnelle et la plus
factuelle ». Le professeur s’efforcera donc de promouvoir des sites alternatifs, sans oublier de renvoyer à la
consultation des usuels classiques qui sont toujours
disponibles dans les CDI et doivent participer ainsi au
maintien d’une culture de l’écrit qui s’étiole chaque
année davantage chez les jeunes.
Comme dans le cadre des cours qui ne font pas appel
aux TICE, l’enseignant doit par ailleurs fixer des objectifs précis et objectivables aux apprentissages, sans
considérer que le recours au numérique est une fin en
soi et qu’un « effet nouvelles technologies » rendrait
automatiquement les démarches et les activités
pertinentes. Il faut vraiment y être vigilant, car, grisé
par le fait d’utiliser ces supports, on peut facilement
verser dans une approche appauvrissante de son
enseignement. On proscrira notamment les QCM et
autres exerciseurs qui abondent sur le Web. Pour le
dire autrement, toutes les séquences qui reposent sur
les TICE doivent déterminer une progression rigoureuse en termes de connaissances et, plus encore, de
compétences. Dans cette perspective, on s’attachera
à ce que les élèves soient mis en situation de suivre
un cheminement intellectuel qui s’inscrive dans une
réelle logique de complémentarité par rapport aux
exercices et aux situations auxquels ils sont habituellement confrontés. L’enjeu est de faire en sorte qu’ils
travaillent autrement en faisant appel à la spécificité
SOMMAIRE
des outils qu’ils utilisent. Moteurs de recherche,
logiciels (de création cartographique par exemple 2),
applications, utilisation d’espaces partagés, moyens
de production multimédia, mais aussi fonctionnalités bureautiques tout simplement, sont mobilisés
dans cette perspective. On insistera pour finir sur les
opportunités de coopération et de diffusion qu’offre
le numérique et dont l’impact sur la motivation des
élèves et la valorisation de leur travail dans et hors
de la classe est indéniable.
Une activité numérique
Conçue pour des élèves de 4e dans la cadre du
chapitre « Mers et océans », déclinaison du thème 3
de géographie, « Des espaces transformés par la
mondialisation », l’activité que l’on évoquera ici
repose sur l’exploitation du site internet de la
CMA-CGM, l’une des compagnies leader dans le
domaine du transport maritime, et d’un article du
Monde publié à l’occasion du lancement d’un des
porte-conteneurs de cette dernière.
Le travail demandé aux élèves vise tout d’abord
à leur faire maîtriser des compétences. Il s’agit
en l’occurrence d’identifier le « propriétaire »
ainsi que la vocation commerciale du site, puis
de rassembler des informations sur l’entreprise
afin de prendre la mesure de son activité et de
son rayonnement à l’échelle mondiale, avant de
décrypter sa stratégie de communication autour
de la préservation de l’environnement comme
un engagement éthique tout autant qu’un levier
pour valoriser son image. On fait également appel
à l’une des fonctionnalités interactives du site
pour mettre les élèves en situation d’organiser
et de retracer le trajet d’un conteneur entre deux
destinations de leur choix via une carte.
L’étude de l’article du Monde répond, elle aussi,
à plusieurs finalités. Dans le prolongement des
séances consacrées à la présentation et à la
consultation des média conduites en partenariat
2Le recours à ce type de logiciels est d’autant plus
intéressant que, comme Paul Arnould et Catherine Biaggi
[71] le soulignent, les techniques de production de cartes
« offrent la possibilité de renforcer chez l’élève le recul
critique par la mise en évidence du caractère subjectif
intervenant dans la fabrication des cartes », point sur
l’importance duquel nous avons déjà eu l’occasion
d’insister plus haut.
PRÉPARER SON ENSEIGNEMENT
69
avec le CDI, on veut poursuivre la familiarisation
avec un grand quotidien national et approfondir
la compréhension du fonctionnement des textes
de presse. On cherche en outre à ce que les élèves
puissent mieux saisir ces acteurs majeurs des
échanges mondiaux que sont les porte-conteneurs à travers la description de leur gigantisme.
Enfin, par le biais du récit de la cérémonie d’inauguration du fleuron de la flotte de la CMA-CGM,
est mise en évidence l’imbrication des dimensions économiques et politiques.
Cette mobilisation de compétences, afférentes
à nos disciplines en général et aux outils numériques en particulier, permet corollairement
d’asseoir des connaissances. Les unes sont directement liées au chapitre, à travers l’acquisition
et/ou la révision de repères spatiaux de bases
(grandes routes maritimes, principaux ports,
détroits et canaux, etc.) ou de concepts clés (la
mondialisation et ses acteurs) ; d’autres renvoient
à des acquis de la classe de 5e que l’on cherche à
affermir, à commencer par la notion de développement durable.
Un dernier mot. Les consignes sont libellées de
telle façon que l’activité puisse être conduite en
autonomie, seul ou en binôme. La reprise sera
en revanche faite en classe entière. Elle ne se
contentera pas de corriger les questions ; les
informations rassemblées seront analysées et
mises en perspective.
SOMMAIRE
FAIRE
TRAVAILLER
ET PROGRESSER
LES ÉLÈVES
JEAN-JACQUES CL AUDE
SOMMAIRE
SOMMAIRE
CONSTRUIRE LA RELATION
PÉDAGOGIQUE
Le pivot de toute relation pédagogique, quelles que
soient les formes qu’elle épouse au quotidien, est
le principe de « l’éducabilité »1. Ce postulat ressortit
à la logique même de l’acte d’éduquer : tous les
élèves que l’école accueille, aussi divers soient leur
profil scolaire, leur degré (apparent) de motivation
et leur comportement, sont a priori susceptibles
d’être éduqués, c’est-à-dire capables d’apprendre, de
progresser, de construire leur propre personnalité.
Mais l'éducabilité est aussi une valeur qui donne sens
à un métier qui ne se conçoit pas sans référence au
projet républicain et à des convictions personnelles :
un engagement humaniste, en un mot. L’alternative
s’énonce très simplement : est-on déterminé à se
mobiliser pour favoriser l’acquisition par chacun des
compétences et des connaissances nécessaires, non
seulement pour s’affirmer en tant que personne libre
et avisée, mais encore pour s’insérer dans la société,
ou bien se résigne-t-on à laisser au bord de la route
ceux qui ne satisfont pas aux attendus scolaires classiques ? L’éducabilité informe également les pratiques
quotidiennes de l’enseignant : elle le pousse à s’interroger sur les méthodes pédagogiques, à adopter les
démarches didactiques qu’il pressent comme les plus
pertinentes, à les infléchir, à innover. Elle détermine
en outre la façon d’aborder les problèmes éducatifs
qui peuvent surgir dans la classe. Bref, elle a partie
liée avec la posture réflexive dont notre métier se
nourrit.
La relation pédagogique s’adosse également à l’exemplarité qui doit être celle du professeur. Le mot peut
paraître intimidant, mais il recouvre en fait des
exigences de base. La ponctualité, pour commencer,
c’est-à-dire être prêt à accueillir les élèves sur le seuil
de la salle de cours dès que la sonnerie aura retenti.
Non seulement le respect, mais une égale bienveillance envers chaque élève, ensuite. À ce propos – et il
faudra le souligner sans cesse auprès des principaux
intéressés tant les représentations, sinon les usages,
1Le terme s’est diffusé suite à la notoriété acquise par les
travaux de Philippe Meirieu [64] sur cette question.
le démentent parfois – la considération portée à
chacun est indépendante des performances scolaires
en général et des notes en particulier. Plus difficile,
toute forme d’arbitraire doit être évitée. Cela suppose
de la part de l’enseignant de toujours se donner le
temps de la réflexion, de prendre la précaution,
dans le feu de l’action, de différer une décision en
cas d’agacement voire sous le coup de l’énervement.
Même sans faire preuve d’arbitraire, le sentiment
peut en être donné, ce qui du point de vue de l’élève
revient au même : il faut donc faire en sorte que nos
actions renvoient à un schéma d’interprétation lisible
par tous et pouvoir les justifier au besoin. Pour le dire
autrement : veiller à expliciter leur bien-fondé, soit en
prenant la peine de les expliquer, soit en renvoyant à
une norme établie.
La vie de la classe se trouve par ailleurs grandement
facilitée si le professeur s’appuie sur un cadre clair et
des repères stables. Le cadre, on le rappellera autant
que de besoin aux élèves, c’est, d’une part, l’observance de règles consubstantielles du vivre-ensemble
dès lors qu’un groupe humain est constitué et, d’autre
part, ce qui fonde la présence de chacun à l’école :
la nécessité de s’instruire pour s’épanouir dans sa
vie. Quant aux repères, ils fournissent des jalons qui
scandent l’heure de cours en reproduisant un certain
nombre de rituels : les élèves attendent en rang dans
le couloir avant d’être invités à entrer ; ils saluent le
professeur (on insistera sur la mention « madame »
ou « monsieur » après « bonjour ») qui fait de même ;
ils attendent en silence devant leur table jusqu’à ce
qu’ils soient autorisés à s’asseoir ; lors des activités
conduites en classe entière, ils lèvent systématiquement la main pour demander la parole et ils attendent
qu’elle leur soit donnée avant de parler. Il convient
d’être intraitable sur ce point ; c’est en effet l’une des
conditions indispensables au bon déroulement des
apprentissages. Faut-il préciser que cette exigence ne
s’applique pas aux phases de travail en groupes où les
règles doivent au contraire favoriser avec le maximum
de fluidité les interactions entre les élèves ? Mais, dans
tous les cas, l’absence de bavardages sur des sujets
étrangers aux apprentissages est un impératif qui
SOMMAIRE
74
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
n’est pas négociable. Mais rien ne sert de multiplier
les « chut », de s’efforcer de couvrir le bruit de fond
en forçant la voix ou bien de crier pour manifester
son exaspération. On ne ferait que mettre en scène
son impuissance ! Au contraire, il convient d’adopter
un volume normal qui réclame le calme pour être
entendu de tous et de s’interrompre dès que d’autres
parlent en même temps. Il est utile de s’appuyer aussi
sur un placement judicieux des élèves, en appliquant
notamment un principe de mixité pour chaque table.
Enfin, la procédure utilisée pour canaliser les plus
récalcitrants sera d’autant plus efficace qu’elle est
connue de tous et qu’elle est déroulée de la même
manière tout au long de l’année. Dès le premier rappel
à l’ordre, par exemple, le carnet de liaison est placé
sur la table puis, en cas de récidive(s), on suit une
gradation qui permet en général aux contrevenants
de cesser leurs perturbations avant que la sanction
ne tombe : à la seconde interpellation, ledit carnet est
déposé sur le bureau du professeur, à la troisième ce
dernier y rédige une observation (qui peut se limiter
à la mention « bavardage »). Procéder ainsi s’avère
beaucoup plus efficace que de multiplier les avertissements puis de soudainement remplir le carnet, ou
encore d’y mettre un mot dès la première incartade 2.
Nous touchons là à la question de l’autorité et de son
exercice. Constatons d’abord qu’elle n’est plus guère
conférée par le statut, tant le prestige des enseignants
s’est continûment érodé dans la société ces dernières
décennies. Il revient donc à chaque professeur de la
construire. Il est aidé en cela par son assise disciplinaire, sa capacité à rendre son enseignement intéressant, mais aussi par le regard qu’il porte sur les
élèves, sa volonté de les faire progresser, son souci
de les encourager, autant d’éléments qui fondent sa
légitimité auprès d’eux. L’autorité du professeur est
d’autant plus facilement reconnue et respectée qu’il
paraît pleinement investi dans sa mission de faire
apprendre, et qu’il accepte les élèves tels qu’ils sont.
Cet investissement se matérialise aussi par des gestes
très simples : parler distinctement, varier le débit
voire le ton pour maintenir l’attention ; ne pas délivrer
trop d’informations à la fois ; faire en sorte que son
regard balaye l’ensemble de la classe, tout en s’arrêtant sur tel ou tel lorsque la situation pédagogique le
réclame ; se déplacer dans la salle ; ne pas hésiter à
sourire et même à faire ponctuellement de l’humour ;
2Dans tous les cas, on sera vigilant à avoir préalablement
informé les parents des bavardages avant de les signaler
sur le bulletin scolaire.
SOMMAIRE
sans oublier de souhaiter bonne continuation à la fin
du cours, de même que l’on aura pris soin de dire aux
élèves qu’ils sont les bienvenus à son début.
Lorsque l’autorité qui s’appuie sur l’engagement et
la compétence ne suffit pas, reste celle fondée sur le
pouvoir de coercition. Il ne faut pas hésiter à en faire
également usage, mais toujours avec discernement et
mesure. Les enseignants qui multiplient les punitions
et distribuent de nombreuses heures de retenue, loin
d’affirmer leur autorité, perdent de leur crédit, aussi
bien auprès des élèves que des parents ou de la direction de l’établissement. Il en va de même pour ceux
qui, espérant renforcer leur propre autorité, menacent
systématiquement de recourir à celle du conseiller
principal d’éducation ou du chef d’établissement, car
ils reconnaissent ainsi leur incapacité à se faire obéir.
La qualité de la relation tient enfin à la capacité
de l’enseignant à se maintenir à la bonne distance
des incidents qui peuvent survenir dans la classe.
Ainsi, comme le souligne Bernard Rey [68], doit-il
toujours garder à l’esprit que « les comportements
offensifs ou rétifs des élèves ne sont pas directement
dirigés contre sa personne », mais contre le rôle qu’il
endosse en tant que professeur. À ce titre, il convient
surtout de ne pas faire des débordements une affaire
personnelle ; tout au contraire, on les considérera
toujours d’un point de vue professionnel pour les
traiter comme une question d’ordre technique. On
n’entrera donc pas dans le registre de l’affectivité
et on s’efforcera d’aider les adolescents à en sortir
pour se placer dans celui de la raison. Bref, garder
son calme, prendre du recul et se répéter quoi qu’il
en coûte parfois : « Je dois signifier à l’élève que je ne
me sens aucunement atteint dans ma personne par
le fait qu’il n’obéisse pas à mes consignes, mais que
ce qui m’importe, en tant que je suis un professionnel
de l’apprentissage, c’est qu’il se remette au plus tôt
au travail, parce que c’est là la fonction du lieu qui
nous réunit »3.
3Pour compléter notre propos, on pourra consulter les
ressources de deux plates-formes institutionnelles :
Néopass@ction [141] et la Banque de séquences didactiques
(BSD) [133].
Faire travailler et progresser les élèves
75
4
L’articulation avec le service de la vie scolaire
Il arrive que la relation pédagogique déborde
du cadre de la classe. C’est notamment le cas
lorsque l’enseignant prend une décision – punition ou exclusion de cours – qui nécessite une
intervention du service de la vie scolaire. Ce
dernier se montrera le plus souvent facilitateur.
Il peut cependant rencontrer des difficultés, que
le professeur comprendra d’autant mieux qu’il se
sera intéressé au fonctionnement de ce service
ainsi qu’aux personnes qui y travaillent, et que
les procédures concernant les différents types
de problèmes auront été précisées. L’exclusion
de cours, par exemple, fait souvent l’objet d’une
mention dans le règlement intérieur 4. La manière
de traiter ce genre d’incident peut amener l’enseignant à devoir rédiger un écrit succinct. Celui-ci
n’est pas du tout pensé comme une complication
visant à freiner le recours à cette solution – dont
il faut néanmoins mesurer le caractère radical et
par là même exceptionnel – voire à en stigmatiser l’auteur. Mais il s’agit de donner les moyens
à ceux qui vont accueillir l’élève exclu de poursuivre le travail éducatif en reprenant la situation
avec lui, en l’amenant à reconnaître sa responsabilité et l’écart entre ce qu’il a montré de lui et
ce qui est attendu, en affirmant, même si c’est
très symbolique, la solidarité de la communauté
éducative avec la décision de l’enseignant. Ces
écrits servent parfois aussi de traces, notamment
s’il y a lieu de donner suite au-delà de la gestion
immédiate de la perturbation. De façon plus
générale, le service de la vie scolaire peut être
confronté à des difficultés d’accueil et de prise
en charge qui doivent être entendues (problème
Il ne s’agit certes pas de priver les professeurs
d’outils de gestion des comportements perturbateurs, mais d’en discuter les usages de concert
dès lors qu’ils mobilisent d’autres membres du
personnel, de façon à ce que cela n’apparaisse
pas aux élèves comme des failles dans la volonté
affichée de cohérence éducative.
Par ailleurs, certains enseignants mettent parfois
en avant le manque d’information sur les élèves
pour expliquer leur difficulté à construire une
relation pédagogique… et accusent implicitement le service de la vie scolaire, détenteur
des éléments en question, de ne pas les avoir
partagés. Nous l’avons vu, cet aspect du métier
repose essentiellement sur des attitudes choisies
a priori, et une connaissance affinée de chaque
histoire individuelle ne rend pas forcément
le professeur plus pertinent dans sa façon de
conduire la classe. Pire, il arrive que la révélation de certains points de la vie privée des élèves
vienne brouiller la façon dont ils sont perçus,
alors qu’il demeure très important, pour eux
comme pour les adultes, de disposer d’espaces
où ils peuvent se montrer différents, sous un jour
positif, et laisser à distance des soucis extérieurs
à leur scolarité. C’est cette expérience négative du partage d’information qui peut amener
des personnels de la vie scolaire à se montrer
circonspects, et non un manque de confiance
ou une volonté de conserver jalousement des
secrets. Sur ce dernier terme, d’ailleurs, rappelons au passage que le personnel médico-social
de l’établissement est, lui, soumis au secret
professionnel.
d’organisation sur les créneaux où le service de
restauration a débuté, absence momentanée,
nécessité d’avoir des éléments à fournir aux
parents d’élèves dont les assistants d’éducation
sont souvent les premiers interlocuteurs, etc.).
4Elle rappelle en général que l’exclusion de cours doit
rester une décision ponctuelle, et ne s’appliquer qu’aux
comportements perturbant gravement le cours. Elle précise
les modalités de prise en charge de l’élève concerné pour
assurer la continuité de la surveillance.
SOMMAIRE
PROBLÉMATISER
Le choix du verbe « problématiser » – et non du substantif « problématique », d’usage plus fréquent dans
la vulgate didactique de nos disciplines – a été fait à
dessein. Il voudrait souligner l’ambition qui doit être
celle du professeur : non pas seulement introduire son
enseignement par une question qu’il a formulée ou
que l’on a lue dans le manuel, mais enclencher une
dynamique intellectuelle qui amène les élèves à s’interroger eux-mêmes en vue de déterminer ce que l’on
va s’efforcer d’éclaircir à travers la leçon. Ce faisant,
ces derniers sont d’emblée partie prenante de ce qui
se joue durant le chapitre étudié ; ils sont en situation
de recherche. Leur curiosité s’en trouve stimulée et
leur motivation renforcée. Cette mise en énigme à
laquelle ils ont participé donne en outre un surcroît
de sens aux apprentissages, puisque leur nécessité
apparaît beaucoup plus clairement et que l’objet de
la quête est approprié. Elle permet par ailleurs de
relancer l’intérêt et d’orienter l’attention tout au long
de la séquence : grâce à ce travail de problématisation, la classe a un fil conducteur auquel se référer ;
bref, elle dispose d’une boussole pour s’orienter, gage
d’une envie de comprendre1.
de ce que l’on apprend : en développant la rigueur
dans le raisonnement et la formulation, l’opération
facilite le passage à un savoir construit et, partant,
conscient de lui-même, qui offre davantage de garanties d’être bien maîtrisé, et opératoire quand il s’agira
de le mobiliser à nouveau.
À travers la problématique ainsi conçue, on se dote
également d’une ossature logique qui amorce dès le
début du cours la nécessité d’élaborer une réflexion
cohérente : comme l’explique Anne Le Roux [111],
« l’élève construit le savoir dans le processus même
de résolution du problème posé et des activités
mentales de raisonnement et d’argumentation qu’il
implique ». Dans cette configuration, l’acquisition
des compétences et des connaissances relève donc
d’une suite d’opérations cognitives suivies et non pas
de sollicitations ponctuelles dont l’enjeu et la portée
resteraient flous. Problématiser modifie donc le statut
Mais comment procéder pour construire une problématique avec les élèves ? Précisons pour commencer
que l’enseignant gagnera à faire précéder la problématisation proprement dite d’une phase durant
laquelle il tâchera de faire émerger ce que la classe
pense connaître sur la question qui va être abordée.
Avec la multiplication des sources d’information,
et parfois le jeu des crispations mémorielles, il est
aujourd’hui en effet moins que jamais le seul maître
du récit historique : comme le note Gérard Pinson
[119], « il doit le partager avec d’autres sources, tenir
compte de la captation par ses élèves de discours
parfois antagonistes ou mal assurés ». Avec Anne Le
Roux [111], il faut se convaincre de l’importance de ces
représentations initiales et que l’on ne perd pas un
temps précieux en les faisant énoncer, car elles « sont
constitutives de l’acte d’apprendre, dans la mesure
où apprendre c’est (re)construire en permanence ses
représentations ». Le professeur peut ainsi identifier
celles sur lesquelles il pourra s’appuyer ainsi que
celles qu’il lui faudra au contraire « déstabiliser »
1Or, Philippe Meirieu [62] constate qu’ « une information n’est
identifiée que si elle est déjà, d’une certaine manière, saisie
dans un projet d’utilisation, intégrée dans la dynamique
du sujet [apprenant] et que c’est ce processus d’interaction
entre l’identification et l’utilisation qui est générateur de
signification, c’est-à-dire de compréhension ». Ou, pour le
dire autrement, qu’« un apprentissage s’effectue quand un
individu prend de l’information dans son environnement
en fonction d’un projet personnel ».
Corollairement, lorsque le moment est venu de faire
le bilan des travaux qui ont été menés pour en tirer
les principaux enseignements, en conserver l’essentiel, la présence d’une problématique nettement
délimitée, d’une ou deux questions simples, facilite
considérablement l’effort de synthèse. Tout le monde
sait que l’enjeu consiste alors à apporter une réponse
aux interrogations qui avaient été formulées. En sorte
que la trace écrite devient un temps décisif à l’occasion duquel les élèves raisonnent pour extraire de la
masse des informations brassées durant l’étude qui
a été conduite les éléments déterminants dûment
hiérarchisés jugés les mieux à même de résoudre le
problème précédemment identifié. Le cours affirme
de cette façon la suprématie de la compréhension sur
le simple exposé des faits.
SOMMAIRE
78
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
dans le cadre de ce que les sciences de l’éducation
nomment « le conflit sociocognitif » 2. Cette étape
constitue souvent un levier important pour la suite
car « un progrès décisif est accompli quand un sujet
travaille sur l’écart qui sépare ses représentations et
le savoir élaboré qu’il doit s’approprier » 3, en devenant conscient du chemin à parcourir.
Adopter une telle démarche permet aussi de rassembler un matériau souvent pertinent pour initier la
phase de problématisation proprement dite, quand
bien même les informations recueillies s’avèrent
être incomplètes ou erronées. Un exemple suffira à
le démontrer. Au moment d’ouvrir l’étude consacrée à
l’absolutisme (en 5e), les élèves estiment souvent que
l’expression « roi absolu » désigne un régime politique
dans lequel le monarque a tous les pouvoirs et peut
les exercer de manière arbitraire. La problématique, en
interrogeant la validité de ces représentations, pourra
alors tout naturellement consister à se demander si
le souverain, au XVIIe siècle, a effectivement tous les
pouvoirs. Et comme nous sommes dans le cadre du
cours d’histoire, les élèves ne tarderont pas à ajouter
une seconde question : quand et comment les a-t-il
affirmés ?
Quand il n’est pas possible de rebondir sur des représentations clairement établies, on peut très simplement initier la réflexion en s’attardant sur le sens
des mots. Ainsi, pour aborder les Lumières (en 4e),
l’enseignant invitera les élèves à partir de la polysémie du terme et de son antonyme en sorte que
l’on en viendra à questionner ce qui a pu amener des
hommes et des femmes du XVIIIe à considérer qu’ils
sortaient d’un âge obscur ; ou, pour le dire autrement : quelles nouvelles représentations du monde,
des hommes et de leurs institutions, s’élaborent au
XVIIIe siècle en Europe ?
Une approche plus conceptuelle peut également
être privilégiée en partant de notions disciplinaires
déjà connues. Toujours en 4e, à l’occasion du chapitre
sur les États-Unis, il peut être judicieux d’inviter les
élèves à interroger le thème en croisant la définition
2
I.e., l’opération mentale à la faveur de laquelle
« des informations nouvelles interagissent avec
des représentations antérieures, les interrogent, les
déstabilisent et concourent à leur restructuration » [63].
3On peut très aisément mettre la philosophie de cette
démarche à la portée de l’élève en lui disant, comme le
suggère Philippe Meirieu [63] : « Repère en quoi ce que
l’on te demande d’apprendre diffère de ce que tu croyais
savoir ».
SOMMAIRE
succincte de la géographie qu’ils maîtrisent (i.e.
l’étude de la manière dont les sociétés organisent
l’espace terrestre) et celle de la notion qui sert de fil
rouge à l’ensemble de l’année, la mondialisation (i.e.
la multiplication, à l’échelle du monde, des déplacements et des flux de marchandises, de capitaux et
d’informations). Ainsi se demandera-t-on : quelle est
la place des États-Unis dans les échanges mondiaux ?
Quelles sont les conséquences de leur explosion sur
l’organisation du territoire américain ?
Plus classiquement, un document peut bien évidemment servir d’accroche et susciter la réflexion.
VARIER LES MODALITÉS
DE MISE EN ACTIVITÉ
DES ÉLÈVES
Fort de la qualité de la relation qu’il a établie avec
la classe, le professeur doit s’efforcer de devenir un
« médiateur efficace » [97] ; mieux, loin de se contenter
de ce seul rôle de « passeur », [il conviendra qu’il élargisse sa mission à la fonction d’« entraîneur », pour
reprendre une image avancée par Philippe Meirieu
[63]. Ce dernier oppose en effet une « pédagogie de
l’information », principalement centrée sur la transmission magistrale, à une « pédagogie de l’entraînement », prioritairement tournée sur les stratégies
d’apprentissage des élèves, le développement de leur
aptitude à construire des compétences et à conquérir
de l’autonomie. Cette conception plus ambitieuse du
métier d’enseignant gagnerait vraiment à être érigée
en l’un des principes directeurs de l’action de ceux
d’histoire-géographie, car nos disciplines sont encore
parfois trop largement tributaires d’un héritage où le
cours est cantonné à un exposé de connaissances1.
Dans cette optique, la bonne démarche pour concevoir son enseignement est donc celle qui « s’interroge, non seulement sur ce que les élèves doivent
apprendre en termes de contenus de programme,
mais surtout sur les opérations qu’ils doivent effectuer pour y parvenir ». De quels leviers pédagogiques
disposons-nous pour ce faire ?
diversité d’approches s’impose – et nous avons déjà
pointé, certes sans être exhaustif, les spécificités dont
il faut tenir compte pour aborder des documents
comme l’image ou la carte. Mais la nécessaire diversification des cheminements intellectuels mobilisés
déborde le seul cadre de l’étude de tel ou tel type de
support et doit s’appliquer à la conception d’ensemble
des séances.
On ne le répétera jamais assez : aucune méthode, y
compris celle qui semble la plus performante, n’a
vocation à être systématisée, sous peine de perdre
son efficacité par le caractère routinier qu’elle revêtirait alors. Il n’est d’ailleurs que de considérer la
variété des sources documentaires sollicitées durant
un chapitre pour se convaincre qu’un égal souci de
Il n’en reste pas moins qu’il existe des passages
obligés dans un cours d’histoire-géographie. À ceux
que nous avons déjà exposés (présenter les objectifs, problématiser, établir des connexions interdisciplinaires, intégrer les TICE), il convient d’en ajouter
plusieurs autres. Certains relèvent de la pédagogie,
d’autres davantage de considérations propres à nos
disciplines. Parmi les premiers, les consignes réclament une attention toute particulière. Les élèves sont
en effet bien souvent livrés à eux-mêmes face à des
questions qu’ils ont mal comprises ou dont ils n’ont
pas perçu toute la portée. Il faut donc veiller à les
énoncer à haute voix et à les (faire) reformuler, tant
nombre de collégiens rencontrent des difficultés de
lecture ou souffrent d’une attention flottante, qui
les handicapent pour saisir ce que l’on attend d’eux.
Ces précautions, pour indispensables qu’elles soient,
ne sont pourtant pas suffisantes. Dès que le besoin
s’en fait sentir, le professeur a également intérêt à
étayer les consignes de base par trois séries d’informations complémentaires : sur les critères de réussite,
tout d’abord ; sur la démarche intellectuelle à suivre,
ensuite ; sur les différentes procédures pour la mettre
en œuvre, enfin.
1Ainsi, les résultats de l’enquête menée par la Direction de
l’évaluation, de la prospective et de la performance sur
l’image et les pratiques de l’Histoire-Géographie au collège
[93] montrent-ils que les élèves estiment que pour réussir
dans nos disciplines, il faut prioritairement « être attentif
en classe » (79,6 %) et « avoir un professeur qui explique
bien » (64,3 %), alors que le fait de « réfléchir » n’est pas
retenu comme un critère pertinent par 81,2 % de ceux ayant
répondu au questionnaire.
Les sciences de l’éducation ont également mis en
évidence la pertinence du recours à la démarche
inductive pour le déroulement global du cours. On
y sera d’autant plus sensible eu égard à la place qui
est réservée aux documents dans les processus d’acquisition des connaissances et des compétences en
histoire et en géographie. Par induction, on le sait, il
faut entendre une opération intellectuelle qui part
SOMMAIRE
80
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
de l’observation, de la formulation d’hypothèses,
d’analyses spécifiques à un objet, pour ensuite faire
une synthèse et mettre en perspective. Bref, on va
du particulier au général 2. C’est l’esprit qui préside
aux « études de cas », dont le principe a été mis en
avant au collège à partir de la fin des années 2000,
en géographie et – plus timidement il est vrai – en
histoire 3.
Attardons-nous, pour clore ce premier volet de notre
développement, sur l’idée de « pause pédagogique »,
dont les enseignants qui l’utilisent mesurent combien
elle peut s’avérer précieuse. On reprend là encore
une notion que l’on doit à Philippe Meirieu [63]. Que
recouvre-t-elle ? Il s’agit d’introduire dans son enseignement des temps clairement identifiés, ou plus
informels d’ailleurs, au cours desquels le professeur
amène « ses élèves à s’exprimer sur la manière dont
ils s’y sont pris, ou dont ils envisagent de s’y prendre,
pour effectuer tel ou tel travail ». Pour vraiment tirer
profit de cette façon de faire, il faut toutefois s’assurer
que cette pratique ne soit pas compromise par le fait
qu’ils s’expriment sur ce qu’ils « croient avoir fait
ou annoncent, tout simplement, ce qui leur paraît
correspondre à l’attente du maître ». Cette précaution prise, l’enjeu est, on l’aura compris, d’« intégrer
la dimension méthodologique de chaque activité, de
l’expliciter dans le déroulement de la classe ». Dans
cette logique, le rôle du professeur est « d’apprendre
à apprendre en apprenant ». Est-il besoin de souligner que cette préconisation fait écho aussi bien à
la dernière version du socle commun [16], dont le
« domaine 2 » s’intitule « les méthodes et outils pour
apprendre » qu’à la généralisation de l’accompagnement personnalisé (AP) ? On sera toutefois vigilant
à ce que cette phase de prise de recul qui invite à
un effort de métacognition ne se détourne pas des
objets disciplinaires, au risque de tourner à vide. En
effet, contrairement au procès que l’on fait parfois à
Philippe Meirieu, il ne fait aucun doute que ce dernier
appelle de ses vœux « une école où l’on fasse, à la
2Elle s’oppose à la démarche déductive qui repose quant à
elle sur une procédure dans laquelle les savoirs et savoirfaire sont posés a priori pour être ensuite appliqués ; elle
suit donc le plus souvent un schéma de type descendant,
qui part du maître ou du manuel pour aller vers l’élève.
3L’étude de cas se définit comme un objet d’étude singulier
mais représentatif d’une thématique donnée. Strictement
localisée et au plus près du réel, elle permet d’entrer de
manière concrète dans les chapitres du programme. Pour
une mise en perspective dans le domaine des sciences
sociales de ce type de démarche, on se référera à l’ouvrage
dirigé par Jean-Claude Passeron et Jacques Revel, Penser par
cas [118].
SOMMAIRE
fois, du conseil méthodologique à plein temps et un
enseignement centré sur les contenus à plein temps »,
puisque c’est « sans doute le seul moyen de faire véritablement l’un et l’autre » [63].
Il nous faudra être plus disert que nous l’avons été
sur les dimensions pédagogiques en abordant maintenant celles, plus proprement didactiques, qui sont
relatives à l’architecture et aux démarches du cours.
Insistons tout d’abord sur l’importance de l’ouverture
des séances. Si elle n’est pas consacrée à la problématisation, l’enseignant demandera aux élèves de
rappeler les questions qui en étaient issues afin de
relancer le cheminement intellectuel qui avait été
initié, puis il les interrogera sur les principaux acquis
des heures précédentes. Dans des disciplines qui
se distinguent par un caractère aussi évidemment
cumulatif que les nôtres, l’étape est essentielle pour
assurer la continuité et la cohérence des apprentissages. Notons cependant qu’il n’est pas souhaitable
que cet exercice prenne la forme d’une interrogation
individuelle débouchant sur l’attribution d’une note.
Cette option présente en effet un triple inconvénient :
d’une part elle ne sollicite qu’un élève, alors qu’il
s’agit de remobiliser l’ensemble de la classe ; d’autre
part elle court le risque de figer en récitation – avec ce
que cela peut avoir de monotone et d’incertain – un
moment qui doit au contraire favoriser les interactions au sein de la classe dès le début de l’heure. Ce
faisant, le professeur écarte en outre toute possibilité d’iniquité de traitement, ce qu’il convient de faire
(ré)émerger pouvant être plus ou moins étendu et/ou
complexe 4.
Une autre phase collective s’avère incontournable
avant d’entrer dans le cœur des apprentissages disciplinaires. Quand on lance l’étude d’un dossier documentaire deux voire trois précautions s’imposent en
effet. La première consiste à (faire) lire les textes à
haute et intelligible voix. Il ne faut en effet jamais
perdre de vue que nombre d’élèves, comme nous
l’avons déjà signalé, sont confrontés à des difficultés de lecture, et partant, de compréhension. Et
quiconque n’accède pas au sens littéral d’un texte et
n’est pas aidé pour le faire ne peut affronter ensuite le
travail exigé par le professeur. Or, l’expérience montre
4Rien n’empêche en revanche de procéder périodiquement
à une rapide vérification des connaissances par écrit, y
compris de manière inopinée.
Faire travailler et progresser les élèves
que, chez beaucoup, les problèmes de « décodage5 » ne
préjugent pas de la capacité à conduire une réflexion
pertinente, une fois que l’obstacle de l’accès au texte
a été levé. En sorte que, même lorsqu’il s’agit d’un
travail qui est conduit en autonomie, mais aussi à
l’occasion des évaluations, l’oralisation des supports
textuels est indispensable afin d’offrir à tous la
possibilité d’entrer, avec le maximum de chances
de réussite, dans les tâches demandées. Mais encore
faut-il contrôler que le lecteur est bien audible dans
l’ensemble de la salle et corriger toutes ses erreurs
de déchiffrement. L’enseignant intervient également pour que la ponctuation soit respectée, car les
règles en la matière sont de moins en moins suivies,
négligence qui altère fâcheusement la possibilité de
comprendre ce qui est lu. Il s’assure ensuite que le
vocabulaire est bien maîtrisé et l’explique autant
que de besoin. Ultime garantie à prendre, lorsqu’on
a affaire à un passage particulièrement dense, on en
fait formuler une « paraphrase utile » [97].
Ces détours successifs, loin de ralentir le cours –
comme on pourrait le craindre de prime abord –, se
révèlent à l’usage un levier pour en optimiser le bon
déroulement et accroître l’intérêt et la qualité du
travail mené autour de la construction des connaissances et des compétences disciplinaires, qui doit
être au cœur de chaque séance. Autant que faire se
peut, les élèves doivent alors être placés au centre des
activités proposées afin qu’ils deviennent pleinement
sujets de leurs apprentissages. Pour cela, ils sont mis
en situation de chercher ou de prélever des informations, de les situer dans le temps et/ou l’espace, de les
analyser (notamment en les reliant entre elles et en
les confrontant), de s’interroger sur leur pertinence,
et, enfin, de les ordonner dans le cadre de réponses
construites de différentes natures (textes, schémas,
tableaux, cartes, croquis, etc.). À chaque fois sont
mobilisées les capacités à réfléchir et raisonner en
général et à exercer son esprit critique en particulier 6.
Durant cette étape, il est conseillé d’alterner les
modalités de travail : tantôt le recours à l’oral, en veillant toutefois à ce que les interactions ne se réduisent
pas à une suite d’échanges entre quelques élèves et le
5Les spécialistes entendent par là la « capacité à identifier
tous les mots d’un écrit avec un objectif de prise de sens ».
(Définition proposée par Fernande Bouthémy et Thierry
Marot sur le site de l’université Paris-V).
6On rappellera qu’une liste exhaustive des compétences à
faire acquérir est placée en tête des dernières instructions
officielles [6].
81
professeur, mais bien davantage qu’elles impliquent
les élèves entre eux ; tantôt des phases de travail
individuel ou en petits groupes. Il est en effet indispensable que les élèves soient régulièrement amenés
à produire une trace écrite en autonomie à chaque
heure de cours. Attention, autonomie ne veut pas dire
que ce qui est produit dans ce contexte ne doive pas
répondre à des exigences précises. Au contraire, s’il
s’agit d’un texte par exemple, il convient d’imposer
que les travaux demandés présentent non seulement
des phrases complètes, mais encore des réponses
argumentées dûment justifiées par des exemples
développés, ou bien un paragraphe clairement structuré dès lors que l’on rédige un récit. L’enseignant
passe alors dans les rangs pour veiller à l’application
de chacun et apporter l’aide nécessaire à ceux qui en
ont besoin. Il ne manque jamais non plus une occasion de pointer les progrès enregistrés, bref d’encourager et de valoriser.
L’importance accordée à ces séquences clés du cours
ne doit pas conduire, faute de leur avoir réservé un
temps suffisant, à négliger – voire à escamoter – les
phases de correction. En effet, les recherches de JeanPierre Astolfi [40] sur le sujet ont démontré combien
les erreurs sont un levier souvent décisif pour
progresser. Il faut donc se garder de les stigmatiser ;
tout au contraire, les élèves doivent se familiariser
avec l’idée qu’elles sont inséparables des apprentissages et qu’apprendre c’est accepter de se tromper.
Aussi le professeur les reçoit-il comme une contribution comme une autre, mais dans laquelle il convient
de faire identifier, discuter, comprendre ce qui est
erroné. Ce faisant, il recueille en outre des indications
précieuses pour mettre en œuvre l’accompagnement
personnalisé (AP).
Si ces corrections sont susceptibles de prendre bien
des formes, il paraît néanmoins souhaitable qu’elles
débouchent sur une trace écrite inscrite au tableau.
Cette dernière peut classiquement donner une formulation complète du résultat attendu, mais le choix de
se limiter à quelques mots soulignant uniquement les
éléments saillants se justifie également. On retient
toutefois périodiquement la première option qui
offre l’avantage de fournir une version aboutie de ce
qui était souhaité par le professeur et, à ce titre, sert,
sinon de modèle, du moins de source d’inspiration,
tant les écrits scolaires restent globalement normatifs. Dans tous les cas, avant de clore ces phases de
correction, l’enseignant habitue les élèves à prendre
de la hauteur face à la masse des informations qui a
été brassée en les invitant à mettre en évidence des
SOMMAIRE
82
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
mots clés sur lesquels s’appuyer pour élaborer la trace
écrite de synthèse [voir encadré page 86].
Le professeur ne doit pas s’interdire, bien au contraire,
d’enrichir les temps dévolus aux corrections en apportant des informations complémentaires pour préciser
tel ou tel point, en approfondir un autre, raconter. Sa
parole vient alors relancer l’intérêt de la classe en
ouvrant de nouveaux horizons. Il est de toute façon
le plus souvent indispensable que les travaux qui ont
été réalisés par les élèves – et qui par la force des
choses ne peuvent pas embrasser l’ensemble d’une
question – soient inscrits dans une perspective plus
large et un effort de généralisation, notamment si l’on
a fait appel à une démarche inductive.
Ainsi l’enseignant peut-il concevoir une séquence
didactique cohérente structurée en huit phases à la
fois distinctes, car centrées sur des objectifs spécifiques, et étroitement articulées entre elles [voir
encadré page 84]. Cependant, les variantes ou les
approches différentes sont non seulement possibles
mais souhaitables ! Les enjeux propres aux EPI, d’une
part, et aux TICE, d’autre part, lui en fournissent
l’occasion. Mais il pourra se montrer inventif également dans le cadre des cours « classiques ». Ainsi le
travail réalisé en classe gagne-t-il parfois à se passer
du paratexte et des questions qui entourent traditionnellement les sources utilisées dans le cadre du
cours pour laisser les élèves se poser et poser leurs
propres questions, émettre des hypothèses, chercher
à identifier le contexte, formuler une problématique.
Il est aussi très formateur d’inverser la logique traditionnellement suivie dans les manuels et de placer
les élèves en situation d’appréhender les documents
sous un angle inhabituel en leur proposant de concevoir – à l’instar du maître – les questions qui permettraient d’en extraire les informations pertinentes par
rapport à telle ou telle problématique. Soyons concret
et revenons un instant sur l’Europe des Lumières que
nous avons déjà évoquée au chapitre précédent. Pour
traiter de la contestation de l’absolutisme, le cours
commence généralement par reposer ses contours
au milieu du XVIIIe siècle. Nous suggérons alors de
faire travailler la classe, préalablement répartie en
îlots, sur deux documents : une carte de l’Europe
politique à cette époque et l’un des portraits de Louis
XV en costume de sacre, peint par Louis-Michel van
Loo. Dans le premier cas, les élèves sont amenés, à
partir de l’observation de la carte et de sa légende, à
formuler des questions visant à mettre en évidence
la fragmentation politique du continent ainsi que
la prédominance des régimes monarchiques. Dans
SOMMAIRE
l’autre, l’examen de l’œuvre de van Loo permet, quant
à lui, de réutiliser les connaissances et les compétences de la classe de cinquième – et d’imaginer un
questionnement ayant l’ambition de faire identifier
les attributs du monarque absolu de droit divin et
la manière dont le pouvoir de ce dernier est mis
en scène. Une fois le travail des groupes validé par
l’enseignant, l’idée est que les élèves se penchent sur
le document sur lequel ils n’ont pas travaillé et s’efforcent de répondre aux questions préparées par leurs
camarades. Il ne s’agit que d’une proposition parmi
beaucoup d’autres possibles et nous ne disposons pas
de la place nécessaire pour multiplier les exemples 7.
On aura cependant saisi l’essentiel : enseigner l’histoire et la géographie aujourd’hui, c’est aussi essayer
de sortir des sentiers battus et contribuer à renouveler
leur image auprès des élèves, en conjuguant rigueur
et créativité, tout en favorisant les interactions entre
pairs dans la logique d’une pédagogie coopérative 8
valorisée à la fois par le Socle commun [16] et les
nouveaux programmes [6].
Rigoureux et créatif, il convient aussi de l’être pour
concevoir l’accompagnement personnalisé (AP). C’est
d’autant plus vrai que le cadre réglementaire [13 &
18] de ce qui fait figure, à côté des enseignements
pratiques interdisciplinaires, de second pilier de la
réforme du collège, a été assoupli à la rentrée 2017
en sorte que les établissements disposent d'une très
grande marge de manœuvre pour le mettre en place.
Certains partiront des classes telles qu’elles sont
constituées et recourront à des dédoublements ou à
des co-interventions ; d’autres opteront pour des fonctionnements en groupes de besoins avec des alignements entre classes, deux ou trois disciplines prenant
en charge la majeure partie des heures prévues ou
bien les équipes privilégiant l’intervention de chacune
d’entre elles en suivant une programmation. Dans de
7Pour compléter le spectre des activités évoquées au gré
des différents chapitres de ce livre, on pourra se reporter
aux propositions de Bernard Rey et Michel Staszewski
[121]. Mais, pour stimulantes qu’elles puissent paraître de
prime abord, avouons que certaines des démarches socioconstructivistes proposées par les auteurs (qu’il s’agisse
des « documents imaginaires », des « conférences débat »
ou encore des « jeux de rôle ») nous semblent à l’issue
d’un examen plus approfondi ne pas offrir les garanties
suffisantes au niveau des protocoles intellectuels mobilisés
pour être appliquées en classe.
8Sur cette démarche, on consultera avec profit la somme
de Sylvain Connac [48], qui combine apports théoriques
et exemples concrets – même si ce deuxième versant de
l’ouvrage ne s’appuie que sur des situations relatives au
premier degré. On pourra préférer, du même auteur, une
approche plus synthétique [49].
Faire travailler et progresser les élèves
nombreux cas aussi, il s’agira pour l’enseignant de
construire l’accompagnement personnalisé dans le
cadre de son cours ordinaire. Loin des contraintes
induites par les découpages inscrits dans les emplois
du temps, cette solution présente l’avantage de la
souplesse en permettant de s’adapter aux besoins
au fur et à mesure de leur apparition, car, sans que
cela soit nécessairement prévisible, chaque élève
peut être en situation de maîtriser une notion ou au
contraire de se trouver en difficulté face à une autre.
Par ailleurs, si les textes proposent un minimum
horaire à respecter, rien n’interdit – bien au contraire
– au professeur de s’inspirer de la philosophie qui a
présidé à la création de l’accompagnement personnalisé pour en appliquer les principes en dehors du
cadre horaire prescrit et d’introduire une logique
de différenciation dans toutes les séances où cela
lui semble propice à une meilleure conduite des
apprentissages.
« Différencier », le mot mérite qu’on s’y arrête tant il
s’avère inséparable du nouveau dispositif qui nous
occupe 9. Il désigne la diversification des méthodes,
des rythmes, voire des objectifs, afin de tenir compte
de la richesse des profils présents dans une classe. À
des élèves nécessairement différents répondent logiquement des stratégies et/ou des projets différents.
La pédagogie différenciée part donc de l’élève. Elle
adapte la vitesse d’avancement dans le programme
et varie la complexité des contenus en fonction des
acquis des uns et des autres. Mieux, elle prend soin
de « se pencher sur ce qui est spécifique à chacun
dans sa manière d’apprendre » afin de déterminer
ce que Philippe Meirieu [63] appelle « les variablessujet », leur prise en compte par l’enseignant
devant permettre de négocier les apprentissages de
« manière personnelle et efficace ». La différenciation ne vise donc pas seulement la remédiation ; elle
permet de proposer à tous les élèves, y compris ceux
qui ne rencontrent pas de difficultés, des activités qui
correspondent à leurs besoins.
Il en va de même pour le dispositif introduit par la
réforme du collège – qui se distingue en cela de la
notion de soutien. Il faudra donc veiller à apporter
9C’est à Louis Legrand que l’on doit l’expression « pédagogie
différenciée » qu’il emploie dès le début des années 1970,
à une époque où la massification scolaire en cours dans le
secondaire – qui s’accélèrera avec l’application progressive
de la loi Haby votée le 11 juillet 1975 – en fait émerger la
nécessité. On pourra se reporter à la dernière synthèse de
l’auteur qui contient une précieuse anthologie sur le sujet
[60].
83
également de la différenciation en direction des
meilleurs élèves. Dans la pratique, la construction
des séances et des séquences incluant l’accompagnement personnalisé se rapproche de ce qu’un
professeur des écoles élabore lorsqu’il travaille
dans une classe à plusieurs niveaux. Dans le cas de
l’enseignant d’histoire-géographie, les objets seront
cependant nettement plus circonscrits. Ainsi, dans
un temps donné, choisit-il de traiter d’un point particulier (un thème, un savoir-faire disciplinaire, une
compétence transversale, des connaissances à mémoriser, etc.) en visant plusieurs degrés de maîtrise
selon ce qu’il pressent de la capacité de ses élèves,
mais aussi en proposant plusieurs chemins pour y
parvenir. Concernant l’adaptation des contenus, il
peut fournir des dossiers documentaires inégalement étoffés, fixer différents paliers de complexité
pour la production attendue, définir plusieurs stades
d’approfondissement lorsqu’il invite les élèves à
conduire des recherches personnelles au CDI. En
termes de configurations pédagogiques cette fois, il
peut être judicieux de constituer plusieurs groupes
répartis en îlots distincts afin d’apporter une aide
méthodologique ciblée ou au contraire pour favoriser l’autonomie, sans s’interdire de faire appel à
des solutions plus innovantes, telle que la pédagogie
inversée par exemple. En suivant cette démarche
originale, le professeur propose à la classe de prendre
connaissance de ressources (numériques si possible
afin d’en renforcer l’attrait) en dehors des heures de
cours (mais pas nécessairement à l’extérieur de l’établissement) pour qu’il puisse consacrer ces dernières
au suivi des élèves, soit en supervisant des exercices,
soit en les aidant, dans le cadre d’une étude de cas,
à structurer et à donner une forme intelligible à leur
réflexion, ou bien encore en régulant la conduite d’un
projet. Il veille cependant à toujours organiser une
reprise en commun du travail de chacun de façon
à ce que la classe dans son ensemble bénéficie des
avancées de tous.
Dans tous les cas de figure, la construction des temps
d’accompagnement personnalisé passe nécessairement par une phase de diagnostic. Là aussi, selon les
établissements, le choix se portera sur des méthodes
partagées – par exemple à travers la conception et
l’utilisation d’un outil d’évaluation diagnostique
commun – ou bien l’analyse sera recentrée sur les
besoins propres à chaque discipline. Mais, quelle que
soit la solution retenue, l’équipe pédagogique aura
tout intérêt à partager les objectifs sélectionnés et
à formaliser, même sommairement, la progression
envisagée sur des durées clairement circonscrites,
SOMMAIRE
84
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
de façon à utiliser les moments de bilan (comme les
conseils de classe) pour faire le point sur les progrès
des élèves. Indéniablement, dans l’esprit des concepteurs de l’accompagnement personnalisé, il y avait
la volonté de conduire les enseignants à approfondir
les logiques de concertation, d’échange de pratiques
et d’impulsion de dynamiques communes, bref de
viser à renforcer le travail en équipe. Dans cet esprit,
l’apport de professionnels tels que le professeur
documentaliste ou les assistants d’éducation – à plus
forte raison les assistants pédagogiques quand on en
dispose – a toute sa place et peut s’avérer utile non
seulement pour la conduite des recherches documentaires, mais plus largement dans la prise en charge
et la gestion du travail en groupes. Cependant, leur
disponibilité et l’esprit des textes limitent nécessairement ce recours, dans la mesure où l’accompagnement personnalisé doit s’inscrire clairement dans un
cours et une discipline donnés.
Le déroulement d’une séance
Dans le prolongement de nos considérations
sur les modalités de mise en activité des élèves,
on peut résumer à travers un schéma le déroulement possible, parmi bien d’autres, d’une
séance. Son seul mérite est de mettre en évidence
certains des aspects qui gagnent à retenir l’attention de l’enseignant. Il n’a aucunement vocation
à faire figure de modèle à dupliquer de façon
systématique.
N.B. : Écrit en capitales, le nom de chaque phase
est suivi des compétences qui y sont visées et,
entre parenthèses, des configurations de classe
envisagées.
PHASE D’IMPULSION
Problématiser et/ou rappeler les acquis des
séances précédentes.
(En classe entière à l’oral avec une trace écrite
pour la problématique.)
PHASE DE DÉCOUVERTE
Prendre contact avec un dossier documentaire,
i.e. présenter les documents, les « décoder »,
mettre en évidence leur thème central voire faire
une paraphrase utile.
(En classe entière à l’oral.)
SOMMAIRE
PHASE DE DÉFINITION DES TÂCHES
Comprendre les consignes, i.e. les reformuler,
identifier des critères de réussite, la démarche
intellectuelle à suivre et les procédures pour la
mettre en œuvre.
(En classe entière à l’oral/en groupes restreints
avec l’aide du professeur.)
PHASE DE RECHERCHE DE L’INFORMATION
Prélever des informations précises dans les documents pour répondre aux questions dans la perspective ouverte par la problématique.
(En classe entière à l’oral/seul ou en groupes à
l’écrit, en bénéficiant de l’accompagnement du
professeur si nécessaire.)
PHASE DE TRAITEMENT DE L’INFORMATION
Situer les informations dans le temps et/ou
l’espace, les analyser – notamment en les reliant
entre elles et en les confrontant –, s’interroger
sur leur pertinence.
(En classe entière à l’oral/seul ou en groupes à
l’écrit, en bénéficiant de l’accompagnement du
professeur si nécessaire.)
PHASE DE RÉGULATION
Corriger son travail en tirant profit de ses erreurs.
(En classe entière à l’oral avec une trace écrite/en
groupes restreints avec l’aide du professeur.)
PHASE D’APPROFONDISSEMENT
Écouter le professeur et éventuellement lui poser
des questions.
(En classe entière à l’oral.)
PHASE DE BILAN
Faire la synthèse des connaissances et des
compétences travaillées, les hiérarchiser, sélectionner celles qui feront l’objet d’une trace écrire,
rédiger cette dernière.
(Collectivement/seul ou en groupes, avec l’accompagnement du professeur si nécessaire.)
TRAVAILLER
L’EXPRESSION
ORALE ET ÉCRITE
Le socle invite à sortir d’une logique de cloisonnement
disciplinaire pour envisager les apprentissages de la
scolarité obligatoire dans une perspective globale de
façon à renforcer leur cohérence et leur lisibilité pour
les élèves. S’il est un domaine où cette exigence prend
tout son sens, c’est bien celui de l’expression, qu’elle
soit orale ou écrite. L’orthographe, la grammaire, les
techniques de l’argumentation font indéniablement
partie de ces « fondamentaux » dont l’acquisition
est incontournable pour pouvoir suivre et progresser
dans l’ensemble des matières. Or, toutes disciplines
confondues, les enseignants ne cessent de déplorer
chez les élèves une insuffisante maîtrise du français
ainsi que des difficultés à structurer la formulation
de leur pensée et, dans le même temps, ils laissent
trop souvent aux seuls collègues de lettres le soin d’y
remédier. Ainsi les prescriptions ministérielles visant
à faire de la langue l’une des priorités au collège se
succèdent-elles et l’on peine pourtant, sur le terrain,
à sortir de la seule déploration. Il est donc temps de
se convaincre que l’acquisition de son bon usage est
l’affaire de tous et que chaque enseignant doit lui
faire un sort dans sa discipline.
Il faut cependant reconnaître que les publications
destinées à accompagner les professeurs dans cette
tâche demeurent à ce jour peu nombreuses [99].
L’application de quelques principes simples peut
toutefois suffire. En premier lieu, le professeur se
montre attentif à la qualité de son propre niveau
de langue tant l’environnement linguistique exerce
une influence décisive sur les compétences langagières des enfants et des adolescents, aussi bien à
l’oral qu’à l’écrit. Les (bons) exemples entendus en
classe les familiarisent avec un vocabulaire et des
tournures dont ils ne sont pas toujours coutumiers.
L’enseignant veille par exemple à finir ses phrases,
à faire l’inversion du sujet lorsqu’il pose une question, voire à appliquer les règles de la concordance
des temps qui régissent l’emploi de l’imparfait du
subjonctif. (Dans quel autre contexte ses auditeurs
auront-ils l’opportunité de le voir utiliser, alors même
qu’il s’agit d’une forme verbale qui participe de notre
héritage culturel ?)
Réciproquement, les élèves sont tenus de ne pas
s’exprimer dans un français relâché. Sans bien
évidemment attendre qu’ils recourent à l’imparfait
du subjonctif, il leur est demandé de faire des phrases
complètes et de penser à l’inversion du sujet, pour
reprendre les exemples cités. Cet effort qui leur est
demandé, pour rigoureux qu’il soit, gagne à s’inscrire
dans une démarche ludique (le professeur devient
subitement et très ostensiblement sourd lorsqu’une
forme incorrecte est utilisée, etc.). Il faut en effet
prendre garde de ne stigmatiser personne, car l’enjeu
n’est pas de rejeter qui que ce soit mais au contraire
de permettre à tout le monde d’accéder aux normes
académiques.
Le travail qui est réalisé à l’oral ne tarde pas à porter
ses fruits à l’écrit. Les réflexes qui ont été acquis dans
un contexte fonctionnent également dans l’autre.
Mieux, le défi permanent auquel les élèves ont
répondu en parlant un français correct permet d’intégrer plus aisément l’exigence d’une égale correction dans les textes qu’ils produisent. « Production »,
le mot est l’un des sésames de la maîtrise de la
langue (à côté de la lecture), car c’est en écrivant
que l’on parfait ses moyens d’expression. Il faut
donc multiplier les occasions de rédiger en classe.
Ainsi ne doit-il pas y avoir d’heures de cours durant
lesquelles les élèves ne soient pas invités à le faire.
L’accompagnement personnalisé offre aussi un cadre
idéal pour approfondir, chez ceux pour qui elle reste
difficile, la pratique des types de discours dont on
note la récurrence dans nos disciplines (la description, l’explication, l’argumentation, le récit). Un autre
moyen de faire progresser les élèves est de prendre
l’habitude d’élaborer collectivement une trace écrite
de synthèse à la fin du cours. Il est alors judicieux
d’utiliser un clavier mobile relié au vidéoprojecteur
pour le faire dans d’excellentes conditions. Dans ce
cas, en plus de trouver les idées et de les agencer, il
SOMMAIRE
86
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
est aussi possible de travailler sur le vif l’orthographe
et la grammaire, à partir des difficultés auxquelles
les élèves qui saisissent le texte en temps réel sont
confrontés. Non seulement cette façon de procéder
est plébiscitée du fait des moyens techniques mobilisés et des interactions qu’elle suscite au sein de la
classe, mais en outre l’usage montre que travailler la
maîtrise de la langue « en situation » permet d’enregistrer le plus de progrès. 1
Elles figurent en italique dans le développement
qui suit en respectant le code des couleurs utilisées en classe 2. Elles coexistent dans les cahiers
des élèves avec celles qu’ils ont rédigées en autonomie (au crayon à papier afin d’être distinguées
des autres) et qui ne doivent pas être effacées,
même si elles s’avèrent approximatives ou erronées, car elles témoignent du travail personnel
fourni par chacun durant les cours. Précisons
enfin que les mots soulignés sont ceux qui
ont été isolés par les élèves à la fin de l’étude
pour servir de point d’appui à la rédaction de la
synthèse qui clôt le cours.
La découverte du dossier documentaire crée un
horizon d’attente et débouche sur la formulation
Les différentes traces écrites d’une séance
On ne dira jamais assez l’importance des traces
écrites consignées par les élèves dans leurs
cahiers, soit qu’ils les aient produites eux-mêmes,
soit qu’ils les aient recopiées. Elles ont trop
tendance à être remplacées par des photocopies.
Les unes et les autres n’ont pourtant pas la même
portée pédagogique. Les premières supposent un
réel travail, quand les secondes ne donnent pas
toujours lieu à un effort d’appropriation. Elles sont
en outre fréquemment égarées faute d’avoir été
dûment collées.
d’une problématique très simple :
Pourquoi des massacres sont-ils perpétrés à l’encontre des protestants dans le royaume de France au
XVIe siècle ?
Le rappel par les élèves des acquis sur la Réforme
que complète l’examen d’un premier document
– une gravure catholique diabolisant les protestants – permet de poser le contexte global de la
période. Cette première phase de travail effectué
collectivement à l’oral se referme avec une
correction (écrite en vert) qui prend la forme
d’un schéma :
Différentes traces écrites prennent place dans
une séance. Les exemples proposés ci-dessous à
titre indicatif sont issus d’une leçon d’un court
chapitre intitulé « Pouvoirs politiques et religion
en Europe (XVIe-XVIIe siècle) », déclinaison du
troisième thème de l’année de cinquième. Pour
étudier ce que recouvre précisément cette question, nous avons choisi de retenir l’exemple du
royaume de France, tant cette période est inséparable de moments qui sont autant de « lieux de
mémoire » de notre histoire, à savoir : le massacre
de la Saint-Barthélémy perpétré sous le règne de
Charles IX, l’édit de Nantes octroyé par Henri IV
La France était divisée entre
catholiques et protestants.
[Le terme (huguenots) sera ajouté
lors de la phase suivante]
Les deux communautés s’opposaient
avec haine et violence.
et sa révocation par Louis XIV. Les traces écrites
présentées ici sont celles qui ont été produites
sous la responsabilité du professeur et inscrites
au tableau à l’occasion de la séance consacrée à
« l’événement monstre » 1 de l’année 1572. Mais
le sujet importe peu en l’occurrence. L’objectif
est surtout de montrer les différentes formes
et statuts qu’elles peuvent avoir, ainsi que leur
articulation.
Un cycle de guerres de religion s’enclencha.
(doc. 1)
Le professeur expose le contexte immédiat de
l’événement à travers un récit qui fait ressortir
les jalons suivants : durant l’été 1572, les chefs
protestants, qu’on appelait les huguenots, se
rendirent à Paris pour assister au mariage d’Henri
2
1On emprunte la notion à Pierre Nora [117]. Sur le concept
d’évènement, on renverra en outre à deux articles paru
dans la revue Terrain [76 & 95].
SOMMAIRE
2Note de l’éditeur : nous avons transposé le code couleur
comme suit : le bleu en italique noir ; le vert en italique
gris ; le rouge en italique noir gras.
Faire travailler et progresser les élèves
87
de Navarre (protestant) avec Marguerite de Valois,
sœur du roi Charles IX (catholique, conformément
à la tradition monarchique française). La célébration eut lieu le 18 août. Tout bascula quatre
jours plus tard. En sortant du palais du Louvre où
résidait la cour, Coligny, le chef des protestants,
fut victime d’un attentat. Les capitaines huguenots réclamèrent justice et un climat d’extrême
tension s’instaura. Il fut décidé de les éliminer,
mais tous les calvinistes furent finalement ciblés.
C’est ce que l’on nomme le
Massacre de la Saint-Barthélémy
Débute alors la dernière partie de la séance. Elle
consiste à élaborer collectivement – via un clavier
mobile relié au vidéoprojecteur qui circule dans
la classe – un bilan qui fasse synthèse de l’étude
de cas en s’appuyant sur les mots clés inscrits
au tableau. Il faut veiller à ce qu’il soit bref et
que ce qui devra être mémorisé apparaisse clairement (en rouge). Cette étape cruciale du cours
fournit aux élèves l’occasion non seulement de
structurer leur pensée et leur savoir à travers
une argumentation rigoureuse, mais aussi de
travailler la maîtrise de la langue.
Les élèves reprennent en autonomie l’examen du
dossier documentaire pour caractériser l’événe-
Au XVIe siècle, suite à la diffusion des idées de Calvin
en France, le royaume était divisé par une hostilité
ment sous la forme d’un paragraphe en confrontant un texte (extrait des Mémoires de Sully) et
une image (le célèbre tableau de François Dubois).
Avant de commencer la reprise en classe entière,
quelques précisions sont données sur l’artiste
et son œuvre (un peintre parisien réchappé
du massacre, qui s’était réfugié en Suisse.
Traumatisé par ce qu’il avait vu, il chercha à
restituer l’horreur de l’événement plus qu’à
en donner une représentation littérale : aussi
mélange-t-il le réel et l’imaginaire). Comme les
élèves ont accumulé une matière abondante, la
correction s’organise autour de quelques questions simples. Quand ? en 1572. Où ? à Paris. (La
peinture montre l’entrée du palais du Louvre,
résidence parisienne du roi.) Quels types d’individu voit-on commettre des meurtres ? Des
soldats (casqués, cuirassés et armés d’épées, de
hallebardes et d’arquebuses) mais aussi des civils
(qui frappent à l’aide de gourdins) y participèrent.
Quel est le bilan du massacre ? On dénombre des
entre catholiques et huguenots [nom donné aux
protestants sous l’Ancien Régime]. Mais, d’une divergence de doctrines religieuses, on bascula vers des
affrontements violents que l’on nomme les guerres
de religion. Le massacre de la Saint-Barthélemy
[déchaînement de violence des catholiques contre
les protestants, qui se solda par des milliers de
victimes en 1572] en constitua l’événement le plus
terrible. Il mit en évidence que le pouvoir royal,
affaibli, ne parvenait pas à imposer son autorité
aux deux partis.
milliers de victimes. (Environ 2 000 à 3 000 morts
dans la capitale sur une durée de trois jours. Et
les massacres se propagèrent à plusieurs villes
de province.) Les lignes de force ayant été tracées,
l’enseignant précise que les principales figures des
partis en présence étaient : le duc de Guise, chef du
parti catholique, qui tient la tête de l’amiral de
Coligny, chef du parti protestant, le roi Charles IX
et sa mère, Catherine de Médicis. Ils sont visibles,
regardant la scène depuis une terrasse. Ainsi, le
roi qui avait normalement le devoir de protéger
ses sujets, empêcha-t-il les violences entre catholiques et protestants ? Que peut-on en conclure
sur son pouvoir ? Le pouvoir royal était affaibli.
SOMMAIRE
ÉVALUER
POUR FAIRE PROGRESSER
LES ÉLÈVES
La manière d’aborder l’évaluation a beaucoup
évolué ces dernières décennies ; elle reste toutefois aujourd’hui encore en partie un impensé des
pratiques pédagogiques. Aussi n’est-il peut-être pas
superflu de commencer par rappeler ce qu’elle n’est
pas ou plus. Au collège, on ne le redira jamais assez,
elle n’a vocation ni à classer ni à sélectionner les
élèves. Il faut en effet définitivement rompre avec
la vieille tradition du tableau d’honneur. Durant les
cycles 3 et 4, l’école de la République est celle de
la réussite de tous et elle ne peut être assimilée à
une suite d’épreuves avec phases éliminatoires. Le
socle, dont l’introduction remonte à 2006 [31], invite à
tourner le dos à l’idée de compétition scolaire, comme
y insiste François Dubet [52]. Il vise à faire en sorte que
l’ensemble des élèves atteigne (au moins) un certain
niveau de base – ce n’est pas pour rien que, bien qu’il
ait été refondu et qu’il ait changé de nom depuis 1,
le même adjectif lui reste accolé : il est « commun »
à tous. C’est d’autant plus vrai que, comme l’écrit
Michel Hagnerelle, aujourd’hui les programmes
sont clairement « “connectés” au Socle : traiter les
programmes, c’est poursuivre les objectifs du Socle.
C’est à partir des connaissances et des compétences
définies dans les programmes que se fait l’évaluation
du Socle et que sont conçues les épreuves du diplôme
national du brevet » [86].
L’évaluation n’est pas non plus une fin en soi. Elle
n’est qu’un moyen mobilisé parmi d’autres pour
faire progresser les élèves. Elle doit donc être appréhendée, conçue, utilisée et expliquée pour ce qu’elle
est : un outil de la panoplie pédagogique que déploie
le professeur dans le cadre d’une stratégie globale
pour mener à bien les apprentissages. Dans cette
optique, il convient que tous les acteurs concernés – au
premier rang desquels les élèves et les parents – en
1On est en effet passé du socle commun de connaissances
et de compétences [31] au socle commun de connaissances,
de compétences et de culture actuellement en vigueur [16].
dédramatisent les enjeux et les résultats 2. Il ne faut
en effet pas perdre de vue que l’évaluation n’a que
deux objets – qu’il ne faut cesser de rappeler à ceux
qu’elle concerne. Elle cherche tout d’abord à mesurer
les acquis et, autant que faire se peut, à acter les
progrès. Elle sert ensuite de levier pour se projeter
dans la suite des apprentissages, notamment pour
remédier aux difficultés rencontrées grâce à des
temps de régulation ad hoc. Disons-le donc nettement :
il faut se débarrasser de la pression évaluative qui
s’avère trop souvent contre-productive.
Définir ainsi l’acte d’évaluer entraîne plusieurs corollaires. Le premier consiste à cibler très rigoureusement ce dont l’enseignant veut contrôler le degré de
maîtrise. Globalement, la philosophie de nos disciplines
veut qu’il demande aux élèves d’être capables, le plus
fréquemment à partir de l’examen d’un dossier documentaire, de situer des faits dans l’espace et le temps,
de les confronter et de les analyser, bref de conduire une
réflexion puis d’en restituer le fruit, à l’oral ou à l’écrit,
à travers les genres canoniques de la culture scolaire
(la réponse à une question, un paragraphe argumenté,
2Il est, entre autres choses, impératif d’éviter que les
difficultés rencontrées – notamment chez ceux pour qui
l’univers du collège réclame une forte acculturation – ne se
muent en un constat d’échec sans appel. François Dubet
[53] a mis en évidence que ce dernier se construit très vite
et que non seulement il engendre la démotivation mais
qu’il peut en outre déboucher pour certains élèves sur des
violences anti-scolaires. En effet, parce qu’ils se croient
renvoyés à une inaptitude et « se sentent humiliés par
l’école qui ne peut leur donner qu’une image dévalorisante
d’eux-mêmes, ils choisissent de défendre leur dignité en
créant, dans la communauté des garçons en particulier, une
hiérarchie de valeurs qui renverse celle de l’école ».
Ce processus de protection et les conduites agressives
qui en résultent sont d’autant plus fréquents que,
contrairement à la situation qui a prévalu jusqu’aux années
1960 et où « l’essentiel de la sélection était effectuée en
amont de l’école, par la position sociale qui distribuait les
enfants dans tel ou tel type de formation », à l’heure de
l’école de masse s’insinue l’idée que ce sont les qualités
personnelles de chacun qui conduisent à la réussite ou à la
relégation, plus que l’injustice sociale.
SOMMAIRE
90
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
un tableau, un schéma, un croquis, un exposé, etc.).
C’est particulièrement net au cycle 4 où les capacités
d’interprétation sont de plus en plus mobilisées. Dans
le cadre propre à chaque chapitre, l’évaluation porte
en outre sur les contenus qui ont été strictement délimités lorsqu’on a établi la liste des objectifs en conformité avec les instructions officielles. Une référence
scrupuleuse à ces dernières et à l’esprit du Socle doit
conduire non seulement à ne retenir qu’un nombre
assez restreint de savoirs et de savoir-faire mais encore
à ce que le plus grand nombre puisse les mobiliser aisément. Il n’y a donc pas lieu de tergiverser a priori sur le
niveau de difficulté pour savoir si l’on donnera un sujet
« facile » ou « difficile » qui réserverait plus ou moins
de chances de réussir. Pour résumer et contrairement
à certaines idées reçues, le professeur ne perdra jamais
de vue que, dans l’idéal, tout le monde doit pouvoir
prétendre à la note maximale, et que, dans les faits,
on devrait l’attribuer à beaucoup sinon à tous 3. Dans
le même esprit, parmi les quatre niveaux de maîtrise
identifiés par le Ministère (pour mémoire : « maîtrise
insuffisante », « maîtrise fragile », « maîtrise satisfaisante », « très bonne maîtrise »), le niveau de référence, celui qui correspond aux attendus de fin de cycle
pour tous les élèves, est le troisième, c’est-à-dire une
maîtrise satisfaisante.
Il est cependant légitime de faire intervenir la question de la gradation de la difficulté si elle est abordée
dans une stricte logique cognitive. Il conviendra par
exemple de s’interroger pour déterminer s’il est plus
pertinent de placer les élèves dans une situation de
simple application (i.e. mettre en œuvre des connaissances et des compétences dans des conditions très
similaires à celles de l’apprentissage) ou bien dans
une situation où ils devront décontextualiser ce
qu’ils ont appris (i.e. mobiliser des connaissances et
des compétences dans un contexte différent de celui
du cours). Dans les deux cas de figure, le niveau de
maîtrise mesuré n’est bien évidemment pas comparable : la seconde option est plus exigeante en ce
qu’elle suppose une appropriation plus approfondie
mais elle atteste en cas de succès d’acquis pleinement
opératoires ainsi que d’une réelle autonomie. C’est
bien in fine ce qui est recherché. Mais l’enseignant
fait en sorte que les élèves aient préalablement eu
l’occasion à la fois de se trouver dans des situations
3Cette question interpelle d’ailleurs directement le
professeur sur la manière dont il remplit la mission qui lui
est confiée, car c’est bien dans la mesure où le maximum
d’élèves atteint les objectifs qu’il a définis qu’il peut
considérer que son enseignement a été performant.
SOMMAIRE
similaires et de manipuler des documents de même
type. Pour le dire autrement, il est indispensable qu’ils
bénéficient d’un entraînement régulier.
Puisque l’ambition est d’offrir au plus grand nombre
la possibilité de valider l’acquisition des objectifs
définis par les programmes et le socle commun, les
« surprises » sont à proscrire. Tout ce qui fera l’objet
d’une évaluation est donc explicité en tant que tel.
C’est pour cela que l’on aura pris soin d’exposer
oralement, puis d’inscrire dans le cahier de texte
numérique, la liste exhaustive des connaissances et
des compétences abordées dans le chapitre. Il est par
ailleurs souhaitable que les élèves disposent d’une
fiche de révision et d’auto-évaluation susceptible de
les guider dans leur travail personnel, tout en leur
fournissant le moyen d’apprécier où ils en sont dans
leur appropriation de ce qui est demandé par le
professeur. À l’occasion, il peut leur être demandé de
la produire eux-mêmes. Cet effort de métacognition
peut sembler ambitieux mais il se révèle être, à l’usage,
un élément décisif pour progresser et se motiver.
Les classes en prennent rapidement conscience et
plébiscitent ce genre d’outil. C’est important, car un
basculement décisif s’effectue alors : les collégiens
n’apprennent plus pour être évalués, ils comprennent
qu’ils sont évalués pour mieux apprendre. On peut
d’ailleurs valoriser cette démarche en suggérant à
chacun de rendre son auto-évaluation avec sa copie
afin de se voir attribuer des « points bonus » lorsque
ce travail est globalement objectif 4. Ce faisant, le
professeur dispose en outre d’une source d’information supplémentaire pour cerner le cheminement de
chacun dans les apprentissages.
Il faut d’ailleurs aller plus loin encore dans le souci
d’accompagner les élèves. En effet, si annoncer ce qui
sera évalué est indispensable, cela n’est pour autant
pas suffisant. Il convient également d’objectiver les
critères de réussite à travers des explications données
en amont du contrôle mais également en rédigeant
des consignes détaillées sur ce point dans le sujet
lui-même, notamment si les élèves sont placés en
situation de décontextualiser ce qu’ils ont appris.
4L’idéal serait même d’aller jusqu’au bout de la philosophie
qui sous-tend l’apprentissage par compétences et
d’impliquer complétement l’élève dans sa propre
évaluation en faisant en sorte que ce soit lui qui établisse
le diagnostic d’acquisition et, lorsqu’il se sent prêt, en
demande confirmation, et le cas échéant, attestation par le
professeur.
91
Faire travailler et progresser les élèves
Mieux : afin de favoriser la réussite de tous les élèves,
il est conseillé de leur proposer des aides qui constituent une sorte de « boîte à outils ». L’étayage fourni
(définitions, documents complémentaires, consignes
supplémentaires avec la marche à suivre, plan détaillé
du développement attendu, etc.) n’apporte toutefois
pas de réponses directes ; ceux qui y ont recours
doivent savoir le mobiliser à bon escient.
Il est une autre dimension qui réclame toute l’attention du professeur, c’est celle du temps personnel lors
duquel l’élève mémorise les connaissances et s’entraîne à réutiliser les compétences abordées durant
le cours. Dans maintes classes, ce genre de travail est,
à l’évidence, insuffisant voire inexistant. La question
est souvent corrélée au suivi dont l’élève bénéficie
ou non dans son milieu familial. On le sait, l’école
reproduit souvent les inégalités sociales – quand
elle ne les accentue pas 5. Il ne saurait être question
d’accepter ce constat sans tenter d’y remédier, au
moins partiellement. Il n’existe bien évidemment
pas de solution miracle, mais un début de réponse
consiste à faire en sorte que le travail personnel traditionnel demandé hors du temps scolaire soit réalisé
en classe. C’est pourquoi, lorsqu’il fait le constat que
le travail personnel, et notamment la préparation que
réclame une évaluation, n’est pas fait correctement,
l’enseignant n’hésitera donc pas à réviser sa programmation annuelle de façon à intégrer dans le volume
horaire dont il dispose des plages d’aide à l’apprentissage des leçons. Ainsi, au-delà des brefs moments
de reformulation des acquis à la fin de l’heure et au
début de la séance suivante, prévoira-t-il un temps
de révision plus substantiel placé dans les jours qui
précèdent l’interrogation. On gagnera alors à solliciter
tous les détours susceptibles de mobiliser les élèves
en général et ceux n’ayant pas un profil très scolaire
en particulier : jeux, astuces mnémotechniques, utilisation du téléphone portable (après accord du chef
d’établissement) pour s’interroger mutuellement, etc.
Insistons aussi sur le fait que l’évaluation ne doit
pas être close sur elle-même. Une fois réalisée, elle
fait l’objet d’un travail spécifique. Mais encore faut-il
que les élèves puissent comprendre leurs réussites
comme leurs échecs. Aussi l’enseignant accompagnet-il les copies qu’il rend d’outils qui permettent de
5Les ouvrages pionniers de Pierre Bourdieu et Jean-Claude
Passeron [41 & 42] ont joué un rôle majeur dans cette
prise de conscience. Pour une synthèse actualisée sur cette
question qui a suscité de très nombreuses recherches, on
pourra se reporter aux travaux de Marie Duru-Bellat [55 & 56].
les identifier facilement. Il peut utiliser la fiche déjà
mentionnée, ce qui offre l’opportunité à chacun de
confronter son (auto-)évaluation à celle du professeur,
ou bien recourir à une grille plus synthétique pointant les performances de l’élève dans quatre grands
domaines qui concernent respectivement les connaissances, les compétences, la capacité à argumenter et
la maîtrise de la langue. Ce souci d’explicitation rend
la phase de correction beaucoup plus productive, car
chacun peut alors se concentrer sur les champs dans
lesquels il lui faut encore progresser. C’est dire que la
correction ne doit nullement se borner à indiquer les
bonnes réponses mais bien enclencher un travail de
remédiation – que l’accompagnement personnalisé
offre la possibilité de conduire dans les meilleures
conditions, même si cette option n’a rien d’exclusif.
Quel que soit le dispositif pédagogique auquel il est
fait appel, un corrigé complet et entièrement rédigé
est toujours fourni, au moment qui semble le plus
opportun, de façon à ce que les élèves aient un étalon,
sinon un modèle, auquel se référer pour se représenter
aussi précisément que possible ce qui était attendu
d’eux et qu’ils disposent de repères solides sur le
chemin qui leur reste à parcourir en vue d’atteindre
une pleine réussite.
Faut-il rappeler, pour finir, que dans le cadre du Socle
commun, l’évaluation, dans sa dimension certificative, doit être conçue et pratiquée dans une logique
interdisciplinaire ? Aussi bien est-il incontournable
que les membres de chaque équipe pédagogique se
concertent pour positionner collectivement les acquis
des élèves.
Une fiche de révision et d’auto-évaluation
La fiche de révision et d’auto-évaluation proposée
ci-dessous a été conçue dans le cadre du cours
sur l’adaptation du territoire des États-Unis aux
nouvelles conditions de la mondialisation, souspartie du troisième thème de géographie du
programme de quatrième. Elle est distribuée aux
élèves dès le début du chapitre.
Cette fiche est destinée à vous aider dans vos révisions. Elle récapitule ce que vous devrez être mesure
de faire le jour de l’interrogation. Elle doit également
vous permettre d’évaluer votre degré de maîtrise des
objectifs visés. Vous devrez la glisser renseignée dans
votre copie.
SOMMAIRE
92
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
CONNAISSANCES / COMPÉTENCES
ACQUISE
EN COURS
D’ACQUISITION
RÉVISIONS SUR LE CHAPITRE EN COURS
Définir et utiliser à bon escient :
– mégalopolis ;
– suprématie.
Localiser et situer sur une carte des États-Unis
les repères spatiaux suivants :
– cinq métropoles de taille mondiale ;
– la mégalopolis ;
– les principaux territoires intégrés à la
mondialisation ;
– les trois grandes façades portuaires.
Expliquer que les États-Unis :
– occupent une place centrale dans
l’économie mondiale ;
– ont un modèle culturel qui s’est diffusé à
l’échelle planétaire ;
– accueillent des flux migratoires importants ;
– disposent d’une suprématie militaire et
diplomatique sur la scène internationale.
Caractériser l’impact de la mondialisation sur
l’organisation du territoire américain en
mettant en évidence le rôle :
– de la métropolisation ;
– des façades maritimes ;
– des régions qui concentrent les activités de
haute technologie.
Décrire des paysages représentatifs de
l’adaptation des États-Unis aux nouvelles
conditions de la mondialisation.
Réaliser un croquis ou un schéma rendant
compte des grands traits de l’organisation du
territoire des États-Unis.
RÉVISIONS DES ACQUIS ANTÉRIEURS DE LA CLASSE DE 4e
Définir et utiliser à bon escient :
– mondialisation ;
– métropolisation ;
– littoralisation.
RÉVISIONS DES ACQUIS DES CLASSES DE 6e ET DE 5e
Connaître les repères géographiques de 6e.
Connaître les repères géographiques de 5e.
CAPACITÉS RELATIVES AU DOMAINE 1 DU SOCLE COMMUN
Rédiger des réponses argumentées.
Rédiger des phrases dans un français correct.
SOMMAIRE
NON ACQUISE
INTERAGIR AVEC
LES PARTENAIRES
DE L’ÉCOLE
ET LES PARENTS
L AURENCE MARION
SOMMAIRE
Tout au long des pages qui précèdent, nous avons insisté sur les évolutions de fond qui
ont façonné l’école telle que nous la connaissons aujourd’hui. L’une d’entre elles concerne
l’ouverture sur la société, et les établissements construisent tous, à présent, des réseaux
de partenaires, selon des statuts et des degrés de coopération variés. Qu’il s’agisse des
institutions intervenant sur les mêmes publics (enfants et adolescents), des services des
collectivités territoriales, des établissements culturels, ou d’entreprises, d’associations et
parfois même de personnes invitées au seul titre de leur engagement citoyen, la présence
d’intervenants extérieurs dans les classes n’est plus une exception. Pour autant, ces partenariats ne sauraient être une fin en soi, et leur nombre ou leur prestige ne dit rien de la
qualité des liens tissés ni de leur pertinence pour le travail éducatif et pédagogique.
Les enseignants peuvent être à l’initiative de ces relations privilégiées. Ils peuvent aussi
bénéficier d’un réseau déjà constitué. Le plus souvent, ils préféreront recourir à un intervenant connu dans l’établissement et qui aura déjà fait ses preuves ; la confiance est en
effet primordiale en milieu scolaire. Car l’école n’est pas un lieu indifférent (nous avons vu
que des valeurs et des principes devaient y être respectés et promus), et le public collégien
possède ses spécificités : les élèves sont encore mineurs, influençables, leur personnalité
demeure en construction et les adolescents qu’ils sont se présentent volontiers sous des
dehors frondeurs ou provocateurs. Aussi le recours à tout intervenant doit-il être pensé,
pesé et préparé. Il ne s’agit pas de développer des inhibitions irraisonnées ou des excès
de prudence, encore moins des positions de principe dépassées mais, dans cette situation
professionnelle comme dans d’autres, d’agir en connaissance de cause et dans l’intérêt
pédagogique des élèves.
Une autre évolution profonde s’observe dans l’école, liée à cette volonté d’ouverture. Elle
concerne la place des parents, qui sont clairement devenus membres à part entière de
la communauté éducative. En tant qu’usagers du service public, ils possèdent un certain
nombre de droits et d’obligations. Mais les relations qu’ils entretiennent avec l’école ne se
résument pas à ces aspects contractuels. Certes, ils ne sont pas présents au quotidien dans
les établissements, n’entrent guère dans les schémas que l’on peut dresser de l’organisation et du fonctionnement du collège, et ne sont pas admis sans autorisation à accéder à
n’importe lequel de ses espaces (notamment aux salles de classe). Le souci de leur accueil,
de la façon dont ils peuvent jouer pleinement leur rôle et du respect de leurs prérogatives
pose des questions parfois proches de celles qui concernent les interventions extérieures.
Mais l’exercice de l’autorité parentale, encadré par le droit, les liens affectifs qu’ils entretiennent avec leurs enfants, sur un plan plus psychologique, et les représentations réciproques qui sont à l’œuvre dans les relations avec les enseignants, pour se placer sur un
terrain sociologique, font des parents des interlocuteurs sans équivalent. On parle d’ailleurs
depuis plusieurs années de coéducation pour désigner les rapports que l’on souhaiterait
voir s’installer entre parents et professionnels de l’institution scolaire. Il ne s’agit nullement
d’aller vers une cogestion de la relation pédagogique, mais plutôt de reconnaître l’existence
de deux formes distinctes de l’action éducative, qu’il vaut mieux parvenir à articuler pour
qu’elles ne se fassent pas concurrence mais au contraire se complètent. La relation avec les
parents crée souvent des appréhensions ou des incompréhensions chez les professeurs, et
les échanges peuvent parfois virer au conflit. Cependant, la rencontre est inévitable autant
que nécessaire. Il est heureusement possible de mettre en place des pratiques et d’adopter
des attitudes qui favorisent le dialogue et permettent ce qui est en réalité souhaité par les
deux parties : une véritable coopération autour de la réussite des élèves.
SOMMAIRE
ENRICHIR
SON ENSEIGNEMENT
PAR DES INTERVENTIONS
EXTÉRIEURES
Le recours à des compétences extérieures peut
prendre deux formes principales : l’intervention en
classe (et plus largement, dans l’établissement) ou
la sortie pédagogique. Même si leur déroulement
diffère, elles relèvent de considérations proches et
de démarches qui souvent se rejoignent. Elles visent
en général à enrichir le cours, dans une logique de
complémentarité. Aller assister à une représentation
de l’œuvre dramatique étudiée en cours de lettres
s’impose ainsi chaque fois que possible, tant il est
reconnu que le théâtre est moins un genre littéraire
qu’une pratique scénique. De la même manière,
l’histoire se donne mieux à comprendre si les élèves
peuvent bénéficier d’au moins une visite d’une
institution dédiée à la conservation et à la gestion
d’archives. En effet, comme l’écrit Arlette Farge [94],
leur contact provoque « d’emblée un effet de réel »
qui s’avère un levier précieux pour faire saisir à des
adolescents à la fois la profondeur historique et la
manière dont les historiens s’efforcent de la restituer
à travers leurs recherches. Dans le même ordre d’idée,
on peut trouver intérêt à faire venir un spécialiste
(un agent du service des Eaux quand cette question
est abordée en cinquième, par exemple), à diversifier
les approches (une sortie sur un site archéologique
en sixième), à concrétiser des aspects théoriques (un
pompier bénévole venant incarner une forme d’engagement citoyen dans le cadre d’une séance d’enseignement moral et civique), à solliciter un témoignage (pour illustrer des événements historiques
ou des particularismes culturels propres à une aire
linguistique) ou une personne extérieure à l’Éducation
nationale sur des sujets que les adolescents abordent
plus difficilement avec les adultes qu’ils côtoient en
milieu scolaire ; on pense ici tout particulièrement
aux actions de prévention (sensibilisation par une
association aux dangers des usages d’Internet et au
cyber-harcèlement).
Le choix des intervenants dépendra bien entendu
du projet et du besoin identifié. Il en existe plusieurs
« types », qui ne sont pas interchangeables. Sur
certains sujets, on va préférer travailler avec des
partenaires institutionnels, notamment les services
publics qui interviennent auprès d’enfants ou d’adolescents, (services de la police et de la gendarmerie,
protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), mais aussi
médecine publique…). Lors de sorties pédagogiques,
on pourra souvent s’appuyer sur des services éducatifs, qui présentent l’avantage d’être composés d’enseignants chargés de mission. Sur d’autres questions, il paraîtra plus judicieux de faire intervenir
des acteurs associatifs, dont on se sera préalablement assuré qu’ils disposent des agréments requis
[voir encadré page 96]. Parfois même c’est à titre
personnel, en raison d’un parcours particulier, que
quelqu’un pourra venir apporter les éléments recherchés. Rappelons aussi que le ministère a souhaité
faciliter le repérage des ressources dans le champ de
l’éducation à la citoyenneté, tout en garantissant leur
sérieux, à travers la création de la réserve citoyenne.
Dans chaque académie, des volontaires se sont manifestés pour mettre à disposition leurs savoirs ou leur
expérience. Leur candidature a été examinée puis
validée par le rectorat, qui leur a souvent proposé
une formation sur l’intervention en milieu scolaire.
La liste des personnes retenues, leur parcours, leur
secteur géographique de mobilité et leur champ de
compétence sont accessibles depuis les sites académiques, souvent ordonnés par département.
Le moment où l’enseignant va positionner ce type de
séance dépend de ses objectifs et de sa progression. Il
peut aussi choisir d’exploiter une manifestation s’inscrivant dans la vie de l’établissement et qui trouve
avec son cours des articulations bienvenues : une
série de conférences-débats organisée le 9 mai pour
la journée de l’Europe, en collaboration avec la maison
SOMMAIRE
96
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
de l’Europe locale 1, pourra par exemple trouver sa
place dans le traitement de l’un des points du thème 3
du programme de géographie de troisième (« La France
et l’Europe dans le monde »), tout comme dans des EPI
traitant des thématiques « Langues et cultures étrangères » ou « Information, communication et société ».
Certaines institutions et associations proposent des
animations sous forme d’expositions commentées
ou accompagnées de jeux découvertes ; cette forme
d’intervention donne la possibilité d’en faire bénéficier plusieurs classes (durant une même semaine,
par exemple). Quant aux sorties, elles doivent bien
sûr faire l’objet d’une préparation en amont et d’une
exploitation en aval pour ne pas être réduites à de
simples divertissements ; elles ne possèdent pas de
vertus magiques qui leur permettent de se suffire à
elles-mêmes sur le plan pédagogique.
S’il recherche un intervenant sur un point particulier, l’enseignant peut s’appuyer sur des personnes
ressources dont les missions contribuent à alimenter
le réseau partenarial de l’établissement : le référent
culture, le professeur-documentaliste, mais aussi le
CPE ou le service médico-social sur des questions
ayant trait à la citoyenneté, ou le coordinateur de la
discipline, souvent destinataire de l’offre des principaux établissements culturels du secteur ainsi que
des lettres d’information des services académiques.
À l’extérieur de l’établissement, les inspecteurs pédagogiques régionaux, les différents référents académiques (comme le référent mémoire-citoyenneté) ou
les responsables de médiathèques peuvent également
proposer des mises en relation judicieuses.
L’intervention d’une personne extérieure dans
un cours comporte évidemment des limites, qu’il
convient de bien cerner pour éviter les déconvenues.
Il va de soi que toute forme de prosélytisme ou de
démarche commerciale est à proscrire. Mais on sera
également attentif à éviter le mélange des genres,
avec des personnalités en rapport avec l’établissement à plusieurs titres (personnels, parents d’élèves),
ce qui est susceptible de brouiller les discours dans
l’esprit des élèves. La neutralité, ensuite, doit être
parfaitement respectée : attention donc aux intervenants pouvant se réclamer d’engagements politiques (élus), syndicaux (y compris les organisations
1On trouvera un descriptif utile des activités de la Fédération
française des maisons de l’Europe et des ressources qu’elle
propose sur leur site [137]. La fédération a obtenu du
ministère un agrément national au titre des associations
complémentaires de l’enseignement public en 2015.
SOMMAIRE
patronales) ou de ministères religieux. En cas de
doute, il ne faut pas hésiter à consulter le chef d’établissement avant de prendre une décision, d’autant
que sa responsabilité est engagée en cas de problème.
Mais les écueils majeurs restent, chez l’intervenant, le
manque de recul par rapport à sa propre expérience,
l’inadaptation du discours ou de l’attitude face à un
public d’adolescents, ou le manque de maîtrise de
l’expression devant une assemblée. En histoire, voire
en lettres, l’enseignant travaillera particulièrement à
expliciter le contexte et le statut du témoignage car,
comme le souligne à juste titre Annette Wieviorka
[127], il « s’adresse au cœur, et non à la raison. Il
suscite la compassion, la piété, l’indignation, la révolte
même parfois ». En effet, fût-ce implicitement, « celui
qui témoigne signe avec celui qui reçoit le témoignage
un “pacte compassionnel” ». Le professeur d’histoire
doit donc être conscient que ce que l’on donne alors à
entendre aux élèves « n’est pas un récit historique » et
le leur faire comprendre. Pour l’enseignement moral
et civique, on se méfiera du « parcours de vie » déroulé
sans distance, en particulier s’il touche à des réalités
sociales éprouvantes (pauvreté, toxicomanie, accident
de la route…) ou à un vécu de victime : sa portée sur
chaque élève sera d’autant plus aléatoire qu’il pourra
rarement déboucher sur une reprise visant l’acquisition de savoirs constitués ou de compétences identifiées. Certaines associations, souvent de portée
nationale, forment leurs membres à l’intervention
en milieu scolaire pour éviter ces risques. Dans tous
les cas, il est indispensable de s’assurer de ce qui sera
proposé en préparant conjointement les séances et en
rencontrant préalablement les personnes qui entreront dans la classe.
Comment faire appel à des intervenants ?
Nous proposons ici une liste de points clés à
vérifier pour chaque intervention. Dans certains
établissements, la marche à suivre fait l’objet
de procédures rédigées, et disponibles pour les
enseignants au secrétariat.
– Solliciter l’autorisation (obligatoire) du chef
d’établissement. S’y prendre assez tôt pour lui
permettre de demander, si nécessaire, des informations complémentaires ou pour trouver avec
lui une solution alternative en cas de refus.
Interagir avec les partenaires de l’école et les parents
– Inscrire sa demande dans un projet pédagogique (y compris le déroulé d’une séquence de
cours) et formuler la demande de financement,
le cas échéant.
– Étudier avec l’adjoint-gestionnaire les coûts
de l’intervention, les demandes de subventions
possibles et l’organisation matérielle (réservation
d’une salle spécifique, disponibilité des agents
pour la mise en place d’une exposition, etc.).
– Pour les associations et les partenaires non
institutionnels, vérifier l’existence d’un agrément national ou académique (se faire aider par
le secrétariat).
– Procéder à une information précise des familles :
date de l’intervention, contexte, objectif, nom et
qualité de l’intervenant. Il s’agit bien d’une information ; s’inscrivant dans le cadre pédagogique,
la présence des élèves à des séances accueillant
un intervenant extérieur ne peut pas être facultative. L’objectif est ici de désamorcer la critique
par une attitude transparente.
97
– Se faire remettre une trousse de secours, la liste
des élèves relevant d’un PAI et leur traitement le
cas échéant.
– Partir avec l’ensemble des coordonnées téléphoniques nécessaires.
– Vérifier que les élèves participants sont bien
couverts par une assurance en responsabilité
civile (surtout pour la visite de sites archéologiques, de musées, d’expositions etc.). Cette
information est disponible au secrétariat ou à la
vie scolaire.
– Pour les déplacements à l’étranger, se conformer
aux procédures d’autorisation de sortie du territoire (à voir avec le chef d’établissement).
– Préparer la séance avec l’intervenant : s’entendre sur la commande, les activités et les
contenus proposés, l’esprit dans lequel ils seront
traités, l’évaluation qui sera faite de la prestation.
– Préparer la séance avec les élèves : expliquer
le lien avec ce qui est abordé dans le cours,
présenter succinctement les contenus, annoncer
la façon dont l’intervention sera exploitée pour
l’enseignement.
– Prévoir d’être présent ; si les modalités retenues
prévoient de scinder la classe en deux groupes,
anticiper la présence d’un autre personnel de
l’établissement (collègue, assistant d’éducation,
CPE, assistante sociale…).
– Fixer une réunion de bilan avec les intervenants.
Points clés supplémentaires pour les sorties
pédagogiques :
– Prévoir une information des familles (document
précisant notamment le moyen de transport, les
horaires, les modalités de restauration, etc.) et
s’assurer qu’elle a bien été reçue.
SOMMAIRE
CONNAÎTRE LES DROITS
DES PARENTS D’ÉLÈVES
La relation avec les parents d’élèves paraît souvent
épineuse aux enseignants, qui en attendent du
soutien tout en redoutant la contestation de leur
travail qu’elle fait parfois émerger. De fait, elle cristallise de part et d’autre des représentations sociales
et des considérations psychologiques qui la rendent
parfois compliquée, difficile à lire, en tout cas chaque
fois différente. De plus, elle met en lumière un rapport
de force dissymétrique, les parents disposant sur
leurs enfants d’une autorité consacrée par le droit
autant que d’une influence éducative nettement plus
prégnante que celle du professeur. Il n’est donc pas
toujours aisé de trouver les voies d’un dialogue qui,
à défaut de compréhension mutuelle ou d’accord,
permette au moins à l’élève de s’adapter à deux cadres
différents (où se rejoue la démarcation espace privé/
espace public) et de percevoir son intérêt personnel à
l’acquisition des apprentissages proposés par l’école
mais qui peuvent s’éloigner d’une culture familiale.
De fait, les parents, usagers du service public d’éducation, y disposent de droits individuels et collectifs
[30] dont le respect représente la première condition
à la mise en place d’échanges constructifs. Il s’agit
du droit d’information concernant le suivi de la
scolarité et du comportement de leur enfant, et de
celui de réunion et de participation aux instances de
l’établissement par l’intermédiaire de leurs représentants. Dans leur pratique, les enseignants sont plus
souvent confrontés à l’exercice de ces droits à titre
individuel : demandes portant sur les résultats ou l’attitude de l’élève, sur les objectifs d’apprentissages, les
méthodes choisies ou les activités conduites en cours,
ou sollicitation de rencontres, notamment en vue des
décisions d’orientation. Sur ce dernier point, rappelons que tout refus d’entretien de la part d’un enseignant doit être motivé par écrit et qu’il vaut mieux,
le cas échéant, en informer le chef d’établissement.
Nous revenons dans le chapitre suivant sur la façon
dont une relation de qualité peut se construire avec
les parents des élèves. Mais on touche déjà ici à un
point fondamental : leurs questions ne peuvent pas
être considérées a priori comme des tentatives pour
s’immiscer dans des pratiques professionnelles qui
ne relèvent pas de leurs compétences. Elles correspondent à l’usage d’un droit auquel répond la transparence de la part des enseignants. En revanche, la
demande d’information n’autorise pas le jugement
de valeur sur l’enseignement dispensé ni la remise en
question des fonctionnements mis en place dans la
classe ou dans l’établissement. Cela peut être rappelé
très sereinement dans certains entretiens.
L’exercice des droits parentaux est devenu plus
complexe avec le bouleversement des structures
familiales, mais il n’est pas attendu d’un enseignant
qu’il maîtrise parfaitement le code de l’action sociale
et des familles. Il lui suffit de savoir que, la plupart
du temps, les situations de séparation ou de divorce
n’entraînent pas de modification sur la détention de
l’autorité parentale, qui reste conjointe (mais exclut
les nouveaux compagnons, dans les familles recomposées). Les demandes du parent chez qui l’enfant ne
réside pas principalement, par exemple, demeurent
donc légitimes, même si le fait d’y accéder provoque
parfois l’ire de l’interlocuteur habituel de l’équipe
pédagogique. Les rares situations d’autorité parentale confiée exclusivement à l’un des deux parents
sur décision de justice sont connues de la direction de
l’établissement. En cas de doute, il vaut donc mieux la
solliciter. Il en va de même si l’on s’interroge sur les
situations dans lesquelles l’accord de deux parents
séparés doit être explicitement donné 1.
Au quotidien, l’interlocuteur le plus disponible n’est
pas toujours l’un des parents. Obstacle linguistique, fonctionnement d’une famille recomposée
(notamment quand l’un des parents est décédé), par
exemple, amènent à l’école des personnes qui, de fait,
ne sont détentrices d’aucun droit. Elles peuvent ne
pas manquer de pertinence ni d’ascendant sur l’élève
concerné. Mais il importe alors que la relation avec
1Sur l’ensemble des questions relatives à l’exercice de
l’autorité parentale en milieu scolaire, nous renvoyons au
guide édité par le ministère [26].
SOMMAIRE
100
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
les enseignants ne se construise pas au détriment
ou à l’insu du détenteur de l’autorité parentale ; la
présence de ce dernier, même assistée, reste souhaitable et son accord indispensable pour garantir une
continuité de l’action éducative conduite autour de
l’élève, autant en droit que de façon symbolique.
Les représentants des parents
Les parents d’élèves sont représentés au conseil
d’administration de l’établissement, à la commission permanente, au conseil de discipline, au
conseil de la vie collégienne et dans les conseils
de classe. Ils le sont généralement aussi au
comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté,
et dans toute instance que le collège décide de
mettre en place (comité d’hygiène et de sécurité, commission éducative, etc.). Ils peuvent
être organisés en association ou affiliés à l’une
des fédérations nationales, mais il ne s’agit pas
d’une obligation. Ils élisent annuellement leurs
délégués au conseil d’administration, au moment
de son renouvellement, généralement début
octobre. Dans les conseils de classe en revanche,
les participants ne sont pas élus mais désignés
par la ou les listes ayant obtenu des sièges au
conseil d’administration. Ils peuvent ne pas être
parents d’un élève de la classe.
Ce droit de participation aux instances de l’établissement s’accompagne de celui d’informer ses
mandants et de diffuser des comptes rendus à
cette fin. Les chefs d’établissement sont tenus
de faciliter aux parents d’élèves l’exercice de
leurs mandats, notamment sur un plan matériel. En effet, l’implication de ceux-ci dans la vie
des établissements reste souvent modeste, et il
s’agit de ne pas décourager les bonnes volontés.
Si l’on s’en réfère à certaines enquêtes, la grande
majorité des professionnels de l’éducation estiment que leurs relations avec les parents sont
satisfaisantes, voire bonnes. Mais ils considèrent
aussi que leurs délégués sont peu représentatifs,
et surtout intéressés par le suivi de la scolarité
de leur propre enfant. Il est vrai que la participation aux différents conseils suppose une
certaine maîtrise de la culture scolaire que tous
les parents ne possèdent pas. Les interventions
en conseil de classe, parfois critiques ou maladroites, témoignent de la difficulté pour leurs
représentants de jouer le jeu de la remontée
SOMMAIRE
sincère des questions, de cerner les limites d’une
coéducation bien comprise, sans se cantonner à
un rôle de simple observateur.
Cette intervention des parents dans la vie de
l’établissement est parfois vécue comme une
concession démagogique des politiques, une
contrainte (comme une figure imposée) voire
une menace. Cependant leur participation, quand
elle est bien acceptée et bien comprise, participe
d’un climat scolaire de qualité. Les situations de
crise, entendues comme découlant d’événements
dramatiques qui affectent l’établissement, sont
souvent l’occasion, d’ailleurs, de constater que
les représentants des parents peuvent constituer
des relais utiles et précieux.
ŒUVRER À LA
CONSTRUCTION D’UNE
RELATION DE CONFIANCE
AVEC LES PARENTS
Le référentiel de compétences de l’enseignant [21]
pose comme attendus d’« œuvrer à la construction
d’une relation de confiance avec les parents » (item
12), et d’« utiliser un langage clair et adapté aux différents interlocuteurs rencontrés dans son activité
professionnelle » (item 7). Pourtant le dialogue entre
parents et professeurs semble souvent générer des
insatisfactions réciproques, et s’instaure parfois sous
le signe du malentendu. Du côté des enseignants, il
est souvent espéré des parents qu’ils leur apportent
un soutien sans réserve, défendent dans la famille
les valeurs qui sont prônées à l’école et surtout s’impliquent activement dans le travail scolaire de leur
enfant. Les attitudes qui ne se conforment pas à ces
attentes sont parfois jugées sévèrement, l’adjectif
« démissionnaire » pouvant résumer cette condamnation. Nombreux sont ceux qui estiment que l’adhésion des parents au projet de l’école est nécessaire
à la réussite des enfants. Les parents, de leur côté,
estiment le plus souvent que celle-ci relève avant tout
du professeur, qui doit fournir conseils mais aussi
méthodes appropriées et encouragements permanents. L’une des explications aux difficultés de leur
enfant peut donc tenir logiquement, de leur point de
vue, au manque de compétences dans l’équipe pédagogique. Bref, on a tendance à se rejeter mutuellement la responsabilité de l’échec scolaire, sans voir
que la recherche de la réussite, au contraire, est un
point qui pourrait fédérer. Dans ses échanges avec
les parents, l’enseignant gagnera en effet à rappeler
que sa démarche vise avant tout les progrès de l’élève
quels que soient ses acquis, à rechercher la coopération de la famille et à souligner les objectifs communs
plutôt que les écarts à la norme scolaire.
Une relation de qualité, quel qu’en soit le contexte, se
construit patiemment. Et dans le cadre scolaire, c’est
à l’initiative de l’enseignant qu’elle peut s’élaborer.
Il est en effet le mieux placé, parce qu’il est partie
prenante de ce dialogue en tant que professionnel,
pour développer des compétences dans ce domaine
et des stratégies d’amélioration. L’une des clés nous
paraît tenir dans l’acceptation du fait que les parents
n’ont pas, vis-à-vis de l’école, un vécu neutre. Leur
expérience scolaire ressemble rarement à celle du
professeur qu’ils rencontrent. Ils ont parfois à faire
avec des parcours chaotiques, des souvenirs déplaisants voire douloureux. Ils doivent également gérer
leur inquiétude pour la réussite scolaire de leurs
enfants (dont ils entendent répéter à l’envi dans les
médias et les divers espaces sociaux qu’elle conditionne leur réussite sociale et personnelle), et parfois
leur culpabilité par rapport au manque de disponibilité que leur imposent leur vie professionnelle ou
leurs choix familiaux. Il leur faut enfin composer avec
l’enfant qu’ils ont rêvé d’avoir et celui qu’ils ont, qu’ils
découvrent souvent déroutant à l’adolescence et qui
montre dans sa vie sociale un visage bien différent de
celui qu’ils connaissent à la maison (les parents ne
sont pas tous de mauvaise foi sur ce point !). Comme
dans la relation pédagogique, l’enseignant est rarement visé en tant que personne par les discours qu’il
entend, et qui s’adressent davantage à l’institution
qu’il représente. Il doit les accueillir avec la même
capacité de distanciation.
C’est à lui de ramener des dimensions professionnelles dans la relation : se situer sur le terrain pédagogique, expliquer son action et surtout les buts qu’il
poursuit, ses modalités d’évaluation, ses attentes
en termes de comportement et par quoi elles sont
motivées. Il pourra présenter un bilan sans concession des acquis et des lacunes de l’élève, des compétences et des difficultés, dès lors qu’il le dressera avec
bienveillance. Les parents ressentiront fortement la
présence d’un « postulat d’éducabilité ». Ils seront
également sensibles au respect de leurs droits, à la
disponibilité à leur égard, à l’usage d’un langage qui
leur soit accessible (à l’oral comme à l’écrit), et surtout
à l’absence de culpabilisation et de jugement sur leurs
SOMMAIRE
102
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
compétences de parents. En confiance, ils deviendront
davantage portés à coopérer sur des objectifs précis,
du moment que ceux-ci ne sont pas posés comme
des exigences arbitraires ou irréalisables pour eux.
Il est donc judicieux de leur demander ce qu’ils se
sentent en capacité de mettre en œuvre pour aider
leur enfant ; et s’ils sont demandeurs de conseils, il
convient de s’assurer que ceux qui leur sont prodigués
leur paraissent opérationnels. Cette attitude facilite
d’ailleurs tout entretien visant à obtenir l’adhésion de
l’interlocuteur à un projet commun et à en faire un
acteur ; elle peut donc s’appliquer aussi au dialogue
pédagogique avec les élèves.
La qualité de la relation ne se construit pas seulement
au fil de rencontres individuelles. Elle relève d’une
attitude volontariste, recherchant systématiquement
le dialogue et la coopération. Celle-ci peut se traduire
par une présence des enseignants aux réunions
collectives proposées aux parents et portant sur la
présentation des objectifs de l’année, sur les questions d’orientation, sur les méthodes qui permettent
aux élèves de progresser davantage. Le ministère
encourage d’ailleurs depuis quelques années, l’utilisation d’un outil – la « mallette des parents » en
sixième – qui facilite la mise en place d’un cycle de
rencontres de ce type en fournissant des supports
d’animation pour lancer les échanges. Il est diffusé
dans tous les collèges (se renseigner auprès du chef
d’établissement). Les occasions de valorisation des
travaux de la classe (expositions, mise en ligne sur le
site du collège, participation à des opérations ayant
une visibilité dans la commune) contribuent également à l’amélioration des relations avec les parents,
qui ne sont souvent sollicités par ailleurs qu’en cas
de difficultés.
Enfin nous pensons que la relation pédagogique
établie entre l’enseignant et ses élèves influence
fortement les représentations des parents, dont
l’impression est d’abord formée par la restitution
des cours que leur font leurs enfants, aussi subjective
voire mensongère soit-elle. Posée sur de bonnes bases
et bien comprise par les élèves [voir « Construire la
relation pédagogique » p. 73], elle contribuera à faciliter les échanges lors des premières rencontres avec
leur famille.
SOMMAIRE
Quelques principes
pour une bonne conduite d’entretien
Pour conduire un entretien fructueux avec des
parents d’élèves, on peut se fixer les règles
proposées ci-dessous. Elles concernent surtout
le temps d’échange, auquel elles visent à donner
un cadre clair, dépassionné, centré sur des objets
professionnels, tout en restant respectueuses
de l’interlocuteur. La plupart de ces principes
peuvent s’appliquer également à un entretien
téléphonique.
Tout d’abord, le choix du moment n’est pas
neutre. On aura intérêt à intégrer les contraintes
qui se posent aux parents en termes d’horaires,
du moment que leur demande ne devient pas
extravagante (rendez-vous tard en soirée non
motivé par des obligations professionnelles particulières, ou reporté à une date qui le viderait de
son intérêt), tout en faisant sentir à son interlocuteur que l’on exerce dans un cadre professionnel
également contraint. Ainsi reste-t-il important
que la rencontre ait lieu au collège, durant les
heures habituelles d’ouverture, et que les entretiens téléphoniques se déroulent à un horaire qui
ne laisse pas supposer une disponibilité absolue.
La détermination du moment de la rencontre
s’accompagne de celle de ses objets, et l’on
évitera qu’ils soient trop nombreux. Ensuite, on
s’y tiendra, de la même façon que l’on demeurera
dans le cadre annoncé : durée si elle a été définie,
mais aussi identité des participants (de façon
à ne pas se retrouver en face d’interlocuteurs
imprévus, ce qui peut parfois être vécu comme
déstabilisant). Sans commettre de maladresse et
dans la mesure du possible, on sera attentif à ce
que les parents d’élèves respectent également ce
qui a été convenu.
La tonalité générale de l’entretien doit rester
courtoise, et le langage choisi sera conforme à
la fois au souci de bien se faire comprendre et
aux attendus de la fonction d’enseignant. Cette
politesse devra se retrouver dans le choix du lieu
et sa disposition qui doit offrir un minimum de
confort aux participants. De ce point de vue, la
salle de classe, lieu symbolique de l’action pédagogique, peut constituer un choix pertinent.
Interagir avec les partenaires de l’école et les parents
103
Dans la conduite de l’entretien ensuite, il est
préférable de s’en tenir à des faits, en évitant de
glisser sur le terrain des intentions, des interprétations, bref de conserver le plus d’objectivité possible. Il faut aussi savoir laisser à son
interlocuteur (et éventuellement à l’élève) le
bénéfice du doute. Le cas échéant, le professeur
devra être capable de reconnaître ses torts ou
ses limites, sans pour autant s’égarer dans des
justifications excessives. Il lui faudra sans doute
lutter avec la tentation du jugement. Deux leviers
permettent généralement d’avancer. Le premier
consiste à s’appuyer sur ce que l’interlocuteur
dit (partir de son ressenti, de ses interrogations,
du tableau qu’il dresse, etc.). L’important est d’ar-
loyauté et de tenir devant lui des propos qu’il
puisse ressentir comme humiliants vis-à-vis
de ses parents. Contrairement à une idée reçue
et au ressenti compréhensible des enseignants
dans de telles situations, une attitude exagérément hostile des parents à leur encontre ne les
dessert pas auprès des élèves s’ils restent maîtres
d’eux-mêmes. Ceux-ci sont en effet très sensibles
à la cohérence des positions des adultes et, parce
qu’ils connaissent la réalité des faits qui ont
motivé la rencontre, conservent sur leur expérience scolaire une lucidité plus grande qu’on ne
croit.
river à un constat partagé. Le second, si l’on a
sollicité l’entretien suite à une difficulté, provient
de l’avantage d’avoir préparé quelques suggestions. Celles-ci ne devront pas être plaquées,
mais amenées de manière juste en écho de
l’échange. On se gardera par exemple de proposer
une surveillance du travail personnel le soir si
l’organisation familiale décrite ne le permet pas,
mais on peut suggérer un point hebdomadaire
le week-end. L’enseignant répond ainsi à une
attente toujours implicite des parents : fournir
des pistes de progrès.
tiens sont plus difficiles à conduire s’ils mettent
en présence plusieurs groupes d’interlocuteurs.
Si des parents doivent rencontrer plusieurs
enseignants, il peut être intéressant de proposer
une série de temps d’échanges plutôt qu’une
réunion où les rôles et les discours peuvent se
retrouver concurrents et contre-productifs. Qui
distribuera la parole ? Les griefs de mon collègue
sont-ils les miens ? Ne vais-je pas être poussé à
une posture de solidarité qui ne me permettra
pas d’exprimer mon propre point de vue ? Ces
questions méritent qu’on se les pose. Dans les
établissements, il existe souvent des cadres
institutionnels quand les problèmes rencontrés
se généralisent à plusieurs cours, dont les noms
varient : commission de motivation, commission
éducative… Présidées par le chef d’établissement
ou son adjoint, toujours en présence du professeur principal et ouverts aux enseignants qui
le souhaitent, elles permettent d’organiser les
échanges et les débats dans la perspective d’une
La présence de l’élève à ces entretiens est souhaitable. Tous les propos qui visent à le replacer en
responsabilité de sa propre scolarité sont les bienvenus, de même que les solutions qui reposent
sur ses capacités personnelles. Non seulement
elles garantissent de meilleurs résultats à terme,
mais elles présentent l’intérêt de ne pas renvoyer
les parents à l’idée que leur défaillance serait la
cause principale des difficultés de leur enfant.
On n’oubliera pas non plus de faire la part des
points positifs et négatifs, afin d’illustrer l’objectivité dont on se prévaut.
Un dernier point doit être souligné : les entre-
recherche en commun de solutions. Il ne faut pas
hésiter à demander leur convocation.
Malgré toutes ces précautions, il peut arriver que
l’échange tourne au dialogue de sourds ou qu’il
fasse émerger des désaccords profonds, sur la
place et le sens de la scolarité notamment. Dans
ce cas, il faut savoir mettre un terme à l’entretien
(sans se départir de son calme ni de sa courtoisie)
mais proposer aussi le recours à un tiers, sur un
temps différé, avec lequel la discussion redeviendra peut-être possible. Si l’élève est présent,
il faut éviter de le placer dans des conflits de
SOMMAIRE
COMMUNIQUER
SUR LA PROGRESSION
DANS LES APPRENTISSAGES
Nous l’avons vu, les parents attendent surtout des
enseignants qu’ils les renseignent sur les résultats scolaires de leur enfant et les perspectives qui
s’ouvrent à lui en termes de poursuite d’études,
mais aussi qu’ils les rassurent sur les possibilités
de progrès quand des difficultés apparaissent. La
communication sur l’évolution pédagogique des
élèves, qui relève pleinement de la mission des enseignants, s’organise autour d’applications de plus en
plus répandues, via les environnements numériques
de travail, et rend les parents très régulièrement destinataires d’informations sur la progression suivie en
classe et le travail personnel demandé (par le biais du
cahier de texte numérique) ainsi que sur les performances aux évaluations (relevés de notes, situation
par rapport à la « moyenne » de la classe). Ces outils
constituent d’indéniables avancées pour la communication avec les parents et pour le suivi régulier
des élèves. Ils sont complétés par l’organisation de
réunions qui se généralisent également : réunion de
rentrée qui explicite les attendus du niveau ou du
cycle, rencontres parents-professeurs faisant suite
aux conseils de classe. Dans ce contexte, le bulletin
trimestriel ne représente plus le seul support d’information des parents, mais plutôt un document de
synthèse formalisée pouvant constituer une base
de dialogue. Il conserve cependant toute sa portée
symbolique, d’autant qu’il figurera dans le dossier de
l’élève et le suivra tout au long de sa scolarité.
Le nouveau livret de l’élève (dit LSU : livret scolaire
unique), entré en vigueur à la rentrée 2016, modifie
sensiblement la nature des informations compilées traditionnellement dans ce type de document.
Tout d’abord il regroupe les évaluations trimestrielles
(qui peuvent continuer à se présenter sous forme de
moyenne chiffrée par discipline ou privilégier l’entrée
par objectifs d’apprentissage) et les bilans en fin de
cycle 3 et 4, exprimés nécessairement en termes de
degré d’acquisition de ces mêmes compétences. Mais
il invite également à des appréciations plus descriptives, puisqu’il propose pour le bulletin trimestriel
des rubriques sur les acquisitions de l’élève, les difficultés persistant et les pistes de progrès ainsi que des
espaces réservés aux projets conduits dans le cadre des
parcours, des EPI et de l’accompagnement personnalisé, pour lesquels l’implication et les résultats de l’élève
peuvent être précisés. Enfin, à la fin de chaque cycle, il
généralise la mention de la maîtrise des compétences
du Socle commun. À partir d'un tronc commun, chaque
collège peut en personnaliser la présentation, en fonction des items qu'il souhaite mettre en valeur.
Cependant, nous l’avons vu, il existe d’autres occasions de communiquer sur la progression des élèves
ou sur leurs acquisitions. La copie corrigée est
l’une d’entre elles, si elle comporte clairement une
appréciation littérale sur les points en question.
Les rencontres avec les parents sont également des
temps forts d’information, et cette modalité se révèle
souvent la plus pertinente quand les objets s’avèrent
à la fois complexes et circonscrits ; nous pensons ici
aux questions d’orientation ou à celles des aménagements en cas de troubles des apprentissages qui
peuvent justifier des modes et des temps de communication dédiés. En résumé, la communication et les
explications sur les apprentissages des élèves relèvent
d’une préoccupation constante de l’enseignant,
auquel il revient de choisir la forme la plus adaptée
pour que les informations qu’il délivre fassent sens
dans l’esprit des élèves et de leur famille, et participent à la construction d’un rapport positif au savoir.
Les notes sont-elles le meilleur moyen
d’évaluer les acquis des élèves ?
Le nouveau livret scolaire unique (LSU) maintient la possibilité d’une évaluation dans chaque
discipline par l’intermédiaire de notes, dont il
est prévu de faire figurer la moyenne. Ce choix
témoigne du souci de ne pas rompre brutalement avec les modalités d’évaluation qui
prévalent historiquement dans notre système
SOMMAIRE
106
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
scolaire, et en particulier dans le second degré.
Cependant, les enseignants sont invités à mettre
en regard de cette moyenne les différents points
du programme et les compétences travaillés, ce
qui vient en préciser la portée. Nous l’avons vu
par ailleurs, ce nouveau support du bilan pédagogique ainsi que les changements intervenus
dans les modalités du contrôle continu au DNB
(diplôme national du brevet) renforcent parallèlement le poids de l’évaluation des compétences
qui, elle, ne se traduit pas par une note mais par
un constat formulé en termes de degré d’acquisition. L’accent est donc clairement mis sur la
dimension qualitative. Celle-ci devient d’ailleurs
l’unique modalité d’évaluation de pans entiers
de l’activité des élèves (puisqu’il n’est pas prévu
d’y associer une note) à travers, par exemple,
les rubriques consacrées aux parcours, aux EPI,
à l’accompagnement personnalisé et à la vie
scolaire.
L’évaluation par une note chiffrée reste une
caractéristique très marquée du modèle de
l’enseignement secondaire français. Beaucoup
d’autres systèmes scolaires, notamment en
Europe, évaluent les acquis des élèves par le degré
de maîtrise constaté des compétences visées. En
France cependant, depuis quelques années, se
multiplient les expériences d’évaluations « sans
note », notamment en classe de sixième, dans
une logique de continuité avec les pratiques à
présent plus répandues dans le premier degré.
Le recul manque encore pour disposer d’analyses fines sur ces innovations, mais les bilans
des équipes sont souvent accessibles en ligne.
Ils se rejoignent sur certains points, comme
l’inquiétude générée a priori chez les parents,
qu’il convient de prendre en compte, et les effets
plutôt positifs sur la motivation et la confiance en
eux-mêmes des élèves, qui ressentiraient alors
moins la pression du résultat.
La note chiffrée reste un moyen de classer (d’où
son usage dans les concours) et permet une
évaluation fine grâce à sa division possible et
à la ventilation des points accordés à tel ou tel
critère. Elle présente en revanche l’inconvénient
de perdre de son sens dès lors qu’elle n’est plus
reliée à une appréciation littérale, qui permet de la
comprendre (comme sur une copie) ou de la relativiser. Elle risque alors d’endosser un caractère
SOMMAIRE
très abstrait qui peut aisément être interprété
comme l’attribution d’une « valeur », déconnectée de la notion d’acquis en termes d’apprentissages et stigmatisante aux yeux des élèves et
de leur famille.
DÉVELOPPER
SES COMPÉTENCES
PAR UNE POSTURE
PROFESSIONNELLE
RÉFLEXIVE
L AURENCE MARION
SOMMAIRE
La quatorzième et dernière compétence du tronc commun du référentiel – « s’engager dans
une démarche individuelle et collective de développement professionnel » – traduit l’importance, dans la pratique, d’une posture réflexive. Autrement dit, il s’agit, très régulièrement, de
s’interroger sur l’actualité de son enseignement, sur la pertinence de ses choix pédagogiques
et didactiques au regard des besoins des élèves, et plus largement de concevoir un enrichissement de son métier par l’approfondissement ou l’élargissement de ses compétences.
Cette démarche s’inscrit au cœur même de la pratique professionnelle, notamment à travers
la généralisation de la formalisation, l’organisation rationnelle d’une veille documentaire
portant sur l’ensemble des dimensions du métier, et le recours à l’innovation ou à l’expérimentation pour tester des intuitions. Elle gagne également à s’inscrire périodiquement
dans des cadres collectifs, par la participation aux instances ou aux équipes qui produisent
de l’analyse au sein même de l’établissement, par l’adoption d’outils d’analyse de pratiques
ou, tout simplement, par la formation.
Pris dans le quotidien, ses contraintes et ses urgences, les enseignants peuvent être tentés
de reléguer au second plan cette dimension fondamentale du métier. Elle leur permet pourtant de maintenir un lien vivant avec leur discipline. Elle éloigne aussi le risque de sombrer
dans une routine qui, à la longue, use les motivations. Elle rompt enfin les solitudes, car il
est particulièrement stimulant d’échanger sur ses pratiques, d’intégrer une équipe innovante ou de participer à tout réseau, formel ou informel, de réflexion sur son métier ou de
partage de ressources.
Pourtant l’idée de posture réflexive ne va pas de soi. Elle exige un effort intellectuel supplémentaire, une sorte de dédoublement entre le professeur qui enseigne et celui qui se regarde
enseigner. Elle suppose de laisser une place au doute, et à la conviction que ce qui a fonctionné n’est pas pour autant une recette toujours applicable. Elle demande de l’humilité, de
l’objectivité, du travail, une ouverture d’esprit face aux réalisations d’autres enseignants.
En formation continue, on s’aperçoit ainsi que le moment le plus périlleux est celui où le
stagiaire va devoir lâcher prise par rapport à sa propre pratique, cesser de vouloir la justifier, accepter de déconstruire. Non pas que les démarches qu’il a retenues jusque-là soient
mauvaises, inefficaces ou dépassées ; mais pour en intégrer de nouvelles, il doit leur faire
momentanément de la place. L’articulation entre la pratique précédente, éprouvée, et les
déplacements que la réflexion a provoqués se construit ensuite dans le temps, jusqu’à
revenir à une situation d’équilibre entre le souhaitable et le réalisable. Car la « bonne »
pratique est aussi celle dans laquelle on se sent cohérent. La posture réflexive est donc
indissociable d’une pensée en mouvement.
SOMMAIRE
FORMALISER
SON ENSEIGNEMENT
Si, selon la formule consacrée, « ce qui se conçoit
bien s’énonce clairement », le détour par l’écriture
contribue aussi, par un effet de boucle, à préciser
cette pensée qui chemine. La formalisation a cela
d’impitoyable qu’elle met au jour, dès lors qu’il
s’agit de produire un discours cohérent, les failles
et les approximations éventuelles d’une pensée
demeurée jusqu’alors à l’abri trompeur du cerveau.
C’est en cela qu’elle constitue un levier d’amélioration de sa pratique, dès lors qu’on l’aborde avec un
certain niveau d’exigence. L’écrit réflexif prévu dans
la formation initiale, à travers le mémoire professionnel, en illustre par exemple l’intérêt. Des travaux
de recherche ont également souligné son rôle dans
les démarches d’amélioration des pratiques [47].
Aussi, dans certains stages, propose-t-on aujourd’hui
aux enseignants de passer par un véritable récit
écrit, exploité ensuite par le groupe pour produire
de la connaissance et de la compréhension sur des
pratiques concrètes, loin des approches théoriques
de la didactique ou de la pédagogie. Ces expériences,
généralement bien vécues par les participants passé
le moment d’étonnement, s’appuient à la fois sur la
distanciation que permet l’écriture et sur son arrimage à la réalité des pratiques décrites. Elles facilitent
le dialogue entre professionnels sur des dimensions
concrètes de leur métier et sur des difficultés qui leur
sont souvent communes. Si elles restent évidemment
limitées, sous cette forme, à un contexte de formation,
ce qu’elles nous apprennent des liens producteurs
de sens entre action et formalisation peut s’étendre,
de façon moins contraignante en termes d’écriture,
à des gestes plus quotidiens. On remarquera que les
protocoles d’inspection incluaient la production d’un
certain nombre de documents (cahier de textes de la
classe, programmation de l’enseignant, supports de
cours, etc.). Les enseignants sont en principe rompus
à la rédaction de leurs séquences, avec leurs objectifs
d’apprentissages, leur déroulé, leur dispositif pédagogique, leur chronologie, leurs supports, leurs traces
écrites et leurs modalités d’évaluation. Mais l’habitude et l’expérience les amènent parfois à réduire le
questionnement qui doit accompagner cette élaboration, et à utiliser un support rigide toujours identique,
alors qu’on peut y introduire temporairement, par
exemple, une rubrique détaillant les points appelant
la vigilance ou un espace permettant un retour rapide
sur ce qui a fonctionné.
La formalisation peut également constituer un
vecteur de communication sur sa propre pratique.
Or les changements à l’œuvre au sein du système
éducatif, qu’il s’agisse des relations aux usagers ou
de la montée des dispositifs collaboratifs et interdisciplinaires, amènent une quasi-nécessité de pouvoir
disposer d’une trace écrite sur ce qui se déroule dans
la classe, les objectifs de l’action pédagogique et ses
résultats. Les parents sont, en effet, de plus en plus
demandeurs d’information sur les contenus et les
méthodes d’enseignement, tandis que l’institution
s’organise pour capitaliser les éléments lui permettant de suivre l’activité dans les établissements. La
réforme du collège, quant à elle, en renforçant la
dimension coopérative des enseignements à travers
les dispositifs tels que les EPI et l’accompagnement
personnalisé, impose aux équipes une formalisation
accrue afin de mieux articuler les interventions, de
mieux coordonner les approches et de travailler dans
la classe selon une logique de complémentarité, en
particulier pour l’acquisition des compétences.
Formaliser régulièrement sa pratique sert donc aussi
à répondre à des commandes multiples.
Cette tendance au développement de l’écrit dans
la pratique professionnelle, pour légitime qu’elle
soit, ne va cependant pas sans poser au moins deux
problèmes. Elle est d’abord consommatrice de temps ;
elle constitue ensuite une exposition au regard
critique, ce qui représente une nouveauté de taille
pour un métier longtemps sanctuarisé au sein des
salles de classe et qui ne se donnait que rarement
à voir, à l’occasion d’inspections par exemple. Nous
pensons qu’il ne faut pas éluder ces questions au
sein des équipes mais au contraire s’en emparer en
tentant d’apporter des cadres collectifs, respectueux
des choix individuels, qui explicitent clairement les
attendus et les objectifs de la formalisation dès lors
qu’elle est destinée à ne pas demeurer un outil de
SOMMAIRE
110
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
réflexion personnelle. Si des documents doivent
être produits en commun, on aura ainsi intérêt à
s’entendre préalablement sur les différents items et
leur degré d’approfondissement, mais aussi sur leur
usage en termes de communication (quelle cible ?).
Les outils collaboratifs, qui permettent aujourd’hui
de travailler sur un document unique en ligne, constituent de ce point de vue une avancée décisive. Les
équipes gagneront aussi à recenser les supports
attendus et les formalisations qu’elles induisent afin
de pouvoir répondre aux commandes le plus souvent
possible par un jeu de « copier-coller ». Il ne s’agit
pas ici d’entrer dans des logiques de minoration de
l’intérêt de ces demandes. Mais s’entendre sur des
rubriques incontournables dans la présentation de
son action, outre le gain d’énergie que cela représente,
permet aussi de conserver une certaine cohérence.
SOMMAIRE
OBSERVER ET ANALYSER
LES PRATIQUES
L’analyse de pratiques renvoie généralement à un
dispositif de formation qui repose sur l’emploi d’un
protocole (il en existe plusieurs) permettant aux participants d’élucider une situation problème présentée
par l’un d’entre eux. Ce travail de réflexion collective est régulé par un intervenant extérieur, qui est
le garant du cadre accepté par le groupe et qui peut
apporter à ce dernier des relances lorsque la réflexion
s’essouffle, notamment sur le plan théorique. Des
stages reposant sur ce principe peuvent être proposés
dans les plans académiques de formation, mais il
s’agit aussi d’une technique utilisée ponctuellement
au cours de séances dont elle ne constitue pas l’objet
principal (un temps d’analyse de pratique d’une
demi-journée est proposé par exemple lors d’une
formation de deux jours consacrée à la différenciation pédagogique)1. Cependant, il n’est pas toujours
possible de bénéficier de ce type d’aide à la réflexion,
et il est souvent compliqué d’obtenir une formation en
établissement permettant de faire fonctionner durablement un groupe d’analyse. Cela ne doit pas empêcher des démarches locales et plus informelles de se
mettre en place si les enseignants souhaitent renforcer
leur posture réflexive par une auto-observation accrue
ou par des modalités d’échanges entre pairs, telles que
les observations croisées, par exemple, qui consistent
pour un groupe de professeurs volontaires à se rendre
dans les cours des uns et des autres puis à mutualiser leurs perceptions de ces différentes séances ; ce
type de travail est d’ailleurs souvent proposé dans les
projets intercycles (CM-6e, ou 3e-2de).
L’auto-observation peut reposer sur des grilles très
simples, l’enseignant se fixant ses propres objets
de travail et la durée dans laquelle il souhaite s’inscrire. Il peut être intéressant de s’astreindre à cette
démarche lors de l’introduction d’un nouveau point
de programme ou pour des séances construites selon
des modalités encore inhabituelles pour le professeur.
1Une synthèse éclairante des apports de l’analyse de
pratiques au développement professionnel des enseignants
a été proposée par Marguerite Altet [39].
Comme il lui est difficile de s’observer lui-même, son
analyse peut s’appuyer par exemple sur le décalage
constaté entre les objectifs qu’il s’est fixé ou la projection qu’il a construite de son cours et la réalité du
travail des élèves qu’il s’attache alors à examiner au
plus près. Dans cette optique, l’utilisation de l’autoévaluation par les élèves (voir le chapître « Évaluer
pour faire progresser les élèves » page 89) prend
encore davantage d’intérêt.
Pour les observations croisées, la simplicité des
outils doit rester une préoccupation, s’agissant d’un
contexte qui n’est pas celui de la recherche. Les
grilles gagneront à être bâties en commun par leurs
utilisateurs.
Les temps d’observation prennent davantage de sens
si, à l’instar des visites formatives ou des inspections, ils sont suivis d’échanges entre l’acteur et le
spectateur. Mais il n’est pas toujours aisé d’engager
le dialogue avec un pair que l’on peut craindre de
froisser, surtout si son approche diffère de la nôtre. Si
la bienveillance doit être considérée comme acquise
s’agissant d’un groupe de volontaires, il n’est pas
inutile d’envisager néanmoins une trame à ces entretiens, acceptée par tous. On peut par exemple décider
ensemble que l’on s’en tiendra à « ce qui m’a séduit »
et « les questions que je me pose » pour l’observateur,
et à une explicitation de la part de son interlocuteur ;
ou on peut au contraire choisir de partir du ressenti
de l’observé sur sa propre séance. On peut définir un
cadre horaire à l’entretien, établir que le dernier mot
reviendra à celui qui a conduit le cours, convenir ou
non de laisses une trace écrite et diffusable de l’expérience, etc. Quoi qu’il en soit, pour que le dialogue
soit effectif, il convient a minima de réserver un temps
d’expression à celui qui a accueilli l’observateur dans
sa classe. Enfin, pour que chacun se sente le plus
possible en confiance, il vaut mieux prévoir un temps
de régulation concluant le cycle des rencontres, au
cours duquel les apports à la réflexion professionnelle
mais aussi les ressentis pourront être exprimés.
SOMMAIRE
112
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
La mise en place d’observations croisées dans un
établissement peut découler, nous l’avons vu, d’une
demande des enseignants eux-mêmes, qui souhaitent
ainsi améliorer le débat pédagogique dans l’établissement. Dans ce cas, il convient toutefois d’informer le
chef d’établissement de la démarche et de respecter
– bien entendu – les obligations de service de chacun
dans l’organisation des échanges. Cependant, il est
indéniable que ce type de démarche gagne à être
accompagné par une personne extérieure compétente en analyse des pratiques. C’est pourquoi ces
expériences peuvent déboucher sur une demande
de formation en établissement autour de la mise en
place de véritables groupes d’analyse de pratiques.
Des outils d’analyse
des activités professionnelles
L’analyse de pratiques renvoie, nous l’avons
vu, à un dispositif de formation codifié, mais
pour lequel les protocoles sont multiples. Sans
entrer dans une vraie démarche clinique ou de
recherche, les équipes peuvent néanmoins s’en
inspirer pour élaborer leurs propres outils d’observation et de réflexion. Des distinctions sont
aujourd’hui posées entre l’observation et l’analyse, d’une part, les situations et les activités,
d’autre part. Pour simplifier, on peut considérer
que l’analyse procède d’une démarche intellectuelle plus approfondie que la simple observation
(qu’elle développe et exploite dans la perspective
de produire un nouveau savoir sur la pratique
examinée) et que la notion d’activité (qui privilégie les gestes) replace, plus que celle de situation (qui insiste sur le contexte), le professionnel
observé dans une stratégie d’acteur. Par ailleurs
l’analyse de pratiques fait l’objet de travaux
qui tendent à élargir les observables pour aller
vers une prise en compte plus complète de ce
qui fonde les gestes professionnels des enseignants, comme les dimensions émotionnelles,
les parcours antérieurs, les représentations
identitaires, etc 2 . Ces ouvertures peuvent
2
2À ce sujet, on lira avec intérêt les travaux de Franck Martin,
Agnès Morcillo, Benoît Jeunier et Jean-François Blin, qui
fournissent des schémas éclairants sur la complexité
possibles des grilles d’analyse des activités professionnelles
[63], (voir l’article « Des activités aux situations
professionnelles en contexte scolaire : Évolution d’un
modèle d’analyse » dans Recherche et formation n° 50, 2005).
SOMMAIRE
intéresser certaines équipes, en fonction des
problématiques qui leur paraissent prioritaires.
Quels que soient les choix, les enseignants
qui souhaitent échanger sur leurs pratiques
en s’appuyant sur des observations peuvent
se doter pour commencer de grilles de lecture
simples, supports à des temps de dialogue
visant une analyse. Mais celles-ci n’interdisent
pas le parti pris ; car on peut penser que si un
ou plusieurs enseignants décident à un moment
donné, d’observer davantage leurs pratiques,
c’est pour répondre à une problématique précise
(exemples : la gestion des perturbations du cours,
le travail personnel des élèves dans une séquence
construite en classe inversée, le dossier documentaire et son exploitation, la prise de parole
en classe…).
De nombreux outils existent et sont disponibles
sur Internet. On peut également s’appuyer sur les
grilles d’observation des professeurs stagiaires,
que les ESPE diffusent souvent en ligne. Ces documents possèdent des points communs :
– leur esprit bienveillant ;
– l’organisation du relevé, pour chaque point
observé, en trois espaces : réussites, points
perfectibles et questions pour le dialogue à
venir ;
– des items limités précisant ce que l’on veut
examiner.
L’essentiel nous paraît en tout cas de co-construire
les supports d’étude et de les personnaliser de
façon à bien répondre à l’objectif que l’on s’est
donné.
113
Développer ses compétences par une posture professionnelle réflexive
Exemple d’une grille d’observation
d’une situation pédagogique en îlot
RÉUSSITES
POINTS PERFECTIBLES
QUESTIONS
Organisation spatiale
Composition des groupes
Documents supports
Utilisation de l'autonomie
par les élèves
Rôle de l'enseignant
Utilisation du tableau,
des affichages en classe
Positionnement des
élèves en difficulté
Modalités de retour
en classe entière
SOMMAIRE
ORGANISER UNE VEILLE
PROFESSIONNELLE
L’enseignant est un professionnel qui doit maîtriser
– et actualiser – un volume considérable de savoirs et
d’informations. Dans le contexte actuel d’élargissement des objets d’enseignement dans chaque discipline et de production de ressources à flux continu,
l’organisation d’une veille documentaire qui couvre
l’ensemble des dimensions du métier est devenue
indispensable, à la fois pour rester en prise avec
l’actualité mais aussi pour exercer un tri dans le flot
incessant de nouveautés.
Les professeurs connaissent, en général, les publications et les sites qui concernent leur discipline.
Très régulièrement, les lettres de rentrée des corps
d’inspection actualisent la liste des plus pertinents.
Les crédits destinés à la pédagogie dans les budgets
des établissements permettent de constituer un fond
documentaire au centre de documentation et d’information (CDI), même s’il ne concerne pas directement
les élèves. On peut y faire entrer des ressources pédagogiques pour la classe, bien sûr, mais aussi des documents concernant les enseignants, spécifiquement
consacrés à la didactique.
Ces fonds documentaires sont en revanche souvent
très peu alimentés en ressources portant sur la
pédagogie générale, les élèves ou les adolescents, le
système éducatif, la réglementation en EPLE. Mais il
faut reconnaître que plus la focale est large, plus la
documentation est abondante, ce qui rend les choix
également plus difficiles. C’est donc plus particulièrement sur ces questions que l’enseignant gagnera
à construire sa veille professionnelle. Dans certains
établissements, ce travail est délégué, d’un commun
accord, au professeur-documentaliste. Mais, même
dans ce cas, chacun peut souhaiter personnaliser son
niveau d’information, étant entendu qu’il est impossible de tout suivre.
Une fois la sélection des champs de veille effectuée,
deux outils permettent à l’enseignant de ne pas
courir après l’information, mais plutôt de la faire
venir à lui : il s’agit de l’abonnement aux lettres
d’information (ou newsletters) et de l’usage des flux
RSS (de l’anglais Riche Site Summary). Les newsletters
se sont désormais généralisées, notamment pour
les publications en ligne (c’est le cas par exemple
pour Les Cahiers pédagogiques), chez les éditeurs
qui annoncent ainsi leurs nouveautés (ce qui peut
être une façon commode de suivre les thématiques
privilégiées par la recherche), pour certaines institutions (La Documentation française, par exemple) ou
grandes associations. Le ministère en propose luimême plusieurs, dont celle qui permet de recevoir
le sommaire du Bulletin officiel, susceptibles d’intéresser plus particulièrement les enseignants. Les flux
RSS, quant à eux, sont d’un usage moins immédiat
puisqu’il faut aller les consulter via son navigateur
web (généralement dans la liste des favoris). Mais
ils permettent de repérer les mises à jour des sites
que l’on fréquente habituellement, puisque chacune
d’entre elles fait l’objet de l’apparition d’un lien vers
la page web modifiée ou ajoutée. Ce suivi risque
cependant de s’avérer chronophage si l’on multiplie
les abonnements à ces flux ; il convient donc d’être
particulièrement sélectif dans la constitution de
sa liste. Qu’il s’agisse des lettres d’information ou
des flux RSS, le désabonnement est en général aisé
et permet de procéder à des périodes de test pour
éprouver l’intérêt des informations obtenues par ces
vecteurs.
La veille documentaire ne prend sens que si elle
s’inscrit dans la durée et la régularité. On peut donc
conseiller aux enseignants de lui réserver un créneau
horaire hebdomadaire. Ce même créneau pourra
servir à lire les courriers électroniques ayant pour
objet l’information professionnelle, qui auront été
préalablement triés, au fur et à mesure de leur arrivée.
Si le temps imparti à cette veille est régulièrement
dépassé, c’est que le flux d’informations dépasse les
capacités de traitement que l’on s’était imaginées,
et il ne faut pas hésiter à en réduire le volume.
L’important demeure que cette démarche existe et
vienne trouver sa place dans les gestes professionnels,
tout en restant adaptée à des besoins qui varient d’un
enseignant à l’autre.
SOMMAIRE
116
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
Les ressources d’Éduscol
Plus qu’un site, Éduscol est aujourd’hui un
portail d’accès à de nombreuses ressources qui
présentent l’avantage d’être institutionnellement
validées. Sa richesse rend aujourd'hui nécessaire
de prendre le temps d’en observer l’architecture,
afin de mieux s’y orienter. Le portail propose tout
d’abord des entrées thématiques (barre de menus
violette), qui permettent d’obtenir des synthèses
brèves sur les points recherchés, agrémentées
de liens de téléchargement de ressources ou de
pointage vers les textes officiels. Cette présentation, relativement homogène pour l’ensemble
des items, permet donc d’avoir accès de façon
panoramique à un descriptif du sujet retenu,
à son étayage réglementaire et à des documents relatifs à sa mise en œuvre (fiches-outils,
exemples, documents d'accompagnement). La
page d’accueil met bien entendu en valeur, dans
différentes fenêtres, les thématiques les plus en
lien avec l’actualité.
Moins utilisée peut-être, la barre de menus située
tout en haut de l’écran permet d’accéder à des
sites gérés par Éduscol. Ils sont thématiques
(la sécurité routière, l’Internet responsable),
ou disciplinaires (histoire-géographie, lettres,
langues vivantes, mais aussi histoire des arts),
ces derniers renvoyant eux-mêmes à des sites
institutionnels d’autres ministères proposant des
ressources. Une série d’entre eux, construits en
partenariat avec les écoles normales supérieures,
sont consacrés à la formation des enseignants et
proposent des ressources documentaires en libre
accès (Géoconfluences pour l’enseignement de la
géographie, La Clé des langues…). Enfin, certains
abritent des bases de données : Édu’base (banque
de scénarios pédagogiques classés par disciplines) et Expérithèque (qui recense les projets
innovants).
Enfin, en bas de la page d’accueil, des liens
permettent d’accéder à l’ensemble des sites de
« l’édusphère », en particulier au site du CLEMI, à
celui de Réseau Canopé, de l’ONISEP, ou encore à
Viaéduc, le réseau social des enseignants.
Le moteur de recherche de la page d’accueil est
relativement performant. Il balaie l’ensemble des
sites gérés par la plate-forme, mais aussi le site
SOMMAIRE
du ministère. Enfin il est possible de suivre l’actualité du site (ou une partie choisie) par abonnement à un flux RSS.
EXPÉRIMENTER
ET INNOVER
Les démarches innovantes irriguent l’action publique
depuis plusieurs décennies, avec un appel à la
mobilisation croissante des acteurs sur cette question. L’enjeu est de permettre aux organisations de
procéder à des évolutions de pratiques par essais
observables, avant d’envisager une généralisation,
mais aussi de libérer la créativité des professionnels
et d’alimenter le changement par des dynamiques
qui ne soient pas exclusivement descendantes, dynamiques dont les limites sont aujourd’hui nettement
pointées 1 (top-down vs bottom-up). Afin de promouvoir
l’innovation pédagogique au sein du système éducatif,
le ministère a fourni un cadre qui repose sur un appel
à projets et sur l’accompagnement des expériences
retenues par une structure présente dans toutes les
académies : la cellule académique recherche-développement, innovation et expérimentation (ou CARDIE,
avec une coordination à l’échelon national par un
département du même nom : le DRIE 2). Cette cellule
lance donc un appel annuel à candidatures, établit
la liste des projets retenus et définit les modalités
de leur suivi, qui se traduit le plus souvent par un
conseil externe, assuré par des professeurs chargés de
mission et spécifiquement formés à cette démarche
ou par les inspecteurs référents de l’établissement
concerné. Une petite dotation en heures supplémentaires peut également soutenir l’équipe engagée, et
rémunérer une partie du travail que l’expérience
induit. En contrepartie, les enseignants porteurs du
projet s’associent à la rédaction de comptes rendus
(démarche de formalisation) et aux manifestations
de promotion qui peuvent être organisées par chaque
rectorat (démarche de communication). Le ministère utilise également le dispositif pour réaliser des
tests avant généralisation ; c’est par exemple le cas
1Sur l’intérêt de s’appuyer sur les acteurs pour redynamiser
les organisations, nous renvoyons le lecteur aux travaux
réalisés en sociologie dès la fin des années 1970, et
notamment ceux de Michel Crozier [50].
2C’est dans ce département que travaille notamment
François Muller, auteur de nombreuses ressources sur la
question de l’innovation en pédagogie. Nous conseillons la
fréquentation de son site : http://www.francoismuller.net
du choix de l’orientation à la fin de la classe de troisième laissé à la famille. L’ensemble des expériences
inscrites dans ce cadre fait l’objet d’une base consultable depuis le site Éduscol, l’Expérithèque, qui les
présente sous un format normalisé incluant toujours
les mêmes entrées.
La distinction entre expérimentation et innovation
tient essentiellement au caractère dérogatoire ou
non de l’expérience conduite. L’expérimentation est
décrite plus précisément ci-dessous (voir encadré).
L’innovation, quant à elle, ne suppose pas d’aménagement du cadre réglementaire des enseignements. Elle
s’inscrit dans un temps limité (un ou deux ans). Elle
s’appuie sur la liberté pédagogique des enseignants
et sur l’autonomie des établissements, et porte généralement sur les pratiques au sein de la classe ou la
mise en œuvre de dispositifs dans l’établissement.
Actuellement, l’innovation se développe beaucoup
autour des usages numériques, mais elle témoigne
également d’une grande diversité d’approches et
de thèmes. On peut citer, par exemple, des actions
de liaison au sein du cycle 3 à travers l’étude d’objets littéraires communs, des réflexions autour de
l’adaptation de l’apprentissage des langues vivantes
aux élèves dyslexiques ou des projets portant sur la
pédagogie inversée et la classe en îlots en histoiregéographie. Dans tous les cas, il s’agit de tester une
nouvelle approche, en s’accordant un droit à l’erreur
et au retour à la situation antérieure, tout en visant
une possible systématisation des pratiques mises en
œuvre. À ce titre, l’expérience comprend souvent un
temps d’interrogation sur ce qui la rend transférable
ou généralisable.
La participation à un projet innovant est un accélérateur de la réflexion professionnelle parce qu’elle
cumule plusieurs leviers : elle impose une formalisation, elle favorise les échanges avec les autres
collègues impliqués, elle bénéficie du regard critique
et bienveillant des accompagnateurs extérieurs. La
posture réflexive est au cœur de la démarche, qui
suppose une analyse de l’existant et l’émission d’hypothèses de travail pour améliorer les points faibles
SOMMAIRE
118
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
repérés, l’élaboration d’une véritable stratégie pédagogique partagée, la définition de critères de réussite
observables auprès des élèves et l’interrogation sur le
caractère transférable des pratiques mises en œuvre.
L’innovation peut ainsi représenter pour l’enseignant,
à un moment donné de son itinéraire professionnel, un
temps privilégié d’enrichissement en ce qu’elle intensifie le questionnement pédagogique et la recherche
de solutions pérennes aux problématiques initiales.
Qu’est-ce que l’expérimentation ?
Dans l’Éducation nationale, le terme « expérimentation » renvoie à une démarche innovante
approfondie et particulière, le projet nécessitant
des modifications du cadre réglementaire ; cellesci peuvent porter par exemple sur les contenus
d’enseignement, les horaires disciplinaires, la
structure de l’établissement ou certaines procédures. Le cadre réglementaire actuel du dispositif
a été une première fois défini dans l’article 34
de la Loi d’orientation et de programmation
pour l’avenir de l’école (2005), d’où l’expression
souvent entendue « d’expérimentation au titre
de l’article 34 ». Aujourd’hui, ces dispositions
figurent dans l’article 140-1 du Code de l’éducation [22].
Les expérimentations pédagogiques s’inscrivent
dans une durée de trois à cinq ans, c’est-à-dire
sensiblement plus longue que celle des innovations. En raison du caractère dérogatoire qu’elles
supposent, elles nécessitent une demande auprès
du recteur d’académie, qui décide de les valider.
Elles font bien entendu l’objet d’un accompagnement particulier, notamment par les corps d’inspection, et d’une évaluation fine permettant d’en
mesurer les effets. L’expérimentation est parfois
proposée par le niveau national, les établissements qui entrent dans le dispositif devenant
ainsi préfigurateurs de pratiques qui ont vocation
à se généraliser. C’est ainsi que s’est par exemple
développé l’enseignement intégré des sciences et
des technologies au collège (EIST). Cette méthode
de déploiement a été largement utilisée dans
les dynamiques de réforme, notamment lors de
l’introduction par le socle commun de l’approche
par compétences ou pour le développement des
approches interdisciplinaires amenant les EPI.
Comme pour les innovations, et même si elles
revêtent souvent un caractère plus institutionnel et d’une certaine manière plus contrai-
SOMMAIRE
gnant (notamment en termes de production), les
expérimentations fournissent aux enseignants
qui s’y engagent de véritables opportunités de
réflexion, en élargissant l’horizon des possibles.
Elles permettent à ceux qui le souhaitent de
s’inscrire dans une dynamique de changements
souvent profonds, mais aussi de participer à des
évolutions susceptibles de toucher les pratiques
professionnelles de chacun.
SE FORMER TOUT AU LONG
DE SA CARRIÈRE
Le développement professionnel passe le plus
souvent par des temps de formation. C’est pourquoi
la capacité à se former entre aujourd’hui dans le
référentiel de compétences de nombreuses professions, en particulier celles qui sont liées à la relation
humaine, qui exigent une actualisation régulière de
connaissances ou qui demandent de la créativité.
Or le métier d’enseignant répond à tous ces critères.
Depuis une décennie, la formation des professeurs
a été repensée, en bénéficiant de la réorganisation
qui a touché l’ensemble de la fonction publique. C’est
également à cette période qu’est apparu le droit individuel à la formation ou DIF [29]. Concrètement, la
formation des enseignants est aujourd’hui articulée
autour de trois objectifs :
– l’adaptation immédiate au poste de travail, qui
comprend essentiellement la formation « statutaire » d’entrée dans un métier ;
– l’adaptation à l’évolution prévisible des métiers, qui
renvoie souvent à une logique de public désigné
(exemple : les formations d’accompagnement à la
mise en œuvre des nouveaux programmes) ;
– le développement de qualifications existantes ou
l’acquisition de qualifications nouvelles, qui relève
du choix de l’enseignant et de ses projets professionnels (préparation à des concours ou certifications, par exemple).
Lors de l’inscription sur l’application nationale GAIA,
il est d’ailleurs demandé de préciser dans quel cadre
se situe la demande. Le nombre de jours de formation
auquel un enseignant « a droit » chaque année n’est
pas réellement contingenté. Le parcours de chacun
peut en effet être lié à son évolution professionnelle
(missions spécifiques nécessitant des mises à niveau
ou des regroupements institutionnels, inscription
à un concours, formation de formateur, etc.). Il est
important, en revanche, de savoir qu’un chef d’établissement peut s’opposer ponctuellement à un départ en
formation « pour nécessité de service ». Dans les faits,
les refus sont très rares. Le DIF constitue cependant
une garantie supplémentaire, puisqu’il consacre la
formation comme un droit.
L’enseignant peut en effet capitaliser un droit à
formation de vingt heures par année, plafonné à six
ans. Il peut ensuite choisir de « mobiliser son DIF »
pour suivre tel ou tel stage, s’il lui paraît particulièrement important que sa candidature soit retenue, cette
mobilisation n’étant pas systématiquement exigée
pour bénéficier d’une formation. En principe, le DIF
ouvre la possibilité de suivre des dispositifs inscrits
dans les plans académiques et nationaux. Mais il peut
également servir à un projet plus personnel (de reconversion, par exemple) ou à s’inscrire à des formations
proposées par d’autres administrations (l’enseignement supérieur, par exemple). Dans ce cas, les rectorats ont tous mis en place des procédures particulières
de demande, dont on peut prendre connaissance en
interrogeant les services de formation concernés.
Quant au compte personnel de formation créé par la
loi sur la formation professionnelle de 5 mars 2014,
il n’est pas encore applicable à la fonction publique,
faute de décrets organisant sa mise en œuvre.
Les catégories présentées ci-dessus permettent de
mieux se repérer dans l’architecture de la formation
professionnelle proposée aux enseignants. Cependant,
le constat est fait d’un usage très modéré de leur droit
à la formation par les enseignants, et la réorganisation intervenue en 2007 ne résout pas toutes les
difficultés : accès inégal selon les points du territoire,
plans privilégiant l’accompagnement des nouveaux
dispositifs au détriment des pratiques quotidiennes,
répartition insuffisante des interventions entre chercheurs, acteurs institutionnels et praticiens, impossibilité pour des équipes de s’absenter simultanément
pour travailler sur leurs propres projets, réinvestissement des acquis impossibles en contexte, etc. Or,
depuis quelques années, l’idée s’impose que la formation ne se réduit pas à la présence plus ou moins
régulière à des stages souvent très courts. Plusieurs
études, inspirées notamment de l’idée « d’organisation apprenante » et proposant sa déclinaison dans les
ÉPLE [43], s’intéressent aux possibilités de développement professionnel au sein de l’établissement même.
Elles montrent qu’un certain nombre de situations
peuvent constituer de véritables temps de formation
SOMMAIRE
120
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
(voir le schéma ci-dessous). La recherche montre de
plus que certains modes de pilotage, certaines modalités d’organisation, certains choix d’outils de travail
collectif favorisent le développement de ce que l’on
désigne aujourd’hui par « établissement formateur ».
Il s’agit essentiellement de multiplier les occasions de
formation et les supports d’échanges sur les pratiques
dans les établissements, tout en leur conférant un
caractère organisé, transparent et institutionnel,
ce qui leur apporte également une certaine reconnaissance. Le dispositif retenu au sein du collège est
animé alors par un groupe de travail essentiellement
constitué d’enseignants – mais d’autres membres du
personnel peuvent y participer –, auquel l’équipe de
direction vient apporter impulsion, caution et appui
organisationnel. Ce groupe de travail peut être une
émanation du conseil pédagogique auquel il rend
compte dans tous les cas de son activité. Les propositions peuvent être variées et complémentaires :
cycle d’observations croisées, de conférences pédagogiques, « cafés didactiques », formations locales,
fiches de lecture alimentant un blog… Elles peuvent
aussi tourner autour de la formalisation plus systématique de l’activité pédagogique dans l’établissement : diffusion de comptes rendus des conseils d’enseignement, des outils fournis lors d’une formation
académique, des avancées des équipes engagées dans
une innovation, etc. L’un des principaux enjeux de la
formation étant le réinvestissement dans la pratique,
on voit bien l’intérêt que représente ce raccourcissement de la boucle entre les lieux de développement
professionnel théorique et ceux de l’application. Cette
tendance explique aussi la montée des sessions en
établissement reliées à des problématiques locales et
dont les contenus sont négociés avec les enseignants
participants. Il ne s’agit pas de dire que tout est
formation, au risque de négliger l’intérêt de la prise
de distance périodique et du contact avec la recherche
universitaire que seul le stage hors établissement et
son temps privilégié (du fait de sa rareté) fournissent
aujourd’hui réellement. Mais il serait tout aussi faux
de considérer qu’en dehors de ce type de dispositif il
n’y a pas de formation possible [58].
L’établissement formateur
Participer aux instances
(Conseil pédagogique,
conseil d’enseignement,
conseil école-collège…)
Repèrer les
ressources humaines
(tuteurs, formateurs…)
L’établissement formateur
offre au professeur
une palette de
situations formatives
Établir des coopérations
(accompagnement
personnalisé, EPI…)
Participer
aux formations
d’établissement
Fréquenter les
espaces de ressources
(CDI, espaces collaboratifs)
S’inscrire dans
un programme
d’observations croisées
Intègrer une action innovante
ou une expérimentation
Produire de la ressource
pour alimenter
les banques collectives
SOMMAIRE
CONCLUSION
La réforme du collège entendait agir sur des fronts multiples pour entraîner des changements en profondeur des pratiques pédagogiques : renouvellement du socle commun et
des programmes pour tous les niveaux de classe simultanément, redécoupage des cycles,
introduction de dispositifs tels que les EPI et l’accompagnement personnalisé, redynamisation de la mise en œuvre des parcours, modification de l’examen sanctionnant la fin de
la scolarité obligatoire et des modalités d’évaluation… C’est donc à un effort important
– peut-être sans précédent – que les enseignants ont été conviés et sans doute faudra-t-il
du temps, malgré l’envie manifeste du ministère d’avancer rapidement, pour faire entrer
et installer tous ces bouleversements dans toutes les classes. Il nous paraît significatif que
l'arrêté du 16 juin 2017 pose des ajustements concernant essentiellement les dispositifs
(laissés qui plus est à l'appréciation des établissements), sans modifier en profondeur l'esprit
de la réforme en ce qui concerne les pratiques, notamment sur l'interdisciplinarité et la
diversification pédagogique.
Cette volonté de faire bouger l’ensemble des lignes, que la Loi pour la refondation de l’école
de la République annonçait clairement, est motivée par la nécessité pour le système éducatif
de relever le défi d’un enseignement garantissant davantage la réussite des élèves et l’égalité
des chances. Or le contexte dans lequel cette transformation doit intervenir est particulièrement complexe. Nous traversons, en effet, un moment de turbulence, où l’adhésion aux
valeurs de la République paraît ébranlée chez certains, où le pays peine à s’extirper des
conséquences de la dernière grande crise économique et à pouvoir offrir des perspectives
d’insertion à ses enfants, où la difficulté à « faire société » du fait d’inégalités installées est
ressentie par chacun tous les jours. Dans ces conditions, la multiplication des chantiers et
le calendrier resserré prévus par la réforme pouvaient effrayer le monde enseignant, même
si le constat qui justifiait les transformations demandées faisait relativement consensus en
son sein, tous éprouvant les difficultés à répondre aux besoins des élèves d’aujourd’hui et
sentant confusément l’enjeu qui pèse sur l’école en termes de cohésion sociale.
Face à cette situation, la prise de conscience des forces collectives qui existent dans les
établissements – à condition d’être bien coordonnées – et de l’inscription de son action dans
une mission partagée peut être pour l’enseignant un remède au sentiment d’écrasement.
C’est pourquoi nous sommes convaincus qu’il gagne à considérer sa profession au-delà du
seul périmètre de la classe et à la repenser dans l’ensemble plus large que constitue l’EPLE,
et plus encore dans le système éducatif dans son entier. Le sentiment de conduire une action
qui fait sens (pour l’élève, pour soi) représente une composante essentielle de la satisfaction
professionnelle, et c’est cette recherche de la cohérence qui doit conduire le professeur à
comprendre l’organisation dans laquelle il évolue. En écrivant cela, nous ne mésestimons
pas l’effort que ce déplacement suppose. Mais il nous semble que ce qui peut paraître de
prime abord comme un détour permet en réalité de retrouver des marges de manœuvre, si
l’on accepte l’idée que le bénéfice d’une entreprise collective dépasse la contrainte générée
par le fait de devoir y apporter sa contribution personnelle.
Au-delà de l’opinion que l’on peut en avoir et des chances qu’on lui accorde de tenir ses
promesses, la réforme du collège représente indéniablement une opportunité de relancer la
réflexion dans les établissements scolaires, à la fois sur les pratiques individuelles et sur les
actions collectives. Ce n’est pas le changement pour lui-même qui offre de l’intérêt (car on
SOMMAIRE
122
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
peut – et on devrait – s’interroger légitimement sur ses vertus lorsque son horizon est insuffisamment défini), mais cette nécessité de la remise en question qu’il amène. La réforme
est donc avant tout, pour chacun, l’occasion de revisiter sa façon d’exercer son métier, de
s’ouvrir à des expériences nouvelles, de replacer la créativité et la recherche au cœur de sa
pratique. Et l’on ose même dire que cet enjeu dépasse les mises en œuvre présentes ; car si
cette mise en mouvement s’effectue et perdure, elle pourra utilement se mettre au service
d’autres mutations à venir. En effet, outre la stabilité des valeurs, la constance dans la façon
de considérer son métier d’enseignant peut reposer paradoxalement sur l’acceptation de
la nécessité d’une adaptation fréquente, et donc sur une forme de mobilité. La continuité
réside alors dans une posture réflexive, organisée et revendiquée qui peut constituer un
appui permanent.
SOMMAIRE
BIBLIOGRAPHIE
Notre recension ne prétend pas à l’exhaustivité ; elle se contente de rassembler les références mentionnées dans le cours de l’ouvrage.
RÉFÉRENCES INSTITUTIONNELLES
1. « Orientations générales pour les
comités d’éducation à la santé et à la
citoyenneté » in B.O.E.N. n° 30 du 25 août
2016.
2. « Instauration et organisation de
la cérémonie républicaine de remise
du diplôme national du brevet et du
certificat de formation générale » in
B.O.E.N. n° 25 du 23 juin 2016.
3. « Le parcours citoyen de l’élève »
in B.O.E.N. n° 25 du 23 juin 2016.
4. « Diplôme national du brevet –
Modalités d’attribution à compter de la
session 2 017 » in B.O.E.N. n° 14 du 8 avril
2016.
5. « Mise en place du parcours éducatif
de santé pour tous les élèves » in B.O.E.N.
n° 5 du 4 février 2016.
6. « Programmes d’enseignement de
l’école élémentaire et du collège » in
B.O.E.N. spécial du 26 novembre 2015.
7. « Missions des conseillers principaux
d’éducation » in B.O.E.N. n° 31 du 27 août
2015.
d’enseignement du second degré »
in B.O.E.N. n° 18 du 30 avril 2015.
de l’État » in Journal officiel n° 240 du
16 octobre 2007.
15. « Modalités d’attribution de
l’indemnité pour mission particulière »
in B.O.E.N. n° 18 du 30 avril 2015.
30. « Le rôle et la place des parents » in
B.O.E.N. n° 31 du 31 août 2006.
16. « Socle commun de connaissances,
de compétences et de culture » in B.O.E.N.
n° 17 du 23 avril 2015.
17. « Le plan d’accompagnement
personnalisé » in B.O.E.N. n° 5 du
29 janvier 2015.
18. « Suivi et à l’accompagnement
pédagogique des élèves » in B.O.E.N. n° 44
du 27 novembre 2014.
19. « Charte de la laïcité à l’École » in
B.O.E.N. n° 33 du 12 septembre 2013.
20. « Conseil école-collège. Composition
et modalités de fonctionnement » in
B.O.E.N. n° 32 du 5 septembre 2013.
21. « Référentiel des compétences
professionnelles des métiers du
professorat et de l’éducation » in B.O.E.N.
n° 30 du 25 juillet 2013.
31. « Socle commun de connaissances
et de compétences » in B.O.E.N. n° 29 du
20 juillet 2006.
32. « Loi d’orientation et de
programmation pour l’avenir de l’école »,
in Journal officiel du 24 avril 2005.
33. « Loi pour l’égalité des droits et
des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées »
in Journal officiel du 12 février 2005.
34. « Organisation des itinéraires de
découverte » in B.O.E.N. n° 31 du 29 août
2002.
35. « Article L.511-1 » in Code de l’éducation
(entrée en vigueur au 22 juin 2000).
36. « Rôle du professeur principal dans
les collèges et les lycées » in B.O.E.N. n° 5
du 4 février 1993.
22. « Article L401-1 » in Code de l’éducation
(entrée en vigueur au 10 juillet juin 2013).
8. Acquis des élèves au collège : les écarts
se renforcent entre la sixième et la troisième
en fonction de l’origine sociale et culturelle,
Note d’information n° 25, MENESR-DEPP,
août 2015.
37. « Droits et obligations des élèves
des lycées, collèges et établissements
régionaux d’enseignement adapté » in
B.O.E.N. n° 11 du 14 mars 1991.
23. « Loi d’orientation et de
programmation pour la refondation de
l’École de la République » in Journal officiel
du 9 juillet 2013.
38. « Projet d’établissement » in B.O.E.N.
n° 21 du 24 mai 1990.
9. « Parcours avenir » in B.O.E.N. n° 28 du
9 juillet 2015.
24. « Article R131-5 » in Code de l’éducation
(entrée en vigueur le 1er février 2012).
10. « Parcours d’éducation artistique et
culturelle » in B.O.E.N. n° 28 du 9 juillet
2015.
25. « Certificat informatique et internet
de l’enseignement supérieur » in Bulletin
officiel de l’Enseignement supérieur et de la
Recherche n° 5 du 3 février 2011.
11. « Enseignements au collège –
Organisation » in B.O.E.N. n° 27 du
2 juillet 2015.
12. « Programme d’enseignement moral
et civique – École élémentaire et collège »
in B.O.E.N. spécial n° 6 du 25 juin 2015.
13. « Organisation des enseignements
dans les classes de collège » in B.O.E.N.
n° 22 du 28 mai 2015.
14. « Missions et obligations
réglementaires de service des
enseignants des établissements publics
26. L’Exercice de l’autorité parentale en
milieu scolaire, MEN/Éduscol, 2 011.
27. « Programme de littérature et
société en classe de seconde générale
et technologique – Enseignement
d’exploration » in B.O.E.N. spécial n° 4 du
29 avril 2010.
28. « Les programmes du collège » in
B.O.E.N. spécial n° 6 du 28 août 2008.
29. « La formation professionnelle tout
au long de la vie des fonctionnaires
RÉFÉRENCES TRANSVERSALES
39. Altet Marguerite
« L’Analyse de pratiques, une démarche
de formation professionnalisante ? » in
Recherche et formation n° 35, IFE, 2000.
40. Astolfi Jean-Pierre
L’Erreur, un outil pour enseigner, ESF, 1997.
41. Bourdieu Pierre & Passeron JeanClaude
Les Héritiers : les étudiants et la culture,
Minuit, 1 964.
42. Bourdieu Pierre, Passeron JeanClaude
La Reproduction : éléments d’une théorie du
système d’enseignement, Minuit, 1970.
43. Bouvier Alain et al.
Vers des établissements scolaires apprenants :
perspectives pour la conduite du changement,
Canopé, 2014.
SOMMAIRE
124
ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
44. Cabanel Patrick
Les Mots de la laïcité, Presses universitaires
du Mirail, 2004.
60. Legrand Louis
Les Différenciations de la pédagogie, PUF,
1995.
77. Berque Augustin
Écoumène : introduction à l’étude des milieux
humains [2000], Belin, 2016.
45. Chervel André
La Culture scolaire, Belin, 1998.
61. Ly Son Thierry, Riegert Arnaud
Mixité sociale et scolaire et ségrégation inter
et intra-établissement dans les collèges et les
lycées français, CNESCO, juin 2015.
78. Biaggi Catherine
« Habiter, un concept novateur dans
la géographie scolaire ? » in Annales de
géographie, n° 704, Armand Colin, 2015.
62. Meirieu Philippe
Apprendre… oui, mais comment, ESF, 1987.
79. Bloch Marc
Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien,
Armand Colin, 1997.
46. Chevallard Yves
La Transposition didactique [1985], La
pensée sauvage, 1991.
47. Cifali Mireille, André Alain
Écrire l’expérience : vers la reconnaissance
des pratiques professionnelles, PUF, 2007.
48. Connac Sylvain
Apprendre avec les pédagogies coopératives,
ESF/Sciences humaines, 2016.
49. Connac Sylvain
La Coopération entre élèves, Canopé, 2017.
50. Crozier Michel, Friedberg Erhard
L’Acteur et le Système : les contraintes de
l’action collective [1977], Le Seuil, 2014.
51. Dehaene Stanislas
« Il faut fonder la pédagogie sur des
preuves, non sur des intuitions » in Le
Monde le 23 mai 2016.
63. Meirieu Philippe
Enseigner, scénario pour un nouveau métier,
ESF, 1989.
64. Meirieu Philippe
Le Choix d’éduquer : éthique et pédagogie,
ESF, 1991.
80. Borne Dominique, Garcia Patrick
« Continuité et discontinuité
chronologique dans l’enseignement de
l’histoire » in Michel Hagnerelle (dir.),
Apprendre l’histoire et la géographie à l’école,
CRDP de l’académie de Versailles, 2004.
65. Pena-Ruiz Henri
La Laïcité, coll. « Corpus », Flammarion,
2003.
81. Boucheron Patrick
Ce que peut l’histoire, Collège de France/
Fayard, 2016.
66. Pons Xavier
L’Évaluation des politiques éducatives, PUF,
2011.
82. Braudel Fernand
« Histoire et sciences sociales. La longue
durée » [1958] in Écrits sur l’histoire,
Flammarion, 1984.
67. Prairat Eirick
Enseigner : quelle éthique ? Canopé, 2015.
52. Dubet François
L’École des chances : qu’est-ce qu’une école
juste ? Le Seuil, 2004.
68. Rey Bernard
Discipline en classe et autorité de
l’enseignant, De Boeck, 2004.
53. Dubet François
Faits d’école, éditions de l’EHESS, 2008.
RÉFÉRENCES DISCIPLINAIRES
54. Dubet François
La Préférence pour l’inégalité : comprendre la
crise des solidarités, coll. « La République
des idées », Le Seuil, 2014.
55. Duru-Bellat Marie
Les Inégalités sociales à l’école : genèse et
mythes, PUF, 2002.
56. Duru-Bellat Marie
« Actualité et nouveaux développements
de la question de la reproduction des
inégalités sociales par l’école » in
L’orientation scolaire et professionnelle, 32/4.
57. Duru-Bellat Marie, Mingat Alain
« La constitution de classes de niveau
dans les collèges : les effets pervers d’une
pratique à visée égalisatrice » in Revue
française de sociologie, vol. 38, 1997.
58. Feyfant Annie
« L’établissement scolaire, espace
de travail et de formation des
enseignants ? » in Dossier de veille de l’IFÉ,
n° 87, IFÉ, 2013.
59. Fotinos Georges
L’État des relations école-parents/Le divorce
école-parents en France - Mythe et réalité
en 2015. (Ce rapport est accessible en
téléchargement depuis le site de la
CASDEN.)
SOMMAIRE
69. Allouche Élie
Enseigner l’histoire-géographie, Seli Arslan,
2002.
70. Annales. Histoire, Sciences sociales,
vol. 65/n° 2, « Savoirs de la littérature »,
Armand Colin/EHESS, 2010.
71. Arnould Paul, Biaggi Catherine
« Cartes et images dans l’enseignement
de la géographie » in Michel Hagnerelle
(dir.), Apprendre l’histoire et la géographie à
l’école, CRDP de l’académie de Versailles,
2004.
72. Baecque Antoine de
L’Histoire-Caméra, Gallimard, 2008.
73. Baecque Antoine de
Histoire et Cinéma, Cahiers du cinéma/
SCEREN-CNDP, 2008.
74. Baquès Marie-Christine
Art, histoire et enseignement, Hachette,
2001.
83. Brunet Roger
La Carte, mode d’emploi, Fayard/Reclus,
1987.
84. Chartier Roger
« La vérité entre fiction et histoire » in
Antoine de Baecque & Christian Delage
(dir.), De l’histoire au cinéma [1998],
Complexe, 2008.
85. Corbin Alain
« Regards croisés sur la chronologie et
son apprentissage » in 1515 et les grandes
dates de l’histoire de France revisitées par les
grands historiens d’aujourd’hui, Le Seuil,
2008.
86. Dautresme Valérie, Lombard-Brioult
Raphaële
Histoire-Géographie cycle 4, Progressions et
séquences, Canopé, 2016.
87. Le Débat n° 165, « L’histoire saisie par
la fiction », Gallimard, 2011.
88. Decaux Alain, Nora Pierre
L’Histoire médiatique, coll. « Le Débat »,
Gallimard, 2016.
89. Delage Christian, Guigueno Vincent
L’Historien et le Film, Gallimard, 2004.
75. Baubérot Jean
Histoire de la laïcité, PUF, 2013.
90. Deleplace Marc, Niclot Daniel
L’Apprentissage des concepts en histoire et
en géographie : enquête au collège et au lycée,
CRDP de Champagne-Ardenne, 2005.
76. Bensa Alab, Fassin Éric
« Les sciences sociales face à
l’événement » in Terrain, n° 38, Éditions
du patrimoine, 2002.
91. Dermenjian Geneviève et al.
La Place des femmes dans l’histoire,
Une histoire mixte, Belin/Association
Mnémosyne, 2010.
125
BIBLIOGRAPHIE
92. Dosse François
Le Pari biographique : écrire une vie,
La Découverte, 2005.
108. Lazzarotti Olivier
Habiter : la condition géographique, Belin,
2006.
124. Thiébaut Michel
Pour une éducation à l’image au collège,
Hachette/CRDP de Franche-Comté, 2002.
93. Les Dossiers évaluations & statistiques,
n° 183, « Image de la discipline et
pratiques d’enseignement en histoiregéographie et éducation civique au
collège », MEN, 2007.
109. Lazzarotti Olivier
« L’“habiter” sur un plateau » in Annales
de géographie, n° 704, Armand Colin, 2015.
125. Veyne Paul
Comment on écrit l’histoire [1971], Le Seuil,
1996.
110. Le Goff Jacques
« Comment écrire une biographie
historique aujourd’hui ? » in Le Débat,
n° 54, Gallimard, 1989.
126. Vingtième siècle, n° 75, « Histoire des
femmes, histoire des genres », Presses de
sciences Po, 2002.
94. Farge Arlette
Le Goût de l’archive [1989], Le Seuil, 1997.
95. Farge Arlette
« Penser et définir l’événement en
histoire » in Terrain, n° 38, Éditions du
patrimoine, 2002.
96. Ferro Marc
Histoire et Cinéma [1977], Gallimard, 1993.
97. François Pascal et al.
Histoire-Géographie au collège, Belin, 1996.
98. Furet François
« De l’histoire-récit à l’histoireproblème » [1975] in L’Atelier de l’histoire,
Flammarion, 1989.
99. Gapaillard Claude
La Maîtrise de la langue pour l’enseignement
de l’histoire au collège, CRDP de BasseNormandie, 2008.
100. Gervereau Laurent
Voir, comprendre, analyser les images,
La Découverte, 2004.
101. Granger Christophe, dir.
À quoi pensent les historiens ? : faire de
l’histoire au XXIe siècle, Autrement, 2013.
102. Granier Gérard, Picot Françoise
« La place des documents dans
l’enseignement de l’histoire et de la
géographie » in Michel Hagnerelle (dir.),
Apprendre l’histoire et la géographie à l’école,
CRDP de l’académie de Versailles, 2004.
103. Grataloup Christian
« La géographie scolaire sans boussole »
in Le Débat n° 175, Gallimard, 2013.
111. Le Roux Anne, dir.
Enseigner l’Histoire-Géographie par
le problème ? L’Harmattan, 2004.
112. Le Roy Ladurie Emmanuel
« Leçon inaugurale » [1975] in Le Territoire
de l’historien, tome 2, Gallimard, 1978.
128. Wirth Laurent
« Définir les programmes », Le Débat
n° 175, Gallimard, 2013.
VARIA
113. Lévy Jacques
Le Tournant géographique : penser l’espace
pour lire le monde, Belin, 1999.
129. Barthes Roland
Éléments de sémiologie [1965], in Œuvres
complètes, T.2, Le Seuil, Paris, 2002.
114. Lussault Michel
L’Homme spatial : la construction sociale de
l’espace humain, Le Seuil, 2007.
130. Benjamin Walter
« L’œuvre d’art à l’ère de sa reproduction
technique » in Œuvres, T.3, Gallimard,
2000.
115. Lyon-Caen Judith, Ribard Dinah
L’Historien et la Littérature, La Découverte,
2010.
116. Mottet Gérard dir.,
Images & construction de l’espace :
Apprendre la carte à l’école, INRP, 1998.
117. Nora Pierre
« Le retour de l’événement » in Jacques
Le Goff & Pierre Nora (dir.), Faire de
l’histoire, vol. I : Nouveaux problèmes [1974],
Gallimard, 1986.
131. Wallin Nils L.
Biomusicology : Neurophysiological,
Neuropsychological and Evolutionary
Perspectives on the Origins and Purposes
of Music, Pendragon Press, 1991.
132. Wolff Francis
Pourquoi la musique ? Fayard, 2015.
118. Passeron Jean-Claude, Revel
Jacques
Penser par cas, Éditions de l’EHESS, 2005.
119. Pinson Gérard
Enseigner l’histoire : un métier, des enjeux,
Hachette/CRDP Basse-Normandie, 2007.
104. Grenouilleau Olivier
« L’histoire à l’école » in Le Débat n° 175,
Gallimard, 2013.
120. Prost Antoine
« Ce que chronologie veut dire » in Alain
Corbin (dir.) 1515 et les grandes dates de
l’histoire de France revisitées par les grands
historiens d’aujourd’hui, Le Seuil, 2008.
105. Jablonka Ivan
Histoire des grands-parents que je n’ai pas
eus, Le Seuil, 2012.
121. Rey Bernard, Staszewski Michel
Enseigner l’histoire aux adolescents, De
Boeck, 2004.
106. Jablonka Ivan
L’histoire est une littérature contemporaine :
Manifeste pour les sciences sociales, Le Seuil,
2014.
122. Ricœur Paul
Temps et Récit [1983-1985], Le Seuil, 1991,
3 vol.
107. Jarraud François
« Des outils pour l’histoire » in Les
Dossiers de l’ingénierie éducative, n° 56,
CNDP, 2006.
127. Wieviorka Annette
L’Ère du témoin [1998], Hachette, 2002.
123. Thébaud Françoise
Écrire l’histoire des femmes et du genre,
École normale supérieure, 2007.
SOMMAIRE
SITOGRAPHIE
133. www.reseau-canope.fr/bsd
Banque de séquences didactiques (BSD)
du réseau Canopé
134. www.reseau-canope.fr/climatscolaire
Climat scolaire
135. www.cnesco.fr
CNESCO, Conseil national de l’évaluation
du système scolaire
136. eduscol.education.fr
Éduscol, informer et accompagner les
professionnels de l’éducation
137. www.maisons-europe.eu
Fédération française des maisons de
l’Europe
138. www.onisep.fr/Equipes-educatives/Folios
Folios
139. www.legifrance.gouv.fr
Légigrance, le service public de la
diffusion du droit
140. www.education.gouv.fr
Ministère de l’Éducation nationale, en
particulier la page sur l’égalité des filles
et des garçons.
141. neo.ens-lyon.fr/neo
Néopass@ction, la plate-forme des néotitulaires sur le site de l’Institut français
de l’éducation
142. www.gouvernement.fr/observatoire-dela-laicite
Observatoire de la laïcité
SOMMAIRE

127
SUR LA MÊME THÉMATIQUE
Histoire-géographie cycle 4 :
progressions et séquences
Enseigner la mer : des espaces
maritimes aux territoires
de la mondialisation
Jouer en histoire-géographie :
trois jeux complets pour aborder
les programmes du cycle 4
Tristan Lecoq, Florence Smits
2016
Livre : Réf. 350B8070 – 14,90 €
www.reseau-canope.fr/notice/enseignerla-mer_9135.html
Marc Berthou, Romain Boyer
2017
Livre : Réf. W0001807 – 26,90 €
PDF : Réf. W0001808 – 7,99 €
www.reseau-canope.fr/notice/jouer-enhistoire-geographie.html
Histoire des immigrations en France
Développer l’esprit critique
La coopération entre élèves
Jean-Luc Millet
2017
DVD vidéo : Réf. 941DVD30 – 25,00 €
www.reseau-canope.fr/notice/histoire-desimmigrations-en-france.html
Gratuit
reseau-canope.fr/developper-lesprit-critique
Sylvain Connac, Philippe Meirieu
2017
Livre : Réf. 210EC004 – 9,90 €
www.reseau-canope.fr/notice/la-cooperationentre-eleves.html
Raphaële Lombard-Brioult,
Valérie Dautresme
2016
Livre : Réf. 7800HG08 – 22,90 €
PDF : Réf. 7800W007 – 8,99 €
www.reseau-canope.fr/notice/histoiregeographie-cycle-4.html
MAÎTRISER
Pour étayer
vos connaissances
Que veut dire aujourd’hui être enseignant au collège en
histoire-géographie ?
Cet ouvrage propose un vademecum. Il interroge l’évolution
du métier dans le contexte de la réforme, sans éluder l’enjeu
de la refondation de l’école de la République : mieux prendre
en charge la difficulté scolaire et œuvrer à la « réussite pour
tous ».
À la croisée des regards d’un enseignant et d’un personnel
de direction, l’ouvrage parvient à replacer les logiques d’un
enseignement disciplinaire et des programmes de 2016 dans
un contexte global. En articulant les différentes échelles
(État, académie, ÉPLE et classe), il révèle les cadres dans
lesquels s’inscrit l’action de l’enseignant et montre, conseils
pédagogiques à l’appui, quelles sont les compétences à
construire et à mobiliser.
Il redéfinit ainsi l’identité professionnelle d’un enseignant
d’histoire-géographie dans sa complexité et son appartenance
à une communauté éducative. Plus de vingt focus viennent
donner des éclairages pratiques.
Jean-Jacques Claude est professeur d’histoire-géographie et
d’enseignement moral et civique dans un collège de l’académie
de Toulouse.
Laurence Marion est personnel de direction d’un collège de
l’académie de Montpellier.
Cet ouvrage existe en version imprimée.
ISSN 2416-6448
ISBN 978-2-240-04510-2
Réf. W0004205
M A Î T R I S E R
MAÎTRISER
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